vendredi 29 novembre 2019

"Vents contraires" : avis de tempête, force 6 ! Mistral gagnant !


Vents contraires saisit cinq femmes et un homme au moment où leur vie intime bascule dans l’incertitude. Ruptures, rencontres, amours mourantes, amours naissantes : que révèle de notre société le tourbillon du désir dans lequel sont pris les personnages ? L’auteur et metteur en scène Jean-René Lemoine les capte dans leur incandescence, dans leur quête d’amour, de liberté et de sens. Il revendique une écriture qui témoigne des contradictions humaines, où le trivial côtoie le désir d’élévation, le tragique côtoie le comique. Dans le vertige d’un monde gouverné par « l’avoir », que signifie aimer ?
Anne Alvaro, Océane Caïraty, Marie-Laure Crochant, Alex Descas, Norah Krief, Nathalie Richard

Avis de tempête !
Tout s’enchaîne dans ce décor dépouillée, noir, aux seuls reflets d'une vitre miroitante en fond de scène.
Un couple s'étripe, se harcèle, la femme, désespérée, inventoriant tous les actes quotidiens d'une routine qui l'enferme, la séquestre lourdement. Un corps à corps, une joute verbale entre Marie -Nathalie Richard- et Rodolphe -Alex Descas- qui se termine par une chute provoquée, une agression faite à l'homme par la femme...
On suivra ces personnages tout au long de la pièce, d'autres venant s'y adjoindre, seul ou par couple , le grand "dégenrement" opérant, êtres humains malmenés par leurs situation respective, source de quiproquo, de désenchantement: grand dérangement d'une micro société en manque de liens, de solidarité, d"'écoute.Tous semblent en proie à l'isolement, même si se tissent des histoires, se trament des événements qui les rapprochent. Une mystérieuse et envoûtante femme, Anne Alvaro, traque son gibier au restaurant, incarnant attitudes, postures et verbe empruntés à une réalité "bourgeoise-Bohême.
Les saynètes s’enchaînent, quelques "spot" dansés en entremets, interludes brefs et attestant d'un "bougé" éloquent de la part de chacun, Belle envergure de Rodolphe ou de Salomé-Océane Cairaty-stature imposante de plasticité esthétique, vivante incarnation du charme, du désir, de la tentation amoureuse.La chorégraphie de Jean René Lemoine et Anatole Hussenlop réparant ces corps habités par la fougue, l'impatience, la colère. C'est les pieds rivés au sol que Camille-Marie-Laure Crochant-s'adresse à nous dans son réquisitoire contre la société et ses agents opératoires.Ils s'étripent, s'empoignent à fleur de prise, hurlent ou éructent les mots, déflagrations ou combat, duel violents et sans rémission ni pardon possible. C'est "physique" et touchant, remuant et émouvant, la distanciation de l'humour ou du comique opérant en faveur d'une véracité troublante. Les corps des comédiens, engagés dans ce rituel social démantelé qui part à la dérive....
Portrait de groupe avec focales, mise en scène sobre et efficace d'une famille recomposée au gré des disputes, rencontres, heurts et face à face.Inventaire, compilation ou succession de situations ambiguës, comme des nuages noirs qui s'accumulent et menacent de céder pluie et vent, grêle et souffles contraires. Les bourrasques et autres  manifestations de révolte comme des soulèvements physiques, mouvants, instables, déracinant les plus frêles, les plus fragiles des personnages.Vents des globes qui tourne à la routine, ventre à terre et corps résistants à cet orage et ce tonnerre , auxiliaire de rires ou de pleurs salvateurs !
La musique encadrant le tout, la danse ponctuant le rythme de cet univers tantôt comique tantôt pathétique où se révèlent les tréfonds des âmes pas toujours très bienveillantes. L'argent, les "marques" les  us et coutumes manipulant ce microcosme, allègrement! Un tapis de graines de riz viendra clore cette odyssée du bien et du mal qui chavire et tombe dans le vide: les vents ne sont pas dociles et de la brise à la tornade, il n'y a qu'un souffle....Mistral gagnant !

Au TNS jusqu'au 7 Décembre
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mercredi 27 novembre 2019

"Gare au gorille" ! Et garde à vous ! Rendez-vous avec Georges!

« Gare au Gorille »
d’après les textes des chansons de Georges Brassens
avec Christophe Feltz et Luc Schillinger (guitare et chant)

Les Mercredis du Brant saison 6
Le mercredi 27 novembre 2019 à 20h au Café Brant
11, Place de l’Université - Strasbourg 


"Pour cette nouvelle création, la compagnie Théâtre Lumière s’est immergée dans l’œuvre du grand auteur compositeur interprète Georges Brassens. « Gare au Gorille » offre une soirée en toute intimité avec l’essence même de l’artiste : son écriture ciselée et fine, sa poésie, sa vision du monde, sa tendresse, ses blessures, sa fragilité, son rapport aux femmes, son humanité et sa jubilatoire et profonde croyance en l’Amour.
L’univers de Georges Brassens a toujours accompagné les comédiens Christophe Feltz et Luc Schillinger (aussi au chant et à la guitare pour l'occasion) dans leur parcours artistique. Il fait partie de ces grandes « plumes » de la chanson française avec Boris Vian, Jacques Prévert, Serge Gainsbourg, Léo Ferré ou encore Jacques Brel.
Au cours de ce spectacle musical, vous entendrez les textes et certaines chansons de ses « incontournables » devenus cultes tels que Le Gorille, Les Passantes, Brave Margot, Les Copains d’abord, Fernande…mais vous en découvrirez aussi d’autres plus méconnus, de véritables petites perles rares et précieuses de ce grand poète qu’est Monsieur Georges Brassens."

Et c'est chose faite, salle comble pour cet hommage créatif au Géant, Gargantua ou Pantagruel de la chanson, compagnon de tous, débonnaire, sympathique complice des paumés de la vie, placide et bon enfant. Ce qu'en font les deux larrons, les bons, Feltz et Schillinger, c'est que du bon pain! De la bonne pâte!
Des copains de longue date, à tribord, à bâbord surtout, là ou l'on navigue à vue, cap sur Brassens, à bras raccourcis, à main levée! En pères peinards, veinards, les voici, généreux vagabonds de l'âme, prêcheurs de vérités, pas de renommée! Prends garde à ton jupon, car ces deux fripons malins, coquins sont "copains comme cochon"!
Et même vus en anamorphe, à travers la vitrine à gateaux du Café Brant, ils sont crédibles dans ce dispositif scénique minimal mais efficace: lumières, pupitre...
"J'ai rendez vous avec vous" pour prologue, c'est bien choisi, ça tombe à pic et ça fait mouche, une heure durant, tambour battant. Tout s’enchaîne vaillamment, brillamment, des femmes aperçues, des passantes qu'on a pas su retenir, de la claire fontaine où Luc Schillinger se révèle poète-chanteur sensible...A la guitare, comme le grand maitre. Des première filles qu'on a pris dans ses bras, pucelle ou putain, on apprend la langue de Brassens en l'écoutant comme des poèmes musicaux qui se révèlent dans tous leurs sens. Un petit garçon, très émouvant incarné par Christophe Feltz, petit morceau touchant, de bravoure et d'innocence, de jeu sobre et malin. Qui se fait tout petit devant une poupée... Et voici venir Margo et son chat et l'on éclate de rire en redécouvrant cette galerie des courtisans, tous ces "gars" du village peu vertueux mais amoureux du beau!
C'est comme des fables de La Fontaine, pleines d'enseignement, de vertus: on découvre que la horde de femmes jalouses est une révolution, un soulèvement populaire contre la sorcière au chat!
Félin pour l'autre, Feltz et son compère attisent notre curiosité, notre mémoire, et sur "les bancs publics" on imagine les "monte en l'air", la cambriole, la gaudriole: la langue est vive, acerbe et tendre, sans concession, argotique et séduisante Alors le gorille et son dépucelage devient un conte où Christophe, en rut éructe les mots, mime les attitudes farouches d'un homme en proie au désir animal!
La cane de Jeanne prend le relais, très rythmée par le chant slamé. Un petit coin de parapluie pour la route vers le paradis, et nous voilà vieux fossile cocu et jaloux, mufle devant les femmes. Le pouvoir de s'identifier à tous les personnages évoqués est irrésistible et fort bien manié. Les copains d'abord, en duo fait mouche et l'on prend tout en compte tant les mots résonnent, les histoires s’enchaînent, reliées très intelligemment par des enchaînements naturels, impalpables, logiques. Car loin d'être un catalogue, un inventaire des chansons de Brassens, cette mise en valeur des textes du chanteur mythique est fort réussie, tonique, dynamique. Histoires de fesses à confesse, irrespect, humour et canailleries au pouvoir. Ne gravons surtout pas nos noms au bas d'un parchemin, effeuillons les marguerites, soyons tous "des cons" en ayant l'air d'un "con" comme le fait si bien le comédien-conteur, amoureux de ses textes désopilants, si près, si proche de l'humaine condition. Très Poulbot, Gavroche des banlieues, gouailleur, le voilà épris de Fernande et tous les deux, ils "bandent" mais pas à part: on est dans le bain, complices et voyeurs...Des adieux prophétiques au final, un caveau de famille où l'on réclame la place aux jeunes et tout est dit....
Bravo à nos deux loustics amoureux du verbe, conteurs, chanteurs et chatouilleurs qui nous ramènent à bon port après un voyage au pays de mon coeur: à bon entendeur, salut !

Au café Brant le 27 Novembre


dimanche 24 novembre 2019

Danses de girafes au Maillon !






"Alex Simu Quintet « Echoes of Bucharest » + Lucian Ban – Mat Maneri « Oedipe Redux »: Dracula Jazz !

Alex Simu Qintet "Echoes of Bucharest"  première française

Allemagne | Hollande | Italie | Roumanie | Slovénie – Alex Simu, clarinettes & orchestration / Franz von Chossy, piano / George Dumitriu, violon alto & guitare / Mattia Magatelli contrebasse / Kristijan Krajncan, violoncelle & batterie

Les paysages musicaux évoqués ici disent du pays des origines-la Roumanie- et de son folklore mais aussi de la musique française (Fauré, Debussy…) traversée d’élans romantiques qui évoquent Brahms, Strauss… Le quintet d’Alex Simu propose une réorchestration minutieuse des suites symphoniques de Georges Enesco imprégnée d’improvisations appartenant au langage du jazz d’aujourd’hui. C'est lumineux et subtil, chacun des protagonistes opérant des solos bordés par la suite de cet "orchestre" de chambre, jazz, quelque part inspiré d'autres contrées géographiques et musicales. Au pays des vampires, de Dracula, des chateaux et des montagnes maléfiques, de Nosferatu, les notes vibrent, fragiles, menacées et toute tentative pour chacun de prendre le pouvoir est vaine: les démonstrations de virtuosité, d'habileté de chacun se fondent dans la masse sonore radieuse et l'on songe au "cimetière joyeux" de Sapanta qui enchante les âmes et les corps disparus au delà de la réalité. La musique est ici reine, les interprètes, lors de deux longues pièces éclectiques, ravissent les oreilles et le voyage est garanti pour celui qui accepte ces propositions aux entrées multiples.

Oedipe Redux": hellas, le "grand Rex" fait son cinéma: nanar  fugit !

Lucian Ban et Mat Maneri présentent après une pause conviviale dans le hall de la "briqueterie" à Schiltigheim, « OEDIPE REDUX », basé sur l’opéra Oedipe par Georges Enesco, avec des musiciens, pointures de choix, Mat Maneri, violon alto,Louis Sclavis, clarinette & clarinette basse,Ralph Alessi, trompette,Lucian Ban, piano,John Hebert, contrebasse,Tom Rainey, batterie et deux chanteurs, danseurs, acteurs médusants :États – Unis | Roumanie – Jen Shyu, voix et Theo Bleckmann, voix 
À la frontière du jazz et de la musique de chambre, Mat Maneri et Lucian Ban nous offrent une relecture passionnante du chef d’oeuvre du compositeur roumain Georges Enesco. Oedipe, le seul opéra que Enesco ait jamais écrit, est une oeuvre d’une rare ambition. Sa relecture par un groupe composé en grande partie de l’élite des musiciens de jazz new-yorkais auxquels s’ajoute Louis Sclavis est un moment unique !
On s'attend à tout sauf à cet opus kitsch en diable où les deux acteurs, lui en costume seyant noir, torse nu sous sa veste, très sexy, elle radieuse femme asiatique à la voix de bronze, font un couple désopilant, incarnant, lui Oedipe, elle, trois rôle féminins des personnages mythiques de cet odyssée du jazz: comme autant de tableaux qui se succèdent dans une dramaturgie sérieuse et bien construite.
Les deux compères au chant rappelant des chefs d'oeuvre d'opéra de Pékin ou de comédie musicale Bollywood: désopilant jeu et mascarade, costumé à chaque changement d' effigie, de robe et voiles évoquant les caractères variables de chacune des héroïnes, figures légendaires de cet épisode de la mythologie grecque: hélas, "hellas", c'est parfois un peu "nanar" et déroutant, comique ou grotesque mais à bon escient! 
Sans "complexe", Oedipe , fils de Laios affublé de ses Jocaste et Antigone, fait son parricide et son inceste musical: résoudre l'énigme du Sphinx en jazz n'est pas une mince affaire et cette short version "opère" en opéra réduit comme un tissu musical cohérent et jovial !
Ce soir là on est surpris et conquis par tant d'audace de programmation et les deux chanteurs-danseurs, chorégraphiés comme des acrobates ou pantins sont remarquables, attachants et plein de verve! A noter l'excellence du trompettiste Ralph Alessi, dont le son de toute beauté fait voyager dans les tonalités variées de l'histoire du jazz, avec volupté et distinction!

A la "Briqueterie" le samedi 24 Novembre dans le cadre de Jazzdor






Un nanar est, dans le langage familier, un film qui possède tellement de défauts qu'il en devient involontairement ridicule et comique.
Bien qu'il n'existe pas de définition officielle de ce qu'est un nanar, on le distingue généralement du navet par sa capacité à divertir. Le nanar amuse tandis que le navet est simplement ennuyeux (en référence au goût fade du légume du même nom)1. Le terme « nanar » est cependant parfois utilisé abusivement pour désigner tous les films sans intérêt, il fait alors double emploi avec le terme de « navet » auquel il devrait s'opposer2. Le nanar est également parfois confondu à tort avec le cinéma bis ; or des productions du cinéma bis peuvent être considérées comme de « bons films » et des films à gros budget peuvent être considérés comme des nanars.
Malgré le fait que les nanars soient, par définition, de mauvais films, certains cinéphiles affectionnent ce type de production et les recherchent volontairement. Certains nanars ont même acquis une renommée internationale et font maintenant partie de la culture populaire, comme Plan 9 from Outer SpaceThe RoomDünyayı Kurtaran AdamTroll 2 ou Birdemic: Shock and Terror.
Dans le jargon des brocanteurs et bouquinistes, le nanar désigne un livre ou un objet médiocre et invendable.l

samedi 23 novembre 2019

"Sound Around N° 4 Iran" : Terre d'ocre, de Sienne et de musique, spirale de saveurs.


Cette année, Sound Around est Iranien.

Après avoir exploré le Japon au travers du Sho, le Mexique au travers des jeunes compositeurs que nous y avons rencontrés ou encore les univers nébuleux et oniriques du cymbalum, nous vous proposons cette année un voyage musical au cœur de la scène contemporaine Iranienne. Axé autour de la création d’un volet de « l’Espace du dedans » d’Alireza Farhang et de « The Bird Has been dead for more than 60 years » d’Arshia Samsaminia, ce programme nous emmènera également dans les mondes musicaux de la compositrice Elnaz Seyedi.

"L’occasion pour nous d’explorer des formes instrumentales nouvelles en étendant notre ensemble à la pianiste Nina Maghsoodloo et la violoniste Clara Levy. Un voyage à la découverte d’autres mondes, un cycle pour charger notre curiosité d’interprète et nourrir celle de vos oreilles."

Les musiciens évoluent dans les univers scénographiques et lumineux de Kapitolina Tcvetkova-Plotnikova et Raphael Siefert, imaginés tout spécialement pour ce concert.

Flûtes : Ayako Okubo Clarinettes : Thomas Monod // Percussions : Marin Lambert & Olivier Maurel // Piano : Nina Maghsoodloo // Violon : Clara Levy // Violoncelle : Elsa Dorbath //
Scénographie : Kapitolina Tcvetkova-Plotnikova// lumières : Raphaël Siefert

Le jardin suspendu de la musique, chant de la terre

Elnaz Seyedi : "Fragmente einer Erinnerung"
Dans une ambiance de bruits très "urbains", les sons démultipliés abondent: l'ensemble de musique de chambre au grand complet s'épanouit dans le calme, le piano résonne en percussions , le violon gémit et souffles et bruissements s'installent. Une femme tout de blanc virginal vêtue avance sur la scène, manipulant des sculptures de poterie de plâtre suspendues aux cintres.Marionnette à fil elle s'intègre dans ce dispositif et ne le quittera plus, fantôme errant, sur les cordes dissonantes des timbres, sur le fil de rasoir de cet opus riche de déséquilibre de masses sonores emboutées, imbriquées dans le flux des sons; des plaintes métalliques et grinçantes, concourent à cette atmosphère étrange, venue de pays lointain, comme cris et chants oubliés.Le piano comme une caisse de résonance, manipulé dans son corps, fait office d'écho de caverne, de grotte où les stalactites de porcelaine au dessus de nos têtes menacent de fondre, de chuter de s'écrouler.


Alireza Farhang, avec "Anagran, "lumière infinie" en langue persane ancienne fait place à un solo de violoncelle, bordé des vents qui apparaissent de derrière le rideau... Des tonalités inédites renforcent la matière sonore, la texture fragile proche de l'univers plastique de la scénographie. Blancheur et finesse des matériaux des objets suspendus répondent en miroir à la musique ornementale et monodique. Corps-raccords pour les flûtes et les cordes qui se relient tissant timbre, mélodie et gestes des musiciens et de la danseuse.Les cocons de plâtre toujours suspendus dans l'éther, un plexiglas en ruban pour litanie musicale qui se déroule au gré des manipulations de cet étrange personnage aux longs cheveux défaits masquant son visage
Comme une ligne oblique, portée musicale, tendue dans l'espace, la musique se fait ligne fluide, filet de flûte virtuose, souffle infime.
L'intrusion du piano en contrepoint, léger, naturel centre d'émission de percussions, fait miroir et réfléchit les effluves poétiques du morceau .

Encore à l'écriture de la pièce suivante, Alireza  Fafhang avec "Zamyad", multiplie les accents de  musiques persane et indienne qui  se fondent ensemble, se relient et le geste dansé devient prépondérant:: le violoncelle, soliste, évoque des contrées lointaines, évanescentes, les sons enregistrés bordent cette interprétation radieuse de tonalités venues d'ailleurs.Les cocons de sable déversent leur poudre de couleurs qui se répand au sol: la danseuse frôle ces matériaux ancestraux, terres de sienne et d'ocre, terre de carrière et laisse ses empreintes au sol, traces et signes, notations chorégraphique sur la partition musicale Composition instantanée suspendue aux aléas des tournoiements qui tels un encensoir répandent en thuriféraire, le sable d'un compte à rebours de sablier du temps.
Oeuvre musicale et plastique très aboutie, rituel et petite cérémonie de gestes épicés aux fragrances de souk parfumé de senteurs orientales, chaudes comme des immortelles, des fragrances de curcuma ou de coriandre, de curry exotique !
 Comme un balancier du temps hypnotique, les mouvements musicaux rejoignent les gestes de la danseuse qui s’immisce, immobile dans ce jeu de sonorités. Les plis blancs de son costume pour enrober comme des fleurs votives, les ex voto musicaux, offrandes  de cet opus enchanteur, hypnotique.
Immobilité du corps, réflexivité des sons qui l'entourent.Rituel giratoire où la danseuse se macule de teinture rouge, évoquant le sang, la lutte, la résistance du peuple iranien opprimé.

Un tissu sonore et visuel qui laisse place à "L'espace du dedans" de Alireza Farhang, inspiré des gestes musicaux et poétiques de Henri Michaux, laisse place à la magie de la scène:Paroles et chants enregistrés donnent vie à un opus brisé par le son des sculptures qui éclatent, volent en mille petits bouts de plâtre délivrant des fragrances suaves et nourricières des plats et mets de la cuisine iranienne.
Glaneuse de débris répandus au sol, la danseuse se fait Petit Poucet et trace des chemins de traverses, des balises sonores et visuelles, repères , traces et signes d'une notation chorégraphique rêvée: composition sonore et visuelles magnétique, envoûtante pour le regard et l’ouïe!
 Des voix enregistrées comme un chœur lointain font de ce rituel de reconstitution, de réparation, un symbole de justice, de droiture et d'espoir: recoller les morceaux, les debris des horreurs commises "irréparables".La cérémonie de dépôt des pots de terre comme une messe, un office sacré, traçcant des balises; les percussions comme autant de sons de cailloux semés pour retrouver le chemin qui mène à la réconciliation. Le percussionniste inspiré par la présence de cette magicienne, mage ou druide officiant à cette cérémonie de la terre. Terre manipulée avec respect et considération; les ocres, couleurs sableuses, terre de sienne des carrières comme à Rousillon où l'on marche dans la matière qui se dérobe sous les pieds. Les reliques sacrées des cocons de plâtres démantibulés, mini chortens cabalistiques, petits monticules , cairns votifs plein de charme et de beauté plastique. Les roses des sables d'Hispahan, les beautés de l'Iran menacé par la folie humaine en contrepoint du concert en hommage à ce pays ravagé.
Des vrombissements menaçants en attestent.
Arshia Samsaminia clot ce magnifique et troublant, émouvant concert avec "The bird has been dead for more than 60 years".
Alors que la danseuse se macule de teinture rouge sang, souillant la virginité de son costume blanc, la grande flûte embrassée par l'interprète gracile, se fait acteur du drame. Majestueuse et discrète à la fois, présente et grave. Le souffle des percussions insistent comme dans une marche funèbre, lourde et oppressante., pesante, solennelle L'officiante se coiffe, répétitif mouvement de remise en ordre qui s'accélère, obsessionnelle, rapide, fébrile comme la musique. Morceau vif, relevé: l'ensemble au complet, dirigé par un maitre de cérémonie, Olivier Maurel, efficace et perspicace, à l'écoute de cette musique écrite aujourd'hui par ceux qu'inspire ce pays fabuleux aux fragrances d'antan.
Les saveurs douces et fortes d'un événement aux transports des sens, dessus, dessous !

A l'Espace K le 22 Novembre



vendredi 22 novembre 2019

"Dans ce monde" de Thomas Lebrun :"Le tour du monde": danses -monde ! United colors of dance !


Thomas Lebrun / CCN de Tours
Le plus long voyage : Tout public + 6 ans / 2 interprètes / 40'
Épatant tour du monde entre musiques et danses, le spectacle de Thomas Lebrun incite à s’émerveiller des choses les plus simples. L’humour et la poésie se joignent aux gestes pour raconter ce voyage imaginaire plein de surprises et de rencontres, mais aussi pour apprendre à recevoir des autres. « Tout le monde a besoin d’une trêve poétique pour oser voir le monde autrement, pas uniquement comme on nous l’impose, mais plutôt comme on aimerait le regarder. » explique Thomas Lebrun. Partant de ce constat, le chorégraphe a imaginé une pièce à tiroirs qui décline trois propositions de voyages : les deux premières, avec leur format plus court, sont destinées aux enfants à partir de 4 et 6 ans. 
Dans la troisième qui s’adresse à tous les publics, quatre danseurs invitent les spectateurs à traverser les continents. Ainsi, accompagnant duos et quatuor, paysages et sonorités méconnues se succèdent, tandis que danses et costumes chatoyants suggèrent de miroitantes et lointaines destinations. Mali, Russie, Japon, Cuba ou Argentine font partie des multiples cultures traversées avant de parvenir en Amazonie sur une partition du compositeur américain Philip Glass. Des chants du froid glacial aux voix du désert, des rythmes africains aux sonorités sud-américaines, avec ses danses faussement folkloriques, ses bonds improbables de sensations en émotions, Dans ce monde cultive l’imaginaire et la joie facétieuse du mouvement.    

A Pole Sud du 24 au 26 Novembre

"Sécurilif" : Assurancetourix au pouvoir ! Sas de confidentialité !


MARGUERITE BORDAT & PIERRE MEUNIER
LA BELLE MEUNIÈRE
 FRANCE / COPRODUCTION
L’entreprise SECURILIF développe des solutions adaptées aux multiples circonstances où la peur se manifeste. Elle se fait fort de mettre à votre profit des remèdes pratiques, fiables et homologués, pour rendre supportable la cohabitation avec ce sentiment que nous connaissons tous. Lors de cette soirée dédiée à la “rassurance”, horizon légitime d’une quiétude enfin retrouvée, Marguerite Bordat et Pierre Meunier nous font l’article. Dans cette comédie grinçante à la tonalité foraine, pastichant cette soumission collective et non réfléchie au principe de sécurité qui ne cesse de grandir, un trio se débat avec des dispositifs et des mécanismes sensés ouvrir la voie à une sérénité mentale stabilisée et à la garantie d’une absence de danger. Ne vous inquiétez pas, s’il y a une forte dose d’imprévisible et une pointe d’aléatoire, l’équipe s’est assurée du sérieux de la chose auprès de philosophes, d’assureurs, de pompiers, de neurologues, d’alarmistes patentés, d’experts en évaluation des risques et de vendeurs de produits sécurisants. Nous voilà rassurés…

Et voilà un démonstrateur, animateur zélé, sur le plateau nu pour faire le boni6menteur! Hors norme,féru de notion de  protection, de confiance, prêchant pour les vaccins, pour "allez mieux", toujours mieux ! Pour en finir avec les arêtes, les angles droits, pour valider , constater les dommages sans les intérêts!
 Pour la coordination collective, brandissant les arguments antidérapants,contre les sols glissants: sol si ré la mi la: sol ciré l'a mis là !
Peau de banane, allez vous rhabiller !
Derrière lui, deux femmes, ballerines blanches incertaines, évoluent sur un échafaudage, sans filet, prennent des risques inconsidérés, font le pied de nez à ces discours lénifiants et démagogiques..Des exercices de démonstration pratique pour confirmer que prendre des risques, c'est frôler le danger, avoir peur et se mouiller la chemise! Sur fond de cha cha cha moqueur et distancé, elles narguent nonchalamment notre facteur d'angoisses.
 Procédure et procès au poing, il cause et démontre, les issues de secours, les sorties d'artistes comme solutions à la peur, balisant nos vies pour assurer la protection à tout prix.
Bien vu ce réquisitoire contre la prise de risque!
 Oser dans le noir, toucher ou aborder son voisin durant le spectacle sera aussi une expérience à vivre en direct dans le suspens....Puis dans la pénombre on retrouve nos trois anti héros: un bon discours sur les facultés du système nerveux, du cerveau, "sympathique" agent de sécurité de nos corps en proie à la peur. Bleue ou de toute autre couleur!
 Sur le dance floor, une des deux femmes, porte paroles de cette agence d'assurance et de surveillance, danse...Sans glisser, ni chuter! Et toujours cette voix off qui ,édicte les procédés de procédures anti risque!
 Un géant emplâtré fait irruption sur scène, bibendum, bonhomme Michelin bardé de plastique blanc isolant et protecteur, "absorbeur" d'obstacles en tout genre. Empêtré, entravé, il ne peut évoluer et se fait trimbaler, manipuler à l'envie: mais il est en sécurité!
Astronaute désopilant. Dans une démonstration sauvage, ses deux compères l'agressent: il en sort indemne et heureux! Puis c'est un ballet de nymphettes en gilet jaune qui évoluent sur une  musique de Lac des Cygnes: sautillements, rebonds, pour brandir les triangles et phares de signalisation, feux de détresse et clignotants de nos appréhension à se jeter à l'eau!Un accident et voici des débris de corps, fragments de carcasse qui jonchent le sol. Des grillages de sécurité transforment le plateau en chantier plein de danger; derrière les barreaux, les trois personnages nous regardent.... Sur fond de symphonie pathétique, encore un bon discours démagogique sur le "bien être", bien naître pour mieux survivre et se préserver. "Parce que vous le valez bien", prenez soin de vous ! Ils ont du coffre fort nos héros de pacotille, agent de prévention, passeur de précaution, de trac et de couardise! La "journée du portail" avec son jeu de poignées de portes, "à portée de mains", sirènes d'alarme pour manifester son désir d'entrer en relation ou non, est un bel exemple de trucage et fraude, de mensonge. Mais convaincant les ignorants et les naifs que nous sommes! L'état d'urgence, est de mise dans cette société, jusque dans le théâtre où tout est contrôlé comme dans les cours de récréation des écoles hyper sécurisées. En costume de Iron man,notre héros se plait à défier le danger puis c'est dans une cage improvisée que l'une des femmes est en proie à un monstre aérien, menace, objet suspendu à nos peurs qu'elle terrasse comme un dragon
Mais n'est pas St Michel qui veut et la relique demeure, objet de répulsion, dompté mais menaçant comme une épée de Damocles!
Une vitrine pare- balles comme une "papabulle", bulle pontificale en plexiglas réfléchissant, au final viendra enfermer et protéger notre bonimenteur, colporteur de fausses nouvelles, vendeur de vent Bien à l'abri dans son sas de sécurité mais bien berné par notre société de "couvre feu" garant de nos vies sans danger !Un vaste chantier, capharnaüm habituel de la "Belle Meunière" clot le spectacle: mettez votre ceinture pour repartir, vos feux de détresse et toute autre signe distinctif d'existence pour affronter votre retour: en toute sécurité !
A déguster sans limite de discrétion !!!

Au TJP jusqu'au 24 Novembre


Cette nouvelle création s’inscrit dans la lignée de spectacles inspirés par divers matériaux et matières (cailloux, métal, tuyaux, boue), avec son lot de surprises en vue et de saut dans l’inconnu. Pierre Meunier et Marguerite Bordat se sont nourris de leur création Buffet à vif, présentée dans les Sujets à vif au Festival d’Avignon 2014, puis de la rencontre La Peur dans les théâtres initiée par le duo dans le cadre des rencontres professionnelles de l’édition 2015. Mais aussi d’un atelier-spectacle avec des étudiants de la Staatlische Hochschule für Musik und Darstellende Kunst – Stuttgart (présenté aux Giboulées 2016) sur le thème de la destruction et du travail avec les étudiants de l’Ensatt sur le thème de la peur en 2018.

jeudi 21 novembre 2019

"Pasionaria" : Marcos Mauro déstructuré !



"Depuis quelques années, le chorégraphe espagnol Marcos Morau et sa compagnie La Veronal sont en train de vivre une consécration internationale. La Veronal soutient d’amples méditations sur de fortes thématiques humaines. Ses pièces dansées sont de grandes compositions richement imagées, très visuelles et incarnées. D’un baroque parfois volcanique, sulfureux. Les personnages de Marcos Morau débordent depuis un patrimoine qui puise à la peinture, la sculpture ou au cinéma, de haute lignée européenne. Présentant Pasionaria, le chorégraphe évoque un gigantesque bas-relief néo-antique visible à Bruxelles, traitant des Passions humaines. Même de marbre, son chaos sensuel a dû rester tout un siècle masqué aux regards par un mur, qu’érigèrent les tenants d’un ordre tiède. La passion inspire des sentiments ambivalents. Elle soulève et rend plus grand, authentique, au péril de s’assimiler parfois à la démence. Dans une vision christique, à l’inverse, elle peut donner à percevoir un comble d’abandon à la passivité d’une souffrance infligée. Mais alors qu’en est-il, lorsque les mutations sensibles laissent envisager qu’une part d’humanité puisse être bientôt transférée à des robots ? Où donc approcher la plus profonde source des passions humaines ?"

Dans un univers gris, un décor d'escalier à la Mallet Stevens, des cambrioleurs, des hommes en gris cagoulés s’immiscent subrepticement. Ambiance garantie d'emblée pour cette pièce OVNI, absurde où un landau vient faire obstacle à ces gestes désarticulés, disloqués qui façonnent l'oeuvre tout du long.Sur une musique très "urbaine" et dans un cadre de scène bordé de néons.Des pantins sur la balustrade apparaissent, des va et vient sur cet escalier central qui devient un personnage à part entière, on est chez Hitchcock, Beckett ou Ionesco sans doute! Des corps en pièces détachées dans des costumes dessinés très strict, grisonnants et nous voici dans un univers de BD ou à la Max Klinger ;d'énormes monstres ronds surgissent,, des surveillants de musée avec lampe de poche, des vigiles de sécurité de pacotille s'affairent le temps très bref de petites apparitions perlées: pendant qu'en fond de scène, il pleut des étoiles, la lune surdimensionnée fait des clins d'oeil, et que Mélies veille au grain sur cette fenêtre ouverte sur la nuit et ses mystères.On y déclenche des mécanismes d'enfer qui manipulent ces huit personnages sortis d'une légende surréaliste, d'un film de sous sols infernaux où ce petit peuple vit et s’agite à l'envi.Comme dans une salle d'attente d'un aéroport fictif, les styles de danse se confondent: hip-hop, volutes classiques, duo sur canapé acrobatique, emmêlé, brochette de danseurs de cabaret assis aux gestes à l'unisson.
C'est burlesque, désopilant, étrange et en toute liberté, le chorégraphe façonne, édifie un univers en huis clos, énigmatique et singulier.Un technicien de surface avec sa cireuse revient régulièrement, nettoyer ces faits et gestes. Les uniformes gris d'employés d'aéroport font mouche et épousent cette gestuelle mécanique, robotique qui s'empare des uns et des autres. Un solo contorsionniste, du comique et absurde à la Blanca Li ou Tati et voilà pour l'univers tracé de cette famille désœuvrée, livrée à ses fantasmes et autres absurdités.
Pisteurs d'étoile, laveurs de vitres, scène très onirique, les employés s'amusent, s'attrapent, en chaînon, en maillage, ils font cabaret assis; une femme enceinte, un ballon lumineux comme ventre passe, des siamoises...On est chez Kubrick, dans Orange Mécanique ou l'Odysée de l'Espace...Des citations musicales pour musique de film, et le tout est joué, emballé et fait mouche!
Un spectacle très intriguant qui fait voyager à vingt mille lieux sous les mers avec beaucoup d'élégance, de doigté et de préciosité dans la gestuelle tectonique, fracassée, sublimée par une narration des corps qui seuls content un comique décalé digne d'un cinéma d'animation sophistiqué à souhait
Au Maillon Wacken, présenté avec Pole Sud du 27 au 29 Novembre

mardi 19 novembre 2019

"La nuit, nos autres : de bons sauvages !

Aina Alegre / Studio Fictif

LA NUIT, NOS AUTRES

France, Espagne / 3 interprètes / 60'
Coproduction A-CDCN
"Jeux de masques et métamorphoses sont au cœur de LA NUIT, NOS AUTRES. La pièce d’Aina Alegre, chorégraphe danseuse et comédienne originaire de Barcelone, fait miroiter de tous feux, les mystères, tour à tour cachés ou révélés, de nos identités multiples. « Comment faire de son corps un masque? Comment faire de l’autre un masque pour soi ? » À partir de ces questions, Aina Alegre orchestre une étrange fête des gestes et des identités. Dédoublement, copie, effet miroir, ombres, hybridation, mutation, tout concourt à semer le trouble dans LA NUIT, NOS AUTRES. Chacun des trois interprètes de cette pièce investit l’espace et suit son propre parcours jouant sur les décalages progressifs de sa partition. Entre répétitions et variations, les sens se troublent. Surgissent alors de surprenantes images, de nouvelles configurations de corps. Après s’être penchée sur les rituels collectifs de la célébration dans son précédent spectacle, Le jour de la bête, Aina Alegre poursuit sa recherche du côté de l’intime. Dans LA NUIT, NOS AUTRES, la chorégraphe s’intéresse à l’autoportrait et ses fictions. Passant de la figuration à la customisation, les corps – leurs gestes, mouvements et attitudes – se transforment comme dans un rêve ou un étrange bal de nuit, lieu de fabulation par excellence, qui réveille l’inconscient et ses imaginaires. Selon la chorégraphe, les mondes de la nuit, tout comme la nature ou la forêt, nous donnent la possibilité d’exister sans témoins et de s’émanciper."

Ils sont trois à nous attendre, déjà positionnés sur le plateau, torse nus, leggings noir moulants, deux femmes jumelles, queues de cheval et profils similaires, et lui, faune gracile et attentionné. Des guirlandes de feuilles exotiques suspendues aux cintres, une pierre large et plate, pierre à cupule marquée d'une trace rose...En vagues longilignes;, au ralenti dans le silence et la brume ambiante, leurs gestes sont fluides, détendus, harmonieux Eldorado, jardin d'Eden, paradis perdu ou pays de cocagne? Très sculpturales sous la lumière qui les modèle, les corps se déploient, divaguent, doigts déliés graciles comme les cils d'animaux marins qui palpitent et s'agitent dans l'air, ou dans l'eau: serre ou jungle bruissante, humide, vierge, territoire inconnu, non conquis, . Ces êtres hybrides aquatiques, amphibies, flottent, bras mobiles très détirés, amplitude large et docile.Figures très esthétiques, se déplaçant, tel le faune et ses nymphes, profilées, fresques animées de gestes angulaires. Corps lianes ondulants comme des méduses aux longues tentacules. Monde sauvage ou apprivoisé, défriché ou vierge? Comme des aborigènes, ils se peignent de bleu sur la peau, maculée de taches, dissimulant leurs attributs. Des empreintes à la Klein, du body painting live. Ces parures corporelles , costumes peints sur la toile de la peau tendue,soulignant leur appartenance à une tribu. Les pinceaux sont les mains des autres dessinant ces tableaux vivants.
Isadorables nymphes dans une ambiance sonore aquatique, une gestuelle fluide et gracieuse, la préciosité des mains à l'appui.
Faune bondissant sous l'impulsion de la musique qui se radicalise au passage dans le monde minéral, abrupte, sauvage. Des cris d'animaux nocturnes, de plaisir, de jouissance sourdent de leurs lèvres. Echos résonnants, alerte, appels de séduction, cris de ralliement, de rassemblement?Des babils étranges, non verbal d'une tribu, couvée de petits êtres fragiles, naissants.
Éclos à la vie ils halètent et s'inquiètent; sorte de zombis ou morts vivants évoquant un univers étrange, fantastique ou sauvage. Une sirène aguichante se profile, le mimétisme végétal fait se confondre et disparaître le faune dans un enchevêtrement de feuilles ; le rocher à cupules, de sacrifice bestial, s'impose. Un festin de plumes découvertes sous un tapis de tole dorée fait office de repas de fête, rituel carnivore, bestial. Des ailes de feuilles agitées, transforment et opèrent les mutations des corps.
 Encore quelques effets stroboscopiques pour effrayer sur fond de musique débridée. Des bruits d'eau qui ruisselle dans l'environnement naturel évoqué. Camouflage, mimétisme se rencontrent dans ce petit peuple réduit de Wilderman...Le bruit de l'eau les submerge, engloutissant ce petit monde comme une cité submergée, plongée dans un univers marin inéluctable....

A Pôle Sud le 19 Novembre

"Architecture" de Pascal Rambert: l'effondrement !

"Architecture" de Pascal Rambert
Effondrement
C'est une épopée familiale, tonitruante et désarçonnante qui tient lieu d'argument, de fondement à cette pièce fleuve: évocation des déboires d'une famille en proie à l'hypocrisie, au doute, a la haine à l'infidélité . Dans l'Europe décadente traumatisée par les guerres et les nationalismes féroces, les "membres" d'une famille à Vienne se déchirent, s'humilient, se côtoient et en vain cherchent à tisser du lien , là où chacun demeure seul et y va de sa tirade.
Servie par des comédiens exceptionnels, la mise en scène occupe l'espace gigantesque en mobilier vintage de l'époque Bidermeyer, sol blanc et plateau bien rempli.
Stanislas Nordey en fil indigne, seul fait barrage aux vociférations du père, patriarche aigri et humiliant. Jacques Weber inaugurant cette fresque pathétique, bientôt suivi à tour de rôle par chacun des membres de la famille.


Faire résonner la cour d'honneur de ces destins a valu à Pascal Rambert un coup de chapeau, le faire vibrer n'est pas chose aisée surtout avec un propos qui tiendrait plutôt lieu de l'intime, du privé, du secret, du huis-clos. C'est tout le paradoxe ici présent qui nous fait face et séduit par sa force et son ton incongru. Chacun revendique sa place, fils, fille, belle-fille ou seconde mère: c'est à un naufrage que l'on assiste tout simplement, ces combattants du désespoir se tenant pourtant droit face à la tempête. A leurs corps défendant toujours, occupant l'espace en danseur de corde raide, sur la sellette dans le déséquilibre aussi: celui de la folie, de la décrépitude des esprits , dans l'effondrement des corps penchants. En chorégraphe né, Rambert en temps réel nous livre sa vision des temps à venir en signant ici auprès de ses comédiens complices et fidèles, une épopée, Odyssée ou Eneide mythologique à venir, mythique évocation de la débâcle...

Avec Audrey Bonnet, mouvante femme de Denis Podalydès survolté, Anne Brochet, Marie Sophie Ferdane, belle mère sensuelle et évanescente, Laurent Poitrenaux, pitre pathétique troublant de présence épique,  Emmanuelle Béart, Arthur Nauzyciel, surprenant officier de rien,  et Bérénice Vanvincq.

Au TNS jusqu'au 24 Novembre

"Espaece " : espèces d'espaces ! Délivrez-moi ! Des livres émoi...Aurélien Bory se relie !

"Espaece": espèces d'espaces.



Aurélien Bory
Compagnie 111
« Vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner », écrit Georges Perec dans son essai Espèces d’espaces.
Cette saison, le Maillon appelle le public à explorer et s’approprier son nouvel espace avec les artistes, et c’est Aurélien Bory qui nous ouvre la voie. À partir du texte du romancier, l’artiste inclassable se saisit des outils du théâtre et du cirque comme d’un alphabet scénique. Avec une joyeuse audace, cinq humains se confrontent à un gigantesque mur qui semble vivre sa vie et obliger les hommes à négocier au mieux leur environnement. Aurélien Bory fait arpenter le plateau, éprouver les lois physiques qui le traversent, et fait entrer la machinerie comme partenaire de jeu. On escalade et on chute, on veut tant disparaître qu’être, le mur grince et gronde, et chaque mouvement produit son léger vacarme. Face au décor qui se métamorphose sans cesse, les interprètes cherchent, avec humour jusque dans l’échec, à se fondre en tant qu’espèce dans son espace.

Aurélien Bory trouve ici l'occasion de réaliser ses visions architecturales les plus folles et se livre à un exercice à la mesure de sa démesure
Le Maillon à Strasbourg cède son plateau à la grandiloquence du créateur d'espace et met en danger l'ouvrage de Perec "Espèces d'espaces"en le confrontant à la matière, la construction, l'architecture.. Risque et périls en la demeure, un immense dispositif mural en trois parties articulées, grandissime, éprouvant pour les corps qui vont devoir en faire l'ascension, l'apprivoiser ou s'en jouer.Tout débute par l'évocation du livre qui délivre des signes, des lettres ouvertes: les manipulateurs de ces petits objets en projetant des écritures de mots, à découvrir au fur et à mesure.C'est beau et touchant, intimiste et secret
Puis c'est la vague déferlante d'une immense bibliothèque idéale, ou bien de rayonnages de ruche à alvéoles, réceptacle des corps, des livres, des mots.Comme un puzzle, un abécédaire ou tout simplement un jeu de construction, le spectacle serait une sorte de juxtaposition, de calque en couche, en strates, de palimpseste vivant. ou un scrabble géant à construire, à élaborer et deviner par la lecture simultanée.
Et surtout ne pas se cogner aux angles, se faufiler, entre les failles, faire l'ascension d'un décor digne de Gargantua où le risque de la chute peut encore opérer comme au cirque.

Au Maillon Wacken les 23 et 24 Novembre

jeudi 14 novembre 2019

Emile Parisien Quartet pour Jazzpassage ! Un jazz averti en vaut "deux": double dose de dépistage!


Projection dédoublée, dépistée, triée !

EMILE PARISIEN QUARTET « DOUBLE SCREENING »

France  Emile Parisien, saxophone soprano / Julien Touéry, piano / Ivan Gélugne, contrebasse / Julien Loutelier, batterie

Au Mans en mai, il fallait entendre cette carte blanche à Émile Parisien pour le grand final de l'Europajazz ! Pourtant l'un des moments essentiels fut celui consacré au quartet des origines même si Julien Loutelier tient désormais les tambours. Dès la première minute le niveau fut au plus haut, brûlant, à fond les manettes, et ça chante, et ça sort, et ça rentre?quel voyage ! Sincèrement, il y a peu de quartet qui joue à ce niveau-là en France et en Europe?

Emile Parisien Quartet "Double Screening" élu ALBUM DE L'ANNÉE par le Preis der deutschen Schallplattenkritik !

"On ne saurait mieux dire le jazz aujourd'hui. Au point que face à un tel disque, le plus simple serait peut-être de s'en tenir là et de conclure : « Voilà, c'est ici que ça se passe, il n'y a pas grand-chose à ajouter, jugez par vous-même ». À 36 ans, Émile Parisien rayonne, continue d'étonner et d'émouvoir, identifiable à la première seconde tant par son lyrisme véloce et virevoltant que par un son qu'on reconnaît parmi des centaines d'autres.Ce dont peu de musiciens peuvent se targuer." Denis Desassis pour Citizen Jazz

Alors en avant pour ce concert plein de musique et de fureur sous le signe distinctif de "double screening", de hashtag, de spam, d'algo,vocabulaire et dénomination empruntés au langage informatique et à l'image écran qu'il nous renvoie. Et en terme de jazz, cela donne de l’éruptif, du tonique de l'infernale énergie communicative, submergeante, envahissante, asphyxiante!
A entendre , comme sur l'écran noir de nos nuits blanches, écran total, musical et sonore pour faire résonner des sonorités de saxo, comme autant de coups de lames de rasoir, de déchirures ou d'entailles dans le tissu sonore comme les gestes tranchants du peintre  Lucio Fontana. Coup de lame tranchante irrévocable dans la masse sonore.
Suspens parfois maintenu avec humour dans une attente où chacun reste à l’affût, sur le qui vive, comme médusé par ces silences prometteurs d'une suite, ou d'une fin ! Corps sonores investis dans des postures chorégraphiques surprenantes. On transpire, on se sèche à coup de serviette sans pudeur tant l'énergie fait fondre les corps et transpirer les pores de la peau résonante.
Les compositions sont de chacun des musiciens en alternance
Spam désirés, attendus et ouverts au sus de leur dénomination non élogieuse et indésirable!
Signe "diese" du hastag, comme ces notes modifiées, de bémol à bécarre où tout s'annule pour mieux rebondir! Le quartet est rutilant, en pleine forme, savamment éclairé par des douches de lumières colorées pour une ambiance de voyage sidéral, jazz en diable ! Et pour finir "dady longlegs" hommage à celui qui se doit de tenir debout sur ses deux jambes, comme ce quartet remarquable, bien dans son assiette et son assise, contre vents et marées, tornade musicale, tempête sur les écrans de nos "mobiles" qui tanguent et chaloupent à l'envi !

A Offenbourg le dimanche 17 Novembre à la Reithalle


"Danser Chostakovitch, Tchaikovski" : vous dansez russe ?


C’est avec quelques grandes œuvres de la musique russe que ce programme éclectique composé de trois parties se déploie.Un programme alléchant, bardé de surprises et de contrastes, fidèle à "l'âme russe" des ballets iconoclastes de Serge de Diaghilev!


Avec Pagliaccio, les chorégraphes italiens Mattia Russo et Antonio de Rosa, fondateurs et principaux animateurs de la compagnie « Kor’sia », interrogent, sur de la musique de Chostakovitch, la figure du clown, son humanité et sa sensibilité pour leur première pièce pour le Ballet de l’Opéra national du Rhin , interprétée par treize danseurs.
Il se fraye un chemin en passant sous le rideau de scène qui dissimule un décor inédit de cirque, arène circulaire où tout le corps en ronde bosse est atteignable et propice à l'observation... Clown blanc, pailleté, le personnage sera central tout du long, focalisant intrigue, dramaturgie et narration: quelle aubaine que d'assister à une création "figurative", où histoire, et rebondissement sont spectaculaire et divertissantes, au plein sens du mot!
De l'audace dans cet opus qui révèle un cortège funèbre, sorti de derrière le rideau, de la porte symbolique entre scène et coulisse, du cirque. Porche qui livre un jongleur , acrobate argenté, scintillant, personnage burlesque au même titre que les autres, costumés à outrance dans un très bon gout, rutilant, ostentatoire et magnifique. On est au coeur d'une gestuelle caricaturale, d'attitudes et postures appuyées, comme expressionnistes dans une très belle et chaude ambiance lumineuse, orangée. Piste de cirque où fourmille cette horde soudée, famille de la balle, troupe de fortune, de personnages de cour des miracles. Comme dans une rave party à la Karole Armitage, ils se déglinguent et défilent, pathétiques pantins de pacotille.Des quilles comme accessoires de conformité à leur anti conformisme Indisciplinaire. Farandole de personnages bigarrés, redoutables pantins d'un destin tout tracé: celui d'appartenir à une familia sagrada, à la Fellini et ses "clowns" plutôt grotesques en farandole et cavalcade spectaculaire..
Un solo impressionnant de Pierre Emile Lemieux Venne pour mieux faire apprécier le talent et la virtuosité de chacun des interprètes danseurs.La meute se militarise, gestes à l'unisson, taillés comme une batterie de miliciens.Le clown blanc , dresseur de fauve, aux prises avec un corps animal: une séquence bordée par la musique qui se distord, animée de "modifications" singulières à la partition initiale de Chostakovitch! Qui ne renierait surement pas cet "irrespect" et ce "blasphème" salvateur! Une farandole quasi "folklorique", coda toute de l'âme russe, chère au compositeur, vient rappeler que la musique et la danse sont patrimoine et culture, archaïsme et source de démantèlement, de "démembrement" : les gestes y sont détenteurs de citations, de repères et en rang serrés comme à l'armée -alarmés- voici notre troupe de vagabonds dociles, en proie  à une manipulation de marionnettes, : on songe à la période "russe" des ballets de Diaghilev ou le panache, la russité et le folklore s'exprimaient dans un langage révolutionnaire, empreint des racines cultuelles du pays d'origine !L'exotisme rutilant, rougeoyant magnifier dans de sublimes ralentis de groupe, maitrise de la vitesse et du temps, remarquable.... Un duo bien "déstructuré", dressage de l"animal qui sommeille en chacun de nous, dompté par les forces du volontarisme : question de politique ici, celle des corps contraints, des pensées figées et manipulées par un pouvoir extérieur. La mort du clown, meurtre inéluctable pour conclusion, fin de chapitre, épilogue fatal à cette évocation très pertinente d'un monde de fantoches, de tyran, de patron, pétri cependant de poésie, de délicatesse et de véracité. Sous le couvert du déguisement, de la dissimulation des identités: des chants polyphoniques pour clore cette évocation de la musique "russe": des saluts de cabaret, distingué, expressionniste, grand "dégenrement" irrévocable. Une pièce majeure dans le répertoire du ballet ! Une dramaturgie signée Giuseppe Dagostino toute d'intelligence et de pertinence au regard de la chorégraphie, osmose et symbiose de savoir faire sans trace de théâtralisation ni "mise en scène" !


Bruno Bouché, quant à lui, crée 4OD pour sept danseurs de sa compagnie sur des compositions de Rachmaninov et Scriabine.
Comme un bouquet de corps silencieux, la pièce démarre, dans une très belle et sobre écriture académique.Pointes et justaucorps pour les filles, portés magnifiques pour les garçons, duo très lents des femmes enlacées: ils s'observent, se calibrent dans une lente marche prospective: Solitudes , destinées inexorables pour ce groups soudé mais dont le lyrisme chorégraphique atteint une certaine félicité dans la sobriété et la rigueur d'une exécution sensible et à fleur de peau.Oeuvre très inspirée, recueillie en hommage à "Eva Kleinitz".Et le piano de Maxime Georges, d'épouser ce lyrisme avec grâce et volupté.Doigté et sensibilité extrême.





En clôture de cette soirée aux accents russes, avec cette nouvelle version de ses Beaux dormants, un spectacle initialement destiné aux enfants qu’elle revisite pour en proposer une nouvelle mouture pour tous les publics, la chorégraphe canadienne Hélène Blackburn retrouve La Belle au bois dormant de Tchaïkovski pour interroger les moments décisifs, troublants, parfois douloureux, de l’adolescence avec toutes les questions qui s’imposent dans cette transition vers l’âge adulte.
De savoureux commentaires d'enfants en prologues, projetés sur fonds d'écran, sur princes et princesses au jour d'aujourd'hui: fameux dires croustillants sur "le conte" et ses frauduleuses promesses de réparation! De grandes parois bleues, mobiles comme espace de divagations: les personnage en fracs noirs s'y complaisent à jouer à cache cache, à s'y perdre.Dans ce labyrinthe propice à la poursuite et la dissimulation...De petits solos, courts, brefs, tétaniques comme autant de sortilèges et menaces divers dans ce monde de conte de fées démembré: une très belle unisson des six hommes sur la musique qui se fracasse entre partition d'origine et mixture déphasante... Un solo s'en détache, virtuose interprétation de Ryo Shimizu, entre autres performances dansées!La bande des garçons opérant à merveille dans une version décapante de cette "belle au bois dormant", secouée, réveillée, piquée de plein fouet par un imaginaire décapant
La musique triturée, déformée, décor de ronces, de foret ou de clairière, griffes à la Hartungl
Des duos métronomiques sur piano forte, une écriture en construction rigoureuse capable d'engendrer un solo, en jean, sur mouvements graciles de harpe... Incongru et insolite dérapage, décalage d'époque..Les baisers des princes aux princesse comme épilogue anti conformiste ! La vie agitée des eaux dormantes a du bon ! Pour réveiller contes et légendes échappant à toute édulcoration!


A l'Opéra du Rhin jusqu'au 13 Novembre,