mardi 30 janvier 2024

"La langue de mon père" : pas dans sa poche ! Pas une "turquerie" de Sultan...

 


L’autrice, metteuse en scène et actrice Sultan Ulutas Alopé est née à Istanbul d’une mère turque et d’un père kurde. La pièce est inspirée de son propre parcours : une jeune femme arrivée récemment en France fait une demande de permis de séjour. Elle se saisit du temps de la procédure, durant lequel travailler lui est interdit, pour faire ce qu’elle n’avait pas osé jusqu’alors : apprendre la langue de son père − longtemps illégale en Turquie. Au travers de cet apprentissage, elle exhume la honte d’être kurde, inconsciemment ressentie pendant l’enfance et l’adolescence. Que produit le racisme dans l’intimité des êtres ? Peut-on dissocier la violence au sein d’une famille de celle de la société dans laquelle elle s’est construite ?


Pas de langue de bois, ni de langue au chat mais une langue bien pendue dans ce monologue ferme et déterminé de Sultan Ulutas Alopé. Un tendre manifeste pour défendre, découvrir et magnifier les sons, la syntaxe de sa langue maternelle qu'elle n'a jamais pratiquée. Un exil linguistique à l'envers, à la renverse qui bouscule et bascule dans l'identité salvatrice: se connaitre enfin, être reconnue pour ses origines en les portant haut et fort. Ce qui n'était pas le cas dans son pays, la Turquie où être kurde c'était être terroriste ou animiste...Ce petit bout de femme qui se raconte, celle d'y à quatre ans déjà et qui n'est plus la même ici sur scène, conte à son père, à son public en les désignant chacun par un "tu" universel. Elle est seule sur le plateau.Une chaise pourtant évoque l'absence du père, celui qui apparait et disparait de la vie de famille à son gré. Trois soeurs, une mère restent alors au foyer et cela devient "naturel", normal. Quand ce dernier revient de ses escapades inconnues, c'est la distance, puis le naturel qui revient au galop. Loin d'une autobiographie, plutôt une "autofiction", ce récit théâtralisé et mis en scène séduit. Autant par l'accent de cette jeune femme aux longs cheveux noirs que par ces moments incongrus de sa vie: celle d'une exilée qui apprend la "langue de son père" à l'étranger; histoire de déculpabiliser cette situation de paria sur son territoire, et de passer le temps utilement lors de son long séjour forcé par les circonstances juridiques et politiques de l'administration. Elle est frêle, autant que forte, timide ou réservée, autant que volubile et généreuse.


Elle s'éclate en évoquant une des conquêtes de son père en dansant comme un diable animé de bonnes intentions. Se régale le temps d'évoquer son destin de façon "légère" autant que grave. Pas simple à vivre "la honte" d'être kurde et de devoir le cacher. Mieux que sa mère qui le clame haut et fort alors que ce n'est pas son origine à elle! Jolie scène où l'actrice-auteure dévoile ses talents de cachotière, de dissimulatrice pour survivre à son statu. La prestation d'une heure, solo ou monologue passe la rampe et elle communique malicieusement sans caricature ni pathos, sa condition de femme qui cherche à se trouver, ici et maintenant en toute légitimité: son identité en poche, pièce maitresse de cette performance, entre récit et fiction, entre "document sociétal" et écriture théâtralisée. Gestes et déplacements précis autour de la chaise focale, partenaire, plaque tournante et pivot de sa gravité. Un corps précieux qui chante la vie, l'optimisme, la proximité des cultures sans enfreindre les lois de l'hospitalité: celle qu'elle adresse au public en toute pudeur et modestie. Tirer sa sa langue du jeu sans la tirer au public; un bel exercice de style...Sultane, reine, dirigeante de sa vie, souveraine en son pays comme l'étymologie de son prénom. En état se siège pour des assises paternelles et maternelles d'une grande rigueur distancée.


 Sultan Ulutas Alopé a grandi à Istanbul, où elle a été formée au métier de comédienne à l’école d’art Kadir Has avant d’obtenir un master en Film et Art dramatique. Arrivée en France en 2017, elle se forme à l’École normale supérieure de Lyon − Études théâtrales − et suit la formation du Conservatoire national supérieure d’art dramatique de Paris en tant qu’élève étrangère. La Langue de mon père est son premier spectacle en tant qu’autrice et metteure en scène.
 


Au TNS jusqu'au 2 Février

samedi 27 janvier 2024

"Pli" et autres origamis : les assises du déséquilibre. Etat de siège.


 La rencontre incongrue entre un homme et 22 chaises sur un tapis de danse : pour ce spectacle ludique et original, Viktor Černický s’est inspiré de l’œuvre de l’écrivain Italo Calvino, à laquelle est venue s’ajouter la lecture de Gilles Deleuze. Le « pli », telle est la figure esthétique que repère le philosophe comme constitutive du baroque, depuis le plissé du vêtement jusqu’aux ondulations des nappes et des tissus en peinture, en passant par les courbes à l’infini de l’architecture. Mais ce pli est aussi, pour lui, la catégorie centrale de la pensée d’un de ses illustres prédécesseurs de l’époque : Leibniz. Le croisement de toutes ces lectures donne naissance à une forme aussi simple qu’efficace : une pièce chorégraphique pour 22 chaises de conférence et un danseur. Véritable démiurge, le chorégraphe tchèque s’efforce inlassablement de les agencer de la meilleure des manières, cherchant tantôt l’équilibre précaire, tantôt la courbe simple, tantôt la régularité, tantôt la rupture. Une métaphore élégante et éloquente de l’incessante décomposition et recomposition du monde.

 


"A qui est au lit on n'offre pas une chaise" écrivait Henri Michaux dans "la vie sous les plis"...Pli selon pli, portrait de Mallarmé est une œuvre de Pierre Boulez, pour voix de soprano et orchestre, d'après des poèmes de Stéphane Mallarmé. Et Ionesco dans "Les chaises", Pina Bausch dans "Café Muller" s'en donnent à coeur joie au sujet de ces reposoirs, "miséricordes" pour soutenir et alléger nos fessiers....

Que de plis et de grands "pliés' pour celui qui se plie en quatre et ne rompt pas...Un homme en baskets et veste blanche, pantalon noir sur fond de scène et tapis de danse blanc. Le décor est planté d'un bouquet de chaises à la renverse, pieds en l'air comme une sculpture contemporaine. Un étalage savant de chaises en métal noir et tissus gris forme une chenille en perspective fuyante. Des chaises entuilées, accumulées. Elles ont perdu leur fonction d'objet accueillant un corps assis pour être détourné en objet signifiant autre chose, dans un autre contexte. Il arpente l'espace, le corps animé d'un rythme binaire, sorte de marche au pas ou au trot. Dans la Reithalle - ancien manège haras - son petit "manège" de chevaux sied à merveille. Rythme qui le poursuit et l'habite une bonne partie de sa prestation: sempiternel métronome interne et externe. Percussions sonores et crissement de chaussures au sol pour un tempo et du bruitage enivrant. Trois épisodes architecturaux pour des numéros d'un cirque frontal singulier Entre magicien et savant fou de lois physiques, voici notre homme se confrontant aux lois de l'équilibre, de la renverse, du déséquilibre. Et vint le "danger", le risque de voir tout s'effondrer, de faire un numéro raté. Habile, et cherchant des ruses et des stratagèmes pour éviter la chute de ses amas de chaises, le "danseur" cherche à construire, défier l'espace, inventer un monde imaginaire fait de sculptures éphémères. Bâtisseur de cathédrale de chaises, montreur de monstres, maitre et spécialise des structures improbables. Les chaises dialoguent avec lui, lui tiennent tête ou s'abandonnent à la chute en cascade indolente. Ce mikado, cette danse, ballet des bâtons de siège est drôle, haletante et tient en haleine comme dans l'arène d'un cirque imaginaire. "Ne pas plier" sous la pression et la tension de ces éventails de chaises déployés, ces accordéons en collerette plissée, en fraise amidonnée. Ne pas céder aux caprices de ces objets incongrus emboités, disposés de manière à obtenir des ricochets en catastrophe. Le spectacle offre des points de vue sur les constructions inutiles, les objets détournés, les châteaux de cartes qui s'effondre. Au final après une escalade virtuose d'un amas de chaises dressées à la verticale, notre escaladeur baroudeur et cascadeur se fait tout petit devant tant de présence, tant d'aplomb et il disparait penaud de la scène. Une immense sculpture demeurant sur le plateau comme un profil d'oiseau amazonien. Victor Cernicky nous livre un opus fort bien "meublé", un espace forgé de toutes pièces par un mobilier banal, ici magnifié par le délire d'un architecte démiurge et visionnaire. Ca ne fait pas un pli, c'est réussi: surtout il n'y a rien à repasser de faux pli incongru et indésirable. On met sous pli et on poste dans les airs cette oeuvre empruntant autant au cirque qu'à la magie. Des chaises empilées comme sur la terrasse d'un bistrot ou dans une salle des fêtes s'animent et vivent la vie des corps qu'elles supportent à l'habitude.Pour un lego architectonique et strié de plis froissés et vibrants.

 Viktor Černický réalise un travail qui se situe entre la danse, la performance, le cirque et le théâtre physique. Il dirige le projet de recherche au long cours The Body as Object / The Object as Body (corps-objet / objet-corps), qui explore la dynamique des relations entre les objets et l’individualité du performeur. Sa première performance solo, PAROLAPOLEA, lui a valu d’être nominé dans les catégories Danseur de l’année et Meilleure performance dansée de l’année lors de la Czech Dance Platform en 2017. Il participe également à la semaine de recherche chorégraphique pendant le festival B-Motion à Bassano del Grappa. Son deuxième solo, PLI, créé en novembre 2018, a reçu le Prix du public et le Prix du jury de la Czech Dance Platform en 2019.


A la Reithalle a Offenbourg en collaboration avec le Maillon le 27 Janvier






"Maldonne" et mobile! Leila Ka : elle se dé-robe en robe des champs, des villes. L'étoffe des chrysalides pour seule parure.

 


Leïla Ka
France 5 interprètes création 2023

Maldonne

Véritable prodige de la scène chorégraphique d’aujourd’hui Leïla Ka impose son énergie sur scène. Précise, pressée, dramatique et paradoxalement relâchée sa danse nous propose des montagnes russes d’émotions. La chorégraphe tente dans Maldonne de créer une dramaturgie hypnotique portée par cinq femmes. Sur scène, des robes. De soirée, de mariée, de chambre, de tous les jours, de bal. Des robes qui volent, qui brillent, qui craquent, qui tournent … Toujours fidèle à son univers théâtral, elle fait évoluer les danseuses sur des musiques issues du classique, de l’électro et de la variété. De cette intimité au féminin la chorégraphe dévoile et habille, dans tous les sens du terme, les fragilités, les révoltes et les identités multiples portées par le groupe.

Un gang sororal : mâle-donne...
Cinq femmes sur le plateau nu, en longues robes vintage pieds nus dans le silence: une galerie de statues médiévales qui s'anime peu à peu de gestes spasmodiques dans un rythme en canon, en points de chainette, en maillon subtil de changement imperceptible. En savant tuilage. Ce quintet silencieux possède l'éloquence du mystère d'un spirituel rituel, l'étoffe du désir de bouger, de s'animer. Dans des spasmes, des halètements qui rythment leur souffle et leurs gestes au diapason. Autant de soubresauts qui hypnotisent, intriguent tiennent en haleine.Tableau vivant dans une galerie d'art, un musée de l'Oeuvre Notre Dame où les vierges sages et folles trépignent à l'idée de s'évader. Soudain surgit la musique et le charme est brisé: mouvements tétaniques ou circonvolutions élégantes et distinguées, alternent. A la De Keersmaeker ou Pina Bausch pour la grande musicalité gestuelle, le port de robes colorées ou pastel .Elles se vêtissent et se revêtissent sans se dérober, se parent de tissus, d'enveloppes, d'atours sans contour. La seconde peau des vêtements comme objet de défilé, de mouture charnelle. Anatomie d'une étoffe de chutes, de roulades au sol pour impacter la résistance à cette fluidité naturelle. Vivantes, troublantes les voici à la salle des pendus, les robes accrochées dans les airs, boutique fantasque de spectres ou ectoplasmes flottants dans l'éther. Dans une jovialité, un ton débonnaire. 
 

Complices et joyeuses commères , elles se soudent en sculpture mouvante pour des saluts prématurés qui se confondent en satisfecit et autre autosatisfaction: la beauté pour credo. Et les robes de devenir étoffe de leurs pérégrinations, de leurs ébats protéiformes. Clins d'oeil à la fugacité, à la superficie des désirs. Se revêtir d'atours séduisants et aguichants pour plaire, se plaire. Bien dans leur assiette, leur centre, la pondération des corps en poupe: l'assise et l'ancrage comme essor de leurs bonds, chutes ou simple présence sur scène Les voici en mégères apprivoisée, se crêpant le chignon dans des bagarres burlesque à la Mats Ek: mouvements spasmodiques, changements de direction à l'envi, énergie débordante.  "Je suis malade" comme chanson de geste, comique et pathétique à la fois.
 

Ou figures de "bourgeoises décalées" comme un Rodin mouvant en pose jubilatoire.Encore un brin de Léonard Cohen pour faire vibrer nos cordes sensibles. Les robes que l'on essore comme du beau linge, en famille,au lavoir, qui battent le sol comme des lambeaux, des serpillères de ménage qui se jettent à l'eau. Lavandières ou travailleuses d'antan. Fresque historique de la condition féminine brossée en moins d'une heure. La joie y est vive, les personnages attachants en phase avec le public attentif et concentré. Les "donna e mobiles" comme des plumes de paon dans un Rigoletto très féminin-pluriel de toute beauté. Leila Ka magnifie nos fantasmes de femmes, les expurge, les projette au dehors comme pour les exorciser en magicienne, prestidigitatrice de choc.
 
Leila Ka inaugurant de façon magistrale sa résidence d'artiste associée à Pole Sud, deux années durant: cela promet  du grabuge, du pep, du tonus, de la vitalité et de la réflexion bien entendu. Il n'y a pas "maldonne" mais bien affranchissement des limites à suivre sans modération.
La soirée de clôture du festival"l'année commence avec elles"se termine à l'issue du spectacle en compagnie de la "Watt compagnie", ensemble musical de danses multiples, déjanté et animateur de "club in house", danse jam et performance: DJ et danseurs pour nous secouer le popotin: un "theater show" convivial, participatif pour la nuit de choc qui se clôt dans une ambiance unique de partage et de convivialité des corps en mouvement perpétuel.
Vivement l'année prochaine avec ELLES... 

, A Pole Sud le 26 Janvier

vendredi 26 janvier 2024

"Claire Days et Lussi: concert au féminin". A l'ombre de deux jeunes femmes en fleur sous le "signe" du chant-cygne d'étang.

 


Claire Days & Lüssi Concert au féminin Carte blanche à l’Espace Django

Dans le cadre de notre festival, il nous semblait important de montrer des femmes à l’œuvre dans d’autres domaines artistiques que la danse. Cette année, nous avons donc demandé à nos voisins et amis de l’Espace Django de nous concocter une soirée 100% féminine. Ils nous proposent deux songwriters folk qui réunissent les continents pour une soirée sublime et engagée.« Claire Days » c’est l’aventure menée par la française Claire, autour d’une folk saturée, hybride, qui tend vers le rock indé et s’affranchit des genres. Un nom d’emprunt pour une musique habitée qui s’inspire d’univers tantôt sensibles, tantôt volcaniques, tout en allant chercher de la tension et de l’étrangeté, à la croisée d’artistes comme Fink, Lianne la Havas ou encore Feist.


Une soirée musicale libre d'esprit et de conception, "jeune" et attirante assemblée de spectateurs, curieux de découvrir Lussi qui remplace au pied levé  Safia Nolin: quelle audace et quel culot mais aussi quel plaisir pour cette jeune chanteuse de nous livrer ses chansons à texte, sa vie et son plaisir de rencontrer son premier vrai public en "première" ou lever de rideau. Elle égrène ses oeuvres très personnelles avec une voix claire, frêle et comme un filtre très aigu de soprano légère. Chansons qui content ses débuts, son histoire, en français, pour une compréhension et une sympathie directe. Accompagnée sur le plateau par une violoncelliste Lucille Carbillet,chevronnée, en symbiose, en complicité avec ses accents tendres, tristes, nostalgiques, très doux et enveloppant. Lussi c'est aussi un personnage, ménestrel, habillée en gente dame médiévale, damoiselle troubadour des temps anciens: tunique blanche aux manches bouffantes de circonstance. Lussi in the sky pour notre plus grand plaisir. 

Et oh surprise sur la scène deux jeunes femmes interprètes en langue des signes de ses textes. Deux "danseuses" qui se prêtent au jeu de magnifier le vocabulaire gestuel de cette langue "chant-signée" chant " cygnée" comme une chorégraphie de mains, de bras qui tanguent, se dérobent, s'animent au gré du contexte, au gré des décibels, du volume vocal, des intentions d'interprétation. De la vraie Notation chorégraphique Laban adaptée au son. Du grand art partagé par le public au complet, fasciné par cette gestuelle inventive, descriptive mais sans redondance ni mimétisme incontournable Une expérience qui se renouvelle dans la deuxième partie consacrée à la chanteuse Claire Days accompagnée de son guitariste Ugo Del Rosso. 


À 13 ans, Lüssi écrivait des textes, apprenait le chant et la guitare et s’est tournée vers le conservatoire où elle restera quatre ans en section jazz. Actuellement, elle est plutôt orientée pop et donne des cours de chant.C’est bien au chaud, devant son feu de cheminée, que Lüssi compose sa musique : des chansons douces aux textes brumeux, envolées vocales et rythmes cassés. Une pop francophone, pleine de modernité.Son univers charbonneux rappelle la voix mystique d’Aurora, l’audace de Klô Pelgag ou encore le monde coton de November Ultra.Accompagnée par Lucille Carbillet au violoncelle, Lüssi saura entraîner le public dans son univers musical fait de simplicité et de douceur…


Claire Days, c’est l’aventure menée par Claire autour d’une folk saturée, hybride, qui tend vers le rock indé et s’affranchit des genres. Un nom d’emprunt pour une musique habitée qui s’inspire des univers tantôt sensibles, tantôt volcaniques de Feist et Laura Marling, tout en allant chercher de la tension et de l’étrangeté chez Warpaint, Lump ou The National. Le registre est quasi semblable à celui de Lussi: confidences, aveux, intimité,nostalgie, tendresse, autoportrait en chansons très personnelles, en français. Pour expérimenter l'impact de notre langue sur la versification, les sonorités, la prosodie . L'anglais que la chanteuse a toujours affectionné dès sa plus tendre enfance en écrivant ses textes dans la langue de Shakespeare.Elle nous conte modestement comme entremets, la genèse de ses textes, s'adresse au public avec reconnaissance et empathie. Sobre et limpide personnage, douce et belle voix timbrée qui sourd de ses lèvres, de son regard, de son attitude ouverte et partageuse. Un texte pour sa soeur très profondément en symbiose avec son caractère pudique et sincère, un "ombre" qui la tarabuste, sorte de rêve récurent pour exprimer le recueillement sur soi, l'introspection qui peut se partager. Du bel ouvrage de dame accompagné par la danse d'un jeune homme en fauteuil Adamo Sayad qui danse de tout son buste, ses jambes les mots et les sons de ses textes. Les deux jeunes interprètes à ses côtés pour lui traduire en direct ce qu'il traduit et prolonge pour ses pairs dans le public. La danse des signes n'est pas un "lac à assécher" mais une source d'adaptation intelligible et riche pour aborder la musique, le chant et toutes ses variations, ses modulations. Concert chansigné par "Deux mains sur scène" et gilets vibrants On pose un regard sympathique à l'égard d'une expérience riche d'enseignement sur la multiplicité des vecteurs de communication. Les 2 M(i)SS Rachel Frery et Séverine Michel George à l'affut du texte à traduire à interpréter.Un plaisir pour Claire Days que de partager et vivre ces instants uniques.Et les ombres de planer sur ce récital à deux voix, bordé de charme et de découvertes musicales.

 


les 2 M(i)SS de "deux mains sur scène"

A l'Espace Django le 25 Janvier dans le cadre du festival "l'année commence avec elles"

jeudi 25 janvier 2024

"ANGST": du fil sonore à retordre pour cette "anatomie de la chute" !

 


Performance autour du fil et de la peur

 Marchant au-dessus du vide, réalisant des sauts incroyables en risquant à tout instant de chuter, l’acrobate risque sa vie dès qu’il performe. Lorsque le corps fait face à un danger, l’esprit se réfugie derrière la peur. L’aborder entre artistes de cirque, transgresser ce tabou, permet d’explorer cette émotion fondamentale de notre humanité, présente en tous lieux, de tout temps, chez chaque individu. Celle qui peut nous sauver la vie comme nous pousser droit dans le mur ! Sur scène, confrontant la parole et les corps en action, Lucas Bergandi et Clément Dazin jouent avec les frayeurs du public, avec les leurs en tant que fil-de-fériste et jongleur, mais aussi celles qu’ils ressentent au quotidien. Si la peur fait résonner en nous l’écho d’une mort possible, la joie éclatante du circassien sur son fil semble clamer qu’elle éveille tout autant l’envie de vivre.


 Entrée en scène d'un jeune homme décontracté en apparence: mais ce prologue nous dévoile ses angoisses d'artiste pourtant habitué depuis 24 ans à exercer son métier! Il jongle en commentant d'une voix douce et feutrée les recettes de ses secrets de fabrication de jeu. Les balles sont légères, épousent son corps bien ancré, le poids et le centre de gravité mobilisés pour un bel équilibre. Comme son complice qui le rejoint. Félin pour l'autre, les voici devisant sur le métier tout en intégrant le dispositif, agrès et praticable du "fil". Une discipline de fer, un apprentissage où la répétition, l'endurance, la pugnacité sont de mise. Pas d'improvisation ni d'aléatoire dans l'exercice de cet art du vide. Maitrise et contrôle constants sont mobilisés. Funambule, homme de l'air sur la brèche sans cesse. Pour le meilleur d'un dialogue haut perché comme deux oiseaux qui devisent sans se diviser. Le risque est constant et l'accident arrive..Chute à l'appui. Rude, au sol, sans tapis: feinte, leurre ou réal incident corporel? Le doute s'installe...Et cela fait l'objet d'un bel exposé sur le mécanisme organique qui se déploie dans cette situation: l'anatomie d'une chute! Du bel ouvrage, tendre et haletant, palpitant: de la danse du fil qui glisse, recule, patine, fait des double salto sans effet de performance gymnique. De l'imagination dans les corps pour rendre ce spectacle au delà d'une simple dimension circassienne. Des "fils d'aplomb" sonorisés en herbe en quête d'équilibre-déséquilibre constant pour brosser un tableau mouvant et périlleux de deux artistes en quête de danger: même pas peur! La réverbération du son du fil confère au spectacle des vibrations, résonances, fréquences pour l'oreille interne qui dirige toutes les opérations de stabilité. C'est le public qui tremble et frémit à l'envi, se libère en éclatant de rire même quand les situations des deux protagonistes sont incertaines. La complicité, la solidarité de ce duo soudé est fondamentale, naturelle et rend ces deux interprètes sympathiques et proches.


Lucas Bergandi et Clément Dazin se rencontrent en 2009 au Centre National des Arts du Cirque où ils étudient ensemble durant trois ans. En tant qu’acrobate et musicien, Lucas Bergandi collabore ensuite avec diverses compagnies sur des projets en danse, arts du cirque ou de la rue et se confronte un temps à l’intensité et l’exigence du travail au sein des Théâtres de Variétés allemands.

Puisant dans l’expérience de diverses pratiques – danse, théâtre gestuel, jonglage, gymnastique, Clément Dazin conçoit des spectacles de cirque faisant fi des frontières entre disciplines. Il s’intéresse depuis quelques années à la place du texte et de la parole dans ses créations, souvent inspirées de thématiques contemporaines.

En 2016, il fonde sa compagnie, La Main de l’Homme, à Strasbourg. Très active localement, elle présente également ses spectacles dans les grands festivals internationaux, de Rio de Janeiro à Taipei.

Au TJP jusqu'au27 Janvier 

A la MAC de Bischwiller le 30 JANVIER 20H

mercredi 24 janvier 2024

Solène Wachter : "for you/ not for you" : une technicienne de surface de réparation sur le ring.

 


Solène Wachter F
rance solo création 2022

FOR YOU / NOT FOR YOU

À travers un dispositif bi-frontal, Solène Wachter fait le choix de diviser son public en deux. En entrant dans la salle, on choisit son « camp ». Le solo se déroule alors entre les deux publics, dans un constant changement d’adresse, sans recherche d’équité. Ce jeu du caché-montré, du visible ou non, de basculement d’un personnage à l’autre, guide le regard du spectateur dans un zapping de mouvement presque cinématographique. Passant d’une danse virtuose à une danse frénétique de type concert, le dispositif peut basculer à tout moment. Danse, lumière et musique, tout est réalisé en direct et à vue et cette « machine à spectacle » que la chorégraphe a développée invite les deux groupes de spectateurs à devenir lecteurs, acteurs, alliés et parfois même décor de cette performance.


Qui est-elle cette femme vêtue autant à la rockers qu'à la catcheuse de choc. Pantalon bordé de paillettes d'argent, raie au milieu épinglée également argentée, cheveux longs roux et regard effrayé? Elle mesure, trace son territoire de jeu, balade deux énormes néons comme barrières de scène mais aussi projecteurs de lumière. Comme un ouvrier laborieux mais méticuleux, précis, opérationnel. Curieuses attitudes de cette femme forte et bien charpentée en autant de mouvements abruptes, secs, sectionnés, fragmentés: machine de guerre infernale, robot programmé, opérationnel, efficace. Elle fait sa propre régie, rythmée par un métronome intérieur qui semble ne jamais quitter ses déplacements. Décision, intention, direction! Tout est calculé, millimétré dans sa gestuelle tirée au cordeau. 


C'est impressionnant dans cette arène où le public lui-même face à face, se regarde, s'observe à loisir sous les feux de la rampe qu'elle dirige, conduit, appelle de ses voeux. Tonique, ferme et déterminée dans ce jeu où se confondent chanteuse de rock ou catcheuse en préparation de show. Elle ose le mime sans autre procès, façonne l'espace en architecture , nombre d'or où le corps se révèle mesure et machine de guerre. Femme-canon comme dans les espaces forains d'antan, femme objet mise en espace singulier, sur mesure. Elle n'hésite pas à franchir les frontières de la proximité avec le public, se glisse entre les sièges, nous interpelle dans nos attitudes de regardants, spectateurs de ses tribulations et pérégrinations. Un exercice de style jamais vu, source de questionnements. Elle va droit au but et ne se ménage pas. Les pas arpentant la superficie du plateau pour mieux trouver sa place, son endroit , son milieu .Parmi les cris d'une foule lointaine, les ovations d'un public impatient qui la booste et la stimule. Sur le ring, dans la fosse aux lions où dans l'arène d'une proche corrida. Solène Wachter en dit long sur le parcours préambule au spectacle: s'installer, prendre place et séduire dans une efficacité intelligente et bien dosée pour le meilleur d'une ambiance à mi chemin entre la vie et la mise à mort. Podium, ring ou scène de rock pour tremplin ou tarmac de prédilection....


'A Pole Sud les 23 et 24 Janvier dans le cadre du festival "l'année commence avec elles"

Nach: "Elles disent" et en disent long......


Nach
Nach Van Van Dance Company France 4 interprètes création 2022

Elles disent

Venue à la danse par le krump, Nach déployait dans ses premiers solos de puissantes et charnelles danses de solitudes. Dans cette pièce de groupe, avec Adelaïde Desseauve, danseuse inspirée de krump, Sophie Palmer, danseuse de flamenco et Manon Falgoux, danseuse contemporaine, la chorégraphe compose des récits de corps singuliers d’où jaillissent des secrets, des révoltes, des extases. L’énergie du hip-hop et des danses urbaines est là, mais au milieu de silences, de sons, de souffles et de râles. Avec Flora Detraz et Dalila Khatir en soutien et conseil pour les parties vocales, la chorégraphe ose l’indicible, le cri, l’onomatopée. Elles disent emporte les esprits, parfois strié de doute ou de peur dans des corps de femmes prônant la force dans la différence, l’autodérision et le désir sans culpabilité.


 Quatre feuilles d'un trèfle qui porterait bonheur, plaisir, ravissement. Les quatre interprètes que façonne à sa guise Nach pour ce quatuor désopilant nous conduisent du pur krump en entrée, prologue ou antipasti, à une belle critique caricaturale des simulations spasmodiques d'un orgasme collectif de femmes en pâmoison. Drôle, clownesque et décalée, la pièce signée Nach conduit à brosser quatre portraits singuliers de corps émus par des personnalités bien campées. A l'identité gestuelle personnelle et revendiquée. Elles sont toutes quatre semblables et singulières.L'une telle Joséphine Baker excelle en mimiques, grimaces et autres postures, attitudes à l'africaine, courbée, en dedans, les épaules retroussées.L'autre plus décontractée simule la nonchalance, en short déchiré comme il se doit. L'une d'elles échevelée à souhait devise en autant de charades, virelangues ou jeu de mots à fleur de lèvres, susurrés ou chantés. Du punch, du tonus une heure durant sans fausse note ni faiblesse. Déterminées, assurées, fortes et solides créatures pour incarner la pensée en paroles et mouvement de Nach. Qui signe ici une oeuvre haute en couleurs, sons, émissions vocales de toutes sortes.


Divertissement grave et profond sur l'image des femmes qui parlent des femmes et les proposent comme icônes jubilatoires de la condition féminine. Enrichie sur le plateau par un jeu scénique inventif et surprenant, une gestuelle tétanique et proche de la folie pour stigmatiser les comportements dits "hystériques" ou compulsifs des femmes qui frôlent la divinité. La statuaire des corps mêlés est fluide et changeante , l'esthétique de ces énergies qui s'enchevêtre fort réjouissante. Les regards s'aiguisent, la "scène de la folie" de cette femme envoutée est sidérante. Quatre interprètes pour quatre facettes de Terpsichore en émoi, tant les gestes, les déplacements et autres surprises nous entrouvrent les portes d'autres possibles. Femmes, je vous aime et vous respecte sur ce plateau tout blanc, vierge d'histoire ou de récit pour ne plus laisser parler que les corps en mouvement.

A Pole Sud les 23 et 24 Janvier dans le cadre du festival "l'année commence avec elles"

samedi 20 janvier 2024

"Touché" pas coulé !!! Degadezo sous la peau du monde....Un univers qui touche et frôle à fleur de peau, la surface vitale du corps poreux.

 


Nuit de la lecture - Le corps - En corps 
Touché de Ramona Poenaru Projection-rencontre en présence de la réalisatrice

Pendant un trimestre, la Cie Dégadézo a accompagné des élèves de 1ère en « Assistance, Soins et Services à la personne » dans l’exploration du corps. Entre cours professionnels où l'on apprend comment prendre en charge un corps et les ateliers de danse qui prennent appui sur le contact, les adolescents vivront une expérience corporelle inédite qui leur ouvrira des chemins vers une connaissance d'eux-mêmes et des autres.

 Kontakthof, kontaktvoll...

Un film sur le "sensible", le toucher, qui n'est ni un film de danse, ni un film scientifique, médical, est chose rare. Voici une oeuvre cinématographique singulière, un "documentaire de création" original issu d'une convergence d'expériences sensorielles auprès d'un jeune public en formation scolaire d'apprentissage: prodiguer des soins au corps, vieillissant, médicalisé ou simplement en état de corps déclinant.Filmés dans l'intimité de leur lieu d'apprentissage, un lycée professionnel adapté, les jeunes recrues sont au coeur du sujet. Aspirant à ce métier ou doutant de leurs capacités, de leurs envies, les voici confrontés à deux artistes en résidence: Antje Schur et Régine Westenhoeffer, deux danseuses, interprètes et pédagogues de la "danse contact" par excellence sur le territoire alsacien. Les chocs, les rencontres d'espace et de compréhension sont judicieusement filmés et mis en avant par l'intuition de la réalisatrice, elle-même danseuse et intervenante artistique au sein de la compagnie "Des châteaux en l'air".


Un trio complice et perméable à la relation au présent, à tout ce qui est "poreux" comme cette peau dont il sera question tout au long du film. Ce toucher que l'on retrouve au sein de toutes les expériences sensorielles du touché-poussé-tiré, de la notion de poids, de don de soi dans une relation de confiance entre partenaire de jeu et de vie. Appliqué aux soins corporels et à la manière de les prodiguer, voici une singulière aventure salvatrice. Pour les jeunes "apprentis" c'est une découverte, un OVNI, extraterrestre bien introduit par la venue d'un E.T. venu d'ailleurs, incarné par l'une des danseuses, lors d'un premier contact scénique hors norme. Ce zombie, non genré, intrigue, interpelle, interroge sur la différence et son accueil au sein du groupe. Étonnement, crainte, rejet de l'étrange, de l'étranger, de l'inconnu. 


De toute leur peau, voici dans une très belle séquence, les deux protagoniste en proie à une "démonstration" de contact, juchées sur une table comme sur des tréteaux de foire dans l'espace scolaire d'une salle de cours traditionnel. Du neuf, du surprenant, du déconcertant pour ce petit groupe soudé par un instinct de suspicion, d'interrogation sur ces pratiques directes, sans mot. Alors cela prend au fur et à mesure, on s'apprivoise, se renifle, se côtoie, se regarde avec de moins en moins de crainte. Le film montre cette douce et lente évolution entre élèves et intervenantes. 


C'est drôle, sensible et plein de suspens. Ramona Poenaru capte, traque en douceur ces jeunes avec tendresse, respect et empathie. Portraits singuliers des uns et des autres, sur les visages, les expressions, les attitudes liées aux circonstances. Toucher, regarder, respecter, les maîtres-mots, les clefs d'une profession de santé autant physique que mentale. Sans être des thérapeutes ni des pédagogues assermentées, nos trois artistes font mouche et touchent là où ça fait du bien, ou du fil à retordre. Telle une chorégraphie qui s'improvise, les images donnent à voir des touches de danse, de jeu d'acteur qui font figure de vrai rôle. Chacun y est considéré en plan fixe ou mouvant, en captation sur le vif. Des batailles de matelas dans une chambre où tout réunit les jeunes filles dans des ébats débridés et spontanés. Des scènes prises sur le vif pour valoriser ces contacts naturels entre membres de cette petite tribu issue des affinités sensibles. Le film est truculent, sobre et plein de verve, de tonus, de rythme comme de la danse, de la musique, percussion corporelle ou sons discrets du quotidien. La parole a la part belle: celle des enseignants pour conduire la dynamique du groupe, celle des participants pour exprimer doutes, avis, sentiments, impressions pour ce travail atypique dans leur parcours professionnel. La scène "originelle" de redressement d'un corps alité est croustillante. On y voit les maladresses, les hésitations, l'antipathie de certains au regard de leur future profession...


Une cible en or pour exprimer la sincérité, le refus, l'audace de tenter l'impossible, l'inconnu niché en chacun. On envie ces jeunes de bénéficier d'une telle expérience corps et graphique dans leurs cursus professionnel. L'image finale où dans un couloir un duo de soigné-soignant disparait de dos, uni par la complicité du toucher,est juste et convaincante. Du bel ouvrage de réalisation sur un sujet qui "touche" et impacte comme une empreinte, le sens des gestes qui soignent, apaisent dans une notion autant de proximité que de distanciation. Son propre espace, celui de l'autre, celui des corps qui circulent sans entrave dans un monde libre et réjouissant: les soins et leur art d'être pratiqués comme un duo de corps sans décor ni barrière. Un film comme une caresse, un écran tendu de peau qui réfléchit le monde. Ne sommes nous pas simplement deux mètres carrés de peau tendue...Une enveloppe adressée à une correspondance des sens, de l'essence de la vie: le toucher..


Et beaucoup de doigté, d'élégance dans cette écriture, signature kinéma-tographique de Ramona Poenaru. Contact oblige !



Samedi 20 janvier à 19h à la médiathèque Meinau




"Extra tes restes": On recycle en piste, en bretz'selle, on trie en déchets-tri, on rame en tram, on est décomposté au premier degré de tempé-rature....

 

 

Compostage, recyclage, tri et réemploi. Les comédiens de la Revue scoute ont porté en haut de l’affiche la seconde vie de nos déchets. « Extra, tes restes », c’est le titre qu’ils ont choisi pour leur nouveau spectacle. Un sujet dans l’air du temps et qui entre en résonance avec les préoccupations du moment.

En 2024, cela fera cinquante ans que le Café-théâtre de l’Ange d’Or ouvrit ses portes dans le pittoresque quartier de la Krutenau à Strasbourg. L’Ange d’Or fut le berceau, autant dire la couveuse, de ce bébé prématuré qui deviendra plus tard la Revue Scoute.

La Revue Scoute 2024 abordera des sujets aussi variés que le choc des civilisations, les destinations sanitaires pour des dents pas chères, le climatosepticisme, le genre des supporters, la faim de vie, la montée des prix, l’obsolescence des religions, la fin des hypers...
« Nous sommes entrés définitivement dans l’ère du recyclage, de la seconde main. Fini le gaspillage tous azimuts. Comme le disait si bien notre sirène dans la Revue Scoute 2023, on arrête de jeter la vie par les fenêtres... Le titre choisi cette année le dit bien : tout ce que nous jetons peut encore servir. Cela vaut pour les objets bien sûr : l’herbe fraîchement coupée qu’on méthanise ou ce bon vieux sèche-cheveux qui se recycle avec envie. Cela vaut aussi pour les individus qu’à tour de bras on requalifie, on réoriente, on reconverse, on réinsère... Cela vaut pour le monde politique qui est passé maître en récupération et qui sait si souvent muter pour tenter de faire oublier les vieilles idées polluantes
. »
 


Quarante ans de revue, ça se fête, alors "quadra", la revue en prend un bon coup dans l'aile! La quatra-ture du cercle se boucle et l'on jubile deux heures avec tous ces comédiens qui font la pluie et le beau temps sur notre planète "alsacienne" et de l'extérieur. A l'intérieur, on trie grâce à une équipe de techniciens des or-dures et "poubelles la vie" pour ces travailleurs de l'ombre évoqués à force de jeu de mots, calembours ou autre virelangue. Ici pas de langue de bois ni de chat: on dit ce que l'autre pense tout bas et on raffole d'humour noir, décalé, incisif et cinglant. La transition entre Paul Emploi et France Travail est une perle du "genre". Genre évoqué à maintes reprises, toujours du bon côté. L'Alsace c'est l'accouchement terrible du Grand Test, une séquence pimentée où la parturiente met bas moult objets et images stéréotypées de "notre province". Bierry aux premières loges de ce sketch désopilant qui en dit long sur l'identité régionale: plus un z'est, vous êtes cerné. Madame la Maire-Bière Danielle Dambach n'est pas en reste!
Schiltigheim, le berceau des "Scoutes"en prend de la graine avec cette balade, sac à dos, la maire en guide éclaireuse publique sur les sentiers du club vosgien, guide le peuple comme la liberté de Delacroix. Et le vert est dans le fruit pour ce compostage désopilant qui frôle le numéro de légende. 


C'est Patricia Weller qui s'y colle et c'est très éloquent. Quant à Jeanne d'Artagnan, la voici avec ses "mousqueverts" aux abois, face à un Gutenberg qui n'en finit pas de vociférer contre les pigeons et leur fiente sur sa statue. On imprime les faits et gestes, se gave de bons mots sur la gente humaine et la revue et corrigée bat son plein de verve, de rythme, de sauce bien relevée. Une robe de "seconde main" pour recycler le tissus et l'étoffe de la vie...Les musiciens sous la houlette de Michel Ott empruntent des morceaux connus et le "Hans im schnokeloch" fait mouche en défilé sado macho.Un Panza" kung-fu tout en rouge de colère.  Un steak à point ou au bleu, saignant comme un garçon boucher. Tout s'enchaine sans jamais s’étouffer ni se tarir L'AIRbnb des J.O. est un morceau de choix où le SDF se convertit en agent immobilier de choc, la "Justice d'Arson" est un régal de saynète désopilante. Une marionnette à deux jambes de poupée gonflable simule les malversations de Monsieur Dupond Moretti: grands écarts et autres élucubrations physiques pour conter les travers de la situation: le tout sur un cheval d'Arson..


En forme olympique,ce petit monde bordé des cinq anneaux en fond de scène. En "bombe à retardement" avec une fameuse intervention flash sur l'IA , un monologue entre un terroriste et une voix d'outre tombe qui interprète à tort toutes ses menaces. Les costumes de Rita Tatai siéent à merveille à cette tribu indomptable. Ce cabaret déjanté s'en prend aussi bien sur à la politique internationale et les Brigitte Macron ou Elisabeth Borne se retrouvent à deviser sur leur avenir, à venir pas trop reluisant. Bruno Uytter met sa patte de chorégraphe intuitif et efficace pour ce "Paradis alsacien" de circonstance. Du beau, du bon, du rire et de la critique en  sketches encaustiques pour ce show inédit entre revue et music-hall. Un OVNI du genre! L'orchestre au diapason de cet opus endiablé comme un bon Offenbach, opérette de pacotille au service de la diatribe et du cynisme décapant de ce monde manichéen à souhait. Chacun des comédiens y va de sa voix et pas une ride pour ce spectacle hybride en diable. 


Électrisante à souhait et décoiffante diatribe sarcastique à l'envi. Un moment d'électro choc salvateur où chacun s'y retrouve et respire de satisfaction constatant que ce qu'il pense tout bas est ici clamé haut et fort en toute majesté. L'équipe autour de Chambet-Ithier figure légendaire de la revue se déchaine, se défonce le temps d'un festin haut en couleurs, savoureux à souhait. Belle cuvée 2024 où personne n'est en reste: c'est extra!


 

Spectacle de cabaret satirique en français pour 8 comédiens et 4 musiciens
Coréalisation Acte 5 et Ville de Schiltigheim Et on fait des économies de chauffage au premier degré....

  • le 14/01/2024, le 21/01/2024 de 17h00 à 19h00
  • du 16/01/2024 au 20/01/2024 de 20h30 à 22h30
  • La Briqueterie Scikltigheim
Danielle DAMBACH a dit… Merci pour ces bons mots qui ne laissent pas le dernier mot aux maux de ce monde. Savoir rire de soi est le plus bel humour, il nous est donné dans cette revue. Il ne laisse aucune place aux mauvaises humeurs et mauvaises
odeurs, recyclées, retraitées. Merci pour cet article hommage au travail de la très belle équipe de la revue des Scouts, toujours prêts à nous détendre. Prescrivons du "rire sur ordonnance" !

photos patrick kupferschlaeger 

A la Scène strasbourg du 4 au 14 MARS

vendredi 19 janvier 2024

"61500 cm3"....d'apesanteur. Exposition découverte d'Irène Gordillo :On voit "large" à la Galerie photographique strasbourgeoise.


 Le LAB ouvre 2024 avec une exposition #Découverte aux accents ibériques. Nous avons le plaisir de présenter "61500 cm³" d’Irene Gordillo, jeune artiste madrilène que nous avons découverte l’été dernier à l’occasion de l’exposition des jeunes artistes La Rioja 2023 au Musée de La Rioja à Logroño.
Le travail d’Irene Gordillo explore la place du corps dans l’espace : à partir du calcul de son propre volume corporel, elle appréhende le réel dans sa dimension physique et matérielle pour révéler ce qui fonde notre relation au monde : le temps, l’espace et la gravitation sous un angle frictionnel. On croise des personnages dans des structures diverses : architecture, intérieurs, piscine, parc. On pourrait poser cette problématique dans différents lieux où les individus évoluent habituellement, mais l’artiste bouscule les attendus, en y instillant une forme de décalage et d’humour.
Les images sont composées de façon habile, jouant des lignes et des perspectives, les corps sont le plus souvent rigides, pas réellement vivants, pas morts pour autant, se fondent dans le décor, changent de place puis se retrouvent ailleurs, comme on déplace un pion sur un échiquier. Et au-delà de ces nuances, le propos est le même, et nous invite à sourire, à chercher le détail incongru : mais où est donc passé Charlie ? 

Il flotte dans une des propositions vidéographiques d'Irène Gordillo comme un air d'éther aquatique. Oxymore qui sourd de cette proposition où un corps immergé dans une piscine évolue tel une méduse dans les abysses hydrauliques d'un espace artificiel. Teintée de pastels bleus verts grisants, l'image est mobile, instable, flottante, belle, douce et onirique. Des photos de corps enfouis dans des machines à laver dans un espace de cuisine domestique: un univers ludique et décalé, très chorégraphique où l'on pourrait distinguer des références ou inspiration issues du travail de Sahsa Waltz dans la vidéo de création d'Eliot Kaplan "L"allée des cosmonautes". Ici personnage trouble, flouté à la Gary Hill ou Bill Viola, le corps baigne paisiblement en apesanteur, suspendu aux cimaises des électrons libres
 
sasha waltz

La fiction chorégraphique transplantée dans un appartement de la banlieue berlinoise... Un singulier rapport à l’image enregistrée, à l’espace, aux cadrages, et aux faits et gestes filmés au plus près des corps, épousant une écriture et un tempo fulgurant. Encore un corps allongé sur un divan rose dans une atmosphère kitsch pour souligner le découpage des corps morcelés émergents à la Robert Gober.
 
robert gober


 L'architecture urbaine, le mobilier "urbain" inspire à la photographe des cadrages inédits. Les corps des modèles figurants s'inscrivant dans l'architectonique des lieux de passages, des arrêts du bus, stations vidées de leur public pour accueillir une mise en scène, en espace, singulière. Couchés sur l’asphalte, debout en érection verticale ou assis en tandem, le dos tourné. Belle configuration chorégraphique à la Willi Dorner qui ausculte l'espace, les failles pour y nicher des corps colorés dans les interstices du béton.
 
willi dorner
Les corps imbriqués, fondus dans le décor, épousant les lignes de l'architecture comme pour souligner la dynamique des tracés, des lignes, des points. Les surfaces s'effacent, les aplats d'image fixent le mouvement ainsi pétrifié, médusé à l"image d'une immobilité singulière. En lévitation magique et magnétique, les corps intriguent, fascinent, déconcertent. Leur topic original les emmène sur un terrain inconnu, incertain, improbable. Territoire de la danse, petit bougé à la Alwin Nikolais, chantre de l'abstraction dansée. Les formes nous informent ici de toutes les possibilités de transgression des espaces, vécus et occupés par la physicalité charnelle de "la corps et graphie d' Irène Gordillo prestidigitateuse du virtuel. 

Les accolades de deux amants, aimantés par un montage de photographies, style pixilation image par image renforcent encore cette écriture atypique de la jeune créatrice d'icônes sensibles.
 
En photographiant une succession de mouvements du corps dans l’espace, Irene Gordillo introduit une dimension particulière dans la perception des choses. Il y a, dans les gestes et postures des corps figés tout un alphabet qui se dessine et constitue un répertoire de signes, dans une écriture aussi bien typographique que manuscrite.
La photographie ajoute ici une dimension que la vidéo ne saurait capturer, en jouant de ses interstices immobiles, elle met en exergue la situation plutôt que le mouvement, le fait plutôt que la narration, l’intrinsèque plutôt que l’histoire. Alors que la vidéo insisterait sur la performance de ces corps et leur virtuosité, l’image arrêtée met le doigt sur l’instantané, hors du temps et du mouvement, laissant au spectateur le soin d’imaginer le reste. Ils sont comme suspendus, déshumanisés et pourtant ils habillent ces espaces, en ouvrant un nouveau champ possible. Comment alors s’affranchir de ces forces qui les clouent au sol et les empêchent de se mouvoir librement ? Comment les habiter, les animer, et leur permettre de faire humanité ?
Irene Gordillo signe avec 61500 cm³ sa première exposition personnelle en France : sensible, poétique et très prometteur. 
 
✨ Vernissage le jeudi 18 janvier à 18h en présence de l'artiste
🖼️ L'exposition🤸 61500 cm³ 🤸d'Irene Gordillo est présentée du 18 janvier au 17 février 2024 à la Galerie La pierre large (mercredi au samedi 16h / 19h)
🔲 Commissariat Benjamin Kiffel & Bénédicte Bach pour le LAB
👉 Plus d'infos : www.galerielapierrelarge.fr