mardi 25 janvier 2022

"Solo Voice+": un CD de Françoise Kubler: et on démarre par une présentation publique en doubles croches pointées de toute beauté!


 
L’ensemble Accroche Note nous a invites à la sortie officielle de l'album de Françoise Kubler, "Solo Voice +".
Cette nouvelle parution discographique est entièrement consacrée à la voix et à la fondatrice de l’Ensemble Accroche Note. Françoise Kubler y met en lumière le répertoire contemporain et y présente la voix sous différentes approches, techniques et écritures stylistiques. Elle propose un voyage dédié à des compositeurs phare de son répertoire, amis de longues dates ainsi qu’à des jeunes compositeurs.
Oeuvres de : De Pablo, Donatoni, Dusapin, Rhim, Leroux, Mâche, Seo, Bedrossian
Deux extraits seront chantés par Françoise Kubler (soprano) en présence des compositeurs François-Bernard Mâche et Jiwon Seo.
 
C'est dans la salle Blanche de la Librairie Kléber que se retrouvent les protagonistes de ce projet, et avec pour privilège la présence de François Bernard Mâche de surcroit!
Un parcours entre la chanteuse et quelques compositeurs phares, compagnons de sa carrière vouée à la musique contemporaine depuis plus de 40 ans: sans faille ni "décrochage"avec passion, attention et mesure, raison et emportement, enthousiasme et hyper professionnalisme. La part de transmission de son répertoire comme action pédagogique, au coeur de son attitude, de sa posture face à l'histoire qui se tisse entre interprète et créateur-compositeur. C'est avec FB Mâche que l'aventure démarre avec ces difficultés "hors norme" des compositions qu'il va lui dédier d'emblée.Ce soir là, Françoise Kubler nous offrait sur le petit podium, des instants de grâce: ceux de deux des "Chants sacrés à capella de FB Mâche.Quasi liturgique et religieux dans des "langues rares" dites "mortes": hittite, étrusque, gaulois!
Leur organisation rythmique, l'imaginaire qui les animent et inspirent la cantatrice en font des pièces rares et passionnantes."Maponos" est une "musique de sorcières" qui rivalisent dans une situation théâtrale difficile à interpréter mais si fertile en émotions, virtuosité et talent d'artiste lyrique.C'est en compagnie d'un tambourin, sorte de lune, frappée avec singularité que Françoise Kubler touche, émeut et brandit cette lune magique et magnétique à bout de bras: solo chanté et dansé avec une intensité et puissance rare. De noir vêtue, platée sur ses talons hauts, la voilà qui nous embarque dans une "danse de sorcière" à la façon de la danse d'expression de Mary Wigman, à l'époque accompagnée elle aussi de percussions corporelles et sonores.....
 
danse de la sorcière de mary wigman

Tambourin à "intégrer dans le corps", corps-raccord, corps-accord avec l'instrument.
Puis en présence de la compositrice Jiwon Seo qui nous parle de ses créations, entre autre "Eon 3 m, oq", le dialogue s'éclaire: du "fil à retordre" pour les deux complices qui cherchent l’inouï dans la composition et interprétation électroacoustique.Cette appétence pour les sons réverbérés, trafiqués, façonnés qui dialoguent avec la voix, leur est commune et elles avancent de concert dans la recherche de musicalité incongrue, inédite. Chose assumée avec ce solo que Françoise Kubler nous offre en exclusivité de sons écrasés et d'inspires fondent un lexique riche et étendu. Voix et interférences simultanées sont extra-ordinaires et fusionnent dans l'espace sonore et dramaturgique. Ce poème dédié et écrit pour la chanteuse est une perle rare et émouvante où les sons inédits frappent et interrogent notre appréhension des sons encore et toujours en écho et ricochets constants.
 
Puis la discussion reprend animée par le critique musical Hervé Lévy, fin connaisseur et animateur débonnaire.
Encore beaucoup à dire sur toute l'attention et le respect que Françoise Kubler nourrit autour de Donatoni, aujourd'hui compositeur oublié mais dont l'écriture élégante, lyrique et italienne séduit : une écriture vocale au souffle prépondérant, à la métrique redoutable, mécanique à la Bach. Autrefois adulé puis disparu du paysage sonore, ce compositeur retrouve ici une place légitime dans le parcours personnel de la chanteuse qui lui rend ainsi Hommage!"Incontournable" pour le répertoire de la Musique Contemporaine. Justice rendue!
On repart sur des propos de la musique de Pascal Dusapin, complice de l'auteur Olivier Cadiot, autour de l'oeuvre "Il-lL-Ko".Un parlé-chanté qui surfe entre texte et musique, du chant lyrique virtuose , sorte de sprechgesang revisité. 
Et l'on se quitte un double CD en mains, plein de curiosité aiguisée par cette rencontre chaleureuse et édifiante: une artiste hors norme pour un répertoire en conformité avec sa personnalité hors du commun et son immense talent partagé au regard de la musique d'aujourd'hui: dont on n'oublie pas les racines, les rhizomes et autres liens magnétiques 
Un CD qui fera date à coup sûr !
 
le mardi 25 Janvier librairie Kléber
 
Puis la discussion reprend animée par le critique musical Hervé Lévy, fin connaisseur et animateur débonnaire.
 

lundi 24 janvier 2022

"Graces": Sylvia Gribaudi en "pleines formes" !

 



Silvia Gribaudi
Silvia Gribaudi Performing Arts Italie 4 interprètes création 2019

Graces

Elle a la mine espiègle et un corps pulpeux. Elle aime en jouer avec facétie pour défier les tabous, déjouer les codes et les clichés. Cette tournure malicieuse est à l’œuvre dans Graces. Un spectacle allègrement nourri de « positive attitude » signé Silvia Gribaudi.
Dans Graces, Silvia Gribaudi est accompagnée de trois complices masculins. Ensemble, ils déclinent avec humour une autre conception de la beauté à partir des postures corporelles, des danses, actions et situations iconoclastes qu’ils explorent. Leurs sources d’inspiration portent aussi bien sur le ballet que la sculpture antique, le cirque ou la revue : tous arborent un idéal du corps que la performeuse italienne convoque pour mieux s’en affranchir. Son apparente naïveté masque une facétieuse intelligence. Et cette pièce qui incline à la rondeur des formes, célèbre, non sans aplomb, la sensualité de la chair en miroir aux canons de l’époque néoclassique. Comme en témoigne l’une des sculptures d’Antonio Canova, Les trois Grâces (ou Charités) qui ont inspiré le titre du spectacle. Le jeu des références et des décalages se poursuit avec jubilation jusqu’au climax. Au cours d’un élan de générosité sans bornes, le groupe entier termine enfin sa course sur un plateau trempé d’eau, enchaînant glissades, séquences de voguing, Haka, Kung fu ou poses de Power Rangers. Cette réjouissante performance qui marie pertinence et impertinence exulte enfin dans une explosion de bonheur. 

A Pole Sud le  21 er 22 Janvier dans le cadre" l'année commence avec elles"

dimanche 23 janvier 2022

"Biface": corps foux dans espaces déshabités....

 


Le metteur en scène Bruno Meyssat et son équipe se sont intéressés au choc qu’a été la rencontre entre Aztèques et Espagnols il y a 500 ans, à l’arrivée des conquistadores. Choc visuel, culturel, religieux, rencontres faites de fascinations, de curiosité, d’aversion. L’équipe s’est plongée dans les témoignages relatant de part et d’autre cet événement, non pour en restituer les faits dans le cadre d’une pièce documentaire, mais pour tenter d’en approcher, aujourd’hui, les sensations, les questionnements, l’essence de ce qu’est une découverte mutuelle d’une telle ampleur − presque surnaturelle. Qu’exprime finalement de nous cette mise en présence soudaine de deux manières d’être au monde ?

D’emblée c'est le visuel qui captive et le silence opaque qui intrigue.Un homme dessine sur une surface vierge ,sol délimité, un croquis aztèque à l'aide d'une cafetière qui pleur du blanc et de la farine: puis il efface tout et tout change...Alors que cinq personnages frappent du pied et font en ribambelle le tour du plateau: danse chamanique ou redoute rituelle?Sanction pour rythme dans ce silence où seule une voix off et un texte inscrit qui défile sur le mur font acte de narration. Mais ce sont les corps qui vont l'emporter, langage universel dont on apprécie la précision des gestes, les poses et attitudes,  les postures qui se révèlent dignes d'un film "muet". Une ribambelle d'accessoires jonchent le sol, pièces à conviction d'un théâtre d'images et d'objet à la Tanguy, objets d'un rituel savant qui ne cesse d'animer ce spectacle multiforme, intriguant, hors norme...Théâtre du silence, du verve qui se fait rare sur les lèvres de ces personnages grotesques ou neutres: un homme dans une cage, officiant d'un texte off offre une vision très plasticienne des saynètes qui se succèdent au fondu noir Un cheval à grelots qui fait son manège au galop sur fond de très beaux chants ancestraux, des fidèles sur un banc qui se signent face à un officiant ....Le clou de ces évocations hors champs: la description de la mort annoncée de Philippe II conquérant qui agonise dans sa décomposition corporelle: c'est sidérant de cruauté, de trivialité: nu et cru, le texte fait office de narration précise et féroce, toujours très visuelle, truffée de détails, alors que sur scène c'est un sac poubelle qui relie le tout dans lequel s'engouffre Paul Gaillard, nu et cru!De grands et beaux silences animent la pièce, les comédiens bougent et dansent dans une chorégraphie-corps et graphie- surprenante. Mayalen Otondo en prêtresse chamanique mouvante et composant de sa gestuelle, une fresque vivante et plastique à la Rachid Ouramdane..Ils sont à vif et sans concession, divins, idoles ou martyrs, dévots ou princiers...Des sculptures de bois brut ou carbonisé, une chaise suspendue...Autant d'objets qui font sens dans ces visions surréalistes à la Beckett ou Ionesco, mise en scène curieuse, hypnotique pour qui veut bien s'y immerger, le temps de cette fable minutieuse sur l'histoire du Mexique: ses racines, son épopée, odyssée de faits et gestes barbares ou religieux..Un homme assis à une table, scotché pour de bon, rivé à sa table de sacrifice ou de travail: du Jane Fabre quasi !Le côté archaïque faisant foi. Un globe terrestre que l'on cueille du haut d'une échelle du ciel pour globalisation terrestre à l'aide d'une mappemonde lumineuse...Tout les objets s'animent et peuplent la scène, les comédiens au service d'une gestuelle précise et se lovant dans des costumes ou une nudité remarquables. Ce "Biface" étrange, conversation entre icônes et texte, voix et images est une réelle réussite qui fonctionne et plonge dans des abimes historiques inédites. Le propos et la mise en scène de Bruno Meyssat, comme une "conquête" et quête du beau ou du mal: le corps comme page blanche ou fer de lance d'une lecture de chair et de mouvement dansé, indescriptible. Inouïe et saisissante  reconstitution en artefact d'un pan de l'histoire du Mexique...

 

Bruno Meyssat, metteur en scène et fondateur de la compagnie Théâtres du Shaman en 1981, est ce qu’on appelle un « écrivain de plateau ». Après un long travail de documentation qu’il mène avec toute son équipe, ils plongent ensemble dans une recherche alliant le texte, le mouvement, le son, le pouvoir d’évocation des objets. Au TNS, il a présenté Observer en 2009 et 20 mSv en 2019.

Au TNS jusqu'au 3 Février