vendredi 12 janvier 2024

"Concha, histoires d'écoute" : coquille et crustacés....

 


Marcela Santander Corvalán & Hortense Belhôte France Chili trio création 2021

Concha, histoires d’écoute

Marcela Santander Corvalán est chorégraphe et interprète. Hortense Belhôte est enseignante d’histoire de l’art et comédienne. Ensemble elles composent une nouvelle forme de conférence-performance interrogeant l’écoute comme une force expressive du corps. Prenant la concha, gros coquillage que l‘on trouve sur toutes les plages, comme objet prétexte, les deux femmes, sur une musique live de Gérald Kurdian, tissent un espace original où paroles, danses, images, musiques et fictions nous invitent à mieux connaitre et comprendre l’histoire de l’art et du féminisme. Au Chili, la concha est aussi un mot d’argot qui désigne le vagin. Le coquillage devient alors allégorie et symbole magique d’un monde nouveau, volontiers écologiste, futuriste et féministe. Une conférence dansée pop, électro, universaliste.

Certes la danse passe le pas à l'éloquence, au verbe, à la peinture: pour le meilleur d'une expression originale teintée d'humour, de distanciation, de mutinerie. Les deux protagonistes se régalent de confidences ouvertes au sujet des objets choisis qui les entourent. Au centre sur une image mouvante de marée au flux et reflux inversé, on devine Maya Deren ramassant sur une plage, en noir et blanc, des coquillages échouées. Une femme qui danse et met en scène ses mouvements de glaneuse, sa récolte magique de ces coquillages. Des enceintes d'écoute, des chambres d'écho naturelles et idéales dont Marcela nous conte l'histoire. Un animal marin emblématique, corne d'écoute, instrument de communication idéal nous contre en palimpseste sa compagne de plateau, Hortense Belhôte une vraie Camille Cottin ou Valérie Lemercier en herbe !. Sur la plage abandonnée, le duo fonctionne à fond, entre paroles, récit truculent, mouvements en alternance. Créant un paysage singulier, celui de la naissance de deux Vénus à la concha, ce coquillage, icône récurrente du spectacle.


L'histoire de l'art revisitée par la comédienne, férue de peinture classique devient passionnante et révèle des histoires, des intrigues succulentes. Voici l'annonciation décryptée à souhait où la vierge revêt des atours burlesques et symboliques croustillants. Deux voix, deux corps animés d'humour, vif argent de circonstance. Le vagin comme origine du monde, comme nid d'une imagination débordante. Les langues se délient, les images se succèdent sur l'écran pour souligner le côté incongru de cette "lec-dem" d'un nouveau genre dont savent se délecter certains Denis Plassard ou David Drouard. Un tantinet à la façon de "Toute l'histoire de la peinture en moins de deux heures, de Hector Obalk fait un stand-up pédagogique et spectaculaire sur l'histoire de la peinture.Exercice de style fréquenté avec aisance, décontraction, habileté et esprit mutin, espiègle et bourré de talent d'interprétation, sobre, clins d'oeil à l'appui à l'histoire de la danse, aux héroïnes inconnues d'un nouveau langage corporel dénué de narration. On se régale de toutes ces figures de rhétoriques menées à mal, tordues et reconstruites: l'empathie avec les deux interprètes s'installe et opère un va et vient, un aller et retour décapant. Pas de coquille pour cette démonstration dansée-parlée, sprechgesang chorégraphique d'un nouveau genre à découvrir absolument. Gérald Kurdian, modeste et partenaire effacé pour la création musicale, discrète insertion dans ce manifeste féminin: Echo, la muse de la voix désincarnée sourit en douce dans les coulisses de l'exploit! 



A Pole Sud les 11 et 12 Janvier

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