lundi 29 septembre 2025

Sylvain Riéjou Association Cliché : recette ou savoir faire et être, intuitifs? Le danseur et ses doubles.

 


Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver

France Solo 2017

Chanson de geste et conférence gesticulée

Quand on veut faire une danse, par où commencer ? Sylvain Riéjou prend cette question à bras-le-corps et nous entraîne dans son cerveau en pleine ébullition. Il n’est pas seul : un chorégraphe intérieur, autoritaire et sarcastique, surgit des enceintes. Avec ce double, qui prend forme avec la vidéo, il dialogue, se contredit, doute. Le dispositif est minimal : un plateau nu, un écran blanc, un vidéo-projecteur, qu’il manipule lui-même. Ce seul en scène, drôle et précis, donne à voir un processus créatif dans ce qu’il a de plus intime : à travers les hésitations, les échecs, les essais. Avec humour, il démonte le cliché de l’artiste tourmenté tout en explorant la part de vérité qu’il peut contenir. Et si le cliché était parfois un passage obligé vers l’émotion partagée ? Cette fable chorégraphique, à la fois pédagogique et décalée, interroge la justesse, le doute et l’élan sincère qui traversent toute création. Tout en réveillant, en nous, de solitaires souvenirs d’adolescent·es dansant devant leur miroir. 

 


Toujours aussi pétillant, malicieux, versatile, adulescent, Sylvain Riéjou se joue des obstacles et franchit les difficultés avec distanciation, recul et franchise.Fans de mélodies, de chansons populaires , de danses chorales fédératives, animateur et entraineur de choc, le voici désormais seul sur le plateau. Un mets de choix à déguster sans modération. La recette est simple: être là, ici et prêt, casquette sur le front, gainé de noir, collant et justaucorps de maitre de cérémonie.Comme un livre ouvert, dédoublé par des ombres projetées sur le mur, il délivre son envergure corporelle à l'envi. Autodidacte depuis une dizaine d’années au montage vidéo, il l’explore ici comme un vecteur de composition chorégraphique.Explorant d’innombrables possibilités de basculer son propre corps de l’espace réel du plateau vers l’espace virtuel de la vidéo, l’artiste se dédouble, se détriple, offrant à lui seul des duos ou des trios, s’amusant à créer plusieurs personnages qui se répondent, se chamaillent ou collaborent, notamment chorégraphe et danseur, ouvrant ainsi l’horizon du rire de ses « prises de tête » artistiques.C'est drôle et malin et ça déverse une foultitude de questions sur le processus de création avec malice, intelligence. Partant du texte en français de la complainte de Mozart, il expose toutes les facettes de la réflexion à l'interprétation pour des "rôles" différents, des émotions multiples et plein d'autres détails qui échapperaient à la lecture ou compréhension du spectateur.A l'aide d'images animées de sa propre personne, il visite tous les univers des trois personnages de la complainte de Mozart, les attitudes, les expressions et se débat avec son double qui à l'oral et comme une petite voix intérieure lui dicte ses gestes!Dédoublement burlesque à souhait et très réussi pour évoquer nos peines, nos échecs, nos inquiétudes, en bref la vie d'artiste et plus encore.Quand tous les personnages évoqués sortent tour à tour de son rêve, c'est une galerie de tableaux, portraits en corps et graphies de Sylvain Riejou qui s'affiche, avec quelques années de plus! (2017) L'effet est joyeux et surprenant, cette petite foule s'affairant autour de lui pour lui rappeler qu'il n'est pas seul dans cette expérience aventureuse de la création. Du bel ouvrage accessible et ludique qui apprend beaucoup sur l'origine et le sens des gestes. Quand au final le danseur vit et danse ce court extrait sur la musique de l'opéra, c'est quasi expressionniste à la Mary Wigman: intense, vécu, sobre légèrement appuyé, plein d'émotions et de sensations transmissibles. Emouvant.
 
 
Conception et interprétation : Sylvain Riéjou
Régie générale : Emile Denize
Coach chorégraphique : Tatiana Julien
Regard extérieur : Laure Hamidi et Mathilde Hennegrave
Remerciements : Myriam Gourfink, Daniel Larrieu, Olivier Martin Salvant, David Walh
Production, diffusion : Marion Valentine et Charles-Éric Besnier-Mérand – Bora Bora productions 

A Pole Sud jusqu'au 30 Septembre 

dimanche 28 septembre 2025

John Luther Adams par le JACK Quartet : la voie est libre....

 


JACK Quartet nous introduit à l’œuvre de John Luther Adams, compositeur du paysage sonore et ardent défenseur de l’environnement.

Arpenteur des grands espaces, du nord de l’Alaska où il vécut une grande partie de sa vie jusqu’aux déserts américains et sud-américains aujourd’hui, celui qui fut tout d’abord militant écologiste dans les années 1970-1980 se consacra à la composition tardivement. Presque méconnu en France, John Luther Adams est l’un des compositeurs les plus originaux de sa génération. Ses œuvres, ici interprétées par le JACK Quartet, sont le fruit d’une « écriture de l’attention », condition sine qua non du lien entre l’humain et l’environnement.
Programmé par Léonard Sanchez

« La géographie sonore de John Luther Adams a suscité chez moi une prise de conscience écologique. Sa musique invite à une écoute attentive de notre environnement sonore tout en démontrant qu’art et engagement peuvent se nourrir mutuellement. »
— Léonard Sanchez


John Luther Adams trace avec The Wind in high places (2010)un paysage serein fait de couches qui se succèdent et dessinent des ondulations volatiles, mouvementées, calmes ou placides comme autant de panoramas immense. La musique se déploie sous la pression légère des archets et tourne comme un vent léger animé d'une brise volage. Les horizons se dévoilent et les perspectives d'interprétation franchisses les limites de l'interprétation.

Toujours en compagnie du compositeur John Luther Adams pour sa pièce Lines made by walking (2019)on déguste ce don, ce sens aigu de la composition cosmique, naturelle qui procure des sensations et émotions vastes, larges en empathie avec les instruments à cordes, accordés par des raccords subtils évoquant cette liberté: la voie est libre avec les sonorités parfois voisines des paysages sonores d'Arvo Part. Car c'est bien d'ambiances reliées à l'évocation de la nature dont il est question. Voyage sans bivouac, sans interruption fait de trois mouvements en apnée, en ronds dans l'eau , ondes qui déferlent sans embuches, voguant dans une atmosphère aquatique grandiose.

En rappel, le quatuor nous offre une courte pièce pleine d’allant, de rebonds, d'ornements quasi baroque, pavane ou routine très dansante pleine de rebonds. Elévations, retenues très en contraste avec les deux oeuvres précédentes... Jack pot pour cet ensemble rayonnant, serviteur de John Luther Adams, cordes à leurs arcs sans défaillir

JACK Quartet

violon Christopher Otto, Austin Wulliman
alto John Pickford Richards
violoncelle Jay Campbell

A l'église du Bouclier le 28 Septembre dans le cadre du festival MUSICA 

 

"The People united will never be defeated !" Hymens...Hymnes à la liberté.


RÉCITAL:À partir du chant révolutionnaire chilien El pueblo unido jamás será vencido (Le peuple uni jamais ne sera vaincu), Frederic Rzewski compose en 1975 une œuvre majeure du piano contemporain.

En 36 variations d’une étonnante liberté et d’une beauté intense, c’est l’histoire des luttes du XXe siècle qu’il fait résonner, comme l’illustrent deux autres mélodies qui habitent la pièce, le Bandiera Rossa italien et l’hymne antifasciste Solidaritätslied de Hanns Eisler. « Elles apparaissent, écrivait le compositeur, pour mieux souligner les similitudes entre les menaces fascistes présentes et passées, et insister sur l’importance d’en tirer les leçons. »


Frederic Rzewski
, The People United Will Never Be Defeated! (1975) piano | Ralph van Raat

Il est seul en compagnie d'une mélodie fétiche des libertaires. Seul mais avec 36 versions de cet hymne à la liberté et le voila, ce virtuose à exécuter par cœur sans partition cette œuvre atypique.L'originale version fait figure de prologue, d'introduction à toutes celles qui vont prolonger notre écoute et varier selon hauteur, rythme, ton et autres modalités de facture de composition. Tantôt version "romantique",  à petits pas légers, foisonnante, à la dérive, divagations, chemins de traverse et sentiers de l'âne. C'est surprenant et envoutant, la mélodie s'effaçant devant l'inventivité et l'ingéniosité du compositeur. Prolongement, adaptation de l'hymne en font de multiples interprétations , fluides ou segmentées, colorées ou vindicatives. Toujours dans des tonalités qui échappent à la formule d'origine. La dramaturgie de l'ensemble nous proposant un savoureux cocktail sensitif et émotionnel. En glissements, soubresauts et autres systèmes ingénieux de fabrication musicale. Parfois version mondaine de salon, ou agressive et virulente proposition populaire et militante. De quoi réjouir tout un public réuni ce matin là salle Ponnelle par curiosité et appartenance politique diversifiée. Distingué ou affolé voici ce slogan chanté en mode transformation et mutation perpétuelle et permanente. Soulèvement ou berceuse, on pénètre dans divers univers culturels, géographiques et sur d'autres continents. Ces variations virtuoses, alertes, pleine de tonus troublent et engendrent une réelle empathie avec l'oeuvre. De toutes ces évasions, on retourne au sol en un atterrissage soigné: retour aux sources de l'inspiration première, fondement de cette gigantesque proposition musicale. Ralph van Raat au sommet de son génie d'interprète. En rappel, une oeuvre de Debussy et d'un compositeur hollandais, généreuses prestations supplémentaire impressionnantes, toujours par "corps", par coeur!

Au Munsterhof dans le cadre du festival MUSICA  le 2 OCTOBRE 8H 30