samedi 23 octobre 2021

"Confluences": carrefour, convergence et divergence pour un "trafic" sonore inédit!


Création musicale transatlantique. Les ensembles en scène : HANATSUmiroir + Proxima Centauri + Paramirabo 

Les compositeurs : Didier Rotella, Rocío Cano Valiño, James O’Callaghan, Sylvain Marty, Maxime McKinley 

"Confluence" est un projet qui rassemble trois ensembles et cinq compositeurs et compositrice autour de la création musicale, d’un côté et de l’autre de l’océan Atlantique. Proxima Centauri à Bordeaux, HANATSUmiroir à Strasbourg et Paramirabo à Montréal se retrouvent sur scène pour la création de cinq œuvres originales, au cœur d’une tournée franco-canadienne. 

 Rocío Cano Valiño :" Okinamaro" pour 14 musiciens - Proxima Centauri, HANATSUmiroir et Paramirabo

Piano, cordes et percussions et son enregistré pour une fusion, des craquements, des crachotements fort engageants dans cette polyphonie démarrant sur les chapeaux de roue!Cinq interprètes pour les vents qui œuvrent au dessus d'une "forêt" de flûtes, dressées au sol en attente. Chaque instrument semble s'introduire en résonance, tuilage et glissades progressives.Un côté "symphonique" se dégage dans cette densité de matières sonores puissantes, en masse et taches, touches expressionnistes L’œuvre se colore, mouvante, étrange, polychrome, en modulations progressives Des parties plus saccadées, en explosion d'éclairs et de machinerie infernale alternent et font respiration, pause et surprises....

 "Vitesses locales" pour 8 musiciens - Proxima Centauri et HANATSUmiroir de Sylvain Marty

 Sept musiciens sur le plateau fabriquent des sons curieux, étranges, isolés les uns des autres.Pour créer une ambiance inattendue venue d'objets sonores incongrus: jeux expérimentaux à la clef du meilleur "effet" de surprise. L'humour se dégageant du jeu des percussions insolites, d'un piano frappeur style pic vert affolé dans les bois et guérets, renfloués par des grincements allusifs. Une ambiance de spectres et fantômes s'en détache, de maison hantée, sur un ton de cartoon très animé, savant et comique.Les sonorités fébriles, nerveuses, toniques, ramassées après l'écoute d'un perlage raffiné.Foldingue prestation multidirectionnelle fort séduisante.

" Immaterial howpour" 14 musiciens - Proxima Centauri, HANATSUmiroir et Paramirabo de James O'Callaghan

"Hétérotrophe" en diable que cette pièce rare qui se nourrit de substances musicales et visuelles inouïes!Une voix off pour exposer le propos et commenter des images de formes hybrides en trois chapitres distincts.Univers, paysages et ambiance insolite renforcée pour la séquence "hungerartist" introduite par des icônes de dentition de chèvres multipliées, images de galerie de musée archéologique, de science fiction débridée, le tout guidé par des mains et doigts de robots en 3D, manipulant des téléphones portables. Mises en abîme, une succession d'images sur les petits écrans, en mutation, déformation constante, métamorphose kafkaïennes, de fœtus .Hallucinantes visions dans une scénographie stupéfiante à souhait...

 "Tumulus-Cumulus" pour 6 musiciens - Paramirabo de Maxime McKinley

Une atmosphère légère et lumineuse se dégage dès les premières "notes": ça tintinnabule au piano et une narration infime se détache, des personnages liés aux sonorités distinctes qui se répondent.Travail d'écriture très fin, minutieux, précis, enchanteur.Des conversations comme convergence ou divergence, orientées vers une marche commune, plus pesante et massive. De petites réactions des instruments en ricochets et répercussions pour enluminures.

 

 "Ravages" pour 14 musiciens - Proxima Centauri, HANATSUmiroir et Paramirabo de Didier Rotella

Très tonique introduction, aussi fine que puissante faite de répercutions et de résonances du piano enregistré en direct.De belles rencontres d'espaces électriques, en fractures tectoniques, en chocs et fracas. Une écriture et composition pointilliste ou en masse compacte, colorée faite de tons distincts ou d'ensembles grouillants... Menaçants.Le ruissellement des sons, en répercussion amplifiées, déformées, malaxées. Un déferlement s'organise à son zénith, apogée sonore virulente.Enrobante, enveloppante, glacée parfois, métallique. Une pièce foisonnante qui s'achève sur un focus de trois percussionnistes déchainés sur une grosse caisse!

Un programme inédit qui atteste du désir de converger, de circuler, de partager de la part des trois ensembles réunis à l'occasion d'une expérience unique, riche d'échanges et de rencontres ...du troisième type!Une odyssée de la création contemporaine sonore, musicale, profonde et variée, inattendue et décapante!Tous les compositeurs-trices- au rendez-vous de cette "première mondiale"!Initiée par Hanatsumiroir, fidèle à son esprit audacieux d'initiative, de recherche et savoir inventer et dessiner de nouveaux territoires d'investigation sonores, visuels, émotionnels...

A la cité de la musique et de la danse à Strasbourg le 23 Octobre

Artistes
Proxima Centauri
Marie-Bernadette Charrier, saxophone
Sylvain Millepied, flûte
Benoit Poly, percussion
Hilomi Sakaguchi, piano
Christophe Havel, électronique
Jean-Pascal Pracht, mise en scène et en lumière

HANATSUmiroir
Ayako Okubo, flûte
Olivier Maurel, percussion
Camille Havel, alto
Raphaël Siefert, lumière

Paramirabo
Jeffrey Stonehouse, flûte
Victor Alibert, clarinette
David Therrien-Brongo, percussion
Daniel Áñez, piano
Hubert Brizard, violon
Viviana Gosselin, violoncelle


mardi 19 octobre 2021

"Abberation": architectonique du blanc dansé.


 Emmanuel Eggermont L’Anthracite France solo création 2020

ABERRATION

Eloge du blanc et de ses promesses, ABERRATION, la nouvelle pièce d’Emmanuel Eggermont se fait onirique. Danse délicate et puissante, costumes et effets optiques réveillent les sensations et conduisent le public comme dans un rêve, vers un nouvel univers aux accents décalés et subtilement absurdes. 


Après Pólis, pièce carbonique et architecturale inspirée des œuvres au noir de Pierre Soulage, Emmanuel Eggermont poursuit sa recherche sur la couleur dans La méthode des phosphènes, puis se consacre au blanc dans ABERRATION. Questionner ses différentes dimensions, notamment symbolique et spirituelle, conduit sa réflexion et son mouvement. Sur scène, ce nouveau terrain d’investigations devient un paysage surprenant où circulent des corps, des objets, des danses tour à tour abstraites ou plus figuratives avec leurs énigmatiques personnages qui traversent l’espace. Pour le chorégraphe, il s’agit de « provoquer une variation de sensations troublantes comme de s’être couché David Bowie et de se réveiller Ziggy Stardust ». Plus profondément, Emmanuel Eggermont cultive un certain sens de l’absurde lié aux aberrations qui régissent le monde comme la vie quotidienne de chacun. Environnement sonore et chorégraphie développent leurs lignes d’écriture en écho à la notion de résilience qui traverse la pièce. Une façon d’interroger par la danse et la création « la capacité de faire face à la perte soudaine de repères et à l’effondrement des certitudes. » Une pièce fascinante tournée vers les perspectives de la reconstruction.   

Deux belles structures de stores blancs à claire-voie, des traces de lumières très géométriques au sol: point, lignes, plans pour délivrer l’icône immobile d'une figure, créature blanche cagoulée, perchée...Un sac dans le dos, il arpente le plateau au ralenti, nonchalant: soulève un lai du tapis et fixe en tension une bande blanche, formant un anticlinal, une courbe de niveau fragile, marquant un territoire inconstant, fébrile.Animal à terre ou albatros échoué à l'envergure immense des bras déployés. Il ouvre l'espace sans cesse, le creuse, le fait apparaitre, en torsions ou directions sagittales en flèches...En vrilles, sur pivots, en pliés discrets, sur demi-pointes élégantes.Emmanuel Eggermont, danseur faunesque, subtil, baroque, épousant une écriture savante du geste dansé. Quelques objets-sculptures accessoires comme une "cornette" ou "cocotte en papier" géante, origami plié ou petit avion de pacotille.Pour mieux créer les formes et attitudes d'un bestiaire fantastique profilé, très "faune" ou sculpture grecque. La créature homme-icône se révèle, pudique, Terpsichore en baskets blancs, précieuse figure très plastique, éclairée de lumières façonnant ses contours, sa matière... La danse, les déplacements semblent millimétrés, saccadés, segmentés, angulaires, reliés dans une étrange fluidité morcelée.Il moule l'espace, le rend visible, s'asperge de farine tamisée qui fait nuée et brouillard, fumées vaporeuses.Très photographiques à la Etienne-Jules Marey. Palpable sensualité d'un corps qui se meut, se couvre de peinture blanche laquée. Les pans de store comme des jalousies entrebâillées pour entrevoir l'ob-scène dissimulé.Formant un environnement de lignes rythmées comme une architectonique musicale à la Porzamparc. Des poses faunesques digne d'un Serge Lifar à la beauté sculpturale irréprochable.

serge lifar

Le personnage devient dadaïste à la Hugo Ball ou Brancusi façonnant le costume de Lizica Codreanu...

lizica codreanu
hugo ball


La musique présente dès le début de cette exposition, installation corporelle mouvante s'amplifie dans l'urgence; tel un guerrier japonais ou en toge ou tenue d'escrime, le danseur s'expose ou se coiffe, fait son défile de fashion-week contre voguing, le corps empêché dans une guêpière, un corset ou une minerve blanc clinique,médical.Une chute face au mur ajouré le plaque au sol; il "pense" ses plaies, noble Roi Ubuesque fragilisé par tant de candeur, de virginité blanche-neige immaculée.Au final dans un piège de lumières blanches, des ondes parcourent son corps animé de tant d'énergie dissolue, déployée qui se fond dans un environnement et répand sons et frissons d'émerveillement. Cette pièce très plastique, visuelle, est fondations d'une architecture dada fort inventive et structurée au fil d'aplomb!

A Pole Sud jusqu'au 20 Octobre

samedi 16 octobre 2021

"En vert et contre tousse" ! Vert tu oses ! Ca dépote et rempote et ça varie pour les fans de carottes à la Choucroute qui rit!

 


Emmenée par Roger Siffer, la troupe de la revue de la Chouc’ piaffe d’impatience pour retrouver enfin son public. Photo L’Alsace /Jean-Marc LOOS
Après l’énorme et interplanétaire succès de la revue « En Marche Attacks !!! » hélas arrêtée de plein fouet par « en masque attaque », la 27e revue de la Chouc’ se moquera de tout et de tout le monde. Elle passera à la moulinette les politiques locaux, parodiera toujours les Lorrains, le Racing, « Chilibébert » de Colmar, elle parlera de la crise sanitaire, de l’écologie et caricaturera l’actualité marquante de l’année. Elle n’oubliera pas non plus d’égratigner au passage quelques phénomènes de société. Bien sûr ça va chanter, danser, « sketcher » et surtout rigoler !

« On est moins portés sur le Covid. Bien sûr, quand on préparait l’édition de 2020, on était en plein dedans. Cela s’était forcément ressenti dans l’écriture du spectacle. Là, pour la revue de cette année, on a repris les choses en main. Il y a bien un tiers du contenu qui est nouveau… », observe Roger Siffer.



On n'oublie pas de passer au sanitaire pour un petit pissou et c'est parti pour deux heures de franche verve virale bien contagieuse dans ce petit théâtre  de légende!Un petit jingle rituel en prologue, préambule ou générique, et c'est parti pour suivre les bons mots de Roger Siffer sur les "vacances forcées" dans le beau Val de Villé durant la crise sanitaire. En gilet-plastron de jungle, le voici Tarzan appelant sa "Jeanne", et gagnant la mer-maire- pour séjour balnéaire en Alsace: un peu "démontée" à la Devos! Le ton est donné: ce sera sarcastique, jamais méchant, satirique et jamais caricatural.Du "cabaret" en français dans la petite salle de la Choucrouterie. Allégresse verte il s'en faut car c'est de nouveau ou-vert! Dans un mouchoir de poche, le vert-tige des mots, des corps en mouvements, des blagues, aparté et autres formes linguistiques alléchantes comme de la langue de chat, pas de bois! Arracher aussi "la mauvaise herbe politique" sur les plates bandes de l'humour et de la distanciation.Démasqués d'emblée, les voici affublés de "masques" sur fond de boléro "Que sas, que sas" et on saute sur les saynètes suivantes: une croustillante évocation du genre dégenré avec les "épicènes" et points médians qui agacent et trompent énormément: c'est Magalie Ehlinger qui s'y colle et fait ici sa première apparition à vue dans la troupe de la Chouc: pour un coup d'essai, un coup de maitre- maitresse!Sur fond de "Je ne suis pas parisienne, ça me gêne"(Marie Paule Belle), la voici habitée par le verbe fou, paroles et prosodies au top sur un rythme soutenu, danse et gestuelle précise, petits silences ou apnée au poil pour plus d'impact!L'écriture "inclusive" ça braille énormément!Un french cancan de circonstance avec tous les tissus et oripeaux qu'elle enfile comme parure et frou-frou.Belle présence et efficacité d'un jeu taillé sur mesure.Pour la cause des animaux, suit une diatribe à califourchon sur un cheval à trois: chez le boucher-bouché de la feuille, c'est l'éloge du végétarisme tari par un désir de viande de cheval que l'on va monter à "cru" pour mieux assouvir son désir de chair saignante: en vert et contre tout les "grüns" du coin....Des flics au parloir pour titiller la peau lisse des agents de sécurité acculés à masquer les soupçonnés pour mieux les reconnaitre devant une mamie confondue -excellente Suzanne Mayer-. Et les comédiens de courir d'une salle à l'autre dans des performances scéniques sidérantes et bien rythmées....Des flics hors la loi, (Sébastien Bizzotto et Arthur Gander très attachants et drôles: le vert est dans le fruit et le piano fait son William Sheller avec brio (Jean René Mourot) au clavier.Trois marionnettes pour les guignols de l'info et des élections, judicieusement manipulables proies de la bêtise et de l'opportunisme, pour relever le tout en pantins désarticulés...Polis petits chiens, polichinelles et hommes de paille à souhait."J'ai vu l'amer -la maire-avec ou sans citron redira" Roger....Échafaudage social pour clou du spectacle: les deux compères, apprenti et chef de chantier sur l'échelle sociale - ou échelle du ciel- pour les hydro-alcooliques en herbe.Il faut oser -Joséphine-et voici Delphine avec sa mélodie "Sucettes à l'anis" pour une cuisine sexy-végan et flamme-couche,
tout en vers, texte joyeux et allusif, à l'image des paroles des autres chansons construites sur des bases rythmique rhétoriques à point nommé. Élocution et gestuelle toujours aux petits oignons de Magalie Ehlinger, conduite par le regard acéré de la chorégraphe nouvelle recrue de bon aloi, Charlotte Dambach, précieuse détecteur-trisse de talents corporels! Sans parler des chasseurs qui soulèvent des lièvres dans le reportage flambant de Madame Marcassin, en proie à des affuts de chasse gardée tonitruante Excellente prestation télévisuelle, cadrée pour le petit écran noir  de cette nuit blanche!"Désinfectez-moi" sur l'air de Juliette Gréco pour un retour au virus variant, variation comique sur le confinement en quatre portraits cinglants, les paris d'une conseillère bancaire qui ne fait pas crédit: le variant a varié-avarié- sur l'air de Boby Lapointe "Ta Katie t'a quitté" et l'on arrête l'inventaire à la pré vert quand les polis petits chiens Jean Philippe Vetter et Elsa Schalck se pointent les pieds tanqués devant le cochonnet...Le tout slamé, swingué. Vous en reprendrez bien avec la Sainte Trinité: le père, le fils et le maire de Colmar pour les simples d'esprit dont Jean Pierre Schlagg très en forme-mon père et ses verts-. Les quatre maisons de Vivaldi, dansées comme des miniatures grotesques de style de danse: un roi Soleil trop drôle: Guy Riss quand il n'est pas Gilbert Meyer est aussi très bon arpenteur danseur classique sautillant, baroque en basse cour et basse-danse comique de l'arène -la Reine-!Un peu de Fessenheim pour mieux tousser en choeur et c'est l'épilogue rituel: "cassez-vous" un mouchoir vert à la main, à l'eucalyptus pour chacun des spectateurs.On en ressort pas "empotés" ni déracinés, plutôt pour la diversité culturelle et verbale, musicale et spirituelle, toujours au rendez vous de cette revue et corrigée qui dépote.Et ça danse, danse, danse en slam et autre vire-langue et calembours, jeux de mots bien trempés -Lauranne Sz- dans le champ-chant- textuel fort réussi!

 

Textes : Équipe de la Chouc’ Mise en scène : Céline D’Aboukir

Chorégraphie : Charlotte Dambach  Focus sur une nouvelle arrivante!

 


A presque 35 ans Charlotte embrasse une jolie carrière de danseuse interprète.De la danse classique au Conservatoire de Strasbourg, à la danse "voltige",danseuse aérienne avec Brigitte Morel (Motus Modules), avec la compagnie Lilou, artiste dans l'espace hippique de Richard Caquelin (Euridess), et surtout fidèle à son compagnonnage de "figuration intelligente" dans les œuvres lyriques d'Olivier Py -"Manon", "Salomé","Pénélope". Lucindas Childs comme passage contemporain à l'Opéra du Rhin...Et la voici chorégraphe de la nouvelle revue. Une expérience unique que de faire bouger et respirer la bande de la Chouc.....Il faut dire que,experte en "Ashtanga Yoga Mysore", elle sait faire passer les bonnes ondes et les énergies aux bons endroits!Le sens du détail et du rythme adapté a chacun et pour les unissons tournoyantes de la tribu.


Distribution Piano : Jean-René Mourot ouThomas Valentin ou Sébastien Vallé
Avec : Sébastien Bizzotto, Magalie Ehlinger, Arthur Gander, Bénédicte Keck, Susanne Mayer, Nathalie Muller, Guy Riss, Jean-Pierre Schlagg, Roger Siffer et Lauranne Sz
Lumières : Cyrille Siffer
Scénographie/costumes/accessoires : Carole Deltenre, Marie Storup et leur équipe
Production : APCA-Théâtre de la Choucrouterie


du vendredi 15 octobre 2021au dimanche 20 mars 2022