lundi 7 juillet 2025

Andrée Weschler: une femme chancelante dans l'oeuvre de Pierre Gangloff

 

L'oeuvre de Pierre Gangloff a donné lieu le 29 juin dernier lors du vernissage de sa très belle rétrospective à la Case à Preuschdorf a une étonnante performance live de la plasticienne Andrée Weschler. Dans la cave aux marches descendantes, c'est dans un joyeux enfer que nous invite l'artiste.

La femme chancelante

Une niche calfeutrée, intime pour un one women show singulier. Inspiré de la Magdalena, Marie Madeleine sainte et intouchable, voici une femme à demi vêtue d'une combinaison à dentelles, froissée, au vécu assurément mouvementé.Chevelure blond cendré en coupe régulière autour du visage impassible.

photo robert becker

Son corps est robuste, tout proche de nous, son souffle exhale une rude présence, forte. Le regard au delà des étoiles du plafond, les yeux hagards, elle se déplace avec difficultés comme sur des jambes coupées du sol, sur des chaussures rouges à talons hauts.et elle oscille sans cesse, menace de chuter, ne tombe jamais malgré les obstacles faits à sa démarche hésitante. Risque, danger de s'exposer aussi au regard de l'autre dans l'instant présent dans une grande empathie avec nos empêchements physiques particuliers, personnels.
photo robert becker

Se mouvoir, émouvoir, se mettre en mouvement, en péril.S'émouvoir tout simplement.L'e-motion d'Alwin Nikolais pour le registre des danseurs.Ses mouvements essuient la sueur, transpirent l'eau des larmes. Elle marche comme sur des oeufs. A son bras, un petit panier en osier comme le petit chaperon rouge: que contient-il? Mystère...Bientôt dévoilé alors qu'elle étale au sol un grand tissu rouge en satin de soie près du puits de lumière.

photo robert becker

Un oeuf se révèle au creux de ses mains, objet précieux, fragile, curieux endroit pour y expérimenter la dureté de la coquille, le solide de son enveloppe, carapace animale de volatile.Symbole de fécondité, de féminité, cet "objet" de convoitise voyage sur son corps, à la surface de sa peau, à la périphérie des lignes de sa silhouette.Les coquilles craquent crissent sous ses pieds, dans ses mains, crépitent et brûlent d'impatience.Les oeufs font la ronde à ses pieds sur le duvet du satin rouge. Telle une matrice féconde qui engendre la vie.Un oeil aussi dans son orbite comme un globe visqueux lui rend la vue limpide. Ou opaque. Le blanc, le jaune d'oeuf se répandent sur son corps, souillent et maculent sa nuisette, chemise blanche humidifiée, mouillée.


Femme, femelle, animale dans son terrier secret.Sa tanière discrète dévoilée à notre seul regard de privilégié.Dans un éclairage rougeoyant, chaleureux, bercé par un silence impressionnant de la part des spectateurs rassemblés autour d'elle. Tout près, tout contre. Coquilles qui vont se rompre sous la pression de ses genoux, de son ventre pour faire jaillir le nectar, l’élixir de jouvence et de jouissance de ce liquide opaque, gluant.Une forte pression érotique en jaillit, sensuelle, liquéfiée par les impacts de ces coquilles brisées au contact des murs, du plafond de pierres tout proche.La toile en fond de perspective semble répondre ou questionner cette présence humaine, charnelle qui s'échine à vivre des instants uniques, répondant à une pensée improvisée, tactile, organique au plus près des chaires de la performeuse. Liquide qu'elle absorbe voluptueusement devant nous, dont elle s'enduit comme un onguent religieux, une sainte extrême onction au baume parfumé 

 

photo robert becker


Comme une petite mort très érotique sur les touches de ses cuisses, de ses bras,zones érogènes à fleur de peau. Femme chancelante comme celle de la toile de Max Ernst, devenue icône ou symbole de fertilité. C'est beau, sobre et très chargé de connotations multiples pour l'imagination de chacun. 

Andrée Weschler signe ici au regard de l'esprit de l'oeuvre de Pierre Gangloff, une performance inédite, un geste artistique, cadeau d'artiste à un autre artiste. D'une plasticité à une autre, une peinture vivante, corporelle dont les traces originelles de peinture à l'oeuf ancestrale sont loin de s'effacer dans nos mémoires sensorielles...Et l'on songe à "Je suis sang" spectacle de Jan Fabre où tout est liquide et fluidité, obscénité (derrière la scène) et volupté. Beaudelaire n'en aurait fait qu'une bouchée dans son boudoir calfeutré d'interdits succulents.Un épisode désirable à déguster avec plaisir et délectation? de la langue au palais? au coeur de La Case et de ses trésors.Au final un reliquaire de vestiges cabossés comme une toile de Spoerri, un tableau "piège" à admirer contenant le récit ce que qui vient de se passer...

photo robert becker


 

photo robert becker


A la Case à Preuschdorf, lieu d'art et de convivialité de l'Outre Foret animé par Miriam Schwamm

la femme chancelante de max ernst


dimanche 6 juillet 2025

"La Mouette" sylvestre....Le Théâtre forestier et l'inconnue du lac...

 


Anton Tchekhov

Du 31 mai au 6 juillet 2025, nous vous présenterons “La Mouette” d’Anton Tchekhov, précédée d’une forme burlesque née du tissage de 2 farces. “L’ours” et “La demande en mariage” seront proposés sous le titre “La demande d’un ours en Mariage”.
Yann Siptrott et Serge Lipszyc vous convient pour ce 7ème rendez-vous annuel du Théâtre Forestier au Guensthal, après la folie de “Molière 401” en 2023 et après “Un songe, une nuit , l’été” de William Shakespeare en 2024.


Un théâtre de partage et de convivialité au coeur du joyau de Guensthal, chez les Siptrott’s. Tchekhov n’aurait pas rêvé mieux …

La mouette a révolutionné le théâtre. Tchekhov a inventé le théâtre contemporain en ne respectant aucune règle. 4 actes, ça commence fort et ça se finit pianissimo. 

Il ne se passe rien . C’est à dire qu’il se passe tout. 10 personnages, nos doubles, nos semblables. On désire et on avance pas. On passe à coté de nos vies, incapables d’influer sur le temps qui nous dévorent. 

Le théâtre, on ne peut pas s’en passer. Cette réplique de Sorine éclaire la pièce. Sans théâtre pas de vie, pas imagination artistique, pas d’imaginaire, pas de liens sociaux, pas de mise en représentation du monde et aucun moyen de se guérir de nos maux. 


Tchekhov, médecin le sait bien. Il nous trace symboliquement le chemin à suivre. Mais comme toujours, nous nous égarons. Ce n’est pas triste, c’est juste humain. 

Jouer Tchekhov implique un travail d’équipe, un investissement d’acteur particulier en rien comparable aux autres . Il faut amener toute l’équipe de comédiens sur ce chemin du trouble et effacer les archétypes de la représentation théâtrale. 

Eviter la fabrique, se mettre en jeu permanent, ne pas se réfugier dans du savoir-faire, se brûler certainement. Voilà énoncer de manière débridée quelques pistes qui m’ont conduit, je dirais fatalement, à cette partition après avoir joué ou mis en scène Ivanov, Platonov, Oncle Vania , Sauvage et les trois soeurs. Le théâtre aide à vivre, tout simplement. 

Serge Lipszyc 



Cette pièce «manifeste » un retour aux sources à l’essence même de notre désir de théâtre.

Avec le théâtre forestier , après les succès de Sauvage et Un Platonov, ce sera le troisième volet que nous aborderons en famille. Famille d’acteurs indispensable pour aborder cet auteur.

Requestionner le désir et le pourquoi de l’art, la recherche de l’harmonie sociale et amoureuse et notre incapacité chronique à convoquer concrètement le bonheur , cela fait de Tchekhov le plus contemporain de nos classiques .

La force de notre engagement et l’énergie : faire de l’utopie vitezienne « un théâtre élitaire pour tous « notre crédo.

LA DEMANDE D’UN OURS EN MARIAGE 

d’Anton Tchekhov  

Mise en scène et Adaptation Serge Lipszyc 

AvecYann Siptrott – Sirmov Pauline Leurent – Madame Popova Patrice Verdeil – Louka dans l’ours et Stepan Stepanitch dans la demande en mariage


 Deux petits farcis en amuse-gueule!

Cette fameuse mise en bouche augure de bien du reste de cette après-midi bucolique au sein du Guensthal.. Deux courtes pièces de Tchekhov se partagent littéralement le plateau: "L'Ours" et "La demande en mariage": ces deux comédies en un acte dites "plaisanteries" par l'auteur lui-même s'entremêlent joyeusement sur l'estrade simultanément! Exercice ardu et audacieux pour les comédiens qui se redistribuent l'espace sans cesse à tour de rôle ou carrément entremêlés.C'est dire si l'attention du spectateur se maintient dans un suspens qui balance d'une histoire à l'autre, d'un récit où les personnages se démènent subtilement pour valser judicieusement d'une situation à une autre. D'un côté une demande en mariage orchestrée par un père ambitieux, de l'autre une situation financière à démêler entre une veuve repentie et un futur amant passionné. C'est drôle et décapant, ça frise le vaudeville rocambolesque, le dérapage permanent du jeu des cinq acteurs se divisant un territoire revendiqué. Dans une tonalité haute en couleurs et sonorités vocales puissantes, la farce se fait succulente à déguster au moindre quiproquo frauduleux. Ceux qui campent ces pantins de foire burlesques et très attachants se taillent la part belle dans un registre chatoyant haut en couleurs plein de verve. C'est la veuve tout de noir voilée qui remporte les faveurs, une Pauline Leurent démoniaque et calculatrice, pleine de finesse en rebonds, pistolets au poing et la rage au ventre. De son côté Yann Siptrott campe un propriétaire terrien ruiné à bout qui tombe amoureux de sa proie et fond de générosité débordante. L'autre couple inénarrable, c'est Bruno Journée en malade imaginaire propriétaire de son pré carré et sa belle conquête à séduire' Sophie Thomann, simple et au bon sens près de chez vous!. Et comme médiateur et fauteur de trouble, liant les deux récits, Patrice Verdeil excelle en ingéniosité, malice, complicité et autres tricheries bienfaisantes. On sourit allègrement à ces miniatures de génie au rythme endiablé et l'on quitte ce petit monde survolté loufoque pour aborder la scène où va se dérouler "La Mouette" morceau de bravoure de la soirée..

 


"La Mouette":la chute d'un oiseau blessé parmi les siens...

Au coeur de la clairière, près du lac, les comédiens dispersés, de dos, offrent déjà une mise en scène adaptée magistralement au lieu, à ses perspectives, sa profondeur de champs, sa nature enchanteresse, ses résonances sonores inédites. Un jeune metteur en scène en son petit théâtre de poche et de fortune propose ce jour là un texte du cru, joué par une novice pudique, naïve, prude et discrète. Loin d'être des bêtes de scène, ils jouent devant les "grands de ce monde", auteur réputé et comédienne célèbre, à la campagne, ce "trou" de verdure ennuyeux loin de la ville affriolente où ils sont contraints de séjourner. Tous les personnages ont ici leur importance, leur singularité, leur intérêt, portés par un texte, une langue riche et belle qui les magnifie. Charles Leckler,le fils de la diva, divine actrice, Isabelle Ruiz magnétique et mère toxique, se perd dans ses amours et Sylvain Urban navigue dans des calculs savants de pauvre erre: c'est tout un monde où jeunes et vieux s'égarent, se confient, explosent ou se révèlent à eux même et aux autres.


Serge Lipszyc campe un vieil homme désabusé mais fort attachant à la démarche chancelante, aux propos pessimistes qui se lamente sur les désenchantements campagnards, cette vie confinée dans "un trou", un désert intellectuel insupportable. .Yann Siprott incarne ce détestable écrivain prétentieux et célèbre qui déstabilise et séduit une jeune comédienne, pure et touchante: c'est Léna Dia, cette future "mouette" sacrifiée qui se cherche désespérément parmi ces êtres malveillants, trompeurs et fourbes, ambitieux ou tout simplement malheureux de leur sort subit et qui y succombent.Dans le cadre bucolique du Guensthal c'est un rêve éveillé au bord du lac que le spectateur vit et pour lequel il vibre sans cesse au diapason des comédiens, eux-mêmes imprégnés de ces déambulations, pérégrinations,divagations de verdure. Ce lac prémonitoire, ces allusions à la nature fragile, à la météo du jour qui colle au contexte sont toujours magiques et magnétiques. Pas de hasard, mais une constellation de circonstances favorables au déroulement naturel de cette mise en scène signée de main de maitre par Serge Lipszyc.Les costumes bleu anthracite pour tous, épurés exceptés le chapeau excentrique de notre diva, se fondent dans l'atmosphère plutôt noire de la pièce de Tchekhov: une fois de plus, le "Théâtre forestier" affiche sa singularité: entre sauvagerie domptée et audace révélée, entre respect de la langue et des oeuvres: aller au delà des références et autres adaptations pour nourrir un théâtre engagé, responsable et poétique.


Les interprètes pour servir ce répertoire et toutes les petites mains pour servir un entremets aux herbes sauvages, soupe gastronomique servie dans des bols uniques de la fabrication des hôtes: les Siptrott, sculpteurs de légende, facteurs de personnages qui hantent cette singulière Vallée de la Faveur...

Mise en Scène Serge Lipszyc

Isabelle Ruiz : Irina Nikolaevna Arkadina, madame Trepleva, actrice
Charles Leckler : Konstantin Gavrilovitch Treplev, écrivain, fils d’Arkadina
Yann Siptrott : Boris Alexeevitch Trigorine, écrivain, amant d’Arkadina
Serge Lipszyc : Piotr Nikolaevitch Sorine, propriétaire du domaine, frère d’Arkadina

Pauline Leurent : Macha, fille de Paulina et Chamraiev
Patrice Verdeil : Ilia Afanassievitch Chamraiev, régisseur époux de Paulina

Sophie Thomann : Paulina Andreevna, épouse de Chamraiev, mère de Macha

Léna Dia : Nina Zaretchnaia, actrice
Bruno Journée : Evgueni Sergueevitch Dorn, médecin
Sylvain Urban : Sémione Sémionovitch Medvedenko, instituteur

Scénograpghie : Sandrine Lamblin

Costumes : Maya Tebo


jusqu'au 6 JUILLET

Reprise en Septembre....

jeudi 22 mai 2025

Gustav Mahler Symphonie n°2 en do mineur « Résurrection »: la danse n'est pas macabre mais sauvage.

 


« Qu’est-ce que la vie et qu’est-ce que la mort ? »

Ces mots de Mahler inscrivent sa deuxième symphonie dans une lignée romantique, tout en lui conférant une dimension spirituelle. Il conçoit ses cinq mouvements ainsi : marche funèbre initiale, évocation de moments heureux, vision cauchemardesque, moment méditatif et enfin résurrection finale.

Pour servir son œuvre, un orchestre conséquent, renforcé par des cuivres et percussions dans les coulisses, un chœur et deux solistes. Grandiose !

Et c'est peu dire de cette oeuvre gigantesque et impressionnante, interprétée d'une traite sans entracte, maintenant ainsi une densité d'écoute, une intensité d'interprétation et un souffle grandissant de toute beauté. L'orchestre au grand complet renforcé pour l'occasion et deux choeurs réunis, pour des instants de sidération autant que de quiétude...Le concert démarre déjà sur des notes dramatiques, intenses et fortes, les contrebasses et violoncelles en poupe, construisant ainsi une architecture sonore inédite et troublante. Les cinq mouvements complexes et fort différents alternent dans des ambiances, des univers tissant un portrait-paysage de la mort et de la résurrection tant allegro que andante dans des mouvements tranquilles et fluides, coulant.Le choeur intervient très tard et s'immisce sur la scène et l'estrade. 85 choristes qui démarrent à cappella, hyper piano dans une justesse parfaite grâce à un soutien technique hors pair. Parfois présent dès le début du concert pour faire masse et fusion avec l'orchestre et le public qui peut ainsi en faire un miroir de spectateurs... Ce vis à vis n'est pas le choix du chef ce soir là et casse quelque peu la concentration nécessaire par son entrée incongrue. La lumière qui fait irruption des ténèbres funestes surgit, solennelle mais modeste et irradie de sonorités renforcées par un choeur très présent, discret, bordant les voix de la soprano Valentina Farcas et de la mezzo Anna Kissjudit. Leur présence majestueuse autant que discrète confère à l'oeuvre un caractère sombre, pesé, ancré dans un destin universel et fatal de l'humanité ainsi mise à nu dans sa sobriété et frugalité. L'explosion sauvage finale déborde de tonalités multiples et audacieuses mêlant l'ensemble des instruments dans un chorus musical impressionnant. Ce corps sonore , cet ensemble comme l'union de tous les membres d'un être humain qui constitue un corps charnel et voluptueux est unique et emplit d'émotion celui qui se laisse tenter par une écoute active et impliquée. La direction subtile et très riche de Aziz Shokhakimov  de cette version intégrale, touche et impacte cette réunion d'artistes interprètes impressionnante par son effectif gigantesque. 

L'on songe au corps de ballet de l'Opéra Garnier réuni sur les marches du Palais.. Et l'on se remémore la chorégraphie de Daniel Larrieu empruntant l'Andante pour son ballet aquatique "Watterproof", une interprétation fluide et sensuelle de ce mouvement très dansant. Maguy Marin et d'autres car depuis plusieurs décennies, les œuvres de Gustav Mahler fascinent les chorégraphes. De John Neumeier à Anne Teresa De Keersmaeker, l’univers musical et poétique des lieder et des symphonies de ce compositeur hors du commun appelle le geste, le mouvement, les corps. Après « Danser Bach au XXI e siècle » au printemps 2018, ce sont deux jeunes créateurs qui se saisissent donc d’un autre monument de l’histoire de la musique,avec hardiesse et liberté pour le ballet du Rhin.Harris Gkekas proposait "Oraison double"  et Shahar Binyamini "I am" de quoi atteste que Mahler est bien dans le mouvement et ce qui anime l'âme des instruments autant que des corps dansant. Et sans parler du "Blanche Neige" d'Angelin Preljocaj sur des extraits des symphonies de Mahler...

Et le public d'ovationner cet ensemble surprenant et si généreux de talents réunis à cette occasion unique pour restituer et donner vie à un chef d'oeuvre de la musique qui traverse les siècles comme un cortège pas si funèbre que cela!
De la rose rouge à la poussière des morts : le fantastique espace-temps de Mahler dans sa Deuxième Symphonie, demeure un conte, une légende fracassante et envoutante, hypnotique et ravissante.

Aziz SHOKHAKIMOV direction, Valentina FARCAS soprano, Anna KISSJUDIT mezzo, Chœur de l’Opéra national du Rhin Hendrik HAAS chef de chœur, Chœur philharmonique de Strasbourg Catherine BOLZINGER cheffe de chœur  

Au PMC le 22 et 23 MAI

mercredi 14 mai 2025

"Une fête à Robert Filliou": un quasi cadavre exquis du Petit Robert, le Filou....

 


L’ART EST CE QUI REND LA VIE PLUS INTÉRESSANTE QUE L’ART.

« À l’intérieur de ma casquette, au sommet de ma tête, j’avais de petites œuvres. J’allais le long des rues à pied et j’adressais la parole à d’autres piétons. Le dialogue pouvait prendre, par exemple, la forme suivante : je demandais « Monsieur ou Madame ou Mademoiselle, est-ce que l’art vous intéresse ? » Si l’on me répondait « Oui, oui », je disais « Eh bien, saviez-vous que j’ai une galerie ? » Si mon interlocuteur manifestait de l’intérêt, je lui disais « La voici, ma galerie ». Mes œuvres se trouvaient là, à l’intérieur de mon chapeau. Puis, nous les regardions ensemble. »

 

 


Pour Robert Filliou, chacun d’entre nous est un génie qui s’ignore. Et tout le monde est un artiste capable de transformer sa vie en œuvre d’art. Effervescente et loufoque sous ses multiples casquettes, sa création, souvent tirée par les cheveux, n’est jamais rasoir. Car, ça ne fait rien si l’art n’existe pas, pourvu que les gens soient heureux !

 Catherine Tartarin explore l’univers festif de cet artiste-poète, bricoleur, assembleur, penseur, agitateur et performeur. Dans ce spectacle, acteurs et spectateurs expérimentent l’utopie de la création permanente, un art des petits riens du quotidien qui pourrait bien changer le monde.

 

Et que la fête commence! Dans le Hall du Théâtre un pianiste écoute le silence d'une partition style John Cage "4'33" Et quitte l'instrument sur des applaudissements alors que les compères distribuent des chamallow en suggérant de ne pas les manger et prononcent quelques phrases ou slogans énigmatiques. A l'entrée de la salle ils entonnent une chanson de Brigitte Fontaine.. Y aurait-il une filliou-tion entre toutes ces introductions apéritives, ces amuse-bouche plein de saveurs?

C'est ce qu'on va voir assis aux côtés d'un style à bille et d'un petit feuillet sur lequel une réponse à une énigme est suggérée. On ne va pas nous laisser tranquille, cela va de soi. Alors au travail pour découvrir l'univers abracadabrantesque d'un génie sans bouillir de l'écriture quasi automatique de ce champion du dérapage contrôlé, des glissades verbales, des quiproquos invraisemblables et des mots qui chahutent sans cesse. Ca fait des carambolages inédits, des revirements linguistiques, des chevauchements et autres états de lecture déglinguée à souhait. L'esprit Filliou est bien présent et plane joyeusement sur ce décor de chaises suspendues au plafond, de tables empilées, d'escabeaux chancelants et autres agrès et prosceniums de fortune: tout de bois et de guingois, en déséquilibre permanent comme cette littérature sans toit ni loi, désossées, désarticulée. Démembrée pour mieux construire un monde sonore utopique et invertébré, jovial, bon enfant, naïf et futile. Quatre comédiens, chanteurs, musiciens, conteurs s'emparent à l'envi des textes incongrus du professeur enchanteur Filliou, maitre de cérémonie burlesque mais si contemporaine et décapante. Si juste si on prend tout au pied de la lettre. Francisco Gil mène la barque, sobre, juste et sans atours inutiles. Va droit au but et touche juste. Chante cette poésie chatoyante et enchante, débonnaire poète du hasard calculé. Elle, lunettes de femme savante au poing se débrouille et s'embrouille joliment. C'est Cathy Tartarin, l'autrice et initiatrice du projet de mise en forme d'un hypothétique spectacle sur Filliou qui illumine les situations et éclaire nos lanternes magiques. Un accordéon pour relier le tout dont se saisit un bel homme à la chevelure cendrée: c'est Yves Beraud, savant fou un peu décalé, le ravi de cette crèche pas très catholique. Et pour rythmer le tout, les apparitions sonores live de la guitare de Kalevi Uibo, sonneur de sons incongrus inspirés de Catherine Ribeiro, de Victor Hugo. Des belles pointures en références complices de l'esprit planant de Filliou. Le tout dans une scénographie constructive, des costumes, matières à développer textures, matières plastiques et autres transparences génératrices de froissements, de bruissements. En jaillit une poésie sonore douce, optimiste, régénérante qui fait du bien. A nos stylos plumes pour faire de même du haut de nos fauteuils pour broder sur le thème "de quoi souhaitez vous vous débarrasser?"Mises bout à bout les propositions du public sollicité, participatif et donc complice font un cadavre exquis drôle et fracassant. On s'amuse à décrypter les mécanismes de l'écriture sans pour autant dévoiler les secrets de fabrication de Filliou. C'est là que réside la richesse de toutes ces propositions des comédiens, facteurs de magie autant que de véracité. L'opus hybride auquel on participe fabrique du bonheur, de l'intelligence et aiguise la curiosité. Vitrine autant qu'objet OVNI théâtral, ce petit bijou porte bonheur va droit dans la direction d'un auteur-performeur-plasticien dont le chapeau contient toute la galerie de l'évolution littéraire. On songe à tous ces chercheurs de littérature raturée, Queneau, et autres perturbateurs ...Gérard Collin Thiébaut et autres agitateurs de particules en accélération.


D’après des textes et poèmes* de Robert Filliou Adaptation et mise en scène Cathy Tartarin Compagnie Le cri des poissons, Strasbourg

Avec Yves Beraud (accordéon), Francisco Gil, Cathy Tartarin, Kalevi Uibo (guitare électrique)

Scénographie Jane Joyet Création lumière Cyrille Siffer Construction décors Nour Alkhatib Régie générale et régie lumière Cyrille Siffer Régie plateau Vincent Rousselle 

Au TAPS Laiterie jusqu'au 17 MAI

"Giuditta" de Franz Lehár: l'Ange bleu, viennoiserie, friandise délicate.


« Et si la mort m’enlève,
Je veux qu’elle m’achève
Dans un baiser de flamme
Où chantera le mot : aimer ! »


Quand Giuditta se met à chanter l’amour au cabaret Alcazar, le temps suspend son vol. Elle a tout d’un oiseau de paradis ou d’un ange tombé du ciel. Plusieurs hommes ont tenté de l’enfermer dans une cage dorée et de l’attraper avec des rivières de diamants en guise de collets. Sans succès : la belle est aussi jalouse de sa liberté que de ses secrets. Personne ne connaît vraiment son histoire, ni l’oiseleur qui l’a découverte un jour sur une plage et l’a épousée sans lui poser de question, ni même ce beau légionnaire avec lequel elle s’est enfuie en Afrique du Nord.


Qualifiée de « musikalische Komödie » par son auteur, la dernière œuvre de Lehár se rapproche bien plus des grands opéras de Puccini que des comédies musicales américaines, comme en témoigne sa création en grande pompe au Staatsoper de Vienne en 1934. Si Giuditta n’est pas sans rappeler certaines héroïnes lyriques (Carmen, Violetta, Mélisande) et quelques célèbres courtisanes bien réelles (notamment la « Belle Otero », danseuse espagnole devenue l’amante des souverains européens), elle doit beaucoup à Marlène Dietrich et à ses rôles iconiques de meneuse de revue dans les films
L’Ange bleu et Morocco. À la tête de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, Thomas Rösner dirige la version française de cette envoûtante rareté, dans un spectacle flamboyant de Pierre-André Weitz inspiré par les univers du cirque et du cabaret.

 Comédie en musique en cinq tableaux.
Livret de Paul Knepler et Fritz Löhner.
Créée à l’Opéra de Vienne le 20 janvier 1934.
Version française d’André Mauprey. 

 
Un champ de foire tel une exposition d'affiches des rues de Paris-voir la très riche exposition du Musée d'Orsay: "l'art est dans la rue"- s'offre au regard: décor de Foire du Trône où les "monstres" s'exposent: deux soeurs siamoises irrésistiblement soudées par un costume commun font des signes désespérés d'amour au public réuni, friand de divertissement...Et les saltimbanques de venir enrichir ce tableau mouvant, jovial et entrainant au son d'une musique emblématique du genre.
La "comédie en musique" démarre ainsi dans un registre festif et joyeux, parsemé de personnages qui se profilent. Le vendeur de rue qui met aux enchères sa charrette pour subsister en dit long sur la population de cette opérette en mutation.Et c'est ainsi que navigue la narration, affichant rebonds et suspens, dans un registre dédié à l'expression de l'Amour. L'amour du jeune couple enthousiaste, Anita et Séraphin, ceux qui vont suivre Giuditta et Octavio sur la paquebot de l'exil. Des destins qui se croisent et que l'on suivra jusqu'à leur dénouement cinq actes durant. Entre chant lyrique sophistiqué et théâtre parlé, l'objet hybride signé Franz Lehar. La voix de Melody Louledjian fait son oeuvre, au départ chant d'oiseau discret dans sa cage dorée suspendue à ses rêves, puis au fur et à mesure s'épanouissant dans la dramaturgie montante. Octavio, Thomas Bettinger rayonne d'un timbre puissant et chaleureux aux tenues resplendissantes. Son jeu d'amoureux féru est librement naturel et cet officier transit séduit devant les charmes d'une Carmen ressuscitée. 


Alors qu' Anita éprise de son fantasque partenaire, Sandrine Buendia excelle en phrasés toniques, puissance et envergure vocale de toute beauté. Elle tient tête à son Séraphin, angelot drôlatique et plein de verve, Sahy Ratia, personnage attachant et comique. L'intrigue de cet opus hybride tient en haleine, les duos et solos font mouche et ponctuent la narration de plein fouet. La danse y est omniprésente, servie par des artistes dit "de complément" qui brillent par une présence intelligente, discrète mais efficace. Deux demoiselles de ce monde chatoyant tiennent le plateau: 


Charlotte Dambach, sensuelle et coquine femme gainée de dessous à dentelles et jarretières seyantes à la gestuelle empreinte de mudras comme celles de Giuditta dans son rayon de lumières en ombres portées et Ivanka Moizan: dans un duo fulgurant style portés classiques et longs détirés acrobatiques.Un instant de grâce dans un moment unique de rêveries et d'Amour stylisé. Chorégraphie d'ensemble également, architecturée par Ivo Bauchiero, habile complice de Pierre André Weitz. Ce dernier signe également décor et costumes chatoyants, fantasques et séduisants. L'univers du cirque, de la scène comme une mise en abime de ce drame entre comédie désuète et opéra "sérieux". Un divertissement où la langue française trouve une niche originale, succédant à la poétique plus épurée de la langue allemande...La danse de Giuditta entre Dietrich et La Argentina, belle séquence où la chanteuse-comédienne se fait femme qui danse sa colère et sa révolte. Pas de collier ni de prison pour cette héroïne aux prises aussi avec Manuel, Nicolas Rivenq, odieux personnage attestant du pouvoir masculin. Toute lecture possible de cette opus atypique orchestré par main de maitre par Thomas Rosner et l'Orchestre national de Mulhouse. Le Choeur de l'Opéra du Rhin
dirigé par Hendrick Haas en farandole et petit peuple à chapeaux  canotiers, irrésistible berceau de cette musique pas si légère que cela.

 

 

Direction musicale Thomas Rösner Mise en scène, décors, costumes Pierre-André Weitz Chorégraphie Ivo Bauchiero Lumières Bertrand Killy Chef de Chœur de l’Opéra national du Rhin Hendrik Haas

Les Artistes

Giuditta Melody Louledjian Anita Sandrine Buendia Octavio Thomas Bettinger Manuel, Sir Barrymore, son Altesse Nicolas Rivenq Séraphin Sahy Ratia Marcelin, l’Attaché, Ibrahim, un chanteur de rue Christophe Gay Jean Cévenol Jacques Verzier L’Hôtelier, le Maître d’hôtel Rodolphe Briand Lollita, le Chasseur de l’Alcazar Sissi Duparc Le Garçon de restaurant, un chanteur de rue, un sous-officier, un pêcheur Pierre Lebon Chœur de l’Opéra national du Rhin, Orchestre national de Mulhouse

A l'Opéra du Rhin jusqu'au 20 MAI
photos Klara Beck

dimanche 27 avril 2025

"Marius" : Joel Pommerat: du bon pain, une bonne pate.

 


À Marseille, Marius travaille dans la boulangerie de son père César. Les affaires vont mal, et Marius rêve d’ailleurs. Partagé entre son envie de prendre le large et son amour pour Fanny, une amie d’enfance, le jeune homme doute : faut-il tout quitter au risque de tout perdre ? Rester pour épouser la vie qui lui est destinée et honorer son devoir de fils ? Pour créer cette adaptation de la première pièce de la Trilogie marseillaise, Joël Pommerat a partagé les mots de Pagnol avec des détenus de la Maison centrale d’Arles, hors des sentiers battus du théâtre. Une aventure artistique et humaine qui les a menés à la création d’une troupe d’acteur·rices qui porte l’histoire de Marius et ses enjeux avec une vérité saisissante.


Une boulangerie reconstituée, un petit salon de thé seront l'unité de lieu de cette fable comique autant que dramatique, menée avec vivacité et tonicité singulières. Il y a le père et le fils et toute une gamme de personnages "secondaires" loin de l'être. Le discret vendeur de moineaux qui se terre dans son coin, le dandy entrepreneur de cycles opportuniste qui se targue d'être amoureux d'une Fanny tendre et respectable. Et les autres qui gravitent vont et viennent, font irruption dans ce petit monde, microcosme d'une société marseillaise joyeuse. Mais voilà, ici Marius ne fait jamais payer les cafés et "tire la tronche", fait fuir les clients et n'a ni ambition, ni rêve.

César le patron-boulanger en est désespéré et lui reproche ses attitudes, son laxisme, son indifférence, son flegme. Il n'y a qu'un semeur de trouble averti de tout pour le secouer et lui faire prendre une décision opportune fatale: fuir ce foyer, abandonner Fanny, la laisser alors qu'ils viennent tout juste de s'avouer leur amour d'enfance.


Cruelle destinée dessinée sous l'angle de l'humour, du comique plus que de la détresse et de la souffrance. Les acteurs jouissent ici d'une belle et juste direction d'acteurs, sobre, pertinente dans ses multiples rebondissements. On suit avec intérêt et empathie le sort de Marius, affalé sur sa chaise haute, les colères de César au grand coeur, qui se "pique" d"être un tricheur au jeu de cartes. Et ce frondeur dandy, homme d'affaires de pacotille, dérangé sur son portable pour faire croire qu'il est un ministre débordé par ses acolytes incapables. Une humanité bon enfant se dégage de cette pièce savoureuse aux accents du midi, à la richesse et générosité de la présence et de l'engagement des acteurs. 


Tous sans exception à leur place, au bon endroit sous la touche impressionniste de Joel Pommerat. Une exceptionnelle revisitation de Pagnol en compagnie de des associations Louis Brouillard et Ensuite qui augure de la confirmation ou de l'éclosion de talents d'artistes du monde du spectacle au profil parfait. Et touchant droit au but: ce camaïeu de caractères touche et fait "fanny" au jeu des fléchettes de l'existence. Les pieds tanqués au jeu de boules déboussolé.

 


Librement inspirée du texte de Marcel Pagnol Création théâtrale Joël Pommerat

Au TNS jusqu'au 3 MAI

Avec Damien Baudry, Élise Douyère, Michel Galera, Ange Melenyk, Redwane Rajel, Jean Ruimi, Bernard Traversa, Ludovic Velon

samedi 26 avril 2025

"Je suis venu te chercher": Claire Lasne Darcueil créatrice d'une géographie humaine mouvante. La sagrada familia de nos rêves....


 Amir n’a jamais su qui était son père. Il apprend un jour que ses origines prennent probablement racine dans le nord de Strasbourg. Guidé par une femme-ange de 92 ans, il part à la rencontre de l’enfance de personnes qui ont aujourd’hui entre 60 et 95 ans, plonge dans le paysage de cette ville, à la recherche des enfances perdues et des premiers amours. Dans son enquête, il rencontre Léa, qui changera sa route. Une histoire écrite par Claire Lasne Darcueil, née de son immersion au plus près des mémoires de Strasbourgeoises et de Strasbourgeois. Une création collective rassemblant au plateau l’acteur Salif Cissé, l’actrice Lisa Toromanian, des comédien·nes non-professionnel·les et un chœur dansant d’habitant·es mu·es par le même désir de raconter à plusieurs, à égalité. 


Sacrée famille que cette ode au collectif, à la mémoire d'une collectivité urbaine qui au départ n'a rien commun. Excepté l'enquête et la récollection d'histoires personnelles d'habitant de l'Eurométropole strasbourgeoise. Plus qu'un récit, qu'une accumulation de témoignages intimes, voici reconstituée sur l'immense plateau nu du TNS, les évolutions spatiales de ce petit peuplé fédéré autour de la notion de mémoire et de filiation. Notre héros se tient debout oscillant dans un soufflet de train et téléphone à une femme très âgée qui lui avoue être en filiation avec lui: il en doute, il est noir, elle toute blanche de peau plissée!Alors commence une recherche, une chasse à l'âme soeur parmi tous ces volontaires, ces candidats potentiels à l'élection familiale. Chacun s'y présente à ce casting, parmi une soixantaine d'élus, acteurs, comédiennes amateurs auditionnés pour partager cette expérience audacieuse de la scène. 


Lui, Amir Cissé,au milieu de cette population mouvante qui danse, oscille, ondule et tangue pour intriguer, séduire, convaincre de leur légitimité à être l'élu du coeur filial de Amir. Beau gars plantureux, généreux, perturbé par ses craintes, ses inquiétudes quant à la décision de partir à la recherche de ses origines. Et si il dérangeait ainsi le bon ordre des choses en bouleversant le destin d'une famille constituée? Remarque que lui fait son coatch, Lisa Toromanian, conseillère de vie.

Egoisme contre humanité plénière de droits et devoirs illégitimes? Eux dansent autour de lui, s'affairent sans se bousculer, courent, sautillent et parlent sans pudeur de leur vie. Par coeur, par bribes qui font avancer la narration. La dramaturgie souligne les divagations et interrogations de l"âme en perdition d'Amir. Une femme tout de noir danse sa vie, gracieuse, éloquente dans ces gestes. Une autre évolue dans des tourbillons aléatoires de toute beauté, lyrisme corporel chantant joie et liberté. Encore une autre femme qui sourit à la vie en esquissant dans l'espace traces et signes du vivant. 


C'est à Kaori Ito que l'on doit cette "écriture corps", chorégraphie soignée, spatiale, épousant les qualités de chacun pour ce qu'elles sont dans le bon sens et l'écoute. Le chemin corporel respecté pour faire émerger en chacun sa part de mouvance.Et la fiction narrative de sourdre de cette expérience corporelle collective insolite en compagnie de Léonore Zurfluh, chorégraphe. Les mots se mêlent à cette présence d'un corps de ballet hétéroclite aux identités physiques et d'origines fort variées. Un break danseur deux femmes à la mouvance remarquable sans être "danseuses professionnelles" pour autant. Une belle réussite qui honore l'esprit des "Galas", recherche de la mémoire collective vécue pour produire textes et mises en scènes d'aujourd'hui. Ou excelle Claire Lasne Darcueil, chercheuse et metteur en scène et en mots.Une cartographie socio-politique et poétique de la tendresse et des liens qui nous unissent. Des courbes de niveau qui s'effacent pour faire un endroit, un territoire, terrain d'entente, d'écoute et de fraternité.Topographie d'un finage extensible à l'infini. Je suis venu te dire...qu'on existe ensemble. Et qu'un père retrouvé vaut autant qu'une communauté gagnée, choisie. En bonne compagnie dansante. "Papaoutai", T'es où Papa: nulle part et ailleurs, ici et maintenant....chantait Stromae.




[Écriture texte et mise en scène] Claire Lasne Darcueil
[Écriture corps] Kaori Ito chorégraphie Léonore Zurfluh

[Avec les acteur·rices] Salif Cissé, Lisa Toromanian
Et Marie-Cécile Althaus, Pierre Chenard, Jean Haas, Jean-Raymond Milley, Dominique Wolf.....

Au TNS jusqu'au 30 AVRIL