mercredi 31 juillet 2019

"Philo mène la danse"


Philo joue au foot dans l’équipe de son quartier, mais il déteste ça. Quand la maîtresse annonce à sa classe que, cette année, ils vont faire de la danse, Philo est le seul à s’en réjouir. Sa passion pour la danse et pour sa copine Lorette lui donnent l’aplomb nécessaire pour dire à ses parents qu’il veut arrêter le foot et se consacrer au modern jazz.

Après avoir été professeure des écoles, Séverine Vidal se consacre à l'écriture depuis mars 2010, date de la parution de son premier livre : Philo mène la danse chez Talents Hauts. À ce jour, elle a publié 70 ouvrages. Elle écrit des albums, des bandes dessinées, des séries, des romans junior et des romans pour adolescents.

Après l’École des Beaux-Arts de Toulouse, Mayana Itoïz se partage entre l’illustration jeunesse, la bande dessinée, la peinture et les expositions. Elle use fusains et crayons de couleurs sur des tas de carnets, travaille son dessin au crayon noir et ses couleurs en numérique.

Un Billy Elliot à la française, dans le premier roman plein d’humour de Séverine Vidal


vendredi 26 juillet 2019

"La danseuse du gai moulin: un Maigret alerte !

 Qui est-ce ?…
– Je ne sais pas ! C’est la première fois qu’il vient, dit Adèle en exhalant la fumée de sa cigarette.
Et elle décroisa paresseusement les jambes, tapota ses cheveux sur les tempes, plongea le regard dans un des miroirs tapissant la salle pour s’assurer que son maquillage n’était pas défait.
Elle était assise sur une banquette de velours grenat, en face d’une table supportant trois verres de porto. Elle avait un jeune homme à sa gauche, un jeune homme à droite.
– Vous permettez, mes petits ?…
Elle leur adressa un sourire gentil, confidentiel, se leva et, balançant les hanches, traversa la salle pour s’approcher de la table du nouvel arrivant.
Les quatre musiciens du jour, sur un signe du patron, ajoutaient leur voix à celle des instruments. Un seul couple dansait : une femme attachée à la maison et le danseur professionnel.

mardi 23 juillet 2019

Karin Ponties fait une halte à Montpellier: la dame de pic joue son jocker!


Au nouveau "Pôle de développement chorégraphique Mosson-Montpellier" co-piloté par Yann Lheureux et Didier Théron, pionniers pugnaces de la création "locale", c'est dans le cadre du festival "mouvements sur la ville" qu'elle présentait une ébauche du solo pour Ares d'Angelo, "Fovea"
Joli plateau, nu, dépouillé pour accueillir une boule de lumière et son effet "fovea" , zone centrale de la tache jaune de la rétine, où la vision est la plus nette.



Un homme qui danse, chevelure abondante comme une parure naturelle campée sur le crâne, barbu bien dru, les pieds ancrés au sol, la tête comme investie de cette vision étrange. Cette "fovea" phénomène singulier où la vision est superbe et au zénith de ses possibilités. Un halo de lumière intense, boule d'effets lumineux le couronne de ses rayons, sans cesse diffusés et diffractant toute source de lumière.La gestuelle se love, se glisse entre les effets de rémanence de persistance rétinienne Et l'on suit ses évolutions avec empathie dans une communion sensible. Gestes au corps, ajustés, taillés sur mesure, il se love, se glisse dans les failles et interstices, brèches d'espace, d'espèce d'espaces.
Forme hybride, tout de noir vêtu, comme une peau d'animal, au final, il se fond et disparait dans la lumière bleue...
Travail en cours, chantier ouvert pour ce "clin d'oeil" cette aventure rétinienne en devenir tout proche d'être finalisé.
Salle Bernard Glandier le 29 Juin


Montpellier Danse 2019 : du patrimoine à la création pas un pas de travers!

C'est "ici" que se sont joués beaucoup d'enjeux pour la création chorégraphique contemporaine et on le "doit" à la perspicacité , au furetage d'un homme à l'affut de toutes les écritures possibles du corps....Jean Paul Montanari aux rènes de son festival! Une fois de plus cette édition oscille entre références, mémoire et découvertes laissant libre champ aux spectateurs de continuer à défricher sentiers et balises à son gré.

"(ma, aïda....)" de Camille Boitel et Sève Bernard Compagnie l'Immédiat

De la poésie déjà, glissée sur nos chaises en deux feuillets distincts qui se complètent et le tour est joué: il va falloir recoller les morceaux de ces cadavres exquis dans la tourmente qui s'abat rapidement sur la scène.Camille apparait, dérisoire personnage, micro en main pour y voir 36 chandelles, micro qui se traîne à son fil et räle, seul sur le sol abandonné. Des duos de toute beauté font suite, en apesanteur, étreintes, glissades furtives esquissées, légères entre un homme et une femme. Des rencontres rarissimes dans des raies de lumière et sous du sable qui tombe en faisceau, lentement, alambic ou clepsydre du temps qui se distille. Des trappes qui s'ouvrent béantes du plancher pour absorber et engloutir les êtres, des boites de Pandore, comme des pièges qui se referment: magie et cirque sont de mise! Tout s'écroule, se déconstruit, architectonique des plaques dans un grand capharnaüm ou chaos excentrique. Des harnais, des accessoires pour mieux s'envoyer en l'air et jouer les fils et filles de l'air du temps. Jeu de rideau pour s'amuser, se dissimuler aux regards inquisiteurs sur ce microcosme en révolution géologique permanente! Tonique et frais, plein d'effroi dans le dos!
Au Théâtre des 13 Vents Grammont


"The Quiet" de Jefta van Dinther
Eloge de la lenteur
Cinq danseuses, fantômatiques habitent un savant dispositif d'aluminium sur fond de chaos musical; une tente en parachute, un sol morcelé pour cette marche obsessionnelle sur musique pianistique répétitive. En "camisole" et baskets blanches Terpsichore arpente le plateau et martèle le rythme incessant de la danse collective. Femmes et détentrices de mémoire corporelle, de secrets riches en schémas physiques et mentaux, elles offrent un paysage serein fait de corps quotidiens, simples et à regarder tranquillement, comme le cour de la vie tranquille chargée de souvenirs.
Au Théâtre de la Vignette


"Monument 0.5: The Valeska Gert Monument" de Eszter Salamon et Boglarka Börcsök
d'Hommage !
Personnage extrême, trublion du cabaret dansé des années 1920...Valeska Gert a déjà fait couler beaucoup d'encre, sous la main de la commissaire d'exposition Maité Fossen , la griffe mordante du spectacle solo et du film de Renate Pook, ("Le nerf du temps" 1991) de Marc Guérini et grâce à la parution de ses mémoires "Je suis une sorcière" Sans compter sur le film de Schlondorf "Nur zum Spass, nur zum Spiel", portrait décapant de l'anti-star!
Eszter Salamon en propose un portrait très "dada", crécelle et cravate blanche déferlante au sol qui éructe, anone, en langue allemande les maux du monde décadent du troisième Reich.Babils d'enfants qui font leurre dans la salle, susurrés par un "baron" son double qui la rejoint sur scène; ça sème le trouble et l'atmosphère éruptive est lancée. On songe en l'écoutant à Aperghis, Bernstein ou Bério Berbérian passés par là entre temps...La très forte présence d'Eszter , regard aigu, scrutateur, est renforcée par la tension du noir et blanc des costumes, des rires moqueurs, des mimiques de boxeur.
Une deuxième Valeska la seconde, la double qui s'époumone, en apnée, étouffe, pantin de blanc vêtue, archi-tonique, grognant en cochonne, animale, tribale, triviale."Cocotte, Titine" par çi, par là, mannequin hyper maquillée à la Liza Minelli ou Louise Brook, telle un travesti dans le public, affolée, trépignante, exubérante, exultante...Sur leur podium de pacotille à la Mallet Stevens, la gémellité se dessine ; elle résiste, grimace, se tend, implore déconfite, se gonfle le jabot, se frappe, clown muet, mendiante, en quête de soi. Un beau timbre de voix de surcroît pour déSenchanter ceux qui voudraient se laisser séduire par tant de pantomime déroutante...Contre les tyrans nazis, son chant de cabaret s'élève, elle pétrit ses seins comme une trans-genre et en fait des sculptures étonnantes, harangue le public Toutes deux dansent avec des tissus, torchons en torsades, en tension, sportives, ventilateur désespéré, ménagères triviales qui nettoient le public de toutes traces. Petits fantômes statufiés, elles évoquent un peuple "libre", mais la chute d'Icare est proche, ailes blanches virginales: infirmières ou sorcières agonisantes, vampire maculé de sang dans une ode à Hitler ou Truman..Est-ce qu'on "change" de peau quand on passe à autre chose sans complexe, ni regret, ni autre forme de remord? Au final, c'est une batterie qui prend le dessus sorte de Woodstock déjanté qui rappelle que l'esprit "Valeska" est encore bien présent!
Au Théâtre de la Vignette




"Winterreise" de Angelin Preljocaj
Nota bene
Cadeau du Festival dans la salle du Corum, Preljocaj fait résonner les corps de ses danseurs sur du Schubert, des lieder célèbres de toute beauté, chantés en direct par le baryton basse Thomas Tatzl et joué au piano par James Vaughan.
La danse est faite à son "habitude" de solos, duos, ensembles à l'unisson esquissant les formes de la mélancolie, de l'abandon, de la solitude. On plonge dans l'univers mélancolique du compositeur, on se laisse submerger lentement par les ondes fluides des corps qui se déploient, par l'énergie des danseurs pétris de musicalité. C'est beau à en frémir, on est "ému", transporté ailleurs, vers des contrées inconnues de la nostalgie, de la douleur. Baryton et pianoforte à l'appui des corps en rebonds, en assurance certaine sur ces fondations musicales solides, inébranlables. Une mélodie de charme..Vision fugitive impressionnante hors de l'atmosphère de parcelles de couleurs et d'images: une séquence néons rouges et manga très kitsch pour illuminer subitement cet univers d'une reine des Aulnes hors de l'atmosphère de couvercle pesant.Des duos en équerre, un quatuor en espagnolade, des trios enchâssés, des courses folles sur un sol jonché de scories noires luisantes. Débris d'éruption volcanique, de coeur brisé, de graviers secs et brisés. Quelques pauses figées, médusantes, petrifiantes, de superbes lumières outre noir, un souffle de vent qui balaie tout.... Des hommes en longues jupes qui tournoient et le rêve s'élève au zénith de la voix qui chante le désamour.Encore un duo en toupie, des silhouettes découpées sur fond de touches de piano géantes et le charme se rompt: les lieders se sont tus, la danse aussi
Au Corum de Montpellier


"Stephen Petronio Compagny"

Quatre pièces de choix pour ce programme qui nous rapelle que cette compagnie sait et peut tout danser: du répertoire aux créations "maison", le spectre est large
Et c'est "Tread" de 1970 qui ouvre le bal: un Merce Cunningham audacieux, réjouissant et méconnu pour dix danseurs, justaucorps couleur pastel, sauts et attitudes remarquables, très frontals, duos en marche arrière, portés plein de malice et de danger, cambrure des corps, architecture et maillons de chaine humaine pleines d'humour. Qui l'eut cru? Merce débutant dans la joie habituelle de la composition en pleine floraison!
"Trio A With Flags de Yvonne Rainer 1966/1970
Encore de belle retrouvailles avec la modern'dance que ce bijou à géométrie variable, ici version drapeaux américains couvrant les corps dénudés de deux danseurs.Contre le nationalisme, posture très politique et engagée, la reprise de cette pièce de répertoire de Rainer fait sens et résone juste aux regard de notre monde contemporain.Roulades, rigidité et relâchements dans le silence, géométrie des directions variantes, hommes et femmes chancellent aussi, sans céder comme des roseaux pensants qui ne se rompent jamais.
Les "Golberg variations" de Steve Paxton font suite à ce beau répertoire, dansées magnifiquement par Nicholas Sciscione: un moment de grâce où les fluides se distillent dans le corps de la musique et à travers la partition corporelle de la danse de Paxton.
Pour terminer la soirée, vous reprendrez bien un  petit Stephen Petronio"American Landscapes", création "maison", parfaite production d'une danse huilée, rodée, lisse et sans histoire, exceptée celle du bonheur de voir évoluer une compagnie exemplaire, aguerrie à toute forme d'écriture chorégraphique. La filiation avouée avec les oeuvres précédentes comme credo et leitmotiv de signature kinestésique et cinétique!
Au théâtre de l'Agora



Festival d'Avignon: la danse dans le "IN": Salia Sanou, Akram Khan, Wayne McGregor When Hui : "multiples!"

Quatre pièces pour traverser des esthétiques et propos "multiples", versatiles, en équilibre "précaires" et audacieux, aux marges ou au sein de l'académisme mutant!


"Ordinary People" de Jana Svobodova et Wen Hui
Sauvés du désastre
Entre Prague et Pékin, plus de frontières, mais des rencontres de sujets, de corps, de préoccupations, d'urgences mais aussi d'humour et de détachement.
Nés sous des régimes idéologiques et politiques "durs" , nos deux compères se rejoignent pour tisser des liens, abattre les frontières, tendre des passerelles là où c'est possible!
Du régime totalitaire communiste, ils croient à la "liberté" des "gens ordinaires" qui ne jouent pas la comédie.L'histoire tchèque et chinoise se partage le contenu des saynètes, souvenirs partagés par les deux communautés de tous âges. Souvenirs mentaux et corporels pour les danseurs du "Living Dance Studio", expérience du mouvement, des marionnettes pour les acteurs...Travailler ensemble pour abattre les frontières et créer un spectacle sur la mémoire, celle qui sourd des pores de la peau parce que emmagasiner par les corps-éponge Résultat: un joyeux tohu-bohu, auberge espagnole ouverte à toutes les expressions dans un décor mobile, transformable, vivant, modulables comme les propos ou gestes de chacun qui ne se censure plu. On ne peut imaginer ce qu'est être baillonner, alors la délivrance ainsi offerte, exposée et montrée est salutaire et doit être accueillie avec bienveillance et jubilation!
A la Salle Benoit XII


"Multiples" de Salia Sanou
Scène tournante
Les retrouvailles, les rencontres plaisent au chorégraphe qui se livre ici à un triptyque, réunissant autour de lui, trois personnalités qui lui sont chères ou devenues complices de parcours artistique
"De beaucoup de vous" de Germaine Acogny et Salia Sanou en est l'ouverture: deux joyeux lurons se retrouvent et échangent leur gestuelle sur une scène tournante qui les fait perdre la tête mais garder les pieds sur terre. La chorégraphe, toujours jeune, au visage lisse et enjouée se rit des postions classiques, de son compère "colonisé" par des gestes d'ailleurs et c'est un régal d'assister en direct à leur complicité. Tout en couleur orangée, comme deux moinillons de temple!
 "De vous à moi" réuni le chorégraphe et l'écrivain Nancy Huston fait figure plus sérieuse, plus froide, le danseur accompagnant les récits évoqués par l'écrivain tout de blanc vêtue Plus figée et distante, elle ne parvient pas à entraîner dans la ronde son compère plus lointain et  pétrifie la représentation de mots, de verbe superflus.
"Et vous serez là" réuni Salia Sanou au pianiste-chanteur Babx et cela refait surface, fait mouche: chanson à texte, complicité , l'un dérobant le territoire de l'autre sur le tabouret du pianiste dérobé par Salia: une séquence charmante où David Babin se révèle bon danseur comique et malin, discret et musical à souhait Salia Sanou se délectant de sa musique pianistique partagée.
Un face à face qui ne tourne le dos ni à la tradition, ni à la création pour avoisiner comique de situation et sensibilité de mémoire commune;
A la Cour minérale de l'Université


"Outwitting the devil" de Akram Khan
Déjouer le diable!
Sans attendre c'est lui qui se profile, monstre rampant, hyper mobile dans la peau d'un danseur plus que félin qui bondit à travers le dispositif scénique: fait de briques noires alignées comme des stèles ou de la tourbe retournée pour mieux sécher. Diabolique vision futile, fugace d'un enfer annoncé par une musique grondante omniprésente, envahissante C'est la tête hors du feu que l'on survit à ce spectacle qui oscille entre danse indienne et reptations contemporaines Un vieil homme incarne la vie qui s'écoule, observant immobile, le dos courbé et épuisé,  les allées et venues des autres danseurs, fébriles, animés par la terreur et la culpabilité. Témoin , agressé lui aussi par tant d'agitations qui ne parviennent pas à "animer" cet immense plateau dévolu à la conquête d'un espace hors norme
Akram Khan se contente ici d'une évocation que les murs de la Cour d'Honneur du Palais des Papes ne daignent pas réverbérer..On se souvient d'autres vrais blasphèmes ici, "Je suis sang" de Jan Fabre et n'est pas iconoclaste qui le veut.
A la Cour d'Honneur



"Autobiography" de Wayne McGregor
Tectonique décor
Quand l'académisme ressort ses corps glorieux, canoniques, athlètes aérobisants, contorsionnistes et performants
Technicien de surface lisse, l'ennui  surgit comme une nouvelle qui court sur le plateau et se répand comme une rumeur....qui tue plus qu'un coup de revolver.
McGregor n'invente plus rien: panne d'imagination, roue libre...23 fragments sont tirés au sort pour surprendre public et les danseurs, comme des parties d'un tout à propos du monde qui nous échappe.
Une structure plastique complexe au dessus du plateau va et vient, tranchant l'espace lumineux irradié de rayons et de brume. Question scientifique au poing sur l'ADN et ses traces dans le corps, on cherche en vain où se niche ce passionnant débat sur les empreintes et leurs traces dans nos chairs pétries de mémoire...La danse est acrobatique, parfaite, exquise représentation de la maitrise et de l'entrainement drastique sans âme.On est bien loin des débuts d'un trublion aux prises avec les nouvelles technologies se débattant dans une baignoire, cuirassé comme un coléoptère!!! C'était le bon temps!
A la cour du Lycée ST Joseph

Festival d'Avignon 2019: La danse , une présence forte et une offre diversifiée: Rambert, Mauro, Poésy.


"Architecture" de Pascal Rambert
Effondrement
C'est une épopée familiale, tonitruante et désarçonnante qui tient lieu d'argument, de fondement à cette pièce fleuve: évocation des déboires d'une famille en proie à l'hypocrisie, au doute, a la haine à l'infidélité . Dans l'Europe décadente traumatisée par les guerres et les nationalismes féroces, les "membres" d'une famille à Vienne se déchirent, s'humilient, se côtoient et en vain cherchent à tisser du lien , là où chacun demeure seul et y va de sa tirade.
Servie par des comédiens exceptionnels, la mise en scène occupe l'espace gigantesque en mobilier vintage de l'époque Bidermeyer, sol blanc et plateau bien rempli.
Stanislas Nordey en fil indigne, seul fait barrage aux vociférations du père, patriarche aigri et humiliant. Jacques Weber inaugurant cette fresque pathétique, bientôt suivi à tour de rôle par chacun des membres de la famille.


Faire résonner la cour d'honneur de ces destins vaut à Pascal Rambert un coup de chapeau, le faire vibrer n'est pas chose aisée surtout avec un propos qui tiendrait plutôt lieu de l'intime, du privé, du secret, du huis-clos. C'est tout le paradoxe ici présent qui nous fait face et séduit par sa force et son ton incongru. Chacun revendique sa place, fils, fille, belle-fille ou seconde mère: c'est à un naufrage que l'on assiste tout simplement, ces combattants du désespoir se tenant pourtant droit face à la tempête. A leurs corps défendant toujours, occupant l'espace en danseur de corde raide, sur la sellette dans le déséquilibre aussi: celui de la folie, de la décrépitude des esprits , dans l'effondrement des corps penchants. En chorégraphe né, Rambert en temps réel nous livre sa vision des temps à venir en signant ici auprès de ses comédiens complices et fidèles, une épopée, Odyssée ou Eneide mythologique à venir, mythique évocation de la débâcle...
Avec Audrey Bonnet, mouvante femme de Denis Podalydès survolté, Anne Brochet, Marie Sophie Ferdane, belle mère sensuelle et évanescente, Laurent Poitrenaux, pitre pathétique troublant de présence épique,  Emmanuelle Béart, Arthur Nauzyciel, surprenant officier de rien,  et Bérénice Vanvincq.


"Sous d'autres cieux"  d'après l'Eneide de Virgile de Kevin Keiss et Maelle Poesy compagnie Crossroad
Déplacement des corps
Tout démarre avec la vision d'une horde, meute de danseurs en mouvement à l'unisson, cadencés, solidaires, compactés
.Une épopée nomade où la mise en scène se batit sur l'exil, la danse qui stigmatise le parcours de chacun de ces personnages à la recherche de leur identité dans un monde évoquant l'après guerre de Troie.Périple des vaincus mené par Enée, la pièce trace les destins mouvants des personnages perdus en quête d'une oasis d'une terre où se poser pour expier le passé et reconstruire son destin. Course, divagation, errance et déstabilisation physique en sont les "fondations" qui se dérobent sans cesse au profit de glissades, de mouvement incessants, intranquilles Comme un déplacement, une migration forcée qui mène on ne sera jamais où sinon à la mort. Le parti pris de mêler danseur et comédien, danse et chant est fort réussi chacun frottant sa gestuelle à l'autre, le contaminant, passation revendiquer du mouvement, celui qui décale qui obsède les corps dérangés, déséquilibrés par ce destin féroce. C'est ainsi que Maelle Poésy nous interpelle et nous convainc et, efficace, nous conduit sur les sentiers instables de cette "fable" d'aujourd'hui; décor et costumes taillés pour ce parcours plein d'embûches, de handicaps et autres obstacles à franchir : travaux d'Hercule chantier à vif de l'humaine condition sans cesse renouvelée.
Au Cloitre des Carmes


"Oskara" compagnie Kukai Danza (Jon Maya) chorégraphie Marcos Mauro
Résurrection
Quand la tradition basque se revisite, c'est à une leçon d'anatomie au sein d'une chambre froide, morgue abritant un corps en voie d'autopsie que l'on assiste en premier lieu. Le temps d'une dissection clinique feinte pour entrer dans le vif du sujet: comment faire renaître une culture moribonde sinon par des coups de scalpel dans la chair fraîche de la tradition obsolète!
Un solo fabuleux en ouverture pour nous convaincre que c'est bien possible de déterrer les morts pour les faire bouger autrement au regard du monde contemporain de la danse Solo désarticulé à souhait, squelette pensant plein de grâce, de segmentation, de sédiments dans le corps palimpseste détenteur des couches gestuelles Mémoire de la danse traditionnelle déstructurée comme une cuisine intuitive moléculaire, inspirée des gestes oubliés et retrouvés, des fragrances proustiennes.
Une danse collective revisitée à l'unisson, très balanchinienne, tout de blancs atours v^tues, dentelles et jupettes baroques à la Bagouet Du strict, du vif et du tracé au cordeau comme la discipline traditionnelle mais sous bien d'autres formes chorégraphiques. Deux Wildermann font leur apparition comme des gardiens de l'ordre, des totems et tabous de la mémoire patrimoniale, alors qu'un chanteur borde de sa voix les mouvements des danseurs D'un piedestal un homme nu se dévoile face à son avatar encore "déguisé": qui va l'emporter, du traditionnel au détenteur de la mise à nu, table rase ?
Seul le chirurgien au final dans sa clinique aseptisée sera donner le verdict de la mort, de la survie ou de la résurrection des corps dansant "basque"... L'autopsie révélera ici une autre forme de vie pour la danse, une autre esthétique, une seconde destinée au très bel avenir. Le comas a du bon à qui sait attendre le miracle du maintien de la vie en sourdine !
A Vedène, l'Autre Scène du Grand Avignon



 


La Parenthèse : la danse à potron minet a bonne mine: Avignon le OFF 2019

Comme chaque année désormais, le rendez vous incontournable avec la danse qui se façonne aujourd'hui à la fraîche dans la cour du théâtre éphémère La Parenthèse : c'est "La Belle Scène Saint Denis"!
Des instants inoubliables de découverte, de confirmation, de marges et de surprises.....

Programme 1
"Pas seulement"
Et rien que ça !
Amala Dianor signe ici un quatuor, rare pièce qui se tisse avec les corps de quatre danseurs: ils s'observent, se frôlent,mêlée à l'unisson dans de belles vagues mouvantes, des déhanchés irremplaçables, torsion des jambes, en empathie mimétique. Au sol, un solo de mouvements tétaniques séduit, mouvements libérateurs, expurgeant une folle énergie. Cette bande des quatre est unique, au singulier comme au pluriel de ce collectif soudé. De beaux choix musicaux pour alterner lenteur et précipitation, attente et écoute mutuelle On expulse le souffle vers les hauteurs, on y saute et chute à l'envi . C'est énergétique et magnétique, félin et animal.


"Goual"
Danse-tricot
Felipe Lourenço
Six danseurs s'attelent à un seul et unique mouvement giratoire, en ligne, sorte de chaîne soudée qui va tourner une demie heure durant sans cesse, sempiternellement. Un exercice de style unique qui fait froid dans le dos tant la complexité y règne en chronomètre ou  métronome dictateur.
Compas à six aiguilles comme une horloge qui fait tourner le temps dans les sens des aiguilles d'une montre! Petit à petit l'un ou l'autre s'échappe de ce mouvement à petit pas, en silence. Fascination et hypnose de ce rythme soutenu, sidèrent et la roue motrice ne cesse de tourner. On se mélange doucement tandis que le tempo demeure inébranlable. Comme pour une petite cérémonie traditionnelle où, pieds nus les figures changent, alternent mais la ligne reste maîtresse sur son axe. Puis, face à face, on se sépare dans de belles expulsions de souffle, en trame et chaîne en danse-tricot sur fond de musique machine à tisser. Emboîtages sonores et corporels à l'appui, accélérations, sauts expiatoires et haletants y mettent leur grain de sel La confrontation fait ses va-et- vient comme un métier à tisser Jacquard. La performance est de taille, transe en danse et s'éteint dans un chant choral magnifique. Il fallait oser montrer une telle performance pour marquer un territoire d'écriture chorégraphique singulier affirmant la répétition, le système qui se décale et déraille dans une rigueur rythmique éprouvante!

"Koteba"
Effroi dans le dos
Seydou Boro nous offre un solo où son corps s'affiche, se regarde , torse nu, signé de terre,orange, longue jupe couleur terre de sienne, comme un sari de moine. Mouvement d'épaules fluides, de tête qui s'enroule sur le cou, la nuque offerte...Entre Buto et expression de la négritude, de ses immenses bras à l'envergure d'aigle, de rapace déployé, il danse. Le regard rivé au sol, les yeux clos: il raconte l'histoire des femmes violentées, meurtries à jamais dans leurs corps souillé, prie en chantant pour exorciser le mal. "Sommes nous encore des hommes"?
 Des gestes suggestifs de douleur ou d'effroi: les actes sont prescrits mais pas la douleur!
Cette évocation très sensible des crimes commis envers les êtres humains rejoint la lutte engagée du chorégraphe, seul ici à déclarer l'inacceptable.

Programme 2

"We are not going back"
Errances
Mithkal Alzghair propose un extrait de son quintette, en forme de trio: une femme, deux hommes nous observent, habillés banal, frontal. Le groupe se déploie peu à peu sur une musique orientale de flute, évoquant de grands espaces Ils ondulent, tâtonnent, vacillent se rattrapent, se resserrent dans la lenteur.Investigation des bras, des mains dans le dos créent un étrange climat d'inquiétude, d'attente. Comme un chainon protecteur, solidaire, le groupe avance. Puis c'est la diffraction, la dilatation de l'ensemble qui éclate, se rompt dans la vitesse, la mobilité extrême, verticale, solide. Sans direction précise, désemparés au final, ils dévoilent plaies et blessures sur leurs corps...

"L'écho d'un infini"
Passassions de corps
Sylvère Lamotte rencontre son aînée, Brigitte Asselineau et soude un duo plein de respect, de tendresse et de charme. On y fouille l'espace, habillé de jaune-blanc et bleu, la gravité comme fondation, fondement ou fondamentaux! En col roulé, frange et cheveux tirés au cordeau, elle évolue, fidèle à sa gestuelle minimale. Ils s'imbriquent, s'éloignent l'un de l'autre dans la lenteur, dans de beaux transports et élévations cérémoniels: piéta inversée, elle dans ses bras, c'est lui qui la protège, la berce, l'accompagne de ses bienfaits et gestes bienveillants. Précieuse figure biblique et spirituelle, la piéta, sculpture mouvante, se transforme, les rôles s'interchangent pour cette filiation évidente et respectueuse. Tiré-poussé à l'appui, porté splendide au creux de la main, supportant la hanche de sa partenaire comme un trophée de bonheur!
 Veilleurs, gardiens d'un patrimoine, d'une mémoire vivante, passeur de témoin, gardes-côtes de frontières naturelles. C'est beau et simple, touchant et pertinent!

"Lou"
Gare à Lou!
Mickaël Phelippeau surprend, toujours!
En compagnie de Lou Cantor il brosse un portrait magnifique d'une femme qui danse et raconte sa vie d'interprète, fan et amoureuse de danse baroque, immergée dedans dès l'enfance!
Dans une danse qu'elle va tracer au sol comme une partition singulière, elle bouge poignets et mains avec délectation et sensualité, énumérant les "pas graves", emboîtes, piqués, coupés en opposition, en paroles, puis sifflements. En sweet- shirt signé "Lou" de dos, elle prend ses repères, ses marques selon la notation chorégraphique, en fluo, au sol tracée. Elle arpente, fait le compas, précise, nette, vive en géomètre de sa danse très codée. Jeu de marelle distingué dans de belles surélévations baroques sur demies pointes. De chaussettes glissantes, elle enfile de vraies chaussures dédiées à sa spécialité, la grâce aux poing, toujours.C'est en marcel jaune qu'elle évolue sur de la musique baroque de son enfance: elle évoque alors son père chanteur et sa mère qui vient sur scène lui passer sa vraie parure de danseuse: la robe corsetée! Et ce n'est autre que maman Béatrice Massin!Elle danse, plus mécanique qu'esthétique, resserrant les boulons: sa nature, c'est cet endroit là de la danse, fragile, sans protection dans une langueur sensuelle et grave. Danse de pouvoir, nous conte-t-elle!
 Rageuse interprète au regard conquérant, Lou Cantor campe ici son propre personnage en autofiction: c'est foudroyant comme une danse de guerre, de grimaces, de cris libérateurs sur des barricades de révolte. Terrienne, tellurique, essoufflée en soutien-gorge jaune, la douceur reprend le dessus, la robe plissée git à terre, madone païenne en maillot jaune pour l'éternité!
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lundi 22 juillet 2019

Les Hivernales "On (y) danse aussi l'été! Avignon le off 2019: : du "mordant" du mordenseur ....à pleines dents et à cros acros!

Accrochez vous pour cette édition exceptionnelle des Hivernales, celles que l'on ne veut à aucun prix voir disparaître, en danger avec leur CDNC......


"10 H 10" Compagnie Nyash" de Caroline Cornélis
A potron minet, on s'amuse!
Ils sont un trèfle à quatre feuille qui diffuse des fragrances de bonheur, comme une mélodie du geste rertouvé, une Madeleine de Proust, revisitée pour le plaisir des pupilles, des ouies ou de tout organe sensible de nos corps à l'écoute
Jeu est un autre, un panel de situations enchevêtrées, comiques, ludique où tout s’emboîte comme pour un puzzle, corps compris.
C'est drôle, décapant, ça frôle l'indicible légèreté des êtres ensemble qui se jouent des conventions tout en respectant l'ordre du monde. Faire, défaire, construire un univers chorégraphique et musical, de concert , c'est de la haute voltige qui se rit des embûches, traverses et autres obstacles L'heure de la récré a sonné, c'est fini, c'est dommage, on en reprendrait bien un peu de rab histoire de baigner sainement dans un monde originel, digne de l'enfance, celle qui sommeille toujours en nous et que les danseurs réveillent comme une Belle Au bois dormant!


"Rage" de B.Dance de Tsai Po-Cheng
Survoltage
On tourne la page, on passe chez les adultes, plein de "rage", d'énergie à canaliser, "dernier combat face à une société de l'indifférence".
Les danseurs gonflés à bloc, vêtus de superbes costumes designés au cordeau, éclaboussent le plateau d'énergie, de fluidité, de technique, de savoir faire: sans pour autant atteindre une émotion ou une esthétique originale: on y côtoie sauts, virevoltes et autres exercices de style impeccables, on sursaute, on vibre, c'est physique et partagé avec le public en empathie pour cette gestuelle irréprochable, presque trop "propre"et aseptisée.


"Nhà" de Sébastien Ly compagnie Kerman
Danse du mas faîtage (et gestes)
C'est comme une danse des bâtons, une construction de faitage, finition du toit d'une maison, sauf qu'elle se déconstruit sans cesse, maison de nomade qui se démonte et se remonte, ailleurs. Les deux danseuses comme des architectes sont filles d'aplomb, niveau et autres ustensiles indispensables à la construction d'un corps de bâtiment. Léger, versatile, mobile home en devenir perpétuel. Habiter et non "se loger" ou occuper l'espace, c'est à un architecte  Trong Gia Nguyen que revient l'aspect plastique de cette sculpture manipulée, aussi mise en lumières par Françoise Michel, l'as de la scénographie du jeu lumineux.


"Des gens qui dansent (petites histoires des quantités négligeables) de NaïF Production de Mathieu Desseigne Ravel
Garçon boucher, morceaux de choix, pièces de boeuf à revendre !
Cinq garçons dans le vent, un animateur pour présenter le propos, au micro, qui agace à force de paroles qui n’atteignent pas leur but : bien plus éloquent est le glissement progressif vers la danse, le silence ou le bruit et le souffle des corps qui s'animent peu à peu et font la nique au verbe!
Un "morceau" de bravoure pour l'épisode sur le cheptel du chorégraphe qui prend un par un les interprètes de son écurie, tel du beau bétail,et les autopsie par la dénomination des "plats de côtes" ou "échine" ou râble" ou chair persillée: c'est juste ce qu'il faut d'irrévérence et d'humour, de distanciation, et là, les mots font mouche! De la viande, certes, de la barbaque bien moulée pour ces cinq "mecs" qui jouent sur le poids, l'inertie, la masse et offre aux regard la jouissance de la dépense physique qui impressionne tant nos sens et révèlent les danseurs comme de vrais athlètes au travail.


"Nirvana" de Marco Delgado et Nadine Fuchs compagnie Delgado Fuchs
Kama Sutra distingué
Deux sculptures vivantes occupent l'espace du sous sol de la Fondation Lambert, centre d'Art Contemporain
Place à la plasticité des corps pour un duo désopilant, pince sans rire sur le sexe aseptisé: pause, attitudes kamasutresque, en collant latex sonore qui enrobe les corps, les moulent et les aseptisent! Ils sont "canoniques" ces deux corps, souples, acrobatiques, contorsionnistes, saisissants de beauté lisse, clinique
Seuls les accessoires les rendent dérisoires -perruques et autres falbalas-et racontent autre chose qui fait vibrer, sourire ou pénétrer d'autres mondes.Doués d'un humour féroce et sagace, d'un recul certain vis à vis de leur ego, les deux performeurs ravissent et laissent à leur place dans les deux salles attenantes les spectres ou mannequins de carton animés comme des pantins, à leur effigie
Plus une antichambre où le mimétisme pied de poule fait le beau et engendre fous rire et désolation de pitre très réussis! Morceau de bravoure pour ces deux escogriffes des arts plastiques.
A La Fondation Lambert


"Näss" (les gens) de Fouad Boussouf  Compagnie Massala
On achève bien les chevaux
Amateurs de dépense torride, de performance physique collective, ne manquez pas ce rodéo, cette chevauchée fantastique de corps survoltés, mus par une énergie inégalé, médusable et aux antipodes de la gratuité de l'effort pour l'effort
Transport en commun pour cette ode à l'humanité qui semble aller droit au but vers le vertige et le chaos, emporté par la foi, l'enthousiasme, l'empathie: pas l'endoctrinement, attention, vers une félicité revendiquée, bras ouverts, regard vers le ciel....Ovation finale du public, dressé sur ses deux jambes ou deux pattes s'il fallait tisser la métaphore animale.


"Jean Yves, Patrick et Corinne" du collectif ES Sidonie Duret,  Jeremy Martinez et Emilie Szikora
Combinaisons débridées
Un trio à cinq qui s'interchangent sur la piste ou le ring, qui prend le plateau sans le lâcher c'est un vrai bonheur d'inventivité ludique. Les corps s'imbriquent, se repoussent, se chassent, s’emboîtent à l'envi, sans cesse dans des formes nouvelles inédites et l'on est jamais au bout de ses surprises, aux "prises" avec fondus, fluides, accrocs, embûches ou lissage des corps.
Joyeuse parade, cavalcade, défilé de numéros incongrus voisins du cirque nourris de performances style aérobic, c'est un plaisir partagé qu'il nous est donné de vivre en communion physique avec ses virtuoses des formes acrobatiques pétries d'humour et de verve.


"Ef_femininity" de Marcel Schwald et Chris Leuenberger
Stupéfiant de vérité
On regarde le genre différemment, croyant avoir fait le tour de la question en mettant chacun, chacune dans sa case. Pas question ici d'étiquette, ni de genre, mais d'expérience d'être soi et de vivre pour un homme né, la femme réellement en lui: quitte à se transformer ou pas, à "rater" la métamorphose physique, mais pas celle d'être celle qu'on désire.Alors à bon entendeur salut! Que l'on jouisse de ce partage sans frontière ni apriori! Pour une danse habitée, vécue non comme un trouble mais comme une réalité , belle, touchante et réaliste. Ah, les filles, elles nous rendent marteau !

Au Hivernales CDCN d'Avignon


Danse à la Manufacture Avignon le Off 2019 : Que FAIR-E ?

FAIR-E à l'honneur, le nouveau collectif directeur- collégiale du Centre  Chorégraphique National de  Rennes et de Bretagne fait son "entrée sur scène" avec trois spectacles portés par la Manufacture et un "jeune public" au collège de La Salle. Un bon panorama de leur savoir FAIR-E...
Action donc pour ce voyage au long cours !

"Wildcat" de Saido Lehlouh avec en alternance Shapeshifting de Linda Hayford et "Hors jeu" d'Iffra Dia

"Shapeshifting" de Linda Hayford
Etat de grâce
C'est un solo extra-ordinaire, dansé de toutes parts des pores de la peau de l'interprète, des yeux, aux bouts des doigts, des déhanchés, au sauts discrets que son corps gracile trace dans l'espace comme une rémanence visuelle inédite. Passage dans l'univers singulier d'une femme qui danse, qui rayonne et irradie l'énergie distillée au goutte à goutte par un corps stabile, en équilibre précaire pour dégager un impact hypnotisant pour celui qui regarde.
FAIR-E l'impossible ?


"Wild Cat" de Saido LehlouhC
Chatons sauvages et b-boying style!
Quintette de danseurs lâchés comme des félins sauvages, félin pour l'autre dans une gestuelle maitrisée, mais une écriture d'ensemble qui pêche par la répétition d'un style qui n'en finit pas de reprendre le dessus d'un savoir faire déjà édicté.
Bouger comme un chat, mais rester à l’affût des surprises de la recherche, de la chasse à la proie ou du simple jeu! Prêt à bondir et se surprendre....Tout reste à FAIR-E !


"Queen Blood" d'Ousmane Sy
Reines d'un jour !
Elles sont resplendissantes sur leurs lignes droites, comme sur des podiums de défilé de mode, de voguing en alternance soliste, ou groupées comme une meute, une horde de femmes toutes singulières, toutes différentes et pourtant à l'unisson d'un parcours scénique surprenant et très chorégraphié.Toutes vêtues de noir, dentelles ou cuir luisant, elles démontrent qu'une architecture à géométrie variable transporte les corps au delà d'un espace conquis, pour en faire naitre d'autres, seules ou à l'unisson d'une écoute complice!
Du travail d'orfèvre ou d'architecte, de chorégraphe de haute voltige.
FAIR-E et re-FAIR-E à l'envi !


"Afastado Em" de Johanna Faye
Trèfle à trois feuilles
Une belle composition savante pour trois caractères, l'une zen, étirée et sage, l'autre hispanisante et résonnante de zapateados, la dernière, terrestre et hallucinée, hypnotisée, envoûtée, les yeux révulsés..
Beau trio compact et  très "dense", construit sur l'alternance, le savoir être ensemble dans l'altérité: un savoir FAIR-E évident qui ne cherche qu'à se développer!Un moment de partage visuel très convaincant , une écriture qui s’emboîte et se complète assurément!

A la Manufacture


Et en prime "R1 R2 START" de Bouside Ait Atmane
Pas gagné!
Une envie de jouer pour le jeune public, les univers du jeu vidéo, manettes en mains, c'est pas gagné!
Un décor audacieux en architectonique d'escaliers, de créneaux, cinq danseurs motivés mais la mayonnaise ne prend pas.Les héros défilent Super Mario, Les Lapins Crétins Princess Peach, mais sans émouvoir ni faire surgir des souvenirs ludiques, ou émotionnels de cette la jeunesse là! Un peu "niaiseux", naif car la légèreté du vernaculaire, du populaire, c'est pas de la tarte à reproduire: la prolonger, lui donner sens eut été plus "malin" plus perspicace que ce défilé granguignolesque sans saveur ou rien ne se carambole. Peut mieux FAIR-E dans le rocambolesque vidéo ludique !
Au Collége de la Salle


"Des air(e)s d'anges de Bouda Landrille  Tchouda Compagnie Malka
Querelles d'hommes
Ils sont trois à se disputer le territoire, se chamailler, vouloir prendre le dessus, sens dessus-dessous et ça fonctionne très bien, entre cirque, danse et escalade d'un piédestal inaccessible sauf au final où nos trois héros tiennent le haut du pavé sans se marcher sur les pieds Le podium masculin semble inébranlable et tant mieux si rien ne s’effondre au royaume du solide et du minéral : la musique est bonne dans ce désert d'anges où les ailes du désir se font attendre au profit d'aires à conquérir à l'ère d'aujourd'hui: l'air de rien !
A La Manufacture

La danse dans Avignon le off 2019: bonne pioche ! Beaucoup d'atouts! Et quelques jockers!


"Histoire de l'imposture" Compagnie Mossoux Bonté
Déclics et des claques!
Un plaisir de retrouver ce tandem belge de danseurs-chorégraphes, plasticiens, metteurs en scène- images, à l'occasion du festival off!
Pour un spectacle singulier fait de pauses, de "clichés" avec obturateurs, d'attitudes sociales empruntées à l'observation méticuleuse des comportements sociaux par Patrick Bonté.
Beaucoup de charme dans ces tableaux millimétrés, tirés au cordeau où la danse se fabrique de postures en attitudes figées, de redémarrages et successions affolées, cavalcade de signes distinctifs de rangs sociaux, de divagations éclectiques sur le "corps social": celui qui ment, celui qui se trahit, celui qui séduit, celui qui questionne nos aprioris, nos convenances, nos habitudes.
C'est baroque à souhait, rondement mené, au rythme soutenu par des salves de déclics, de claques faites aux conventions.
Sarabande carnavalesque finale pour boucler la boucle, fermer les becs aux détracteurs de mensonges, aux paparazzi de la bienséance. Une qualité d'observation et d'interprétation, valant à chacun des cinq danseurs, costumés  une petite ovation!
Changements d'accoutrement à vue tambours battant pour des portraits de groupe plus vrais que nature.
A  La Manufacture

"Eh bien dansez maintenant"
Cigale et fourmis!
Sur un texte de Alexandra Cismondi et Emilie Vandenameele, production vertiges
La comédienne danseuse Alexandra Cismondi resplendit dans un role taillé sur mesure, autofiction sur sa propre vie dans un milieu familial omniprésent, lourd et obtus: milieu dont elle campe les personnages périphériques avec acidité, vérité, sans concession: on y comprend vite que l'enfermement y naîtra pour se prémunir de tas d'influences toxiques pour le corps et le mental
Dure et douloureuse histoire pour le corps de la jeune fille qui se plie alors aux exigences de l'apprentissage de la danse classique: par défaut, par revanche, par passion?
Dans une mise en espace sensible de Emilie Vandenameele, le jeu de la danseuse est précis, vif, vivant, plein de clin d'oeil à son vécu, rempli de malice aussi et de distance.A son corps défendant, meurtri mais jubilatoire, debout malgré les offences qui lui seront faites, réparé par la vie et la réconciliation avec le monde!
Au Train Bleu


"Deux rien"de la compagnie Comme Si
Mime de rien, mine de rien!
C'est trois fois rien, mais déjà beaucoup pour ce duo de charme où deux Pierrots lunaires, assis sur un banc se "conte" fleurette sans un mot, mais avec tant de malice et de complicité
Figés ou animés de bonnes attentions l'un envers l'autre, l'homme et la femme, gamins ou gavroches, adultes ou encore enfants, se livrent à une gestuelle mesurée, millimétrée, juste et savoureuse
Ils son touchants, malhabiles, naifs ou coquins, vertueux ou pas sages: peu importe, ils charment une heure durant avec leur attirail de gestes singuliers, signifiants intentions, impressions, sentiments avec justesse et précision.
Un tandem vitaminé qui fait le plein de fantaisie et d'imagination pour petits et grands enfants rêveurs d'espace et de mondes meilleurs.
A u Théâtre des Lucioles

"Envers" compagnie la Mazane
Complicités
Marie Fulconis se plaie à nous conter une histoire de corps féminins animés par la complicité de l'amour partagé, à deux, à trois pour le plaisir de chacune des trois danseuses. Animées de désir, de sentiments multiples, elles évoluent dans une gestuelle sensuelle, proche, intime journal, carnet de croquis de figures, pauses ou gestes fluides. Danseuse québécoise de formation, traversant les frontières, Marie Fulconis dessine ici les contours d'une danse sage et retenue, vibrante et mordante d'authenticité, de vécu et de partage
Au Théâtre des Hauts Plateaux


"Sous-venances" de la compagnie CMN L'Hélice Danse
A la légère !
Myriam Naisi fait son premier "off" pour partager son désir de rencontre et de proximité
Deux pièces courtes, un solo, "De plumes et de plomb" oscille entre légèreté et magnétisme, dansé par Salima Nouidé, tantôt enracinée, tantôt ange céleste
Un univers ethnique évoqué dans une scénographie en hommage aux communautés indiennes
Le trio "Sous-venance,Sur-venance" ajoute en mouvances et plasticité des volutes de couleurs, de plumes, de mascarades dans une scénographie chatoyante et pleine de référence à d'autres cultures menacées de disparition
Empruntant à ces dernières la beauté et la coloration singulière des musiques de Anouar Brahem...
Ala Factory Théâtre de l'Oulle

"Une reine en exil"
 de Jean Paul Chabrier mise en scène de Gunther Leschnik Compagnie Théâtre du Corbeau Blanc
Un jour, Pina m'a demandé.....
Sylvie Pellegry est Pina Bausch, le temps d'une évocation douce et nostalgique du personnage: assise sur son fauteuil de "reine", esprit disparu qui hante un univers dansant à jamais enfoui dans la mémoire corporelle d'une femme dansante, dissolue dans l'air.
Curieuse évocation spectrale, tranquille à partir d'un texte soluble dans l'air, léger: vie rêvée, inqualifiable  d'un être d'exception qui s'est un jour volatilisé si rapidement, entrainant sur son chemin tant de grâce et de mystère...
Exilée, dépossédée, la "reine" trône esseulée,la comédienne jouant résolument la sobriété, la demie-teinte....
A l'Ambigu Théâtre


"Deep are the woods" de Eric Arnal Burtschy BC Pertendo
Fiat lux!
Chorégraphe, plasticien et performeur, Eric Arnal Burtschy s’intéresse à la logique et au fonctionnement des sociétés ainsi que leurs transformations. Mais la question du spectateur est également centrale dans son travail. Cette année, il présente d’ailleurs à Avignon une pièce intitulée “Deep are the Woods”, pièce immersive dans laquelle l’humain s’efface au profit de la lumière...L’imaginaire autant que la perception corporelles sont mis en éveil. Éblouis, on se lève, se recouche, on déambule à travers un océan de faisceaux soumis à des métamorphoses, on plonge dans la beauté contemporaine, dans une expérience sensorielle unique.
Car en effet, dans cette pièce, pas de danseur, pas d’interprète humanoïde. On est invité à entrer en contact avec la lumière : après avoir laissé de côté tous nos effets personnels, on se laisse éblouir par un point lumineux. Rapidement, c’est cette lumière qui se met à danser ; les lignes se croisent, s’ouvrent, se ferment, nous rappelant le parcours des rayons de soleil à travers les branches d’un arbre.Une danse de lumières, uniquement fondée sur la diffusion des rayons, de nuages de lumières pour une immersion des corps des spectateurs-acteurs, plongés dans l'espace . Comme pour "Feux d'artifice" de Satie en 1917 où les corps disparaissent au profit du ballet lumineux des faisceaux de lumière! C'est une expérience immersive, participative où chacun est convié à se fondre dans ce dispositif lumineux, jouant des niveaux, des lignes, des tensions verticales, horizontales...Couché au sol au départ- c'est la seule consigne imposée, il jouit en joueur aguéri des effets, silences, rythmes pour s'impliquer dans un tableau vivant, pouvant s'en extraire histoire de regarder les autres évoluer dans l'obscurité lumineuse faite de variations, de modulations d'intensité!
A vivre absolument, comme une séance bienfaisant de yoga, de zen, de danse aussi !
A Ardenome ancien grenier à sel aires numériques Avignon



"038" de Kuo-Shin Chuang Pangcah Dance Théâtre chorégraphie Chuang Ko Hsin
Folies Intérieures
Sept jeunes danseuses survoltées dans un train d'enfer mènent la danse à l'unisson, comme en camisole de force grises, gestes militarisés, toutes pareilles, comme enfermées dans un processus d'isolement collectif§ C'est hypnotique, saisissant et plein de punch.
Comme dans un hopital psychiatrique d'antan, un "asile" où les aliénés se ressemblent par la force du rejet dont ils sont les victimes singulières.
Danse de meute, danse de hordes, hors de leurs gongs, les femmes s'affublent de chaise qui les représentent, objets de folie, de répétitions acharnées des mêmes gestes sempiternels! Hallucinant Dans l'espace circulaire en huit clos,le spectacle prend toute sa dimension d'internement....
A La  Condition des Soies

Le cabaret dansé, chanté dans Avignon Le Off 2019: une bonne cuvée !


"Maurice et la Miss" de la compagnie Sans Lézard
Complices, amis ennemis .....
Patrick Chayriguès en Maurice Chevalier, Hélène Morguen en Mistinguett font tout le charme de cette évocation des amours tumultueuses des deux grands du music hall! On y suit et y apprend plein de détails croustillants sur leur rencontre, leur ascension, leurs querelles ou jalousies, leurs déboires ou leur succès partagés ou contrariés!
C'est vif et gai, truculent et bien mené, aux côtés de Louis Caratini au piano et Stéphane Diarra à la contrebasse. C'est rondement orchestré, dans un rythme tonitruant à l'image de ces deux héros de la chanson et de la danses.Dans une mise en scène de Laurence Causse, pleine de trouvailles de paillettes, de boas et de plumes: on en repart sur les "chapeaux de roue", canotier et bas résilles au poing !
Au Théâtre des Corps Saints


"Louise Weber dite La goulue"
Sans avaler des couleuvres!
Delphine Grandsart est cette femme incontournable du paysage parisien du début de siècle: femme ravagée au début du spectacle, finie et rapiécée dont on va remonter le destin , le cours de sa vie au fur et à mesure. Découvrant la gouaille, la verve, les frou-frous et le charme de celle qui a su faire vibrer le tout Paris, le Moulin Rouge, le coeur de bien des hommes! La voix à peine éraillée, le ton juste ce qu'il faut de "titi parisien" pour une comédie musicale enjouée et sensible.
L'interprétation de la comédienne est remarquable, sans fausse note ni incitation à une quelconque vulgarité: c'est bien campé, solide, déterminé et convaincant: Louise Weber se livre et se délivre dans un solo accompagnée par Matthieu Michard à l'accordéon, dans une mise en scène de Delphine Gustau pleine de charme, de nostalgie et de poésie ravageuse!
Au Roseau espace Teinturiers

"Montmartre, la Belle Epoque"
Fantaisie satierik pour piano et deux bouches
Satie's faction! Satirique!
Un comédien, Jean Noel Dubois, Phoenix arts productions, campe un Satie, stylé, distingué, sarcastique et convaincant, soliste tenant la scène avec l'aide de sa complice Ludmilla Guilmault : tous deux attelés au piano, à quatre mains dans un show habile, malin et satirique. Le personnage principal tirant la couverture à lui, trublion de la composition, habile manipulateur des mots, des titres des morceaux de choix d'une musique décapante, déroutante, audacieuse. Une belle rencontre d'esprits et de charme, très "classe" avec des clins d'oeil participatifs bien venus à l'égard du public!
Au théâtre de l'Ambigu