samedi 11 novembre 2023

Revue 2023 : "Flamms'olympique": aux petits lardons! La Chouc au diapason de l'hymne alsacien sur podium de pacotille: ça brûle les planches et la médaille ne d'or jamais!

 Les Dieux de l'Olympe: les jeux sont faits!


Notre 29ème revue satirique se moquera de tout et de tout le monde. Elle passera à la moulinette les politiques locaux, se moquera des Lorrains, parlera du Racing, de l’écologie… et caricaturera l’actualité marquante de l’année. Elle n’oubliera pas non plus d’égratigner au passage quelques phénomènes de société !
Bien sûr, ça va chanter, danser et sketcher. Cette revue se jouera toujours en alsacien dans une salle et en français dans l’autre. Les comédiens continueront de courir de l’une à l’autre pour vous faire rire dans les deux langues.

C 'est pas de la tarte. Ça flambe à la Chouc.

Retrouvailles annuelles avec l'équipe de la "chouc": toujours un moment de grâce, de "vaches grasses" en période de "vaches maigres". Tonitruante équipe qui marque des buts avec un numéro spécial foot Meinau, chorégraphié de main de maitre -de mètre- à danser, par Charlotte Dambach. Du sang neuf pour "succéder" à Louis Ziegler, ce zig ziegler de la danse "régionale" atypique en diable. Prologue avec l'apparition du groupe qui nous invite à partager les affres de l'actualité, façon "cabaret" des "Deux Anes" ou "Trois Baudets" parisiens. Et bien mieux encore car sur ce "sentier de l'âne", celui qui va brouter hors des sentiers battus, ce sont plus de vingt sketches qui vont s'enfiler tambour battant. D'une salle à l'autre les comédiens bondissent sans cesse pour enchainer les gags toujours de bon aloi. Et ça marche: on fouille ici ce qui blesse dans la cité européenne, Jeanne Barseghian en ligne de mire qui se réjouit d'atteindre son score de popularité tombé à zéro, de son adjoint au nom imprononçable, Syamak Agha Babaei mais si musical... Tout va de mâle en pis avec cette séquence vegan-végétalienne dans laquelle un trio de choc excelle: Jean Pierre Schlagg en garçon-boucher inénarrable face à deux clients possesseurs de la carte vermeille qui leur permet de tout faire: Susanne Mayer et Guy Riss, clients entêtés et "idiots" de la farce végan bien sûr! Sans oublier le stationnement et ses repères arc en ciel qui obligent l' avocat-procureur et juge Bizzotto a prendre toutes les casquettes et se faire l'honneur de réhabiliter une pauvre maman en institutrice de fortune.


Les  jeunes recrues de la troupe
Marie Hattermann, Bénédicte Keck et Nathalie Muller qui excellent dans maintes situations, entre autres celle des deux flics en stage contrôlant un beau "blanc cravaté" pour la première fois. Ici c'est Arthur Gander qui s'y colle et c'est désopilant. Le juste ton toujours pour que ça déménage de façon artisanale, futée et maline vision du monde politique, économique qui n'échappe pas à la poésie. Susanne Mayer en portant le flambeau olympique de la délicatesse et douceur dans "Au vide grenier" où elle incarne une mamie Montéssori de charme, vêtue comme le petit chaperon rouge, de pourpre et de velours fait maison. On retrouve le talent de Guy Riss, pétillant et niaiseux à souhait qui renoue avec le spectre de Chilibebert, réincarné en âne battu qui se joue des métamorphoses de situations. Et les "filles" dans tout cela subliment des personnages drôles et décalés, fumeux et fumant des "joints" joyeux et hallucinants de drôlerie bien placée. La revue est en-caustique, bien menée, les entremets de fortune pour "boucher" les interstices rythmés, pour une mise en scène signée Céline d'Aboukir toujours en phase avec ce petit espace scénique où tout se joue sans cesse sans jamais perdre un centimètre carré d'humour. On se s'en lasse jamais de ces étreintes joyeuses des corps qui chantent, dansent, bougent en vociférant avec des accents à couper au couteau. 


Alors un petit lacet de départ vous sera offert à la sortie du show sans bizness: pour mieux lasser vos godillots d'amateur de marche de la bande à Siffer: car il va falloir Siffer à ces Pieds Nickelés de la scène du ludique, de la satire bien relevée comme un raifort pur qui pique et fait éternuer de plaisir. Encore une petite dose de jeux alsacolympiques pour booster l'atmosphère: les costumes extra-ordinaires signés Florence Bohnert (dont on connait la collection d'étiquettes de vêtements) s'exposent sur le podium du cousu-haute couture à la mesure de l'inventivité du spectacle. Parure du corps comme des exosquelettes de chaque personnage, un Kent, autant qu'un âne bâté, des petits hommes verts pour la touche écolo-bobo de circonstances. Car la cité n'est pas ménagée, madame la Maire en mère amère nourricière et l'heureuse Eurométropole en ligne de tir.  On se réconcilie autour de ces comédiens aguerris au risque, au danger de l'exposition du verbe qui tue, qui chatouille là où ça fait mal, même au bloc non opératoire des Urgences Naturopates. Et la Meinau de danser en bleu-blanc sur  rouge où tout fout le camp en mousse de mise en bière affublée d'une géante dose de Picon. La maire-picon comme cible de choix de la revue incorrigible, jamais corrigée sur la corde raide du théâtre de charivari burlesque qui vous cloue le bec: "parle comme le bec t'a poussé" et les jeux sont fait: la flamme comme relais et passeuse de bienfaits cliniques non remboursés par la Sécurité municipale. Prenez en de la graine comme Jeanne pour mettre du beurre vegan dans les épinards Et secouer le coquetier de la dérision bien placée. La Choucrouterie, un lieu, un "endroit", un territoire où il fait bon vivre le terroir sur le terrain miné de l'humour sensible et rire de tout sans pudeur mais avec tac et sans démagogie: une leçon de poïétique salvatrice pour aller de l'Avent. Pianissimo avec Thomas Valentin pour les touches noires et blanches qui font mouche.


T
extes
Équipe de la Chouc’

avec
Sébastien Bizzotto, Magalie Ehlinger, Arthur Gander, Marie Hattermann, Bénédicte Keck, Susanne Mayer, Nathalie Muller, Guy Riss, Jean-Pierre Schlagg et Roger Siffer

piano (alternance)
Jean René Mourot
Thomas Valentin
Sébastien Valle

mise en scène
Céline D’Aboukir

chorégraphie
Charlotte Dambach

costumes, scénographie
Florence Bohnert, Estelle Duriez et leur équipe

lumières
Cyrille Siffer

production
APCA – Théâtre de la Choucrouterie 29ème REVUE SATIRIQUE

DU 10 NOVEMBRE AU 24 MARS

 

 

jeudi 9 novembre 2023

"Blind" Hendrickx Ntela cie Konzi : du krump ou rien! Danse de barricade pour communards confirmés.

 


Hendrickx Ntela C
ie Konzi Belgique 5 interprètes création 2022

Blind

Blind met en situation cinq krumpers de Belgique, d’Espagne, de France et du Sénégal face à une même histoire. Dans un monde où tout semble normal et où tout geste devient éphémère, sommes-nous libres de penser par nous-mêmes ? Partant de cette question, Hendrickx Ntela, danseuse et chorégraphe liégeoise d’origine congolaise, et Pierre Dexter Belleka, danseur et chorégraphe exilé du Libéria, conçoivent une pièce où la culture krump agit comme une échappatoire. Cette danse, qui leur permet d’exprimer les sentiments qui les ont traversés, prend pour motif la question de l’aveuglement face à un système générateur de désirs inatteignables, passant par les réseaux sociaux et autres médias. Les interprètes développent alors une danse exacerbée par leurs émotions, en inventant un langage singulier à partir de leurs bases communes en krump. Attentifs à la composition musicale, mêlant bruitage, beatmakers et musique électronique, les chorégraphes signent une pièce puissante, où les sensations d’urgence et de solidarité prouvent la nécessité et la particularité de ce mode d’expression scénique.


 

Dans un halo de lumière, une plaque tournante, superficie de survie pour les cinq doigts de la main que sera ce quintette furibond, pour un huis clos au départ hanté de gestes saccadés, hachés, coupés au couteau comme pour fomenter une révolte proche. Le groupe est compact, solidaire, partageux. Les cinq interprètes, parure d'iroquois ou aux longues extensions mobiles dans le vent de l'insurrection proche se rejoignent haranguant une lumière au dessus d'eux.Prière ou rogations? .Bien ancrée, la danse est debout, verticale à peine teintée de niveaux descendants, ascendants. Une quête d'une implorante révolutionnaire en bord de plateau. C'est juste et beau, touchant et ça transperce la Commune de Paris ou la danse des sauvages des Indes Galantes de Rameau, façon Cogitore et Bintou Dembele  virtuose du voguing, du krump, du flexing, du hip-hop, du waacking, de l’électro (une danse née en France dans les boîtes de nuit), etc. Toutes les forces vocales et gestuelles s’emparaient des stéréotypes de l’œuvre pour les détourner.Ici tout bascule, se meut, se fissure, se casse et se fragmente, tectonique des plaques en référence. Les danseurs se dispersent alors pour conquérir l'espace dans une lutte, un combat singulier et féroce: danse de barricade, de résistance et de soulèvement, dynamique, énergique à vous couper le souffle. Tous en vêtements larges, clairs, soquettes aux pieds. La musique est au diapason de cette aventure épique et picaresque, haletante, fébrile. Un moment unique de transmission et passation d'énergie entre les artistes et le public, rare et précieux. Le krump, Blind pour mieux y voir clair dans ces esquisses poétiques lumineuses et très graphiques dans l'espace partagé de la politique et de l'engagement politique de ces citoyens du monde.

 

A Pole Sud le 9 Novembre 



"Oxymore"; une rethorique contradictoire des corps en opposition. Je t'aime, je te tue...

 

Maxime Cozic Cie Felinae France duo création 2023

Oxymore


Repéré sur les plateaux de danses urbaines depuis quelques années, Maxime Cozic pratique une danse rare dans ce contexte, expressionniste, sinueuse, virtuose et intense. Pour son deuxième projet de chorégraphe, il fait appel à Sylvain Lepoivre, complice de la première heure. Plus robuste, le visage grave, le deuxième protagoniste fait contraste. Inspiré par cette différence, le chorégraphe replonge dans ses souvenirs de sorties de boîtes de nuit où l’ivresse des corps rend possible le débordement des individus. À partir de l’état d’euphorie ou de violence qui se dégage de ce type de situation, les deux danseurs oscillent entre manipulation, séduction et soumission. Duo détonant autant qu’étonnant, le pouvoir change de camp en permanence. Les corps, titubants, déséquilibrés et déstructurés par l’alcool et la nuit, lâchent prise et des situations paradoxales apparaissent. Ambiguïté et sensualité s’expriment de manière incontrôlée et la rue devient le théâtre d’autres réalités. La puissance et la fragilité des corps qui s’expriment en même temps donne à la pièce une dimension intime et poétique rarement mise en avant dans les danses urbaines.


En rhétorique, un oxymore ou oxymoron, est une figure de style qui vise à rapprocher deux termes que leurs sens devraient éloigner, dans une formule en apparence contradictoire, comme « une obscure clarté » ou la « lumière noire » ...Qu'en adviendra-t-il en matière de chorégraphie? Seul sur le plateau dépouillé, un homme, tenue banalisée, se présente, s'ausculte doucement, tendrement: son corps semble précieux, son toucher, léger, attentif, bienveillant. Il s'étouffe, râle, tétanisé par un souffle coupé dans une ascension organique pétrifiante, puis son compère le calme.Déjà le mode expressif s'empare de son jeu et sourd de tous ses membres, des traits de son visage entouré d'une belle chevelure hirsute. Parait, l'autre, un être en apparence doué de perfidie, de malveillance. Débute un corps à corps singulier qui n'aura de cesse que de progresser dans l'expression de la douleur, de la soumission, de la souffrance. Ils s'(apprivoisent insidieusement, se câlinent, se calfeutrent doucement puis rapidement, la haine et la fureur s'emparent du premier. Violence de la gestuelle dans un rythme rapide et effrayant, le tout interprété dans une fluidité lax et souple, le corps soumis et balafré de gestes oppressants pour faire naitre un réel malaise. Ce n'est ni un combat, ni une lutte mais un asservissement d'un corps à l'autre.L'énergie est juste et calculée, fulgurante déflagration de consentement, de ravissement, d'enlèvement. S'agit-il d'un viol, d'une agression, d'une mauvaise intention menée jusqu'au bout de ce qui est supportable à regarder? Dans tous les cas cette relation interroge les rapports physiques dans leur brutalité, mais aussi dans l'acceptation d'une maltraitance apparente consentie. La plasticité des corps opérant pour rendre tolérable cette intrusion de l'un dans l'autre. Glissement progressif d'un plaisir masochiste ou accepté. Le couple, duo maléfique se meut avec grâce et fluidité dans un relâchement exemplaire en terme de danse contact. Porté du poids du corps, adhérence d'une peau sur l'autre, comme une dispute, une étreinte rude, brute, abrupte et rustre de deux corps aimantés. L'amour vache et féroce se réconcilie dans une séquence de jamais vu chorégraphique. Lovés l'un dans l'autre, ils s'adonnent à une série de grimaces, de torsions du visage, de la bouche, des paupières, de tout ce qui compose l'anatomie du faciès. Mâchoires et mandibules hyper mobiles, triturées, malaxées par les doigts de ces deux manipulateurs, marionnettistes, prestidigitateurs de la peau.Dans une vitesse, célérité et dextérité virtuose. Supportable juste le temps de ce numéro d'acrobatie à fleur de peau.Oxymore du "beau très laid", du tolérable insupportable, décalant la notion de beau geste convenu, appris ou rabâché. Les deux performeurs sur le fil d'une réalité possible de comportement physique entre jouissance et abnégation, plaisir et douleur: les contraires s'entrechoquent, se cognent et vont droit dans le mur d'une performance qui dérange, interroge et rebondit. Du travail impressionnant d'interprétation pour chacun: le docile Sylvain Lepoivre, le maléfique Maxime Cozic, architecture corporelle puissante et bâtie comme un ouvrage solide et massif. Complicité et désamour à la fois pour cette lutte singulière, confrontation d'énergie douce et puissante. Face à face, osmose et symbiose de deux corps en opposition.

 EN AMONT DES  REPRÉSENTATIONS Broken Mirrors Film documentaire d’Othmane Saadouni Création 2022 – 66′

En suivant le travail de création de la pièce Telles quelles / Tels quels du chorégraphe Bouziane Bouteldja, le réalisateur Othmane Saadouni met l’accent sur le regard des jeunes d’aujourd’hui vis-à-vis du monde qui les entoure. Entre scènes de danse, moments de recherche et d’échange avec le chorégraphe et témoignages plus intimes des danseurs, une histoire poétique s’installe.La danse est superbement filmée au départ, les corps des hip-hopeurs virevoltant sous l'oeil de la caméra au ras du sol pour mieux ancrer les gestes et mouvements superbes des danseurs virtuoses. Puis c'est la parole qui est donnée à chacun, danseur, membres de leur famille pas toujours convaincus par la pertinence de leur choix professionnel: choisir d'être danseur alors qu'une carrière de gendarme serait beaucoup plus acceptable! Un beau témoignage original et pertinent d'une condition pas facile au Maroc. Très belle séquence dansée d'une jeune femme prise sur le vif à bouger spontanément, hors syntaxe chorégraphique délibérée! La danse entre expression et profession, c'est ici l'occasion de se questionner sur cet art que chacun habite à sa façon: organique, sensuelle, directe ou construite lors de répétitions et réflexions d'un chorégraphe, écrivain de la danse: Othmane Saadouni, soucieux de ses interprètes autant que de sa parole.Un film, documentaire de création à la hauteur de l’exigence et du naturel du domaine de Terpsichore.

A Pole Sud les 7 et 8 Novembre carte blanche à Etienne Rochefort