dimanche 1 septembre 2024

"Silva Musica" ; sylvestre et place aux lutrins des bois jolis!

 


Silva Musica - Le chant de la forêt

"Silva Musica - Le chant de la forêt" de Jean-Claude Pennetier : un récital unique au Théâtre du Peuple, le 1er septembre 2024.

© DR

À la fin de l'été, le célèbre pianiste Jean-Claude Pennetier vous invite à un moment musical exceptionnel avec "Silva Musica - Le chant de la forêt" au Théâtre du Peuple à Bussang. Dans un dialogue intime avec Fagus, l’arbre compagnon veillant sur le théâtre, Pennetier se produira à trois moments distincts du jour et de la nuit, offrant une expérience unique à chaque instant.

Ce rituel musical est ouvert à tous : mélomanes, curieux, et amis des bois. Venez vous ressourcer et laisser votre esprit divaguer au gré des notes de Mozart, Beethoven, Schubert, Chopin, Schumann, Fauré, et Debussy, interprétées avec la poésie et l'humilité qui caractérisent Jean-Claude Pennetier, l’un des plus grands interprètes et pédagogues français des cinquante dernières années.

Ce sera donc passion-musique classique que cette rencontre pour le dernier événement de l'été au Théâtre du Peuple". Julie Delille en introduction-prologue énonçant avec émotion et dans un rythme qui lui est propre frisant le suspense et la fiction, l'objet de cette aventure musicale liée à la présence même et à l'histoire du lieu, enchanté par tant de vécu humain, théâtral, musical.Ce "chant de la fôret" non loin du grand hêtre mythique  en trois temps de la valse du temps.

"Le théâtre des passions" en première partie dans la grande salle réunit Mozart et Schumann: deux "fantaisies", la première d'un homme-musicien de théâtre et d'opéras, la deuxième de Schumann, plus désincarnée et linéaire.. L'émotion de l'artiste, pianiste interprète est grande et sincère. Son jeu délicat, contrasté épouse les deux oeuvres qui se suivent indistinctement et c'est le miracle du rapprochement qui opère. Ces "fantaisies" sont complices et complémentaires, voisines et parfois aux antipodes l'une de l'autre. Un mariage "bien assorti" en quelque sorte.

Suivront dans un deuxième temps, l'alliance de "Deux impromptus de Schubert op 142 n° 3 et n° 4" assortis de la"Sonate op.110 "de Beethoven. Alors que l'orage gronde au loin sur les monts de Bussang se jouent les notes de ces deux géants du piano. Toujours interprétées par notre officiant de circonstance; Jean Claude Pennetier.  C'est "le chemin vers la joie" qui nous y conduit judicieusement dans les interstices de la musique, du son du piano de l'artiste qui invente son jeu, par coeur sans partition, par corps absolu.

Les entractes se passent comme des temps d'échanges, repos, de rencontres et Silva Musica bat son plein d'audaces au troisième temps . 

"Clartés stellaires" pour aborder la nuit sylvestre et le site de Bussang au crépuscule du soir. "Clair de lune" de Debussy, fluide et enchanteur,  "Pièce pour piano op n° 3 de Schonberg, "Et la lune descend sur le temple qui fut" de Debussy, "Fantaisie de Schumann op.17 (3ème mouvement).... Toute la musique semble faite pour ce lieu magique et hypnotique, pour ce territoire fertile en sons, vibrations et autres partitions sensibles du vivant. La grâce de l'interprétation et le programme ajusté comme une parure de haute couture sonore pour ce domaine des dieux.

Au Théâtre du Peuple à  Bussang le 1 Septembre

mardi 27 août 2024

"les gros patinent bien": et ça cartoone au pays des sirénes du port de Bussang!


 

« Oui bon à ce stade, plus personne ne comprend rien... »
Le Maigre, Les Gros patinent bien

C’est parti pour un tour du monde, avec un voyageur, qui ne bouge pas d’un pouce, mais voit du pays comme personne, grâce à un accessoiriste qui fait défiler derrière lui, dans une course effrénée, les décors et les paysages, simplement nommés au marqueur noir sur des cartons. Un procédé malin, vieux comme le monde, essence même du jeu, qui efface toutes les limites, ouvre grand les possibles.

Après Shakespeare, un retour aussi, celui de Pierre Guillois, Olivier Martin-Salvan et leurs compères, heureux à l’idée d’arpenter à nouveau la fameuse scène du Théâtre du Peuple - ils l’aiment tant - dans un voyage aussi burlesque qu’absurde, sur la glace et sous l’eau.

Complices depuis quinze ans, Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan rêvaient de faire un duo. Ils l’ont fait, tout de cartons. Clowns sans en être, s’inspirant davantage du slapstick anglo-saxon, ces "Laurel et Hardy bien à la française" ont écrit, pas à pas, l’absurde voyage d’un homme qui ne bouge pas mais qui pourtant traverse l’Europe grâce à son complice, qui, tout maigre qu’il est, fait défiler derrière lui les paysages, personnages et éléments rencontrés le long de la route.

C'est un prodige de régie technique qui se déroule devant nous près de deux heures durant..Deux personnages tiennent la scène: l'un plutôt grassouillet, assis sur une chaise en carton où les contours sont dessinés évoquant l'objet. L'autre, lutin malin et foldingue va s'échiner brillamment à nous faire voyager par l'imagination, uniquement via les inscriptions sur des bouts de carton qui se lèvent comme des slogans brandis sur des barricades : noms de lieux, d'objets et autres indications de lecture. C'est subtil, réactif et drôle de bout en bout. Au départ c'est un grommelot sonore mi anglais mi langue issue de métissages qui sourd des lèvres de "Laurel" alors que "Hardy" ne pipe mot. Nos deux compères vont bâtir des châteaux en Espagne, des plages où les mouettes virevoltent, des océans, des boutiques fantasques...


Des univers incarné par le jeu extravagant de Pierre Guillois, un pantin désarticulé autant qu'une sirène sensuelle barbotant dans le flot de l'amour: un coeur en carton qui bat sa coulpe! Alors que l'autre, celui qui ne bouge pas, ne rêve que de coca colas et de son Amérique perdue. Tout est en carton et l'on peut dire que ça cartonne pour ces sous-titres, de cartoon qui en disent long sur les humeurs, les actions, les ambiances: embruns, brumes et autres effets réels de magie.Comme des cartels signifiant qui comme par "hasard" ou magie apparaissent pour commenter, souligner l'action. Un film muet en vrai, en chair et en os avec un comédien-danseur virtuose, véloce, espiègle, charmeur, érotique à souhait. Danseur aussi tant les gestes qui tanguent et gigotent sont justes et jamais mimés. Le rire éclate quand débordés par tout ce qu'il se passe, c'est celui qui ne fait rien qui déclare sa fatigue!Chaussé de bottes le voici qui se redresse et Olivier Martin Salvan cède la parole à son Marsupilami préféré.L'adresse de ce dernier, son exigence de rapidité de manipulation bordée du jeu d'acteur sont sidérantes et l'on se prend au jeu de vitesse, d'accumulation de gags, de saynètes désopilantes toujours de "bon genre"et de bon gout.


Des moments de pur désobéissance civique aussi tant ce qui s'y passe dépasse l'entendement pour une grande réjouissance collective. Un spectacle qui "renoue" avec la malice, la virtuosité, l'inventivité dans le plus simple appareil des corps mis à rude épreuve de l'humour et de la distanciation. Un vrai bonheur pour le festival de Bussang et ce théâtre où même le hêtre devient "carton" que traverse notre héros de pacotille sans vergogne, passant de l'autre côté du miroir pour mieux y revenir. Meli-mélo ou pêle-mêle, c'est de la chiromancie où, les yeux exorbités, notre héros en slip noir et casque de bain fait des siennes à longueur de journée!pDes bannières révolutionnaire brandies en cartons, .pour un Théâtre du Peuple au coeur de la foret linguistique décalée qui sent bon la renouée et le spectacle burlesque, absurde, surréaliste et bon vivant. Le tandem Guillois-Martin-Salvan comme un duo-duel incessant dans un univers de carton-pâte inénarrable.Et utopique à souhait!Au final les abysses après un tsunami géant nous redélivre et restitue notre héroine fictive: une sirène protéiforme, leitmotiv de la pièce qui tisse des liens amoureux avec notre bonhomme débonnaire qui ne bouge pas.On souligne le travail remarquable de la régie et des accessoiristes et la création sonore de Loic Le Cadre qui épouse cette rocambolesque épopée aventurière avec grâce et adéquation au petit poil! Sauve qui peut, la vie!



Au Théâtre du Peuple à Bussang le 31 Aout

hOUT EST EN Csonores

 

mercredi 21 août 2024

Fanny de Chaillé, Tiago Rodrigues, Baro d'evel et "Vive le Sujet! Tentatives "en Avignon dans le "IN" 2024.


 Fanny de Chaillé : "Avignon,une école" de bonne conduite.

Fanny de Chaillé est une "pédagogue" chercheuse hors pair qui sait extraire et tirer d'un interprète les profondeurs de ses potentialité de jeu, d'incarnation. Tout en demeurant dans les sphères de l''identité, de l'intégrité. Son "Ecole",  "une école" en Avignon en compagnonnage avec La Manufacture de Lausanne en serait un bel exemple. De jeunes interprètes s'adonnent en groupe à l'expérience théâtrale de A à Z. Construire un spectacle, trouver un argument, une histoire qui tient la route, en édifier un texte, une mise en espace et in fine le donner à voir....dans le mythique Cloitre des Célestins. Il est 21H au crépuscule du soir les corneilles se rassemblent dans les branches des platanes et dialoguent avec les comédiens. Donnent la réplique sonore au festival d'Avignon qui ce soir est à l'honneur. On lui fait la cour et on refait son histoire avec une grande H hache pour en faire un mas de la Saint Jean Vilar. Voir et entendre ces jeunes professionnels évoquer, incarner les grands de cette histoire du théâtre est troublant et attachant. Pierre Henry et sa Messe du Temps présent, Jean Vilar, Gérard Philippe et tous ceux qui ont traversé des époques, des directions artistiques différentes s ' y succèdent dans un rythme joyeux, énergique et tectonique. Le Masque et la Plume: un moment désopilant sur les critiques du temps passé qui nous parlent encore sur les ondes...Souvenirs, souvenirs quand vous nous tenez! Des numéros inénarrables parsèment la pièce dans une diction générale impeccable. Des questionnements sur le métier viennent sur le tapis, le féminisme, la société...Le Living Theatre y est passé à la moulinette aussi et la Suisse, ce pays, danger public après les arabes et les juifs s'en prend plein pot dans la figure.Tous ces événements, petits et grands, choisis pour leurs possibilités d'être ré-incarnés, restitués non moulés à la louche comme autrefois, mais dépecés de complexes et hypocrisie. Une réussite totale et enthousiasmante.La mise en scène, sobre, opérationnelle est bien de la veine d'une chorégraphe qui sait faire bouger les corps dans l'espace: danser, se mouvoir en s'exprimant verbalement, naturellement sans entrave.


Tiago Rodrigues: "Hécube, pas Hécube": une légende d'aujourd'hui fait carrière.

La Carrière Boulbon fait miracle et magnifie toute mise en espace digne de ses volumes surprenants, de son acoustique, de ses failles murales impressionnantes. Elle ne pardonne rien comme la Cour d'Honneur et voici Tiago Rodrigues qui s'empare du lieu en compagnie des comédiens du Français.Réussite totale tant le mariage d'un texte inspiré de la mythologie et de ses facéties épouse les entrailles du lieu et fait se mouvoir. Entre le tribunal où Hécube -celle d'Euripide-et la première de la pièce de théâtre répétée, tout se construit autour de ses personnages de légende devenus de veine contemporaine. L'histoire personnelle de la comédienne phare, Nadia, mère d'un fils autiste malmené dans son institution d'acueil est sidérante. Hécube, pas Hécune" est de la pure syntaxe d'autisme où la répétition fait figure d'acte d'existence, de réussite. Les comédiens, une bande d'acteurs en répétition sont au diapason de ce récit cruel et sensible. Faite de répliques qui n'appartiennent qu'à eux et à Tiago Rodrigues, la narration va bon train et file deux heures durant dans cette carrière où tout résonne juste. En écho avec ce drame personnel, cette joyeuse assemblée d'acteurs, meilleurs les uns que les autres. Sept d'entre les sociétaires de la Comédie Française animent le jeu, se déplacent aisément sur ce plateau naturel où la poussière de sable laisse les empreintes de bien des pas. Costumes sobres, jeu à la perfection de ceux qui exercent un métier où la communication avec le public est chose évidente et respectée. Un moment de grâce dans un écrin où la vie semble irréelle alors que sur la scène se joue les destins politiques, sociaux de toute urgence et qui n"ont rien de fictifs.


"Qui som" de Baro d'evel: failles et  fractures terrestres

D'emblée le chemin qui mène à la cour du Lycée Saint Joseph est un couloir où nous reçoivent des personnages en frac d’hôtellerie, gardiens du temple ou personnel au service d'un établissement de renom. Des céramiques, sculptures contemporaines dignes d'un musée d'art moderne jalonnent le parcours, éclairées comme dans une salle d'exposition. C'est dire si la partie scénographique du spectacle sera "plasticienne" et scénographique. Les éléments du décor le prouvent au premier clin d'oeil: immense monticule de franges en muraille à la Polux le chien, bouteilles de plastique  à la mer jonchant le sol. Une introduction désopilante avec une diatribe sur la terre et la boue qui façonne les pots alignés le long de la scène et le tour est joué. On plonge en empathie avec cette tribu un peu folle, cette horde sympathique de personnages ubuesques plongée dans un décor à la Miquel Barcelo. La matière première de ce show atypique est bien la terre comme dans la performance de Josef Nadj et Miquel Barcelo "Paso doble" en 2013... Chant, cirque et petit chien qui traverse la scène inopinément, tout se mêle et s'enchaine pour le plus grand plaisir absurde de cette condition humaine farfelue et déroutante. Le bruit de la mer en furie, le flux et le reflux des divagations des êtres sur terre mouvante. La polution aussi avec ses amas de bouteilles plastiques qui résonnent comme une ode à l'injustice faite à la nature. Le final en fanfare débridée nous conduit ailleurs pour terminer la soirée en toute convivialité. Le jingle même du festival légendaire revisité pour faire écho à cet esprit de bande délurée très attachante.

"Vive le sujet! Tentatives Série 2"

La SACD continue son travail d'expérimentations scéniques et textuelles avec cette deuxième série de l'édition 2024 du "Sujet à vif"!


"Méditation" de Stephanie Aflalo: la mort leur va si bien.

L'humour caustique et décalé de l'autrice française est une fois de plus source de trouvailles, de surprises. En compagnie de Jérôme Chaudière et Grégoire Schaller la voici attablée pour un festin de jeux de mots, de situations ubuesques, de positions absurdes. Quand la chaudière donne de la chaleur, tout le monde se rit de soi et le sarcasme tendre va bon train. C'est frustre, drôle, décalé et enjoué, mis en scène sobrement sur le plateau nu du Jardin de la Vierge. Intempestif, décalé, inaccoutumé, tout se renverse, bascule joyeusement. Des transports en commun dans l'au-delà terrestre qui enchantent les cranes et autres vanités liés au culte désuet de la mort. Ce trio infernal pour braver la camarde, éradiquer les méfaits de la faucheuse et réjouir le théâtre de si étranges productions.


"Baara" de TidianiN'Diaye

Un duo inspiré des gestes du travail trivial quotidien se révèle emblématique d'une recherche sur la répétition, l'ancrage des gestes domestiques ou laborieux. Comme un rituel en blanc, la pièce démarre, solennelle, la musique live bordant les pauses d'un personnage mythique. Un second le rejoint pour entamer une danse duo, fragile, inspirée de postures du travail. "Les raboteurs de parquet" de Caillebotte ne sont pas éloignés tant la précision et richesse des détails suggèrent les emplois.En compagnie de Adonis Nebié Tauwindsida, le chorégraphe malien touche et les us et coutumes du labeur sont évoquées sans honte ni déni sur des corps soumis à l'effort, à la rudesse. A l'indifférence aussi...

Un programme insolent et tendre à la fois réunissant des artistes courageux, frondeurs ou pacifistes qui oeuvrent à la singularité des écritures et inspirations. La SACD en fer de lance de ces recherches inédites.