samedi 16 octobre 2021

"En vert et contre tousse" ! Vert tu oses ! Ca dépote et rempote et ça varie pour les fans de carottes à la Choucroute qui rit!

 


Emmenée par Roger Siffer, la troupe de la revue de la Chouc’ piaffe d’impatience pour retrouver enfin son public. Photo L’Alsace /Jean-Marc LOOS
Après l’énorme et interplanétaire succès de la revue « En Marche Attacks !!! » hélas arrêtée de plein fouet par « en masque attaque », la 27e revue de la Chouc’ se moquera de tout et de tout le monde. Elle passera à la moulinette les politiques locaux, parodiera toujours les Lorrains, le Racing, « Chilibébert » de Colmar, elle parlera de la crise sanitaire, de l’écologie et caricaturera l’actualité marquante de l’année. Elle n’oubliera pas non plus d’égratigner au passage quelques phénomènes de société. Bien sûr ça va chanter, danser, « sketcher » et surtout rigoler !

« On est moins portés sur le Covid. Bien sûr, quand on préparait l’édition de 2020, on était en plein dedans. Cela s’était forcément ressenti dans l’écriture du spectacle. Là, pour la revue de cette année, on a repris les choses en main. Il y a bien un tiers du contenu qui est nouveau… », observe Roger Siffer.



On n'oublie pas de passer au sanitaire pour un petit pissou et c'est parti pour deux heures de franche verve virale bien contagieuse dans ce petit théâtre  de légende!Un petit jingle rituel en prologue, préambule ou générique, et c'est parti pour suivre les bons mots de Roger Siffer sur les "vacances forcées" dans le beau Val de Villé durant la crise sanitaire. En gilet-plastron de jungle, le voici Tarzan appelant sa "Jeanne", et gagnant la mer-maire- pour séjour balnéaire en Alsace: un peu "démontée" à la Devos! Le ton est donné: ce sera sarcastique, jamais méchant, satirique et jamais caricatural.Du "cabaret" en français dans la petite salle de la Choucrouterie. Allégresse verte il s'en faut car c'est de nouveau ou-vert! Dans un mouchoir de poche, le vert-tige des mots, des corps en mouvements, des blagues, aparté et autres formes linguistiques alléchantes comme de la langue de chat, pas de bois! Arracher aussi "la mauvaise herbe politique" sur les plates bandes de l'humour et de la distanciation.Démasqués d'emblée, les voici affublés de "masques" sur fond de boléro "Que sas, que sas" et on saute sur les saynètes suivantes: une croustillante évocation du genre dégenré avec les "épicènes" et points médians qui agacent et trompent énormément: c'est Magalie Ehlinger qui s'y colle et fait ici sa première apparition à vue dans la troupe de la Chouc: pour un coup d'essai, un coup de maitre- maitresse!Sur fond de "Je ne suis pas parisienne, ça me gêne"(Marie Paule Belle), la voici habitée par le verbe fou, paroles et prosodies au top sur un rythme soutenu, danse et gestuelle précise, petits silences ou apnée au poil pour plus d'impact!L'écriture "inclusive" ça braille énormément!Un french cancan de circonstance avec tous les tissus et oripeaux qu'elle enfile comme parure et frou-frou.Belle présence et efficacité d'un jeu taillé sur mesure.Pour la cause des animaux, suit une diatribe à califourchon sur un cheval à trois: chez le boucher-bouché de la feuille, c'est l'éloge du végétarisme tari par un désir de viande de cheval que l'on va monter à "cru" pour mieux assouvir son désir de chair saignante: en vert et contre tout les "grüns" du coin....Des flics au parloir pour titiller la peau lisse des agents de sécurité acculés à masquer les soupçonnés pour mieux les reconnaitre devant une mamie confondue -excellente Suzanne Mayer-. Et les comédiens de courir d'une salle à l'autre dans des performances scéniques sidérantes et bien rythmées....Des flics hors la loi, (Sébastien Bizzotto et Arthur Gander très attachants et drôles: le vert est dans le fruit et le piano fait son William Sheller avec brio (Jean René Mourot) au clavier.Trois marionnettes pour les guignols de l'info et des élections, judicieusement manipulables proies de la bêtise et de l'opportunisme, pour relever le tout en pantins désarticulés...Polis petits chiens, polichinelles et hommes de paille à souhait."J'ai vu l'amer -la maire-avec ou sans citron redira" Roger....Échafaudage social pour clou du spectacle: les deux compères, apprenti et chef de chantier sur l'échelle sociale - ou échelle du ciel- pour les hydro-alcooliques en herbe.Il faut oser -Joséphine-et voici Delphine avec sa mélodie "Sucettes à l'anis" pour une cuisine sexy-végan et flamme-couche,
tout en vers, texte joyeux et allusif, à l'image des paroles des autres chansons construites sur des bases rythmique rhétoriques à point nommé. Élocution et gestuelle toujours aux petits oignons de Magalie Ehlinger, conduite par le regard acéré de la chorégraphe nouvelle recrue de bon aloi, Charlotte Dambach, précieuse détecteur-trisse de talents corporels! Sans parler des chasseurs qui soulèvent des lièvres dans le reportage flambant de Madame Marcassin, en proie à des affuts de chasse gardée tonitruante Excellente prestation télévisuelle, cadrée pour le petit écran noir  de cette nuit blanche!"Désinfectez-moi" sur l'air de Juliette Gréco pour un retour au virus variant, variation comique sur le confinement en quatre portraits cinglants, les paris d'une conseillère bancaire qui ne fait pas crédit: le variant a varié-avarié- sur l'air de Boby Lapointe "Ta Katie t'a quitté" et l'on arrête l'inventaire à la pré vert quand les polis petits chiens Jean Philippe Vetter et Elsa Schalck se pointent les pieds tanqués devant le cochonnet...Le tout slamé, swingué. Vous en reprendrez bien avec la Sainte Trinité: le père, le fils et le maire de Colmar pour les simples d'esprit dont Jean Pierre Schlagg très en forme-mon père et ses verts-. Les quatre maisons de Vivaldi, dansées comme des miniatures grotesques de style de danse: un roi Soleil trop drôle: Guy Riss quand il n'est pas Gilbert Meyer est aussi très bon arpenteur danseur classique sautillant, baroque en basse cour et basse-danse comique de l'arène -la Reine-!Un peu de Fessenheim pour mieux tousser en choeur et c'est l'épilogue rituel: "cassez-vous" un mouchoir vert à la main, à l'eucalyptus pour chacun des spectateurs.On en ressort pas "empotés" ni déracinés, plutôt pour la diversité culturelle et verbale, musicale et spirituelle, toujours au rendez vous de cette revue et corrigée qui dépote.Et ça danse, danse, danse en slam et autre vire-langue et calembours, jeux de mots bien trempés -Lauranne Sz- dans le champ-chant- textuel fort réussi!

 

Textes : Équipe de la Chouc’ Mise en scène : Céline D’Aboukir

Chorégraphie : Charlotte Dambach  Focus sur une nouvelle arrivante!

 


A presque 35 ans Charlotte embrasse une jolie carrière de danseuse interprète.De la danse classique au Conservatoire de Strasbourg, à la danse "voltige",danseuse aérienne avec Brigitte Morel (Motus Modules), avec la compagnie Lilou, artiste dans l'espace hippique de Richard Caquelin (Euridess), et surtout fidèle à son compagnonnage de "figuration intelligente" dans les œuvres lyriques d'Olivier Py -"Manon", "Salomé","Pénélope". Lucindas Childs comme passage contemporain à l'Opéra du Rhin...Et la voici chorégraphe de la nouvelle revue. Une expérience unique que de faire bouger et respirer la bande de la Chouc.....Il faut dire que,experte en "Ashtanga Yoga Mysore", elle sait faire passer les bonnes ondes et les énergies aux bons endroits!Le sens du détail et du rythme adapté a chacun et pour les unissons tournoyantes de la tribu.


Distribution Piano : Jean-René Mourot ouThomas Valentin ou Sébastien Vallé
Avec : Sébastien Bizzotto, Magalie Ehlinger, Arthur Gander, Bénédicte Keck, Susanne Mayer, Nathalie Muller, Guy Riss, Jean-Pierre Schlagg, Roger Siffer et Lauranne Sz
Lumières : Cyrille Siffer
Scénographie/costumes/accessoires : Carole Deltenre, Marie Storup et leur équipe
Production : APCA-Théâtre de la Choucrouterie


du vendredi 15 octobre 2021au dimanche 20 mars 2022

 

jeudi 14 octobre 2021

"Lamenta" : balkaniques bacchanales !


 "Lamenta" de Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen: perte et retrouvailles

Une fois de plus l'être ensemble dans une communauté fait office de pré-texte, de pré-mouvement issu de la culture populaire grecque. A partir de l'étude approfondie du "miroloi" de l'Epire, danse ancestrale qui évoquent le départ, la perte et l'absence.La terre, les racines, la nostalgie y sont convoquées sur une musique lancinante, chants de lamentation. Une danse incarnée, faite de rituels pour se reconstruire dans le groupe!Résonances qui se retrouvent sur le plateau, ici et maintenant pour une transposition contemporaine de toute beauté, les costumes y ajoutant des touches de couleurs virevoltantes.Un marathon de danse fusionnelle entre les corps sur le plateau nu, danse "étrangère" à la culture des deux chorégraphes, auscultée avec respect, pertinence.S'emparer d'un matériau existant pour le modeler, le transmettre et interroger la notion d'héritage, voilà le propos très convaincant de cette démarche artistique . La danse y est fulgurante, hypnotique, performante, fougueuse Folie, sorcellerie à l'appui pour se perdre dans l'épuisement, le don de soi, la perte.Être ensemble pour se tenir debout, faire la ronde ou dévoiler sa virtuosité en solo, tout concourt ici à la vision d'une certaine utopie de la communauté retrouvée Du moins, celle des danseurs arpentant le plateau à l'envi.

présenté avec POLE-SUD, CDCN au Maillon jusqu'au 15 OCTOBRE



La séparation est une expérience quotidienne : parfois on s’éloigne de quelqu’un pour écrire un nouveau chapitre, parce qu’une famille est fondée, parce que miroite, au loin, la possibilité d’une autre vie. La mort aussi vient nous séparer.

Mais les rites sociaux qui nous permettent de donner un langage commun à nos émotions sont de plus en plus rares. Le Miroloi, en Grèce, réunit la musique et la danse en une plainte qui donne forme à la douleur tout en tentant de l’apaiser. Le son doux des clarinettes et un rythme ralenti constituent un héritage des Balkans dont les chorégraphes Koen Augustijnen et Rosalba Torres Guerrero s’emparent avec les codes de la danse contemporaine. Comment le corps traduit-il en mouvements une émotion intérieure ? Neuf danseuses et danseurs venus de différentes régions de Grèce accompagnent les deux artistes, à la recherche d’une dynamique interculturelle qui conjuguerait la tradition et le présent, l’intuition et l’intellect, le rite et le quotidien.

Dans le cadre du FOCUS "Grèce : un certain regard" du 5 au 15 octobre 2021.

 

mercredi 13 octobre 2021

"Condor": "un lance flamme dans un lac gelé"!

 


Le titre de la pièce de Frédéric Vossier fait référence à l’opération Condor : en 1975, les dictatures d’Amérique latine scellent une alliance secrète visant à l’anéantissement de toute subversion ou révolte potentielle, incarnées principalement par les mouvements ouvriers. Tortures, assassinats, seront la réponse au désir d’émancipation. Quarante ans plus tard, une femme appelle un homme au téléphone. Dès les premiers mots, on sait qu’ils se sont connus intimement. Que peut-on se dire après si longtemps ? Anne Théron met en scène une nuit de confrontation où ces deux personnages appartenant à des univers antagonistes vont se retrouver. Elle était du côté des opposant·e·s, lui a probablement été un bourreau…

Il fait sombre et l'atmosphère est froide et glaciale au cœur de ce bunker de béton armé, symbole d'enfermement, de claustration, de violence faite à la liberté de mouvement. Prison de l'esprit torturé des deux protagonistes. Le téléphone les fait se rejoindre, se retrouver: elle est au dessus de lui sur le ponton près d'un arbre. Il est dans son "garage" gris et froid, vide sans objet, ni meuble. Les questions se posent, les constatations pleines de suspicion, de doute, d'esprit de rancune et revanche. Elle souffre, traumatisée, prisonnière de troubles qui se manifestent par des salves d'images violentes, lumineuses comme une torture physique et morale, sortie de ce sac qu'elle tient serré sur son corps meurtri, recroquevillé. Avec elle, cet homme, partenaire ce soir là, cette nuit là, pour partager des moments cruels, menaçants où fusil, couteau sont fantasmes ou rêves cauchemardesques...Le trauma, "colonne vertébrale" de ce qu'écrit Frédéric Vossier est inscrit dans les corps des deux comédiens: Mireille Herbstmeyer et Frédéric Leidgens, tous deux marqués par ces personnages "monstrueux" Gestes précis, millimétrés, micro-chorégraphie des poses et déplacements dont la justesse et le dosage sont l’œuvre de Thierry Thieu Niang, observateur de génie, traceur d'espaces habités, marqueur de territoire dans cette scénographie de l'enfermement. Anne Théron rend ici limpide et visible l'évolution des relations entre victime et bourreau, audacieuse mise en tension entre haut et bas, dégringolade de deux escaliers aux marches inégales, éclairages assombris, oppressant. Tout est juste et glaçant, suffoquant et médusant. La bande son y évoque par passages furtifs, des bruits de porte blindée qui grincent, des univers carcéraux implacables et frémissants d'horreur....Pour une tension tétanisante où jusqu'au bout les personnages se dévoilent, se questionnent, se regardent vieillir avec une touche d'humour noir salace.Des saynètes fondues au noir se succèdent pour mieux se trahir ou travestir une réalité enfouie, ressurgie.

Frédéric Vossier est docteur en philosophie politique et a écrit, depuis 2005, une vingtaine de pièces, dont Ludwig, un roi sur la lune, créée au Festival d’Avignon 2016 par Madeleine Louarn. Il est aussi conseiller artistique au TNS et dirige la revue Parages. La metteure en scène Anne Théron a présenté au TNS en 2015 Ne me touchez pas dont elle est l’autrice et, en 2018, À la trace d’Alexandra Badea. En 2019, dans le cadre du programme Éducation & Proximité, elle a créé À la carabine de Pauline Peyrade.

Au TNS du 13 au 23 Octobre