première partie : Music for Piano with Slow Sweep Pure Wave Oscillators XL (2020)
C'est dans le choeur de St Paul, éclairé de violet et rouge qu'un piano à queue va égrener note après note, touche sur touche, une sorte de mélopée curieuse sur fond de nappe sonore électroacoustique, tendue, plane, horizontale, couche à la lente résonance enivrante... Le pianiste, inspiré, les yeux levés au ciel, médite, avance pas à pas.Dans une solennelle démarche : des enjambées d'octave, franchissement de la ligne du son sans heurt ni éclat, saute mouton de gammes, de fréquences dérangeantes.Les hauteurs font contraste face à cette durée lancinante de fond. Dans un immense paysage vierge, plat pays, un homme danse, seul, silhouette miniature dans une vaste perspective fuyante... Qi qong, tai chi chuan musical, progressif, harmonieux, libre, lié, linéaire, sans scission ni fracture, sans rupture: toujours aligné sur les lignes d'horizon variable.
piano Nicolas Horvath
deuxième partie : Criss-Cross (2013)
Deux consoles, qui se répondent en tuilage, manipulées, manoeuvrées par d'ingénieux ingénieurs du son, lancinantes projections sonores de timbres égaux: ondes au ralenti qui s'épuisent ou s'emballent et viennent échouer au final sur la plage inondée de tissus sonores recouvrant la surface de l'audition.
Glacier (2001)
Un violoncelle acoustique se dissimule derrière un baptistère: pour mieux occulter aux regards les gestes virtuoses de l'interprète qui glisse son archet, longues rumeurs, plaintes stables, tenues, maitrisées... Une alarme continue, languissante pour cet archet qui va et vient, périlleux exercice de haute voltige, sans faille, sans discontinuité. Le tympan s'habitue à cette fausse mécanique sempiternelle mélodie familière des fréquences qui laissent leurs traces en rémanence comme des échos qui s'empilent, s'amoncellent dans la mémoire immédiate de l'audition. Dérapages dans les tonalités parfois, le son s'allonge, s'étire comme un vol d'avion dans le ciel se dissout et disparait, effacé par le passage du vent, du temps suspendu..
V (2018)
De profondes vibrartons se font sentir qui parcourent le sol, les corps assis ou allongés des auditeurs.Dérangeantes, fréquences souterraines. Une ambiance, une atmosphère secrète s'en dégage, l'univers s'ouvre et se construit, monocorde, s"datif, reposant Des tressaillements sillonnent pourtant cette masse sonore égale, répétitive: le son tenu, porté, maintenu, soutenu à bout d'archet: tous les interprètes affichent des visages sérieux, concentrés à l'extrême pour cette cérémonie longue descente de fleuve tranquille sur embarcation bien dirigée. Durée et continuité au chapitre pour créer ce magma opaque qui flotte dans l'éther: des sirènes mugissent, comme le son d'une corne le soir, amarrée au port, sur la surface quasi immobile de la mer. Montante pourtant, infiniment soulevée par les ondes qui la traversent. Les sonorités enveloppent, enrobent, frôlent, se glissent parmi les spectateurs et viennent mourir sur la berge.
Fugue, fuite suite en tenue de soirée, longue traine d'une robe du soir pour prolonger l'écoute apolliniennes, voire dionysiaque de ces oeuvres.
guitare électrique Stephen O'Malley, Oren Ambarchi
violoncelle Charles Curtis