Hiroaki Umeda / Cie S20
Japon / 2 soli / 75'
Depuis les débuts de sa compagnie S20 fondée en l’an 2000, Hiroaki Umeda œuvre entre danse et technologie. Concepteur d’images vidéo, de lumières et de sons, il aime à se jouer des limites corporelles et des phénomènes de la perception créant ainsi de fascinants univers. Les deux pièces courtes de ce programme invitent à s’aventurer dans la démarche singulière du chorégraphe japonais. Median Imaginer une danse au plus près de l’échelle des atomes, c’est ce qui a motivé Hiroaki Umeda dans Median. Convaincu que l’humain fait partie de la nature au même titre que toute autre matière, le chorégraphe immerge sa danse dans le graphisme des images et fait « danser la chair » à la façon dont bougent les cellules lorsqu’on les observe au microscope. Point de convergence artistique entre la biologie, la technologie et la créativité humaine, ce solo, proche de la performance, s’intéresse aux mondes de l’invisible. Accumulated Layout Fidèle à son univers qui allie danse et créations visuelles interactives, Hiroaki Umeda délaisse pour une fois la vidéo. Un éblouissant jeu de lumière sculpte l’espace de sa pièce Accumulated Layout. Une façon pour le chorégraphe de jouer avec la perception du spectateur. Mutations, glissements, ruptures et rythmes syncopés animent ses gestes travaillés comme une série d’instantanés photographiques.Japon / 2 soli / 75'
C'est dans un carrée de lumière blanche, rivé au sol, tout de noir vêtu, strict et angulaire, qu'il opère un savant jeu de mains, très graphique, jonglage des avants-bras comme un prestidigitateur fébrile. Animé par un jeu tétanique, tectonique, dans une agitation fébrile, il se meut, seul, frontal: la contagion houleuse de gestes fluides s'empare de tout son corps gracile qui ondule, chaloupe, se dérobe à la métrique de son style .Fascinante interprétation sur un montage sonore fait de déchirements, de grattages et craquements étonnants. Serpent ondoyant, reptile désarticulé, dans des lumières rasantes ses mouvements circulaires s'amplifient, s'épanouissent: puis comme électrocuté, il disparaît absorbé par le noir et les derniers reliefs visuels de sa prestation, heurtée, hachurée, raturée.
Changement de cap dans l'oeuvre qui enchaîne ce solo; dans des crash musicaux, sur fond de salves, le revoici, au coeur de lumières, graphismes vidéo, lignes et défilés de verticalité sidérante: mouvante, toujours se transformant à l'envi: pas de répis pour cette danse virtuelle qu'il accompagne, mimétisant avec ce décor mouvant. Comme des codes barres, des alignements en trame et chaine, tissu de pluie, traces au sol qui se dérobe sous ses pas.Comme un insecte sur sa toile, une abeille dans ses alvéoles gigantesques. Silhouette noire se mouvant sur fond échappant à toute emprise. Danse cinétique à souhait, en forme de visions kaléidoscopiques, ou au microscope pour mieux relier effets spéciaux et gestuelles bien charnelle, en osmose avec ce "décor lumineux" qui l'emprisonne, le cerne et l'enferme dans un espace qui le submerge.
A Pole Sud les 12 et 13 Novembre
Artiste visuel, plus que chorégraphe, performer plus que danseur, Hiroaki Umeda, né en 1977 au Japon où il vit et travaille, y développe une approche artistique qui relève autant des arts visuels que des arts de la scène.
Hiroaki Umeda S20 :« En voir de toutes les couleurs » Cinétique danse, Sources lumineuses Corps-écran total
par Geneviève Charras Chroniques en mouvements
De formation tardive à la danse classique et au hip hop, il se lance dans les arts de la scène de façon fulgurante et est rapidement repéré par les structures de diffusion et production en France qui flairent l’innovation. Ses pièces chorégraphiques, principalement des solos, peuvent être perçues comme de véritables installations, à la fois visuelles et sonores, dans lesquelles l’artiste déploie une gestuelle très personnelle. Si les propositions esthétiques placent la danse au cœur de la matière électronique et des mutations technologiques numériques, Hiroaki Umeda entend y révéler les traces persistantes d’une humanité. Sa pièce Adapting For Distorsion, s’inspirait déjà de l’art cinétique et s’appuyait sur ses développements informatiques les plus récents. Distorsion du temps, altération du mouvement et de l’immobilité étaient au cœur de cette pièce, usant des effets d’optique visuels pour « élargir le champ de représentation de la danse et interroger le rôle de la perception visuelle ». Haptig est un solo qui délaisse l’informatique et la vidéoprojection pour privilégier la lumière et plus particulièrement la couleur. Au plus loin des associations qui lient communément le prisme chromatique et les stimuli physiologiques - rouge/colère, bleu/apaisement - Umeda se concentre sur « l’aspect physique de la perception de la couleur, non pour la montrer en elle-même, mais pour donner corps aux relations qu’elle entretient avec la danse ». Cet artiste pluridisciplinaire, à la fois auteur et interprète, compositeur et vidéaste est tout à fait singulier dans l’espace chorégraphique de la scène actuelle. Son univers est unique, sa signature plastique sans égal, son imagination sans référence avouée mais teintée d’influences esthétique propre de l’art cinétique dans une appellation très contemporaine. À la fois minimal et radical, épuré, où la danse demeure au centre, dans le noyau de la matière électronique et numérique. La lumière est pour lui une partenaire à part entière et fait de notre artiste une interface qui dialogue avec les différents médias, avec grâce et singularité. En expert des nouvelles technologies, il métamorphose son espace de représentation et nous convie à une cérémonie très élogieuse des différentes capacités d’investigation de ces nouveaux outils. La technique est brillante et se fait vite oublier au profit d’une incroyable intensité, une densité remarquable des espaces ainsi créés. Faisceaux lumineux, zébrures, rayures, autant de tensions lumineuses sur le plateau, qui révèlent ou font disparaître les corps. De là naît un graphisme abstrait, fragile, éphémère, qui tend à brouiller les pistes de la perception visuelle. Aucune tranquillité dans ces paysages ou compositions lumineuses qui apparaissent et disparaissent, laissant leur traces de rémanences opérer sur notre rétine parfois malmenée par tant de flux et de reflux éblouissants, vifs, rapides, cinglants. Les corps émergent de ces effets spéciaux multiples, en cascade, comme autant de radeaux, voguant dans une marée lumineuse tumultueuse, sauvage. Un art du mouvement jaillit de cette osmose entre surface mobiles et réfléchissantes que deviennent les danseurs et le plateau de scène offert à la déferlante des couleurs et des signes géométriques. Les gestes sont tétaniques, rapides, saccadés et obéissent à une plastique des corps sèche et virulente. Proche de l’esthétique du hip-hop, froide et distancée, violente, électrique. La seconde pièce présentée, Répulsion, est une chorégraphie pour trois danseurs hip hop, créée lors du festival « Suresnes Cités Danse » deuxième volet d’un vaste projet chorégraphique de dix pièces. La danse, et sa singulière énergie très tonique, s’y révèle à son apogée et rayonne de dynamisme et d’audace. L’écriture est sobre et forte révélant l’incroyable inventivité de l’artiste quant à la richesse du vocabulaire gestuel et la complexité de la syntaxe née de la combinaison de son alphabet corporel. La répulsion n’en est que plus attractive et l’adhésion cathartique opère avec bonheur pour une communion de corps entre danseurs et spectateurs. Partage d’intenses instants de danse, de mouvements infimes parcourant la surface des corps animés par l’énergie de la peau, des muscles convoqués pour faire apparaitre une chorégraphie de surface venue du fond de la matière corporelle. Umeda cherche à révéler ce qui reste d’humain quand on est plongé au cœur des mutations technologiques. À l’origine de son travail, « l’impulsion » et « la couleur lumineuse ». « Je n’ai pas de mots pour les décrire: la création telle que je la conçois résulte d’une tentative d’incarner des choses qui ne peuvent être verbalisées. C’est, et cela devrait rester, un facteur déterminant dans mon désir de continuer à faire des pièces ». Car « Mes chorégraphies reposent presque entièrement sur l’improvisation. Le processus créatif démarre avec l’élaboration de l’environnement-son, lumière, vidéo dans lequel la chorégraphie proprement dite va s’inscrire. C’est à partir de là que je discerne la direction que je dois effectuer. La pièce peut alors exister. Elle est terminée au moment où elle est présentée pour la première fois devant un public ».
© Geneviève Charras Turbulences Vidéo #70
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