dimanche 27 avril 2025

"Marius" : Joel Pommerat: du bon pain, une bonne pate.

 


À Marseille, Marius travaille dans la boulangerie de son père César. Les affaires vont mal, et Marius rêve d’ailleurs. Partagé entre son envie de prendre le large et son amour pour Fanny, une amie d’enfance, le jeune homme doute : faut-il tout quitter au risque de tout perdre ? Rester pour épouser la vie qui lui est destinée et honorer son devoir de fils ? Pour créer cette adaptation de la première pièce de la Trilogie marseillaise, Joël Pommerat a partagé les mots de Pagnol avec des détenus de la Maison centrale d’Arles, hors des sentiers battus du théâtre. Une aventure artistique et humaine qui les a menés à la création d’une troupe d’acteur·rices qui porte l’histoire de Marius et ses enjeux avec une vérité saisissante.


Une boulangerie reconstituée, un petit salon de thé seront l'unité de lieu de cette fable comique autant que dramatique, menée avec vivacité et tonicité singulières. Il y a le père et le fils et toute une gamme de personnages "secondaires" loin de l'être. Le discret vendeur de moineaux qui se terre dans son coin, le dandy entrepreneur de cycles opportuniste qui se targue d'être amoureux d'une Fanny tendre et respectable. Et les autres qui gravitent vont et viennent, font irruption dans ce petit monde, microcosme d'une société marseillaise joyeuse. Mais voilà, ici Marius ne fait jamais payer les cafés et "tire la tronche", fait fuir les clients et n'a ni ambition, ni rêve.

César le patron-boulanger en est désespéré et lui reproche ses attitudes, son laxisme, son indifférence, son flegme. Il n'y a qu'un semeur de trouble averti de tout pour le secouer et lui faire prendre une décision opportune fatale: fuir ce foyer, abandonner Fanny, la laisser alors qu'ils viennent tout juste de s'avouer leur amour d'enfance.


Cruelle destinée dessinée sous l'angle de l'humour, du comique plus que de la détresse et de la souffrance. Les acteurs jouissent ici d'une belle et juste direction d'acteurs, sobre, pertinente dans ses multiples rebondissements. On suit avec intérêt et empathie le sort de Marius, affalé sur sa chaise haute, les colères de César au grand coeur, qui se "pique" d"être un tricheur au jeu de cartes. Et ce frondeur dandy, homme d'affaires de pacotille, dérangé sur son portable pour faire croire qu'il est un ministre débordé par ses acolytes incapables. Une humanité bon enfant se dégage de cette pièce savoureuse aux accents du midi, à la richesse et générosité de la présence et de l'engagement des acteurs. 


Tous sans exception à leur place, au bon endroit sous la touche impressionniste de Joel Pommerat. Une exceptionnelle revisitation de Pagnol en compagnie de des associations Louis Brouillard et Ensuite qui augure de la confirmation ou de l'éclosion de talents d'artistes du monde du spectacle au profil parfait. Et touchant droit au but: ce camaïeu de caractères touche et fait "fanny" au jeu des fléchettes de l'existence. Les pieds tanqués au jeu de boules déboussolé.

 


Librement inspirée du texte de Marcel Pagnol Création théâtrale Joël Pommerat

Au TNS jusqu'au 3 MAI

Avec Damien Baudry, Élise Douyère, Michel Galera, Ange Melenyk, Redwane Rajel, Jean Ruimi, Bernard Traversa, Ludovic Velon

samedi 26 avril 2025

"Je suis venu te chercher": Claire Lasne Darcueil créatrice d'une géographie humaine mouvante. La sagrada familia de nos rêves....


 Amir n’a jamais su qui était son père. Il apprend un jour que ses origines prennent probablement racine dans le nord de Strasbourg. Guidé par une femme-ange de 92 ans, il part à la rencontre de l’enfance de personnes qui ont aujourd’hui entre 60 et 95 ans, plonge dans le paysage de cette ville, à la recherche des enfances perdues et des premiers amours. Dans son enquête, il rencontre Léa, qui changera sa route. Une histoire écrite par Claire Lasne Darcueil, née de son immersion au plus près des mémoires de Strasbourgeoises et de Strasbourgeois. Une création collective rassemblant au plateau l’acteur Salif Cissé, l’actrice Lisa Toromanian, des comédien·nes non-professionnel·les et un chœur dansant d’habitant·es mu·es par le même désir de raconter à plusieurs, à égalité. 


Sacrée famille que cette ode au collectif, à la mémoire d'une collectivité urbaine qui au départ n'a rien commun. Excepté l'enquête et la récollection d'histoires personnelles d'habitant de l'Eurométropole strasbourgeoise. Plus qu'un récit, qu'une accumulation de témoignages intimes, voici reconstituée sur l'immense plateau nu du TNS, les évolutions spatiales de ce petit peuplé fédéré autour de la notion de mémoire et de filiation. Notre héros se tient debout oscillant dans un soufflet de train et téléphone à une femme très âgée qui lui avoue être en filiation avec lui: il en doute, il est noir, elle toute blanche de peau plissée!Alors commence une recherche, une chasse à l'âme soeur parmi tous ces volontaires, ces candidats potentiels à l'élection familiale. Chacun s'y présente à ce casting, parmi une soixantaine d'élus, acteurs, comédiennes amateurs auditionnés pour partager cette expérience audacieuse de la scène. 


Lui, Amir Cissé,au milieu de cette population mouvante qui danse, oscille, ondule et tangue pour intriguer, séduire, convaincre de leur légitimité à être l'élu du coeur filial de Amir. Beau gars plantureux, généreux, perturbé par ses craintes, ses inquiétudes quant à la décision de partir à la recherche de ses origines. Et si il dérangeait ainsi le bon ordre des choses en bouleversant le destin d'une famille constituée? Remarque que lui fait son coatch, Lisa Toromanian, conseillère de vie.

Egoisme contre humanité plénière de droits et devoirs illégitimes? Eux dansent autour de lui, s'affairent sans se bousculer, courent, sautillent et parlent sans pudeur de leur vie. Par coeur, par bribes qui font avancer la narration. La dramaturgie souligne les divagations et interrogations de l"âme en perdition d'Amir. Une femme tout de noir danse sa vie, gracieuse, éloquente dans ces gestes. Une autre évolue dans des tourbillons aléatoires de toute beauté, lyrisme corporel chantant joie et liberté. Encore une autre femme qui sourit à la vie en esquissant dans l'espace traces et signes du vivant. 


C'est à Kaori Ito que l'on doit cette "écriture corps", chorégraphie soignée, spatiale, épousant les qualités de chacun pour ce qu'elles sont dans le bon sens et l'écoute. Le chemin corporel respecté pour faire émerger en chacun sa part de mouvance.Et la fiction narrative de sourdre de cette expérience corporelle collective insolite en compagnie de Léonore Zurfluh, chorégraphe. Les mots se mêlent à cette présence d'un corps de ballet hétéroclite aux identités physiques et d'origines fort variées. Un break danseur deux femmes à la mouvance remarquable sans être "danseuses professionnelles" pour autant. Une belle réussite qui honore l'esprit des "Galas", recherche de la mémoire collective vécue pour produire textes et mises en scènes d'aujourd'hui. Ou excelle Claire Lasne Darcueil, chercheuse et metteur en scène et en mots.Une cartographie socio-politique et poétique de la tendresse et des liens qui nous unissent. Des courbes de niveau qui s'effacent pour faire un endroit, un territoire, terrain d'entente, d'écoute et de fraternité.Topographie d'un finage extensible à l'infini. Je suis venu te dire...qu'on existe ensemble. Et qu'un père retrouvé vaut autant qu'une communauté gagnée, choisie. En bonne compagnie dansante. "Papaoutai", T'es où Papa: nulle part et ailleurs, ici et maintenant....chantait Stromae.




[Écriture texte et mise en scène] Claire Lasne Darcueil
[Écriture corps] Kaori Ito chorégraphie Léonore Zurfluh

[Avec les acteur·rices] Salif Cissé, Lisa Toromanian
Et Marie-Cécile Althaus, Pierre Chenard, Jean Haas, Jean-Raymond Milley, Dominique Wolf.....

Au TNS jusqu'au 30 AVRIL

vendredi 25 avril 2025

"Exit" de la compagnie Circumstances: porte à portes battantes! Piet Van Dycke s'emporte à la pièce.

 


Pour Exit, le chorégraphe flamand Piet Van Dycke a invité quatre spécialistes de disciplines différentes à inventer ensemble un langage commun. Pas d’agrès ni d’accessoires pour cela, mais cinq portes et un mur pivotant. Dans cet espace qui leur réserve des surprises, les artistes entrent et sortent, apparaissent et disparaissent, sautent et tombent, se retiennent et se propulsent, se soutiennent et s’entraident. Tous les quatre se hissent dans les airs, glissent du mur et cherchent un état d’équilibre commun qu’ils finissent par trouver. En jouant de l’intérieur et de l’extérieur, explorer l’environnement et ses obstacles devient une façon d’explorer la relation entre l’individu et le groupe. Selon Piet Van Dycke, le cirque ne consiste pas à réaliser, mais à défier l’impossible : en quête perpétuelle d’interaction, frôlant régulièrement la chute, les circassiens découvrent peu à peu la nécessité de la confiance en l’autre. Une manière de donner une forme physique au vivre-ensemble, dans un spectacle brillant sur l’importance du collectif.
 
Entrée des artistes
Une construction cubique grise à un étage comme lieu d'action avec plein de portes et pas de fenêtres.Un territoire à conquérir peu à peu pour ces personnages vêtus sport à tee shirt gris barrés de vert. L'un passe par une porte et s'ensuit une succession d'allées et venues intrigantes . Ils se croisent, se mêlent, s'évitent, se rejettent  se repoussent et conversent ainsi .Un vrai ballet réglé comme une horlogerie sans faille ni disfonctionnement.Magie de ses apparitions disparitions jouissives qui s’enchainent tambour battant sous la tension d'une musique percussive qui galvanise les interprètes.Peu à peu tout s'envole dans la verticalité, histoire de conquérir le premier étage: la porte principale du bas étant comblée. La danse se fait contact, contours et virevoltes incessantes au gré des rencontres. 
 

Chacun s'y croise ou évite sa relation. Suspens et élévation au menu sur des plaques glissantes, parois du petit cube qui deviennent hélice tournante de moulin à vent pour ces quatre garçons dans le vent .Le ravi de la crèche, innocent personnage très intrépide s'en donne à coeur joie pour exécuter les figures les plus audacieuses. C'est quasi une piste de skateboard pleine de surprise.Le danger est constant, les prises de risques se succèdent dans un sans faute remarquable. Alors que les complicités se tissent pour devenir berceau de réception faite de confiance et d'acceptation et de soutient de l'autre. On gravit mieux la montagne ensemble dans cet "être ensemble" fort aventureux fait d'expériences physiques remarquables. La musique transporte toujours les corps dans l'éther, éternité spatiale très construite. Le vertige s'empare du spectateur en apnée. Au seuil de cette petite bâtisse, le monde est vaste et la surface de réparation dangereuse. Les couleurs des maillots change, caméléons de camaïeux gris ou verdâtre.Cette folle virée vers des acrobaties proches du rock n'roll ou de la capoeira, du cirque est tonitruante et haletante. En suspension comme eux, on oscille, on bascule dans l'équilibre-déséquilibre permanent. La notion de poids et de contact, fondements des déplacements et appuis se révèle bien opérationnelle et fil conducteur d'une dramaturgie sur le vif, sur la sellette. La chorégraphie de Piet Van Dycke célèbre cette pesanteur-apesanteur en cérémonie burlesque où l'on s'emboite sans claquer les portes ou l'on s'empoigne sans heurt mais dans la joie et la jouissance du partage. "Danser sur moi" disait Nougaro en parlant des planchers de bal si propices à l'échange. Pivot du spectacle, le corps en mouvement défie les chutes et construit une architecture tectonique frissonnante.
 
 

Au Maillon jusqu'au 26 AVRIL

 

"About Love and Death Élégie pour Raimund Hoghe" : Emmanuel Eggermont ange ou démon. Poète et auteur de l'oulipo de la danse

 


Emmanuel Eggermont L’Anthracite France solo création 2024


Esthète aux scénographies d’un minimalisme sublime, Emmanuel Eggermont a clos ses pièces chromatiques autour de la recherche sur la couleur : le noir de Πόλις (Pólis), le blanc d’Aberration ou les motifs dichroïques d’All Over Nymphéas. Sa danse délicate et puissante se tourne vers son mentor Raimund Hoghe. About Love and Death est un hommage à celui qui fut le dramaturge de Pina Bausch, avec lequel Eggermont signa huit pièces. De Debussy à Judy Garland, la bande son fait s’entrecroiser musiques populaires chères au chorégraphe allemand disparu en 2021, extraits de films et grands classiques. Une mélancolique Samba-Cançao brésilienne de Dolores Duran, un lieder de Mahler ou une Valse de Joséphine Backer témoignent de quinze années de collaboration entièrement tournées vers le mouvement sincère et la présence essentielle, connectée à l’origine du mouvement. Fuite du temps, amours, perte des êtres chers, il glisse ses pas dans ceux du maestro allant jusqu’à l’incarnation du spectre de Raimund Hoghe et de ses paysages émotionnels.

Le plateau est libre, blanc, vierge et offert à la danse d'un soliste hors pair qui saura donner une âme à l'espace, aux objets, aux accessoires,à la lumière et à la musique. Le corps d'Emmanuel Eggermont ne s'efface pas devant la mémoire de son partenaire d'avant, Raimund Hoghe, "disparu" dans l"ether mais présent lors de cet hommage princier au personnage, à l'artiste envolé. Au sol, gisant dans des vêtements noirs, "outre noirs"sobres enveloppes de son corps gracile, Emmanuel Eggermont incarne un lyrisme à fleur de peau qui se décline plus d'une heure devant nous en partage. Avec l'appui de chansons de légende, de dialogues de films, de notes de musique favorites, fidèles amies du couple de danseurs d'antan. Il n'y a pas de nostalgie dans ce solo évoquant des attitudes, des pas , des poses de Raimund. Juste un respect, une passation pudique mais réelle, incarnée dans l'instant. Les gestes du danseur sont précis, tallés au millimètre près, décomposant l'énergie pour en construire un florilège d'attitudes proches des frises grecques, des enluminures baroques. L'envergure des bras, les battements de poignets comme signaux de détresse ou d'agonie. Un officiant pour une cérémonie, plein de flegme et de nonchalance feinte!rRévérence respectueuses, inclinaisons du corps audacieuses et figures inédites au répertoire du danseur démiurge de l'écriture chorégraphique nouvelle.Avec préciosité, justesse, grâce et abnégation. Les morceaux choisis de compositions musicales s’égrènent un à un dévoilant les différences signatures de l'interprète. Savantes et audacieuses esquisses burlesque à la Chaplin ou Astaire pour une version de "chantons sous la pluie" désopilante, charmante et joyeuse. Une façon bien à lui de revisiter un répertoire d'inconscient collectif qui touche, interpelle, remue. Secouer la mémoire, passer au tamis l'inutile pour trouver de l'or, notre orpailleur détaille, cisèle, sculpte les gestes et le souvenir pour en extraire du renouveau, de l'indicible, du jamais vu. Il irradie, réchauffe les esprits et danse de toute sa présence discrète, pesée, flegmatique parfois, détachée. Sa Carmen est portrait d'une femme hésitante et troublée, pas fière du tout, simple être humain en proie à une situation dramatique. Des petits détails de costumes font jaillir du sens: couverture de survie, paire de chaussures à talons hauts et robe de bal portée sur le dos. Dramaturgie chère à Raimund Hoghe qui excelle dans la richesse du détail, mis en scène, magnifier par lumières et sons. Cold Song dansé en costume noir et chapeau haut de forme fantaisiste fait mouche et ce diable, Dracula ou esprit magnétique ensorcelle sans jamais déposséder celui qui regarde. Grande liberté d'interprétation pour le spectateur envouté, pris sous le charme du danseur. Ange ou démon, il respire la beauté du geste en pleine souveraineté, prince et beau joueur du passé, orfèvre du détail, des postures les doigts en éventail, les bras pliés comme des origamis,le regard évasif ou très présent selon l'évocation du moment. Un homme du milieu, à cet endroit précis où la danse se fait cosmos et constellation dans un parcours spatial émouvant. Emmanuel Eggermont corde sensible, tendue d'un clocher à un autre comme un funambule , le Rimbaud de la danse. Là où se réinvente le langage en oulipo du geste autant qu'en savent alexandrin. Une poétique hors norme pour un interprète horloger de précision méticuleuse, artisan du beau et compagnon de l'excellence futile.

« J'ai tendu des cordes de clocher à clocher. Des guirlandes de fenêtre à fenêtre. Des chaînes d'or d'étoile à étoile. Et je danse. » 20 octobre 1954 

A Pole Sud le 24 AVRIL

TRAVAUX PUBLICS Bouziane Bouteldja – "Des danses et des luttes" saute-frontières.

 


Bouziane Bouteldja découvre la break dance en 2001 et fonde sa compagnie en 2007 à Tarbes pour y développer un travail d’auteur en tissant des liens entre Art et Société. Des danses et des luttes est conçu comme une conférence dansée qui pourrait être présentée partout. L’histoire de danses qui sont nées à l’occasion de luttes sociales ou de libération mais aussi des danses qui sont nées grâce au déplacement et à la rencontre entre les gens.     

Le studio de Pole Sud est plein à craquer: un engouement pour la break-dance assurément et une atmosphère bon enfant fort sympathique s'en dégage. Sur le plateau paperboard et chevalet où semblent être tracés continents et carte du monde. La danse passerait-elle les frontières et les styles pour mieux tisser des liens? C'est ce que va nous exposer et expliquer verbalement le maitre de conférence, docte animateur de la séance: il se présente micro en main mais tête bêche en position yoga histoire de voir le monde à l'envers et le remettre peut-être à l'endroit.Bouziane Bouteldja rayonne, de bonne humeur contagieuse et plein d'humour et de détachement. Certes, la pièce à venir n'est pas terminée et ce seront des bribes de danses qu'il se propose de nous faire voir et regarder. En bonne compagnie: trois danseurs du cru et deux autres compagnons de route. Des danses comme il sait les faire éclore dans le corps des interprètes s'inspirant des danses de l'Inde comme celles du pays de l'apartheid, l"Amérique du Sud. Bouziane questionne les origines, les métamorphoses des gestes qui voyagent et se transmettent . Tradition et évolution, passation au chapittre. Ce qui le passionne, c'est la recherche et les rencontres dont il s'inspire pour façonner ces danses, plus d'une dizaine au chapitre. Ce soir, il nous en présente quelques unes dont le voguing qui fera l'objet de belles postures, marches singulières et déplacements en vogue! Break dance bien sur avec des démonstrations enjouées de figures revisitées par l'agilité et le savoir faire des danseurs. Être ensemble autant que pour soi dans la diversité, dans la mémoire fouillée autant que dans le présent de la scène. Une des interprètes excelle dans une danse inspirée de ce flamenco, passe-muraille et saute frontières du mouvement. L'origine et celle des peuples Roms qui traversent les continents pour se poser en Espagne. Comme quoi, ce ne sont pas les Italiens qui inventent les pâtes, mais les Chinois. Cette jolie cuisine de comptoir deviendra vite objet et sujet de gestes divers et variés, précis, inventifs, inspirées et vécus. En partage avec le jeune public invité à s'emparer du tapis de danse, formant le grand cercle des danses irlandaises, cornemuse franco-algériennes au menu. Et la salle de se révéler danseuse aux multiples talents de réservoir break-danse. C'est fabuleux d'assister à ce métissage en présentiel, tous en verve et démonstration de son talent. L"enthousiasme s'installe et la danse fuse.La lutte contre toute forme d’ostracisme en poupe. Soulèvement et débordements salvateurs comme credo. L'homophobie comme ennemis numéro un à combattre pour notre animateur de débat sur la piste, dans l'arène de la vérité. Sans déni ni mensonge, c'est la danse qui fédère, efface les différences et les rend incompréhensibles. Passeur d'espoir, de beauté du geste, de fraternité, de solidarité ce canevas à apprendre désormais "par coeur" et par corps est convaincant. Le mouvement rare et précieux, juste, transformé, en mutation, passage obligé des péripéties inter-frontières de la pensée du chorégraphe, chef de troupe et initiateur de talents. Des danseurs passionnés, habités et joyeux servant une cause évidente d'identité autant que d'universalisme.Une compagnie précieuse à cultiver pour être parmi les défenseurs vivants d'une communauté sans communautarisme....

A Pole Sud le 24 Avril

mercredi 23 avril 2025

"Valentina" de Caroline Guiela Nguyen : atout, coeur.

 


Un soir, au retour de l’école, Valentina découvre un mot sur la table. Il a été écrit en français par le médecin, pour sa maman, qui ne parle pas la langue. Il faut traduire. Valentina se tient là, face à sa mère, la vérité imprononçable en bouche : une nouvelle qui pourrait abîmer le cœur et provoquer un incendie dans leurs vies. La vérité, on l’ordonne ou on la retire, on l'espère ou on l'étouffe. Elle est la flamme autour de laquelle gravite la nouvelle création de Caroline Guiela Nguyen, écrite comme un conte, au plus près du métier d'interprète professionnel franco-roumain.

Un conte de fée contemporain, une histoire qui se tisse par delà le miroir du décor, par delà les frontières des pays européens, une pièce de théâtre tout simplement: voilà ce que pourrait être "Valentina" cette enfant qui a inspiré le fil de la narration de destins communs d'une famille dont la "maman" est frappée d'une maladie cardiaque. Mais comment communiquer cette situation quand on est roumain, qu'on ne maitrise pas la langue du pays d'exil, la France en l'occurrence? Ce sera à coup de "mensonges", de quiproquos que se défile l'enfant qui aura la charge de porter le secret de sa mère. Au médecin dont elle devient l'interprète malgré elle pour  que sa mère soit entendue, écoutée, respectée dans un monde médical pressé, hautain, désincarné et déshumanisé.Critique ouverte de la part de l'autrice sur ces violences psychologiques faites ainsi aux malades qui souffrent autant de leur handicap que du mépris et de l'incompréhension de l'autre. Inaccessible. Heureusement dans l'univers de Valentine il y a le cuisinier-interprète de l'école,Marius Stoian, la directrice qui n'ont que de bonnes intentions à son égard. Celle de comprendre, concilier, harmoniser les choses en toute empathie et sympathie. Chloé Catrin endosse brillamment deux rôles, le passage à peine perceptible de l'un à l'autre: la directrice affable et bienveillante et l'odieuse médecin impatiente et débordée.Le père, Paul Guta qui est resté en Roumanie, musicien violoniste reste présent malgré les distances.Les mensonges et autres cachotteries l'affectent et l'intriguent...Et la "maman", Lorédana Iancu, actrice dite amateure rayonne dans ce rôle, autant que sa fille Angelina en alternance avec Cara Parvu qui jubile dans cette prestation hors pair. Une enfant d'une grande maturité, d'une grande fraicheur affronte un rôle majeur et des situations difficiles, cruelles mais hélas réelles.Mère et fille y développent une singulière expérience de sororité inédite!


Alice Duchange met toute la religiosité de la pièce dans une scénographie évoquant ce coeur sacré, icône vénérée dans une niche d'église orthodoxe sans aucun doute, alors qu'un caméraman suit en direct toutes les évolutions des personnages reproduites sur un petit écran: fenêtre ouverte sur des gros plans de visages joyeux ou défaits en toute fausse proximité.La pièce touche, les battements de coeur ne vont pas cesser , de "battre mon coeur s'est arrêté" n'aura pas lieu pour autant, à "120 battements par minutes" la maladie va reculer, disparaitre comme par enchantement ou par miracle. Car si l'enfant absorbe les maux de sa mère, s'en charge jusqu' à mimétiser et tomber malade c'est pour mieux ressusciter par le mensonge. Celui de tous y compris du médecin et d'autres complices. La figure de "La Reine de la nuit" comme rédemptrice figure de proue du don, de l'abnégation est forte et conclut l'opus par du brillant, de la joie, de la danse. Ce costume endossé par la fillette si responsabilisée, comme seconde peau, la sauve de toute toxicité familiale. Car la fusion mère-fille est condamnable et dangereuse même si non voulue ni préméditée. L'inconscient du conte de fée ici présent expliquerait bien des pistes à la Bettelheim (psychanalyse des contes de fée). Non expurgés de leurs significations. Loin d'être une simple fable, "Valentina" va droit au but sans détour; poser et dénoncer des réalités sociales, culturelles ignorées qui sapent une partie de la population étrangère d'un pays: la langue comme clef unique de communication et d’accès à bien choses.La langue comme passe-muraille, passeport assermenté de nos relations institutionnelles.

 Au coeur de la vie, au pays de l'enfance, petit pois ou gros nounours le mensonge A est roi!

Au TNS jusqu'au 30 AVRIL dans le cadre des Galas

vendredi 18 avril 2025

Stefano Di Battista se fait la vie douce ! « La Dolce Vita » et tutti quanti !

 


Après Morricone Stories dédié à Ennio Morricone, le saxophoniste italien Stefano Di Battista est de retour avec La Dolce Vita, un projet ancré dans la culture populaire de son pays.
En quintet, il fait résonner sous un nouveau jour les chansons italiennes emblématiques de l’âge d’or de l’Italie en naviguant entre ferveur et nostalgie. Pour cette soirée à la Briqueterie, Stefano Di Battista fait résonner les thèmes rendus célèbres par Paolo Conte, Andrea Bocelli ou Lucio Dalla et met à l’honneur des compositeurs comme Renato Carosone ou Nino Rota. 


 La vie est belle

Quand le "bon", la brute" et le "truand" rencontrent le "parisien" et le sicilien, c'est à un effet de bombe musicale , joyeuse, virtuose et inventive que l'on assiste. Ou plutôt participe car le don de Stefano Di Battista c'est aussi l"animation, le contact avec le public, la verve et simplicité du contact. C'est dire si ce soir là au sein de La Briqueterie à Schiltigheim, l'ambiance était décontractée et bon enfant en compagnie de cet artiste virtuose du saxophone, hors pair.Les morceaux de choix du dernier album du groupe constitué autour du Maestro, La Dolce Vita" se succèdent avec délice, malice et inventivité. Reprendre des "tubes" de référence de la musique italienne, est un pari audacieux: Nino Rota, Lucio Dalla, Paolo Conte et Ennio Morricone se rencontrent et se catapultent sur le plateau en bonne compagnie. Les mélodies se reconnaissent certes, bordées d'ornements musicaux incongrus, adaptés à, chacun des virtuoses en leur genre. Le tout jeune trompettiste Matteo Cutello comme une égérie du groupe ce soir là, porté aux nues par Di Battista comme un fils légitime de son esthétique sonore. C"st drôle, réjouissant et convivial et l'ambiance dans la salle se fait chaleureuse en boomerang.Le concert bat son plein avec pour chacun quelque instants de grâce: le pianiste excelle dans une dextérité volubile magistrale, le percussionniste s'éclate en mille et une vibrations éclatantes et éclaboussantes, le contrebassiste fait la douceur et saveur sensuelle des morceaux qui s’égrènent. Une soirée d'exception où l'atmosphère loin d'être nostalgique s'est révélée festive et ludique baignée d'une musique revisitée de haute volée. Les virtuoses au diapason d'un répertoire vivant, animé et empreint d'une sympathie contagieuse. Quand le talent rejoint la convivialité tout semble simple et de toute évidence! Stefano Di Battista sur une jambe qui tangue, s'ancre au sol, concentré autant qu'à l'écoute de ses partenaires de choix. De Naples à la Sicile, ce voyage-expédition territoriale conduit vers des îles, archipels musicaux très chers et parfois encore inconnus de nos oreilles captées par autant de légendes de la Grande Musique populaire.Revisitée avec respect et audaces, virtuosité olympique et performances remarquables.

  • Stefano di Battista : saxophone
  • Matteo Cutello : trompette
  • Fred Nardin : piano
  • Daniele Sorrentino : contrebasse
  • André Ceccarelli remplacé par Luigi Del Prete
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  • Briqueterie le 17 Avril Programmation Jazz par Schiltigheim Culture