samedi 12 novembre 2022

"Achtung bicyclette": ils ont un vélo dans la tête"......Et ça roule en danseuse sans "prendre plat"! Ni pédaler dans la choucroute!

 


"Notre 28ème (vingt-vite-yème) revue satirique se moquera de tout et de tout le monde. Elle passera à la moulinette les politiques locaux, se moquera des Lorrains, parlera du Racing, de l’écologie… et caricaturera l’actualité marquante de l’année. Elle n’oubliera pas non plus d’égratigner au passage quelques phénomènes de société ! Bien sûr, ça va chanter, danser et sketcher. Cette revue se jouera toujours en alsacien dans une salle et en français dans l’autre. Les comédiens continueront de courir de l’une à l’autre pour vous faire rire dans les deux langues."

 

Après le légendaire leitmotiv, gingel tant attendu, voici la troupe pour un régime sans selle, pédale douce et pas dans le guidon pour une revue pas corrigée des temps modernes...Les pieds dans l'plat qu'ils ne prennent jamais, chambre à air gonflée à bloc en grande pompe, pour cette piste aux étoiles cyclable, en roue libre, le dérailleur braqué sur la grande vitesse! Ils font ce qu'on pneu toujours à vive allure, sans rétro pédalage: au boulot, à vélo, velib' ou vel'hop au poing!Burette et rustine au cas où il y aurait fuites.Et ce, sans jamais se dégonfler!Car ils en connaisse un rayon.

D'emblée, ça pulse, chapeaux griffés de gadgets évoquant la bicyclette bleue, le tandem ou le tricycle, rickshaw alsacien de circonstance avec les trois élues féminines: Danielle, Jeanne et Pia, accompagnées des non-dits de Josiane, chevalière de la région d'horreur. Tout y est passé au crible, à la moulinette de l'humour et de la non distanciation brechtienne. Stéphane en Berne en visite au marché de Noel, revisité en "marché de l'hiver" où c'est bien fini, le "siècle des lumières"!Des rats balayés par un agent de service (J.P. Schlagg), dératiseur émérite, Des pré-luminaires affriolants pour rouler "en danseuse" sous la houlette de la chorégraphe pugnace et patiente, Charlotte Dambach qui fait bouger à l'envi sur leurs appuis linguistiques et accents toniques, cette bande abonnée à l'enthousiasme contagieux.La "groupie du pianiste" et autres merveilleux standards pour mieux faire mouche et toucher là où ça blesse et fait rire ou faire réfléchir...Réflexions toujours de bon aloi, sur l'hopital charitable, la "zoonose" d'un zoophile qui nous fait croire que l'on est atteint de toutes les maladies: incroyable Arthur Ganger, pétri de malice et d'humour avec son compagnon de route Sébastien Bizzoto buveurs insatiables de jeux de mots, de crises de fou rire salvateur. On ne cesse d'être en empathie collective grâce au charisme de chacun. Susanne Mayer en Reine d'Angleterre ressuscitée, revisitée comme une Lady D adulée, discrète madone chantante. On l'écoute, attentif à son ode à la discrétion dans ce fatras cabaretier enjoué qui "déraille" à l'envi!Un droit de véto pour voter pour ou contre la morosité de la cité, entre la préfète et la maire que l'on voit danser au son des voix qui s'élèvent à l'unisson de la bonne tumeur.

Et les costumes de déborder d'imagination; corsets, guêpières, chapeaux et accessoires de circonstances, brillants, plein de paillettes ou de moustique tigre, géante marionnette qui pique là où ça démange déjà!Guy Riss nous revient pour un show inénarrable d'un Gilbert Meyer fantomatique...De la ceinture verte à la "petite robe verte" de Danielle, à la chemise blanche de Jeanne, il n'y a qu'un pas de tango. Et puis Magalie Ehlinger qui endosse moultes rôles, drôle, chanteuse, conteuse, diseuse de bonnes aventures rocambolesques: en pleine forme vocale, avec une présence assidue aux conseils municipaux de tout poil. 

De la verve, de l'audace sous la baguette de Roger Siffer celui dont la revue a bien failli s’appeler: "Rustine où les malheurs de la Verdure"!(dixit l'artiste) ...On prend le maquis et l'on quitte la salle bondée avec une "rustine" en main histoire de colmater les fuites et de faire la fille de l'air.Après encore des saynètes croustillantes sur les migrants et leur hotel-autel cinq rive-étoiles, après une visite à Paul emploi et son livre de jobs..La "foule" danse avec un piano-orgue de barbarie commandé par Thomas Valentin et tourne la roulette russe dans cet univers bigarré, tonitruant à souhait.Ici pas de garde boue ni de rétro pédalage pour ce vaste diorama-panorama tendre autant que féroce de l'humaine condition.Et hop, on repart en biclou: demain j'oserai peut-être en "danseuse"quand on ira sur les chemins de l'âne, à bicyclette...Sur la piste de bison futé! Ou de feu, l'ours Bruno!Et vive la canopée sur canapé, servie à tous; écologie tu nous tiens.Faut que jamais cela ne cesse....

 Textes : Équipe de la Chouc’

Avec : Sébastien Bizzotto, Arthur Gander, Magalie Ehlinger, Marie Hattermann, Bénédicte Keck, Susanne Mayer, Nathalie Muller, Guy Riss, Jean-Pierre Schlagg et Roger Siffer
Piano : Jean-René Mourot ou Thomas Valentin ou Sébastien Vallé
Lumières : Cyrille Siffer
Scénographie/costumes/accessoires : Carole Deltenre, Marie Storup et leur équipe
Chorégraphie: Charlotte Dambach

Production : APCA – Théâtre de la Choucrouterie



 

 

Au Théâtre de la Choucrouterie

 DU 11 NOVEMBRE AU 26 MARS
Du jeudi au samedi à 20h30 en alsacien, 20h45 en français
Le dimanche à 17h00 en alsacien, 17h15 en français 

vendredi 11 novembre 2022

"Fil": au "fil" du jazz..Ce qui les relie ....Leila Martial et Valentin Ceccaldi filent doux....

 


"En équilibre instable entre la chanson, la musique improvisée et le domaine contemporain, la chanteuse Leïla Martial et le violoncelliste Valentin Ceccaldi proposent une musique de funambules dont la spécificité et l’irrésistible charme résident en ce qu’elle se joue constamment sur le fil… Se projetant sans filet dans l’inconnu de cette formule minimaliste à haut risque où nul faux pas n’est permis, le duo dévide la pelote de ses références (un standard de Mal Waldron, un air de Purcell, un lied de Fauré, une chanson de Berio…), pour mieux s’aventurer, au gré d’improbables détournements formels et de délicates métamorphoses sonores, aux confins du théâtre bruitiste. A la fois radicalement expérimentale et intensément lyrique, cette musique de l’instant à venir fascine par son audace et sa poésie."

"Au fil de l'eau" de Gabriel Fauré: une surprise que celle d'entendre après des murmures de violoncelle, les paroles suaves de mélodie française, revues et corrigées comme une balade de miaulements, iodlés, très stylisées jazz comme des prolongements, interprétations ou prolongations de sonorités ingénieuses...Triturer la matière sonore, adapter avec subtilité et délicatesse un genre, le dégenrer, le déplacer pour en faire une ode à l’inouï! Avec des capacités et facilités vocales invraisemblables, Leila Martial se joue des embuches pour créer une atmosphère, un ton inventif avec son instrument au service de l'impossible...Irréalisable performance charmeuse, sans filet, sur le fil ou la corde de son partenaire...Comme une mue, une métamorphose de l'opus de Fauré en mutation sonore: voix chrysalide cristalline, mutante, enjôleuse et rayonnante! Puis c'est au "petit bois de Saint Amand"de Barbara de passer à la moulinette du free jazz vocal pour une version toute en volière joyeuse: voix et bruitages au diapason, en bossa nova avec moultes appeaux, ce petit instrument à vent ou à friction avec lequel on imite le cri des oiseaux et des mammifères pour les attirer.Becs et ongles de volatiles enjoués, sans peur et sans gêne interprétation, libre, au fil de l'imagination fertile de la chanteuse....Mimétisme animal bienvenu, subtil et de bon aloi! Un instrumentarium de régal pour une petite cuisine déstructurée d'un gout gouteux!

A Purcell à présent d'être savamment manipulé pour une ode aux glaciales vocalises saccadées d'une femme en émoi:ambiance étrange à souhait pour ces sursauts vocaux, souffles de l'air froid, voix de haute contre féminine dégenrée de toute beauté!Succède au "Jardin des délices" clin d'oeil à Jérôme Bosch pour cette création in situ durant leur résidence strasbourgeoise.Des échos lointains magnifient la voix que l'on savoure, déguste sans modération aux côtés des grincements, déraillements du violoncelle de Valentin Ceccaldi, frottements des cordes: la pomme d'Adam frémit, vibre et sursaute pour cette confession païenne, messe-basse en chuchotements. Un univers monstrueux, voluptueux pour mieux pécher en sourdine, en cachette dans ce confessionnal provocateur, jouissif.Une lente marche ascensionnelle aérienne, sonore pour illustrer cette montée aux enfers ou descente au purgatoire du jazz.Désir, tu nous tiens! Suit un hommage à un ami trop tôt disparu, Pascal ....Tel un oiseau pris au piège, Leila chante sa douleur qui n'a rien de triste et partage dans une intimité poreuse, les sentiments d'amour, de tendresse: une pièce toute fraiche écrite pour cette chanteuse émouvante, malicieuse, mutine: nos deux baladins, ménestrels du free jazz très contemporain, chanson jazz française au poing, ménestrels ou troubadours de la poésie musicale, sonore.Inclassables trublions de la composition, de la partition inspirée de leurs émotions à vif.Comme un piaf chantant sa fratrie au petit jour, ses "coucou" comme des échos joyeux à la perte, disparition prématurée d'un être cher...On compatit, cum-patio naturelle à ce chagrin partagé pudiquement.A Manuel De Falla de passer au tamis de l'imagination musicale de ces deux escogriffes et en rappel une chanson, où ils se révèlent complices tendres et attentionnés, hommage à ce "pin vert" évoqué dans le texte espagnol, très amplifié dans une chambre close d'écho. Vous reprendrez bien encore un petit Beatles et une bonne dose de diction parfaite d'anglais avant la fin du concert annoncée.

Nichée au coeur de la Roberstau, la salle d'Apollonia vibre et frémit, s'enchante et se rit des cordes qui ne pleuvent pas sur ce duo, véritable petit laboratoire sonore, atelier prolixe et fertile, fil prodigue et prodige du jazz libre! La voie est libre pour cette formation inédite: à deux c'est toujours mieux...

A L'espace Apollonia le 11 Novembre dans le cadre du festival JAZZDOR

FRANCE
Leïla Martial voix, pédales d’effet
Valentin Ceccaldi violoncelle   

jeudi 10 novembre 2022

"Berlin mon garçon": saga-cité! Une odysée en fugue majeure pour un personnage perdu et jamais retrouvé.


 "Marina arrive à Berlin et va devoir cohabiter avec l’étrange Rüdiger, qui lui loue une chambre. Il découvre qu’elle est venue chercher son fils, dont elle n’a plus de nouvelles. Pourquoi lui propose-t-il d’enquêter à ses côtés ? Lenny, l’époux de Marina, est, lui, resté à Chinon où ils tiennent une librairie. Esther, sa mère, veut savoir : pourquoi ne fait-il rien pour retrouver son garçon ? Dans cette pièce de Marie NDiaye (Prix Goncourt 2009) initiée par le metteur en scène Stanislas Nordey, les personnages font face à une énigme : qu’est devenu ce garçon et pourquoi est -il parti ? Faut-il tout mettre en oeuvre pour le sauver ou faut-il l’abandonner et se sauver soi-même ?"

Que c'est beau, une ville, le soir sur un plateau de théâtre...
Une femme, seule dans un décor d'aéroport en images photographiques projetées, noir et blanc scintillant; un défilé d'icônes architecturales très stylées, aux angles et perspectives valorisant les points de vue, plongées et contreplongées.Une atmosphère de grande solitude, ponctuée par les mots et paroles qui sourdent de ses lèvres. En manteau jaune dans cet univers froid, vide, femme esseulée dont les propos seront tous liés à la recherche de son fils, disparu qu'elle vient chercher, rechercher...Un taxi l'attend, événement imprévu et l'on file à bord du véhicule, toujours accompagné de splendides images signées Jérémie Bernaert, de cadres qui mettent en valeur les lignes, points et plans de la ville traversée.C'est Berlin. Et ce voyage bref nous conduit à la cité "Haus Corbusier" où la femme a trouvé un hébergement, le temps du séjour de ses recherches.Le logeur l'attend, lui qui déjà auparavant sur scène confiait que son appartement cédé aux occupants de courts séjours serait occupé par sa personne, les "lois" ayant changé depuis peu: il se doit de résider durant le séjour des occupants: mauvaise surprise pour Marina, la mère du "garçon" disparu...Chacun se parle, adresse à l'autre ses monologues sans communiquer et c'est d'un effet étrange de distanciation remarquable.Ils conversent dans "le vide" et nous sommes témoins de ces avancements narratifs comme des voyeurs convoqués à une audition privée.D'étranges choucas, sorte de corneilles ou corbeaux sauvages peuplent l'atmosphère, planent comme une menace sur ces destins croisés. Ambiance tendue, inquiétante, suspens à la Hitchcock, rehaussée par la mise en scène de Stanislas Nordey et les images projetées, plans serrés sur le lieu architectural fascinant d'un Le Corbusier rêvé.Images en noir et blanc très présentes, surdimensionnée donnant cet effet d'omniprésence d'une cité intérieure, d'un Berlin intime et froid aux angles nets, aux lignes de fuite, de fugue en majesté. Le "garçon" en question demeure fantôme, spectre errant dans ces couloirs incertains, entre ces portes fermées, ce labyrinthe énigmatique, geôle ou prison des sentiments, des émotions. Les personnages s'y perdent et s'y rencontrent, Claude Duparfait en Rudiger, logeur séduit par son hôte, Hélène Alexandrinis, touchante mère possessive, troublée, inquiète, ravagée de douleurs, perturbée par sa quête impossible. Trois séquences, ponctuées de musique et d'images de cartoon Disney, incroyables croquis de personnes-animaux stylisés maléfiques et menaçants. Ce n est pas juste un dessin animé parmi d autres mais il s 'agit de Pinocchio précisément qui comme on le sait désobéit à Gepetto et part à l aventure et fait tour ce qui est interdit donc à notre sens en lien direct avec l histoire du fils .

Berlin intranquille comme les âmes de ses ectoplasme du souvenir, de la nostalgie. La librairie de Chinon, ce bourg obsolète et désuet évoqué en contrebalancement de la grande ville, comme "boutique" fantasque qui ne dit pas son nom.Rangées de livres au sol comme lisière, enclos du savoir.Laurent Sauvage en tenancier agacé, imbu de lui-même, détenteur de secret de famille là où surgit Charlotte, en image puis en "vrai", la "fiancée" promise à ce "garçon" l'Arlésienne du texte qui bat son plein d'émotions et de rebondissements très théâtraux.Le sol de l'appartement de "Hauscorbusier" comme un damier, plan de ville où les pions avancent, le fou fait sa diagonale, les tours prennent gardent, le roi et la reine errent dans les couloirs...Un "troisième lieu" d'abandon, de vacuité, de silences, de non-dits ou de secrets de famille..."Garçon" l'addition s'il vous plait pour un scénario tendre mais sans concession sur les faits et gestes d'une mère, les pérégrinations des uns et des autres dans ce no man's land à l'esthétique réfrigérante de toute beauté Jamais des images n'ont ainsi fonctionné comme topos utopique, un non lieu avoué de la vie où l'on perd pied.Sans direction, ni destination, sinon celle d'un mythique Munich improbable, aléatoire tarmac , territoire glissant et accidenté de la vie.Un "fils"à jamais perdu, ressuscité par ses paires inquiets, tourmentés à jamais par la perte irrévocable d'un corps animé de vacuité: la présence comme leitmotiv pour ces personnages si crédibles, si vivants...


Marie NDiaye a publié son premier roman, Quant au riche avenir (Éditions de Minuit), à l’âge de dix-sept ans. Elle en a depuis écrit une quinzaine, dont Rosie Carpe (Éditions de Minuit, Femina 2001), Trois femmes puissantes (Gallimard, Goncourt 2009) et, dernièrement, La vengeance m’appartient (Gallimard 2021). Écrivant également pour le théâtre, elle est lauréate du prix du Théâtre de l’Académie française. Berlin mon garçon, publiée dans le recueil Trois pièces (Gallimard, 2019) est une commande du metteur en scène Stanislas Nordey pour le TNS.

 

Au TNS 9 nov au 19 nov 2022