Soirée d’ouverture du 34ème festival : James Brandon Lewis & Aruan Ortiz + Marc Ribot Quartet
JAMES BRANDON LEWIS – ARUAN ORTIZ
Cuba / États-Unis – James Brandon Lewis, saxophone ténor / Aruan Ortiz, piano & percussions
C’est un duo qui dit de la liberté, du lâcher prise. Si on entend de loin en loin chez eux l’héritage d’un Rollins – qui vient d’adouber le jeune prodige -, d’un Cage, d’un Paul Bley…
On songe davantage à un édifice en constant mouvement qui voit s’entrechoquer racines cubano-haïtiennes et architecture contemporaine. Ils chantent à tue-tête et nous racontent leurs vies.
Et c'est un régal de se laisser aller une heure durant par ce duo de choc, investi d' une énergie singulière dans une endurance remarquable:avec une lente et sensuelle introduction, mélodique et chaleureuse, avec de longues tenues sensibles et vertigineuses de saxophone, comme un funambule sur le fil ténu du souffle retenu, expiré...Puis dans des envolées, échappées belles, accélérés des deux musiciens, en écho, en osmose: les halètements du saxophone comme des vocalises , hoquètements en "cocotte", le piano, pincé, le corps de l'instrumentiste plongé dans ses entrailles , bricoleur savant de piano préparé. L'écho des résonances, entre frappements et expulsions du souffle du saxo pour mieux se fondre dans une musique ardue, tendue, inspirée. Hululeur de vent, James Brandon Lewis, debout devant nous, se tend, soutient de ses genoux flexibles, le rythme, la densité de la composition instantanée. L'évolution des styles de ce long morceau de bravoure qui n'en finit pas de rebondir par de "fausses sorties" remarquables feintes, esquives, entre silences à venir sous les doigts agiles de Aruan Ortiz et reprise du souffle au saxophone ténor.L'opus se métamorphose au fur et à mesure, se sophistique, prend de l'ampleur, de l'amplitude dans volume, timbre et sonorités. Des leitmotiv qui se répètent , envahissant le plateau, dans une ambiance cosy, orangée et bleutée: des accélérés dantesques pour "ornements" surprenants, virtuoses envolées . A l'apogée, au zénith de cette signature musicale, l'ivresse et la transe pour les interprètes, galvanisés par ses sons singuliers er recherchés, laboratoire expérimental d'un jazz teinté d'exotisme, de couleurs chatoyantes. Retour au calme, notes de piano égrenées de plus en plus lentement, perte et disparition sonore dans l'extrême délicatesse d'une grammaire savante. Les reprises toujours soutenues par le maintient constant du souffle du saxophoniste , poumons en soufflet, instrument à vent corporel de première facture ! Dans une cacophonie vertueuse, des volutes en spirales s'élèvent, ascendantes montées en force, suspensions tendues et autres manipulations divines, pour un morceau de choix qui n'attendait que des applaudissements conquis des spectateurs réunis pour ce premier "set" de Jazzdor !
MARC RIBOT QUARTET
États-Unis – Nick Dunston, contrebasse / Marc Ribot, guitare / Jay Rodriguez, saxophone ténor, flûte / Chad Taylor, batterie
Né du projet « Songs of Resistance » ce quartet est devenu le nouveau groupe régulier de Marc Ribot. L’exploration entamée avec le Spiritual Unity déjà aux côtés de Chad Taylor trouve ici sa continuité avec Jay Rodriguez et Nick Duston. Nouvelles compositions, nouvelle dynamique pour Marc Ribot qui n’est jamais là où on l’attend.
Après une pause apéritive de bienvenue, verre de l'amitié partagé c'est au tour du quartet de Marc Ribot, de causer de musique, de parler le langage chamarré d'une inspiration plurielle: à chaque fois introduit par un solo de guitare, cinq compositions et deux rappels pour nous convaincre que cette musique de chambre jazzée est remarquable, insolite, indisciplinaire et culottée! De l'audace donc aux résonances brésiliennes chaloupées, ou tangotée, à très grande vitesse, en train d'enfer: un tango flamboyant, polyphonie multiculturelle et chatoyante, quasi cha cha cha, fait danser les oreilles et résonner les fragrances d'étrangeté! A toute vitesse, lancée sur les rails, brûlant les étapes et fonçant dans ce vide foisonnant, la musique se déroule, forte et puissante, les musiciens jouant chacun comme il se doit, un solo pour magnifier inspiration, technique et bravoure!
A la cité de la musique et de la danse vendredi 8 Novembre
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