mercredi 23 septembre 2020

"Staged Night" : Simon Steen Andersen, trublion indiscipliné ! Mises à jour !

 


Johann Sebastian Bach

(tiré de Ich habe genug BWV 82)


Robert Schumann

(tiré de Kinderszenen, op.15)


Wolfgang Amadeus Mozart

(tiré de Die Zauberflöte K620)


Maurice Ravel
Scarbo (1908)

(tiré de Gaspard de la nuit)


ensemble ascolta

"Intermezzi": Aperghis : entremets, entr'acte ! Fracas sans perte ! !

 



Intermezzi nouvelle version (2019-2020)
création française 
"Georges Aperghis fait son retour à Musica et sur les planches du TNS avec une pièce pleine de surprises. Plus qu’un concert, Intermezzi est une suite d’actions instrumentales, doublée d’un portrait de l’ensemble Musikfabrik. Les musiciens ont « posé » devant le compositeur, qui a ainsi croqué leurs visions, centres d’intérêt et comportements. Il en résulte une collection de situations hétérogènes, façonnées par les idiomes de chacun — mise en scène des corps, des voix et des instruments. Pourquoi le genre de l’« intermezzo », pièce musicale de transition souvent marginale dans les grands ouvrages ? Réponse de l’intéressé, que l’aspect chaotique des choses a toujours fasciné : « Parce qu’il n’y a pas de propos. Que de l’entre-deux, que des parenthèses. » 
 

Un percussionniste, deux pianistes, huit instruments à vent pour cinq "cordes"....Une joyeuse bataille rangée va s'en suite à armes inégales, combat singulier dont l'issue sera fatale à la convention, à l'ordre, au maintien, à la rigueur de la composition rigide de certaines oeuvres contemporaines...Aperghis en diable, auteur, metteur en scène de bien des pièces théâtralisée refait surface ici et laisse place aux instruments personnalisés où les corps des interprètes ne font plus qu'un avec leur instrument, ou le "choeur" de chambre résonne à l'unisson d'un projet "collectif" concentré sur l'unicité de chacun. Rare démarche où la contrebasse se fait rageuse, colérique en prolongation de l'étoffe du musicien. Ou le trombone, le clairon oeuvrent , embouchures bavardes faisant sourdre le son-voix-souffle comme des entités sonores inédites, vivantes, charnelles, organiques.Une épinette délicate, une guitare aussi, des soupirs embouchés pour se faire une renommée dans ce chaos où chacun lève la tête pour mieux respirer le bonheur de "jouer". Jouer à la complicité, la concurrence des timbres, des volumes, créant capharnaüm, fatras et autre grand bazar salvateur. Les cordes s'emballent, survivent, les vents se déchainent dans des sur-aigus de timbres, alors que le rythme d'ensemble, très contrasté, oscille entre ténu et rocambolesques volutes sonores. Joyeux tintamarre collectif, sens-dessus-dessous à la Raymond Devos ou Jacques Prévert, le "verbe", le vers musical d'Aperghis fait mouche et la pêche est miraculeuse. Rien au hasard alors que les apparences de ce bon désordre sont trompeuses. Un solo de piano, alerte, met le feu aux poudres, des sifflets, des sirènes suggèrent un fil narrateur à s'inventer. Kung-fu de la contrebasse en combat avec les percussions tirées par des ficelles par l'interprète ganté à l'établi de ce clocher de pacotille. Un vrai spectacle, théâtralisé finement par le jeu des artistes sur le plateau, en position frontale puis divaguant de pupitre en pupitre histoire de semer la zizanie, de prendre la place de l'autre!. En assemblée bruissante qui cause, bavarde, foisonnante. Une expérience de sons, visuels dans la composition, cor et trombone, contrebasse et percussions, magnifiées par une écriture frisant le burlesque, le comique léger d'un Tati de la musique d'aujourd'hui: un "trafic" dense, chatoyant, bigarré, ludique où la signature de l'auteur surprend, varie, s'invente à chaque saynète créée devant nous. Bonheur assuré, joie et verve où chacun sort de ses gonds, "dégenré", déboussolé par ce trublion iconoclaste de la poésie sonore.

"Georges Aperghis fait son retour à Musica et sur les planches du TNS avec une pièce pleine de surprises. Plus qu’un concert, Intermezzi est une suite d’actions instrumentales, doublée d’un portrait de l’ensemble Musikfabrik. Les musiciens ont « posé » devant le compositeur, qui a ainsi croqué leurs visions, centres d’intérêt et comportements. Il en résulte une collection de situations hétérogènes, façonnées par les idiomes de chacun — mise en scène des corps, des voix et des instruments. Pourquoi le genre de l’« intermezzo », pièce musicale de transition souvent marginale dans les grands ouvrages ? Réponse de l’intéressé, que l’aspect chaotique des choses a toujours fasciné : « Parce qu’il n’y a pas de propos. Que de l’entre-deux, que des parenthèses. »

lundi 21 septembre 2020

Le GRM, Les Métaboles : "atmosphère, atmosphère, j'ai une oreille d'atmosphère?

 

Musica aux Dominicains

Philippe Carson
Turmac (1961) 
C'est à cette œuvre d'entamer le concert dans le cloître des dominicains, judicieusement parsemé de sièges sur la pelouse:des sonorités de train, des sons industriels, trousseau de clef,? scie, roulements, vrombissements qui tournent semblent être à la source de cet ensemble compacté, dense et solide. Des gravas qui se décomposent se déversent, en répétitions obsessionnelles.... Toute une "atmosphère" ! 

Bernard Parmegiani
Des salves en écho dans un tunnel,  des fusées de feu d'artifice: ça fuse, ça éclabousse allègrement! En aspirations, envols furtifs, tout un monde minéral et animal est évoqué, en secret dans l'intimé d'un son frisson comme des traces anciennes laissées par des générations en couches, en strates ou palimpseste savant. Quelques monstres aériens, de BD, de science Fiction-friction, font surface dans un univers cosmique. Des accidents aussi, débris de chantier qui se déversent, machines de guerre ou tanks, hélicoptères...Des sons de sabres tranchants dans l'air opaque à la conquête d'un espace vierge qui se rompt. Des bruitages de jeu vidéo.... Bref, un grand fatras de bruits et de fureur, conglomérat industriel, empilement de résonances, de fréquences, de timbres désordonnés. Comme des bombardements, une menace, un danger qui nous frôle via les enceintes rouges rondes, les globes blancs perchés sur pieds de cigogne qui meublent l'espace et font sourdre sons et bruits triturés par l'électro-acoustique des œuvres présentées.
 
 Ivo Malec
Recitativo (1980) 
Des grillons par un beau soir d'été sur la pelouse des Dominicains... Ou des orgues lointaines de foire, des sons timbrés, zinc ou métal précieux, tôles froissées... Les sons stridents s'amplifient, linéaires, en continu, en fréquences permanentes. Un gong fracture le tout, rupture dans cet alignement musical parfait. Des oiseaux, des carillons de clocher pour des vibrations claires, tintinnabulantes.
 
 


Karlheinz Stockhausen
Stimmung (1968) 
Ré-écouter la pièce au sein de la grande nef des Dominicains, n'a plus aucune commune mesure avec la même œuvre présentée dans le Hall Rhin du PMC : la configuration frontale, l'ampleur et le volume de la nef font résonner, amplifient tous les sons qui se révèlent d'une richesse inouïe et le chef d’œuvre vocal interprété par les voix si empreintes de mysticisme, de recueillement et de ferveur, embarquent dans un voyage cosmique spirituel ou profane, païen ou votif à l'envi.

Luc Ferrari
L'auteur se glisse dans les interstices du cloître aux éclairages colorés, chaleureux comme des ondes de choc qui se désagrègent en déroulés de heurts, de fractures, de ruptures tectoniques viscérales. Comme dans un jeu de billard, tout est choc précis, directionnel, performant, cible visée par l'électro acoustique de façon magistrale. Un juke-box capricieux mais efficace dont toutes les lumières s'allument à l'unisson pour provoquer fracas et désordre de bon aloi ! 

 
Michèle Bokanowski
Rhapsodia (2018) 
Voici une dimension cinématographique du son pour clore dans le cloitre inondé de lumières mouvantes, cette soirée estivale de musique électro-acoustique.
Large spectre sonore, étirement des sons en suspension dans un tempo soutenu. En nappes et couches sonores pour créer de la matière dense et riche de résonances. L'amplitude qui se déploie au rythme régulier d'une machinerie qui s'emballe, fait office de leitmotiv, enluminure sensible d'une pièce aux contours généreux. Les rotatives s'emballent, machinerie infernale d'un film de fiction, monté en séquences rapides ou linéaires. Philippe Dao, aux consoles du GRM toujours à l’affût des œuvres complexes. Absorbée par des lumières évanescentes sur les ogives du cloître, prolongée par cette "ambiance", "stimmung" de référence l'opus de Michèle Bokanowski dont on connait également le  compagnonnage de compositrice auprès du plasticien-vidéaste du cru, Robert Cahen, pour sa vidéo danse "solo", chorégraphiée et interprétée par Bernardo Montet fait office d'épilogue de cette soirée mémorable.