vendredi 18 avril 2025

Stefano Di Battista se fait la vie douce ! « La Dolce Vita » et tutti quanti !

 


Après Morricone Stories dédié à Ennio Morricone, le saxophoniste italien Stefano Di Battista est de retour avec La Dolce Vita, un projet ancré dans la culture populaire de son pays.
En quintet, il fait résonner sous un nouveau jour les chansons italiennes emblématiques de l’âge d’or de l’Italie en naviguant entre ferveur et nostalgie. Pour cette soirée à la Briqueterie, Stefano Di Battista fait résonner les thèmes rendus célèbres par Paolo Conte, Andrea Bocelli ou Lucio Dalla et met à l’honneur des compositeurs comme Renato Carosone ou Nino Rota. 


 La vie est belle

Quand le "bon", la brute" et le "truand" rencontrent le "parisien" et le sicilien, c'est à un effet de bombe musicale , joyeuse, virtuose et inventive que l'on assiste. Ou plutôt participe car le don de Stefano Di Battista c'est aussi l"animation, le contact avec le public, la verve et simplicité du contact. C'est dire si ce soir là au sein de La Briqueterie à Schiltigheim, l'ambiance était décontractée et bon enfant en compagnie de cet artiste virtuose du saxophone, hors pair.Les morceaux de choix du dernier album du groupe constitué autour du Maestro, La Dolce Vita" se succèdent avec délice, malice et inventivité. Reprendre des "tubes" de référence de la musique italienne, est un pari audacieux: Nino Rota, Lucio Dalla, Paolo Conte et Ennio Morricone se rencontrent et se catapultent sur le plateau en bonne compagnie. Les mélodies se reconnaissent certes, bordées d'ornements musicaux incongrus, adaptés à, chacun des virtuoses en leur genre. Le tout jeune trompettiste Matteo Cutello comme une égérie du groupe ce soir là, porté aux nues par Di Battista comme un fils légitime de son esthétique sonore. C"st drôle, réjouissant et convivial et l'ambiance dans la salle se fait chaleureuse en boomerang.Le concert bat son plein avec pour chacun quelque instants de grâce: le pianiste excelle dans une dextérité volubile magistrale, le percussionniste s'éclate en mille et une vibrations éclatantes et éclaboussantes, le contrebassiste fait la douceur et saveur sensuelle des morceaux qui s’égrènent. Une soirée d'exception où l'atmosphère loin d'être nostalgique s'est révélée festive et ludique baignée d'une musique revisitée de haute volée. Les virtuoses au diapason d'un répertoire vivant, animé et empreint d'une sympathie contagieuse. Quand le talent rejoint la convivialité tout semble simple et de toute évidence! Stefano Di Battista sur une jambe qui tangue, s'ancre au sol, concentré autant qu'à l'écoute de ses partenaires de choix. De Naples à la Sicile, ce voyage-expédition territoriale conduit vers des îles, archipels musicaux très chers et parfois encore inconnus de nos oreilles captées par autant de légendes de la Grande Musique populaire.Revisitée avec respect et audaces, virtuosité olympique et performances remarquables.

  • Stefano di Battista : saxophone
  • Matteo Cutello : trompette
  • Fred Nardin : piano
  • Daniele Sorrentino : contrebasse
  • André Ceccarelli remplacé par Luigi Del Prete
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  • Briqueterie le 17 Avril Programmation Jazz par Schiltigheim Culture

dimanche 13 avril 2025

"Grenz-Thérapie": à bon port, salut: les Clandestines et Abril Padilla passe-murailles!

 


Abril Padilla & Les Clandestines vous invitent à découvrir :
GRENZ-Thérapie #2, performance musicale
Au cœur du quartier des Deux Rives, GRENZ-Thérapie s'installe au CRIC, un lieu transfrontalier en pleine effervescence où travaillent et se rencontrent des artisan.e.s et artistes.
Cette performance musicale et poétique explore le thème des frontières, questionne les notions de distance physique et émotionnelle à travers le son et le jeu. Frontières politiques, artistiques, linguistiques ou personnelles... Les frontières craquent, grincent, séparent et réunissent, nous traversent.
Les ateliers du CRIC, nichés dans le Grand Garage, offrent un espace partagé où s'entremêlent des ateliers en bois à géométrie variable. Cette architecture invite à la déambulation et propose une réflexion ludique et musicale sur les frontières. Une performance basée sur la parole et le passage d'une langue à l'autre, créant une véritable "forêt de langues" où se côtoient le français, l'allemand, l'alsacien...

Le CRIC résonnera de divers langages musicaux – musique actuelle, électro, répertoire traditionnel – orchestrés par les musiciens nomades Abril Padilla, Mathieu Goust et Christophe Rieger. Le public sera invité à composer sa propre trame sonore en se déplaçant à travers ce labyrinthe de ruelles, à adapter son point de vue et à vivre, le temps de la performance, sa propre expérience des limites et des frontières.
 
 

La déambulation est leur credo, le leitmotiv de ces nomades sans frontières, arpenteuses de territoires, femmes de terrain et de terroir...Passeuses et passagères , passe-murailles, elles franchisent les limites, les défenses, escaladent les murs et poussent les portes des convenances. Alors, le grand "garage" du CRIC sera ce port sans attache, ce non lieu, ce troisième lieu, endroit de tous les possibles. Elles apparaissent au lointain, ces 7 doigts de la main, haut-parleurs brandis, rouges  chatoyants. Emblème et mascotte du groupe avec leur entonnoir, volubilis ouverts offerts à l'écho de leurs voix: porte-paroles poétiques, compagnons de route. Elles nous invitent à entrer ou sortir par de multiples portes: celles de jeux de mots, de virelangues, calembours et autres expressions faisant appel au sens des mots: "entrée en matière" ou "sortie de secours" et autres fantaisies...Le ton est donné, incongru, jovial, décalé, glissant, mouvant.Comme à un jeu de scrabble, perchées, elles déplacent et collent des lettres pour en faire de nouvelles adaptations sur les vitres du garage. Les mots, les langues vont ici se croiser sans cesse: de l'Allemand fort bien maitrisé, de l'Alsacien truculent et bien remodelé pour ses sonorités, du français pour faire sonner le reste. Le brouhaha ambiant cesse, bruits de machines fracassant pour laisser place à un instrumentarium singulier: objets du quotidien détournés, moules à kouglof et autres trouvailles hétéroclites ustensiles de cuisine. Ça percute et ça résonne sous les mains agiles de deux musiciens fidèles compagnons du collectif et d'Abril Padilla, maitresse du jeu musical.Et le public nombreux de passer douanes et frontières par un passage étroit où il est passé au scanner de vigiles de sécurité fantoches. On se prend au jeu du passager clandestin dissimulant quelques marchandises illicites. Dans le grand hall, la suite va bon train, pour quelques petits groupes happés par les comédiennes contant les litanies de Vaduz, l'oeuvre fleuve de Bernard Heidsieck! Un régal de sonorités en échos multiples résonne à l'envi. Elles sont tout de noir vêtues jusqu'à revêtir leur bleu de travail, tabliers uniformes. Et l'on navigue dans cet espace à la rencontre de chacune avec sa voix, son accent, sa carrure. Des physiques bien plantés, solides et réjouissants, engagés dans la lutte et le combat de la performance.Sororité inévitable et joyeuse, complicité de mise et espièglerie fantaisiste au poing.E la nave va  bon train. Les langues se catapultent, la lecture de magnifiques leporello se transforme en ribambelles d'origami ou éventail tout blancs, devenus plus tard frontières terrestres au sol qui entravent la circulation des corps. Un jeu de questions avec le public amené à réagir à sa guise sans contrainte ni obligation rythme la prestation. La ronde s'impose comme forme de danse collective en cercle où les corps tricotent des mouvements de bras, reliant les unes aux autres. Sourires complices et joie contagieuse à la clef. Encore une séquence étrange et absurde de prise de mensuration par des couturières-infirmières en blouse blanche qui se solde par un tableau géant de post-it reliés par les fils de laine. Joli et tendre esquisse d'une carte du tendre des trajets, frontières du monde.
 

Une vision plastique et sonore de toute beauté s'invite lors de leur escalade d'un escarbeau géant sur roulettes. Les porte-voix comme des sortes de liserons incandescents, bouches rouges ou lèvres ouvertes aux sons des voix. Sur ce phare ou mirador sonore, vivant de toutes les vasques des haut-parleurs rouges, évasés comme des bouches ou lèvres béantes.Perchées, les interprètes semblent jubiler discrètement. Et au loin derrière les grilles du couloir on les retrouve chantant quelque chant engagé, au loin déjà. Les au-revoir pour le grand hall où elles affichent leurs étendards de couleurs comme des drapeaux de territoires à défendre, se les nouant sur la tête comme des coiffes exotiques de femmes laborieuses. C'est fort et touchant, digne image légitime des postures et attitudes des comédiennes se jetant dans la bataille de la performance de proximité. C'est ainsi que sereines, nos sept reines d'un jour quittent les lieux esquissant pas de danse, entonnant à nouveau quelque chant révolutionnaire engagé. Au loin, la mer se retire. 
Le spectacle des Clandestines, accompagnées de trois musiciens fantaisistes dans ce lieu de choix est un pari audacieux gagné et cet après-midi en leur compagnie charmeuse est une expérience hors pair. Saute-frontières et passagères uniques d'un univers créatif sans limite.On sort de sa zone de confort pour aborder une réalité transfrontalière incontournable. La poésie fait le reste de port en port.
 
 Projet soutenu par le Festival Lire notre monde
Strasbourg Capitale mondiale du livre - Unesco 2024
 
Au CRIC le 13 Avril

samedi 12 avril 2025

"Quelque chose rouge" : faut pas que ça saigne...Eleonore Barrault et le groupe 49 accouchent d'un heureux événement!

 


Soyez les premier·es à découvrir l’univers des deux élèves metteur·ses en scène du Groupe 49 : Éléonore Barrault et Juan Bescós. Pour leur première création collective en demi-groupe, iels ont choisi leurs équipes artistiques, conçu et suivi toutes les étapes de leur projet qui s’ouvrira au public en avril 2025 dans les salles de l’École du TnS.
  Ce spectacle ne cherchera pas à représenter une bonne fois pour toute ce que des millions de femmes ont déjà vécu. Et d’ailleurs, disons-le tout de suite, personne ici n’a accouché.

C’est une histoire qui vient des grottes. Histoire de douleurs, histoire des femmes, histoire de l’art. 


Lorsqu’on s’y intéresse, les récits et les représentations d’accouchement se révèlent souvent tronqués, impossibles à dire, occultant les questions de violence et d’appropriation. L’accouchement est surtout l’occasion d’un discours sur la joie d’une transformation, d’une nouvelle vie, etc. Mais de quelle joie s’agit-il ? On a caché le rouge, on a caché la douleur. On a sorti du cadre le corps des femmes en train d’accoucher. Les peintures qui nous restent sont celles des naissances. Vierges à l’enfant. Décevantes.

Alors, qu’adviendrait-il si nous racontions l’histoire du point de vue de ce corps disparu ? Avec quelles couleurs pourrait-on peindre cette expérience singulière ?

Le spectacle cherchera à dessiner ce quelque chose rouge au bout de la grotte, sans détourner le regard.


L'école du TNS: une mine d'or, de talents, d'expérimentations: cinq spectacles à la clef de ce mini festival riche de découvertes. Au sein de l'établissement dans la salle de travail des comédiens, c'est à un autre "travail" que l'on va consacrer notre temps: celui des sages femmes, ces mater dolorosa qui calment et délivrent les corps des parturientes. Beau sujet jamais abordé excepté sous forme de métaphore ou de suggestion: sortir de la cuisse de Jupiter ou des côtes d'Adam: qu'est ce qu'on nous cache, qu'est-ce qu'on ignore, quel est le déni sur cette expérience humaine à priori si naturelle, si évidente? Les tabous sociaux, ceux de la religion, du pouvoir, du machisme sans doute. C'est à toutes ces histoires, ces récits de vie que l'on va assister en bonne compagnie: celle de quatre comédiennes et un jeune homme, sage-femme qui se livrent à l’exécution de leur métier devant nous, devant ou derrière de longs pendrions opaques, comme ceux d'un hôpital. Une table de travail, des blouses bleues de travail, des chaussons en caoutchouc et le tour est joué Verve et enthousiasme à la clef pour cette communauté, cette tribu joyeuse qui s'interroge sur les origines de la vie, les traces quelles gardent sur les parois de nos grottes rupestres: le sang des empreintes des doigts des accoucheuses.. 
 

Beau travail de recherches, d'iconographies sur le sujet des femmes et de leur ventre rond, de leur sexe à découvert sur la table d'accouchement. Sans pudeur ni omission, l'origine du monde se délivre, cette "délivrance" salvatrice, secret de famille ou simple acte chirurgical en cas de panique...Les textes virevoltent dans une cadence, un rythme effréné, habités par les interprètes, longues litanies précipitées sur le travail ou ronde folle comme un inventaire des fantasme sur le trou, la béance chez Rabelais avec son banquet de héros sortis de partout sauf de l'utérus, de son col qui se dilate! Col à franchir, voie de passage qui se déchire ou pas: tout est évoqué cliniquement sans heurt, avec tact et doigté dans une mise en scène factuelle: tentures rougeoyantes pour évoquer le sang, les menstrues, l'expulsion du nourrisson. La douleur avec ses cris et chuchotements, la fascination ses corps donnant la vie. Les artistes sur le plateau s'en donnent à coeur joie, dévorent sans cesse fruits et autres grappillages pour  nourrir  leurs angoisses, calmer la faim et la soif de survie. Le rythme est incessant, les femmes galvanisées par ce sujet si rarement évoqué. On chasse le détail, l'anecdote ou l'aveu sur le sujet dissimulé par des siècles de silence et de contraintes. Ici on délivre le vrai et l'authentique sans fausse couche ni embryon de pudeur. Le plasma, les eaux sont chose rouges ou transparentes, évoquées crument, organiquement, sobrement. Jusqu'à devenir décor en vidéo aqueuse sur le mur de fond de scène. Pas de pleurs ici mais une réalité animée, joyeuse face au destin incontournable des femmes enceintes. 
 

Eléonore Barrault se joue des obstacles et tissus et corps s'enveloppent jusqu'à devenir toiles de maitre peintes, ou voiles plissés de Vierge Marie et son déni de grossesse! La dramaturgie de Beaudoin Woehl joue le jeu de la montée en puissance des textes choisis et jetés sur le plateau avec force et engagement. 
 

La scénographie de Inga Adeline Eshuis répond en écho aux allées et venues de ces femmes au travail, pressées, enjouées, toniques. Et les costumes de Nais Theriot s'adaptent au sujet dans les plis et replis de drames ou de réjouissances: les tissus se font robes, tabliers, voiles ou vêtements de sacrifice sur l'autel de la gynécologie d'urgence! C'est beau et vivant, rouge comme le sang de la vie, ou pastel comme la toile évoquée de Paula Modersohn-Becker qui comme une toile de Rutault ne dévoilera jamais sa face cachée...Tout ici est "féminin" pluriel, bien genré, tempétueux et généreux. Les comédiennes Louise Coq, Emma Da Cunha, Zélie Hollande, Mina Totkova y jouissent du plaisir du jeu et dévorent ce festin de fruits et grignotages défendus, The-vinh Tran fait un numéro d'inventaire des Dieux des monstres nouveaux nés de légende et odyssée de toute beauté!
 

La ronde finale sur du Sclavis, musique à danser, clôture l'opus sur des notes d'espoir et de fraternité, de sororité et autres liens en phase avec le cordon ombilical à couper absolument pour délivrer l'identité et l'être ensemble. Poussez, tout va bien! Sans forceps ni césarienne!

[Mise en scène] Eléonore Barrault
[Dramaturgie] Baudouin Woehl
[Scénographie] Inga Adeline-Eshuis
[Costumes] Naïs Thériot
[Création et régie lumière] Syrielle Bordy
[Création et régie sonore et vidéo] Félicie Cantraine
[Régie générale et plateau] Lucas Loyez
Avec Louise Coq, Emma Da Cunha, Zélie Hollande, Mina Totkova, Thê-vinh Tran.

Au TNS jusqu'au 12 AVRIL