lundi 20 décembre 2021

"Un vivant qui passe": l'oeuvre au clair.

 

Avec Nicolas Bouchaud et Frédéric Noaille

théâtrede la Bastille Spectacle présenté en coréalisation avec le Festival d’Automne à Paris.


Nicolas Bouchaud revient au Théâtre de la Bastille avec Un vivant qui passe, adapté du film du même nom de Claude Lanzmann. Une pièce sur la banalité du mal, la haine de l'autre, l'acte de montrer et celui de voir.

Depuis 2010, Nicolas Bouchaud crée régulièrement des spectacles à partir de textes non théâtraux (une interview de Serge Daney à propos du cinéma, un livre de John Berger sur un médecin de campagne, une conférence du poète Paul Celan, un roman de Thomas Bernhard sur notre rapport à l’art et au deuil).
Il s’empare cette fois d’Un vivant qui passe, documentaire de Claude Lanzmann réalisé à partir de rushes non utilisés dans Shoah. Dans celui-ci, les déportés et les soldats nazis restent hors-champ et ce qui est donné à voir est le face-à-face entre le réalisateur et Maurice Rossel, délégué de la Croix-Rouge internationale pendant la Seconde Guerre mondiale, qui, en « visite » à Auschwitz et à Theresienstadt, s’est retrouvé par deux fois au cœur du système d’extermination nazie et affirme n’en avoir rien vu.


C’est en partant à leur tour des rushes d’Un vivant qui passe que Nicolas Bouchaud et ses complices habituels, Éric Didry et Véronique Timsit, se plongent dans cette adaptation. Avec la volonté de réactiver l’Histoire à travers le témoignage de cet homme, ni bourreau, ni victime, qui « est d’une certaine façon celui que nous pourrions tous être ou que nous avons peut-être déjà été » comme le souligne Nicolas Bouchaud. Dans les réponses de Maurice Rossel se dessinent en effet des zones complexes et troubles, celles où l’antisémitisme et la haine de l’autre guettent en embuscade, mais aussi celles des présupposés qui fondent l’acte de voir.

Et la pièce est bien de cet acabit : elle dénonce les mécanismes du déni, de l'histoire qui se tisse et se trame des paroles, faits et gestes de quelques meneurs drastiques ; ils sont deux à investir le plateau sur fond de décor de bibliothèque surannée, décor cousu de toute pièce, leurre et mensonge où vont se nicher les contradictions des deux personnages. Nicolas Bouchaud perspicace auditionné par un meneur d'enquête, Frédéric Noaille, jeune et fringant traqueur et détective pour la circonstance On les suit avec intérêt et ils nous mettent en haleine, le suspens de ce duo-duel aidant à cette démarche de défrichage d'une période sombre, opaque, ici révélée avec parcimonie, tac et respect.Pudeur et opacité.Montrer ce qui s'est passé dans cette antre de la peur où finalement personne ne savait rien de rien et où tout était "vivable". C'est ailleurs que ce tramaient le drame et l'horreur....Sauvez le moment du mensonge ou de la vérité, tel est le propos qui hante cette mise en scène de Eric Didry, sobre et efficace, faite de déplacements permanents, d'une petite danse croustillante de désarroi mais aussi d'espoir que les choses bougent, se déplacent et parcourent le monde pour dire plus et autrement les failles humaines et leur terrains d'investigations: raconter aussi la passation , entre mensonge et propagande, déni et authenticité.Ce vivant qui passe et ne passe plus inaperçu !

Tim Etchells & Aisha Orazbayeva "Heartbreaking Final" : de battre mon coeur n'a cessé !

 


Cofondateur de Forced Entertainment, Tim Etchells mène parallèlement une carrière d’écrivain et d’artiste visuel utilisant les médias numériques, la vidéo et l’installation. Pour cette dernière création, il s’associe de nouveau à la violoniste kazakhe Aisha Orazbayeva, réputée pour ses interprétations intrépides et ses approches radicales.

Ils sont sur le plateau, inébranlables musiciens qui taillent dans le vif une poésie musicale, parlée, chantée, psalmodiée de toute beauté et hypnotisante mélopée multidirectionnelle, puissante et surprenante ode à la diversité et pluralité sonores. Des matériaux sonores de toutes origines-drones, fragments mélodiques, sons percussifs-. Les voix se métamorphosent en autant de résurgences sonores et percussives, les bouches s'embouchent, susurrent, crient, hurlent en boucles et variations surprenante, hallucinantes. Sur la scène une sculpture de néons irradie mentalement ce petit monde quinquennal, quintette savant et virtuose pour un voyage sonore des plus varié et empli d'audaces musicales sous la houlette de Obrazbayeva, fol envol vers des contrées inconnues.

"Music all ": Jonathan Capdevielle, Marco Berrettini, Jérôme Marin: "détruire" disent-ils ! Et "Tralala" !

 


Prenez trois metteurs en scène singuliers qui n’ont encore jamais travaillé ensemble. Considérez leur passion pour le Music-hall. Remixez un tube de Mickael Jackson en bossa nova et une chanson de Mylène Farmer en slow italien des années 50. Imaginez maintenant une aire d’autoroute sombre et abandonnée, propice aux rencontres furtives d’un musicien de passage, d’un camionneur-cascadeur et d’une chorale d’enfants. Et voilà certainement l’un des spectacles les plus atypiques de la saison.
 
 Trois "nunuches" en socquettes, robes de gamines défroquées qui font du pole dance sur un manège d'enfants dans un square...C'est tout vu de l'humour féroce dont vont user nos trois héros de pacotille sur fond de décor de bosquets ou parterre de jardin public Ce rideau de verdure sera l'ère de jeu de ces personnages qui se métamorphosent à vue, discutent, se perche sur un portique audacieux pour mieux incarner trois clones burlesques de Marguerite Duras qui refont le monde et cause comme l'auteure!Une chenille costumée fait irruption en rampant, bestiole qui parle du haut de la haie buissonnante comme un humain, image poétique et politique du monde en chrysalide: les reflets du sol réfléchissants ombres et déplacements avec audaces plastiques!Trois cabarettistes en robes scintillantes, travestis de chez Michou qui font du manège tournant en chantant des mélodies en allemand, trois vers de terre en collants moulants très seyants pour une permaculture engagée et toute nue, toute crue: encore quelques tableaux ou saynètes désopilants au programme de ce show très chaud, music-hall grotesque et décapant en diable!Le Monte Verita convoqué pour mieux danser libre et sauvage, libéré et galvanisé par tant de diversité et de carambolages!Un papillon-Franck Saurel- qui se fait très diablotin à la Mélies pour mieux butiner de la métamorphose, et voilà l'esprit des lieux que nous propose ce triolet fort sympathique et distancé, détaché et plein de réserve polie et maniérée. Ils-elles sont formi-formi-formidables tout le long de cette vie de polis petits chiens qui est loin d'être un long fleuve tranquille!


Jonathan Capdevielle, Marco Berrettini et Jérôme Marin réunissent pour la première fois leurs univers distincts dans lesquels la danse et le chant sont souvent convoqués pour interroger, à leur manière, la fragilité humaine. Ici, des personnages de cabaret en fin de vie ou de carrière, abîmés, mal-aimés vont enfin vivre une seconde chance : une Whitney Houston au bord de l’implosion côtoie une Marguerite Duras qui prône la destruction de Tout (Détruire dit-elle). Une Marlene Dietrich sur une aire de jeux d’enfants croise un cascadeur professionnel qui brûle en fond de scène. Ca brille, ça chute, ça se récupère, bref, ça promet d’envoyer des paillettes.
 
Dans le cadre du festival d'Automne au Théâtre de Gennevilliers jusqu'au 15 Décembre