dimanche 4 octobre 2020

Concert de Cloture" n° 3 Musica : la preuve pas six ! ou le banquet des chefs- cheffes !


Pour la première fois, une douzaine de formations musicales strasbourgeoises se réunissent pour clore Musica et lancer leurs saisons.

Les Percussions de Strasbourg
Mátyás Wettl Nocturne pour 4 percussionnistes (2017)

Il faut le voir pour y croire: des lampes de chevet dépareillées, d'occasion, deviennent source sonore lumineuse d'un savant jeu d'interrupteurs l Cliquetis des engins, comme sons inédits, zapateado de flamenco qui frappent et résonnent comme des claquettes: de dance floor lumineux qui obéit à une stricte loi du rythme et qui déclenche des ondes lumineuses, lignes, interruptions comme les bandes défilantes des commerces ou des guirlandes de Noël synchronisées. Lampions de guinguettes ludiques pour guincher avec humour et inventivité.C'est magnifique et inédit et les quatre musiciens  de jouer ce concours de frappe de machine à écrire, de sténo-dactylo avec aisance, malice et précision!Du morse lumineux de toute beauté !

6 interprètes de différentes formations
Francesco Filidei I Funerali dell’Anarchico Serantini pour six interprètes (2006)

Surprise de voir à table, six "chefs" d'ensembles réunis à l'occasion de cette "cène" à six, table de banquet des chefs et cheffes: une oeuvre chorégraphique qui fait appel aux gestes, aux percussions de table, aux attitudes, postures et mimiques dignes d'un film muet, ou d'une photographie de David Lachapelle:! Alignés, hommes et femmes troncs nous régalent de pauses, gestes, grimaces qui rappellent qu'ils savent tout faire en matière de création sonore: des musiciens sans instrument, hormis le principal: le corps.Souffles de vent après un long silence scrutateur, mouvements directionnels d'interprètes polyvalents, coordonnés, unis pour une saynète biblique, partage d'un festin sonore en bonne "compagnie" -le cum-panis- de tout collectif.

L’Imaginaire + Ensemble Linea + Les Percussions de Strasbourg + Voix de Stras’ + AxisModula + Quatuor Adastra

Initiative commentée plus tard par Jean Philippe Wurtz de l'Ensemble Linéa:  fédérer les talents pour la rencontre, les métissages et bien d'autres choses encore à découvrir ensemble et jamais de façon opportuniste, racoleuse ou démagogique: les forces vives "locales" en figure de proue et tête de gondole de ces deux soirées de clôture ! Puis lesoeuvres s'enchainent, on se prend à rêver, écouter ce creuset de talents ici réunis judicieusement pour faire "avancer" les choses, créer du lien, du sens. Au tour de 

L’Imaginaire + Ensemble Linea + Les Percussions de Strasbourg
Yu Kuwabara In Between pour saxophone, piano préparé et percussions (2018), puis

Ensemble Linea
Agata Zubel Friction pour trompette, trombone et tuba (2020) — création mondiale 

Trois instruments à vent, tous plus beaux les uns que les autres: trombone à coulisse, tuba et trompette, en répliques drolatiques et fertiles en surprises sonores: ponctuations, arrêts de souffle, comique de répétition au menu tel des shadocks en dérive sur une planète pleine de gibis incongrus!

Voix de Stras’
Georges Aperghis Quatuor II pour voix de femmes, extrait de Strasbourg Instantanés (1998)

Belle oeuvre pour ce "choeur" de femmes, étonnées qui soupirent avec délice, malice et beaucoup de talents de comédiennes. Créée sur mesure cette pièce, taillée pour leurs épaules, se fait légende et archive vivante de la résidence du célèbre trublion du théâtre musical ! 

Encore quelques pièces et l'on goute à la diversité avec interet, plaisir et étonnement!

L’Imaginaire
Fernando Garnero Ragtime pour flûte, saxophone, piano et électronique (2015) — commande Radio France pour Alla Breve

Collectif
Francesco Filidei Finito ogni gesto pour flûte, clarinette, cor, percussions, violon et violoncelle (2008)

samedi 3 octobre 2020

"Inter Color et AxisModula: concert de cloture n° 2" Musica : du sur "paroles" bien mesuré !


Intercolor + AxisModula

Pour la première fois, une douzaine de formations musicales strasbourgeoises se réunissent pour clore Musica et lancer leurs saisons. À 17h, toujours au Temple Neuf les deux jeunes ensembles Intercolor et AxisModula, pour la première fois à Musica se réunissent pour présenter un programme commun.

Ce programme sera dense et oh combien fertile qui démarre par un Aperghis, parlé, chanté, murmuré par voix de maitre de Sarah Brabo, voix mûre, exprimant tous les facéties de la partition, des intonations, des intentions du compositeur. Contrastes, modulations dans de beaux aigus, charnels et habités, pleins et vivants. Piano, grosse caisse et instruments malins pour border cette interprétation mutine, coquine, malicieuse. Le ton monte et c'est à une manifestation que l'on semble assister: slogans et autres répétitions, piano emballé, voix de chacun qui donne le ton: c'est drôle et bien relevé, anarchique et militant comme on aimerait manifester dans la rue ! En rouge et noir, cuir, moulée, Sarah mène la danse à toute blinde, conteuse, diseuse de bonne aventure, captivante, convaincante. 

Des accents baroques succèdent, interprétés par "la relève", le groupe "INTERCOLOR", cymbalum, accordéon et autres pour une belle basse-danse précieuse, sereine: les mélanges de timbres opèrent, tout semble se confondre solennellement. 

Puis c'est le temps des présentations: deux ensembles qui planchent sur la place de la parole en musique, ça donne de quoi jaser! Et "paroles, paroles" ce ne sera pas du vent que ce très judicieux programme qui  enchaine les pièces, variées, étonnantes du répertoire contemporain et baroque. Un piano solo sous les doigts agiles de Nina pour séduire et marquer le territoire des mots qui alternent avec le jeu du piano: des phrases, monologue qui s'adresse au public alors que son corps s'expose aussi au jeu. La voix humaine comme instrument; les instruments comme voix humaine qui se baladent dans l'immense espace du temple pour reformer le groupe, faire se correspondre les timbres, se marier les ambiances. Les interprètes prenant l'espace des autres de façon délicate sans prise de pouvoir. Lent glissement d'un morceau à l'autre.Du Cage en chaire, du Berbérian, clou du spectacle: il faut voir et entendre Sarah Brado dans ce morceau de bravoure:voix de loup, femme bilboquet qui fuse, croasse, craquète, grogne, gronde....Mutine, animale, pince sans rire, comédienne, versatile en diable dans ces rôles, attitudes, postures multiples qui se succèdent et traversent son corps. Gamme complète des impressions et habitudes sociales: tétanie, folie, passion qui beugle, aboie, coasse: de la haute voltige !

 Du bien être de la Renaissance à l'ultra contemporain, le métissage opère, les alliances comme de bons cépages se font, divines et ce festin de Babette aux interludes, entremets improvisés, régale et nourrit de saveurs et fragrances sonores le public: lui même convier au rude exercice de l'improvisation à partir d'une partition "écrite" "Les deux vitesses": verticalité et horizontalité des gestes et sons au menu comme consigne pour une joyeuse création collective participative! 

Générosité et talent de mise pour ce programme qui promet de belles carrière aux unes et aux autres!

Programme

AxisModula
George Aperghis — Il gigante Golia pour soprano, piano, clarinette et percussions (1975)

Ensemble Intercolor
Carlo Gesualdo — Moro, lasso, al mio duolo pour cymbalum, violon, accordéon, saxophone et clarinette (1611)

AxisModula
Brian Ferneyhough — Opus Contra Naturam (2000)

Ensemble Intercolor
Mogens Christensen — Folia for five pour cymbalum, violon, clarinette, accordéon et saxophone (2019)

Collectif
improvisation

AxisModula
Lansing D. McLoskey — Theft pour piano (2011)

Collectif
John Cage — A chant with claps pour voix et battements de main (1940)

Ensemble Intercolor
György Ligeti — Cuckoo in the Pear-Tree pour cymbalum, violon, clarinette, accordéon et saxophone (1988-1993)

AxisModula
Cathy Berberian — Stripsody pour voix seule (1966)

Ensemble Intercolor
Tamara Miller — Hendiduras friccionantes pour cymbalum, violon, clarinette, accordéon et saxophone (2020) — création mondiale

Collectif  
Michelle Agnès Magalhães — Les Deux Vitesses performance participative

"Concert de cloture" de Musica: Accroche Note et Quatuor Adastra ! La splendeur des interprètes, la beauté de la composition!


Pour la première fois, une douzaine de formations musicales strasbourgeoises se réunissent pour clore Musica et lancer leurs saisons. Accroche Note et le Quatuor Adastra ouvrent le bal de cette journée en l'Église du Temple Neuf.

Qu 'il fait bon les retrouver "nos" ensembles de musique contemporaine ! Alors en avant pour "une folle journée" de créations et de découverte .

Accroche Note
Jiwon Seo — Eon 3m, oq pour voix et électronique (2020) — création mondiale

C'est la gracile et douce Françoise Kubler que l'on retrouve, robe longue noire, en chaussures "plates" !Une chambre d'écho magnifie en direct tous ses éclats et variations multiples de voix pulsée, éructée.Langue, lèvres gorge déployée, en émoi: elle annone, susurre, balbutie au micro, butine les notes  en babils, les consonnes sonnantes, les raclures, les chuchotements convoqués pour un royal chaos Vocalises et phonation au menu de cette pièce courte et franchement séduisante et convaincante. Elle bégaie en éclats lyriques, acrobaties vocales de trapéziste.Un texte narratif s'empare de ses lèvres: terribles histoires abracadabrantesques, dans des pépiements, telle une fée maléfique: un "miroir" semble la hanter: cet univers ravageur, apocalyptique de morts-vivants fait mouche; des cris délirants, déchirants d'horreur pour satisfaire notre curiosité en alerte.Françoise Kubler, à l'aise dans cette voltige, brève et coup de poing.La compositrice, tout de blanc vêtue, salue de concert, dans toute sa simplicité (qui n'a qu'un pli).


Jonathan Pontier — La théorie du bonhomme ( Continu-disContinu I ) pour clarinette et soprano (2020) — création mondiale

Un duo complice, dans la malice des sourires que s'adressent les deux "phénomènes", créateurs de l'Accroche Note. Lente plainte de la clarinette, onomatopée de la chanteuse dans une langue inconnue, étrange. Des attaques vocales franches, des glissades contrôlées: ils dialoguent, se répondent, s'appellent, s'attrapent comme Daphnis et Chloé, bergers de l'écho: ils s'interpellent comme deux oiseaux volages, inaccessibles; la superbe acoustique du lieu réverbérant les sonorités, épousant les contrastes des timbres et des hauteurs. Gaie, enjouée, la pièce, minutieuse, pleine de souffle, zézaie, pépie, roucoule, alerte, vive, plaisante, à l'image de ces deux interprètes si riches: l'empathie fonctionne et le compositeur, lui aussi de "couleurs" sonores vêtu, vient honorer le public de sa présence!


Rebecca Saunders — Metal bottle necks study pour guitare électrique (2018)

Un solo de guitare, très inspiré, l'interprète Rémy Reber, tel une Madone à l'enfant, concentré sur son instrument,son jeu. Des déchirements prolongés, récurrents de sons fracassants, griffés à même les cordes dans un magnifique doigté, générateur de petits miracles. Des effets de ventilation, des jeux de mains, glissés, hachés, très contrastés, modulés font effet de surprise.Une belle présence, brève mais forte et puissante;

 


Augustin Braud — Nocturnes pour voix, clarinette-contrebasse, guitare électrique et piano — création mondiale

Françoise Kubler reprend le flambeau en lente mélopée, bordée par les trois autres compères: alanguie, sereine, litanie nostalgique, "sprechgesang" très baudelairien, quasi inspiré des ambiances de la pure mélodie française... Le guitariste, une fois de plus,  physiquement habité par ses propos sonores Profondeur sombre, bizarre d'agonie, de mort dans une diction parfaite, la pièce suit son cour, hypnotisante.

Pause

Quatuor Adastra
Charles-David Wajnberg — Stoa pour quatuor à cordes (2020) — création mondiale 

Ils prennent le relais, en formation de musique de chambre, quatre cordes en harmonie dans mesures et durées communes qui s'étirent lascives, rêveuses, lointaines. Nostalgiques ou mélancoliques intonations, minutie des enluminures sonores ou tempétueuses au chapitre. Tendre et belle musique bien "chambrée", secrète, ténue, discrète présence aux oreilles de chacun des auditeurs. Puis ils se déplacent aux pupitres, se dispersent dans l'espace pour laisser seule la violoncelliste, grave, recueillie. Les autres en fond de temple magnifient l'espace sonore, traversent la nef de leurs ondes et laissent "mourir" les dernières notes sous l'archet suspendu de l'artiste.

Accroche Note + Quatuor Adastra
Kaija Saariaho — Figura pour clarinette solo, piano et quatuor à cordes (2016)

Au final, un beau cadeau : six interprètes, cordes, piano, clarinette: ça vibre d'emblée sous le souffle de Armand Angster qui semble ainsi mener le bal dans une fantasque ambiance bigarrée. Ondes, flux, flots de sonorités maintenues dans un rythme relevé, serré. Décisif. Plein de couleurs et de tonalités, précipité du piano qui se propage aux autres, sympathie entre eux, course et concurrence aux sons pour satisfaire une écriture musclée, tonique. A l'assaut du "splendide", du rayonnant, du beau ! Dans un train d'enfer vertigineux, la tension, la course folle atteint son apogée au zénith de sons mêlés, diffractés aussi. Le calme revient, suspicieux, suspect....Attente, reprise, on est en alerte, on retient son souffle. La clarinette, pièce maitresse du jeu engendre accalmie, puis reprend sa course crescendo. Les bercements, balancements qui l'emportent soulèvent et déposent les auditeurs au paradis du sensible

Ce concert phare inaugure une journée palpitante...

Accroche Note + Quatuor Adastra