lundi 19 décembre 2022

"La belle au bois dormant" : sans rouet ni épine dans le pied, comme sur des roulettes! Baby doll-boom oblige!

 


"Du célèbre ballet composé par Tchaïkovski en 1890, Marcos Morau a tiré relecture audacieuse : une méditation sur la durée, où la Belle au bois dormant devient l’allégorie de notre rapport au temps. L’univers visuel foisonnant du chorégraphe revisite le sommeil de la princesse dans une procession impétueuse et débridée."

Et si l'on proposait une version freudienne de cet opus-dei iconoclaste en diable, païen, expiatoire et comme la "psychanalyse des contes de fées" de  Bruno Bettelheim, explore les bordures et les failles d'un récit mythique souvent édulcoré...?

C'est une termitière, gonflée, flottante qui pulse qui ouvre le bal: images surréalistes d'un microcosme qui ondule, se meut dans des mouvements choraux voluptueux. Rehaussés par des costumes vaporeux, sortes de crinolines ouvragées, tutus romantiques affriolants, de dentelles et coiffes à la nourrice dévolue à un bébé omniprésent dans les bras de chacune, de chacun. Car ici, on dégenre: pas assez de femmes pour incarner les nounous de cette pouponnière, berceau incubateur de la belle au bois dormant...Alors on berce à foison ce nourrisson indésiré que l'on se passe miraculeusement de bras en bras. Pouponnière à incubation tendre mais pas tant...Du rififi dans cette fourmilière, active, affairée qui ne cesse de bouger et de produire des effets redondants de mouvance qui finissent par lasser. Mais la lumière rougeoyante ambiante qui fait de l'espace scénique une matrice qui engendre la vie utérine de son sang menstruel nous longe dans une atmosphère mystérieuse et clinique.Label rouge....

Walter Sickert: crinoline !

De ces abeilles travailleuses va naitre une léthargie, une somnolence insoumise qui ira à l'encontre de ce sommeil sempiternel annoncé: la belle ne se réveillera pas, plongée dans l'enfance qui rebondit sous forme de poupon de plastique cellulose.Ce petit monde va et vient sur le plateau, en ligne horizontale, pions bien dressés en marche syncopée en cadence dans des glissés à la patin à roulettes impressionnants! C'est incroyable, absurde, fantastique à souhait. Et si conte de fée il demeure, la pièce faites de saynètes et d'entremets savoureux fonctionne à plein gaz. Les parcours et déplacements, les courses alternent peu à peu avec des portés, des duos et autres liens entre les danseurs, obnubilés par ce petit fardeau encombrant qu'est la belle: poupée à la Hans Belmer ou poupée mannequin qui ne fera jamais sa mue de sa chrysalide.? Une valse des fleurs épique pour évoquer la musique ....Qui demeure fer de lance désintégré, déstructuré du "ballet", coup de  balais à l'académisme!



Lâchés comme des salves inondant le plateau, les danseurs opèrent comme des images fuyantes, rémanentes qui passent et repassent, temps qui lutte contre l'oubli, la perte, la fuite. C'est beau, très esthétique et les costumes de crinolines, se transforment en aube ou tenue de sport, gilets rouges d'un labeur oppressant, mécanique, obligé. La lutte est dure, impitoyable et les décors que chacun arrache au fur et à mesure se démontent, disparaissent, comme des lambeaux arrachés à la matrice utérine.La communauté se dissout, la belle encore ingénue et adolescente dans les bras de quelques unes ne verra jamais l'adulte, ni le prince charmant. La marâtre peut-être qu'elle tient au final dans ses bras...Les corps se pressent, dérapent , regardent dans la direction du danger annoncé: ce qui va advenir de la vie de la Belle qui refuse de grandir et de se jeter dans la gueule du loup ou les bras du prince. Pas de baiser, pas de rouet ni de laine-coton, de ouate pour cette version débridée d'une Belle qui rode sans cesse sans s'assumer, bébé éternel dans les bras des langes et autres peaux protectrices.Chemises, lingettes et autres protections, couches et culottes en dentelle qui vont vers la nudité doucement cependant. Pan pan sur le tutu, sur le cul cul pour cette ode irrévérencieuse à Perrault, conte à rebours sagace et vertueux, antidote à la morosité, culottée et iconoclaste. Les danseurs, athlètes prodigieux pour cette performance aérobique impressionnante! Marcos Morau en prestidigitateur, agitateur remarquable metteur en scène à la Pina Bausch parfois interpellée! Épine dorsale d'une Belle agitée du bocal, fœtus éternel pour réjouir les aficionados du surréalisme ambiant!

A la Grande Halle de la Villette le 15 Décembre

mercredi 14 décembre 2022

"Smashed": pom pom show! A croquer comme fruit non défendu ! Un divertissement poétique très incorrect !

 


9 jongleurs, 80 pommes rouges, 4 services de vaisselle, interprété sur des chansons populaires de Tammy Wynette, du Music-Hall à Bach.


Cette pièce présente un mélange sensationnel de virtuosité, inspiré par le Tanztheatre de Pina Bausch. Une suite de tableaux vivants, vus comme des photographies anciennes rappelant les guerres, l’amour perdu, et le charme désuet du thé de l’après-midi.


Dans Smashed, l’utilisation des pommes comme accessoire de jonglage n’est pas anodine. En effet, la manipulation du fruit défendu propose un regard sagace sur les relations tendues entre sept hommes et deux femmes, écorchant gentiment le jonglage traditionnel et le cirque contemporain.

Ce travail drôle, inventif et original est comparé à de la danse théâtrale et remet en cause la perception du jonglage contemporain.

Le plateau s'anime avec une joyeuse bande de lords anglais très clean sur eux, simulant des gestes nobles, sauf que ce sont des pommes qui animent le moteur de leurs mouvements et que c'est ce petit détail qui tue! A la façon Pina Bausch dans son défilé de Kontakof , les voici répétant à l'envi avec petits sourires malins en coin, des tours de magie dans leur espace collectif.Des pommes-tétons, des pommes à terre, en l'air et tout bascule dans une douce dérision, suggérée. Pas de caricature de la grande dame de Wuppertal, mais un échantillon des capacités d'inventivité en inventaire à la Prévert. Sans mot, sans verbe...Des musiques d'antan, désuètes à souhait soulignent et révèlent la tendance à sourire de us et coutumes, des moeurs d'une micro-société ludique, un tantinet perverse et sagace sous les angles...Des dessus de table féminin pour satisfaire aux désirs des hommes, des portés pour mieux s'étreindre, des jeux de rôle, des jeux de pommes pour illuminer la scène . Les deux femmes, malines, mutines se font entourer comme dans "Les Louves et Pandora" de Jean Claude Gallotta, consentantes ou pas, esclaves . Là le bas blesse pour les féministes !Toujours en marche, en action, la grappe de comédiens avance, recule, en danse chorale, à l'unisson ou en individuelle parade. Un grand escogriffe en costume cravate comme ses semblables, joue à la star de la balle rebond, tel un Jacques Tati, Chaplin ou plus proche de nous Christophe Salengro, l'égérie de Philippe Decouflé. C'est drôle, décalé, fripon, coquin La danse chorégraphiée ici pour les besoins de la réception de toutes ces pommes en l'air, est juste, sobre, parfois acrobatique avec des clins d’œil au hip-hop ou capoeira...à la danse contact ."Complètement paf, bourré, brisé" traduit le dictionnaire de ce "Smashed" signé du collectif Gandini Juggling", au service de smash aérien de compétition de tennis ou badminton...Avec pommes en mains!La balle est dans leur camp et ce verger prolixe se transforme en autant de lieux, endroits hétéroclites singuliers.

Un divertissement intelligent, rythmé au cordeau plein de charme, de surprise, animé par une dramaturgie de cabaret, de jeux de jambes à la Mistinguett, music-hall où l'on reste incorruptible, imperturbable devant toutes sollicitations...érotiques, politiques, poétiques. C'est plein de verve, bien dosé comme un bon cidre acide, pétillant, bourru, délicieux, savoureux.Une tasse de thé pour lord échappé de sa tribu qui génère des femmes enceintes de pommes qui accouchent comme des call-girls désabusées très sexy. Et l'on croque la pomme, ce fruit défendu d'un paradis perdu et retrouvé. Au final, on se gave de cette chair végétale à l'envi tout en jonglant au passage. Jusqu'à une compote finale sur le plateau ou détritus et bris de vaisselle jonchent le sol dans un joyeux désordre tonitruant.Il y a de la casse dans ces scènes de ménages, ces tableaux successifs, saynètes virtuoses du jonglage qui mine de rien parcourt tout le spectacle. Discrètement ou ouvertement, objet et sujet de cet opus désopilant plein de distanciation, de recul. Sur l'humaine condition pas toujours radieuse, mais pleine de machineries, de subterfuges, de cachotteries inavouées qui font surface malgré tout; on veut étouffer les petits scandales, mais les voici réactivés par le biais des pommes!Jeu de circonstance pour pomme en l'air et saluts sur sol glissant plein de pelures et autres marmelade sur le tapis de scène Chacun des spectateurs invité à en emporter une part comme souvenir impérissable d'une soirée mémorable au Théâtre de Haguenau; un lieu plein de surprises de programmation à suivre assidument durant la saison...de la récolte des pommes bien sûr!

Le 13 Décembre au relais culturel de Haguenau

vendredi 9 décembre 2022

"PROG.HB.ZérO": la tête au carré cubique ! Des architectes de la saga-cité! Aurore Gruel fait la tête au carré des lombes!

 


Cie ORMONE France trio création 2021

PROG.HB.Zér0

À l’occasion d’un précédent spectacle, les artistes de la compagnie ORMONE ont imaginé un drôle de petit peuple, les Hommes Boîtes. Avec leur tête au carré en carton et leur corps de danseurs, les voici qui reviennent, propulsés dans le nouveau monde de PROG.HB.Zér0. Voyage inattendu dans un espace aux images foisonnantes.

 

Entre le jour et la nuit, il se passe parfois de drôles de choses. Les trois personnages de la pièce se réveillent dans un univers qui les surprend. Il y a là de quoi jouer et danser entre images, sons, couleurs et objets à explorer. Et les Hommes Boîtes sont ravis d’en profiter, de sauter d’un univers à l’autre et d’inventer ensemble. Plaisir de la découverte et jeux nés de l’imagination sont, pour les héros de cette histoire pleine de rebondissements, l’occasion de se doter de nouveaux pouvoirs.
Créé par Aurore Gruel, PROG.HB.Zér0 poursuit la démarche entreprise par la chorégraphe depuis les débuts de sa compagnie fondée en 2004 : engager le corps dans l’acte poétique. Spécialement conçue pour le jeune public, cette nouvelle pièce pleine de fantaisie s’attache aux sensations en croisant différents langages artistiques : danse, musique, arts visuels. Dans ce spectacle, corps, objets, images s’animent, créant de nouvelles situations, d’autres paysages et récits. Selon Aurore Gruel, il s’agit « d’explorer les formes simples, les couleurs ; de faire de plus en plus de choses tout seul comme s’asseoir, ramper, attraper, courir, sauter, grimper, glisser, imiter… » et d’embarquer le public dans cette aventure.


C'est tout un univers de lumières au sol, au mur qui tracent des images, des hiéroglyphes colorés, mouvants aux formes carrées, petits lego mobiles animés de bonnes intentions icono- graphiques! Les spectres graphiques se promènent, se déplacent comme des pièces de puzzles ...Des cubes-écrans font office de toile de projection, en monticules: c'est du Alwin Nikolais ou de Loie Fuller, toile tendue pour accueillir le mouvement lumineux et le défier. De petits personnages se révèlent, les hommes-boites coiffés d'une structure cubique, masque corporel pour mieux révéler les mouvements du corps.Ils grimpent, réfléchissent dans des attitudes de "penseur de Rodin", ils s'emboitent en autant de pièces d'architecture en construction-déconstruction.Maison, escalier, marches, tout ce qui ne tourne pas rond! Des percussions en bande son signée Hervé Birolini pour accompagner les mouvements à angle droit, sorte de cache-cache enjoué, immergé dans des lumières fleuries au parterre.Les rencontres jouent au couple amoureux qui s'embrasse au carré, qui se poursuit à l'aveuglette dans des lueurs bleu-vert de toute beauté.Des acrobaties périlleuses sur les blocs carrés, des conversations, fusion de baisers et échanges animent le plateau.Soudain l'escalier sculpture s'anime, se met en jambes de façon comique, personnage insoupçonné.dissimulé derrière la structure.


Des nymphéas lumineuses comme décor changeant.On se salue poliment, on s'encastre savamment, en rouage ou engrenage et sur fond de pellicule photo les trois protagonistes asexués font leur cinéma muet, burlesque, mécanique, robotique. De beaux arrêts sur image explorent maille et chainon de corps, alors que le graphisme à la Paul Klee inonde le fond de scène à loisir.Quelques mouvements lents au ralenti laissent le temps d'apprécier la gestuelle, sobre et efficace langage sans queue ni tête, pour arrondir les angles.Telle une marquèterie sans joint avec mortaise souple, les corps s’emmêlent joliment. Puis ce sont des bandes tendues, liens horizontaux comme des fils tissés qui forment un ballet de tendeurs animés par les trois danseuses: géométrie et lumières stroboscopiques mouvantes, zébrures électriques pour partition colorée, telle des signes de notations chorégraphiques.


Le mapping signé David Verlet est un trésor de formes à géométrie cubique variable, inventive et très esthétique aux couleurs pastel donnant un ton et des variations chromatiques insolentes et recherchées.Des tourniquet de cubes évidés à la Sol Lewitt, Donald Judd ou des sculptures très contemporaines de Robert Schad font décor très pertinent et cette "boite de nuit"séduit par son ingéniosité, sa pertinence!Que du bon, que du beau signé Aurore Gruel pour nos bambins émerveillés, considérés comme des esthètes en herbe, des architectes de demain: en connaisseuse du nombre d'or qui fait écho à ces architectures de cité radieuse où il ferait bon vivre avec ces hommes boites matriochka angulaires à la Xavier Veilhan...Les interprètes dont Julie Barthélémy de toutes les expériences extraordinaires, au top de la perception!

Mais comment ces personnages peuvent-ils voir à travers ces masques boites coiffant leurs têtes s'interrogent les enfants spectateurs intrigués par cette science fiction de toute beauté? Par le dessous des masques, ne voyant que leurs pieds! On salue la performance de perception individuelle ,de l'espace des autres.....

A Pole Sud jusqu'au 9 Décembre

"Best off" répertoire des Percussions de Strasbourg : 60 ans pour faire le grand écart, une "formation"toujours souple et en alerte !

 

"Le 8 décembre 2022 à l’occasion de notre 60 ème anniversaire, nous mettons à l’honneur des pièces cultes de notre répertoire, dont les interprétations furent nombreuses durant nos 60 ans d’existence, ainsi qu’une nouvelle création."

Dans la salle chaleureuse du Théâtre de Hautepierre, c'est un parterre éblouissant d' instrumentarium percussif qui illumine le plateau et pour fêter les 60 ans de cette formation légendaire dédiée aux percussions, Jean Yves Bainier, son président introduit la soirée avec émotion.

Suivent 8 inventions, op.45, Miloslav Kabeláč, (1965):

Dans une ambiance monacale bordée par les xylophones, à petit pas, une marche solennelle, feutrée, discrète se distingue peu à peu, sur la pointe des pieds.Le son prend l'espace, lent, dosé dans ce premier mouvement suivi par des carillons résonants, caisses et vibraphones de mise pour une joyeuse composition métallique pour seconde phase de l'opus.Retour à la méditation profonde avec des sonorités distinctes et subtiles sur fond de grondement: c'est le troisième mouvement qui calme la tempête amorcée.Puis les caisses et xylophones étincellent: parade, défilé, mascarade ou cavalcade carnavalesque où surgit une petite mélodie intrusive, esquissée.Presque une note de western, de lutte, de combat dans ce quatrième volet.L'apogée des percussions et gongs se renforce dans une virulence et une clarté sonore, phonique entre poids et légèreté, appuis et libération de l'interprétation drastique.Les accumulations ascendantes font de ce cinquième chapitre, un zénith sonore remarquable. Des mélanges de timbres inédits, alliages et alliances de sons incongrus, entre bois chaleureux et  gongs plus métalliques façonnent des galops épiques, des frappes régulières et un climat exotique orientaliste de toute beauté au sixième mouvement.Les vibraphones en majesté, vibrations secrètes, infimes pour une lente pénétration dans un univers cosmique caractérisent la septième partie, ambiance souterraine, spéléologie du son répercuté comme dans une grotte.En épilogue annoncé, des fortissimo relèvent volume, espace et amplitude, rythme envahissant, submergeant l'écoute, musiciens à l'unisson d'une cathédrale percutante de sonorités foudroyantes. Une pièce de légende, 60 ans de maturation sans prendre une ride!Les six musiciens au top de la ponctuation, se dirigeant au feeling et à l'auto-orchestration, complices rythmiques, compères soudés en alerte constante.

Suit Corale, Maurilio Cacciatore (création mondiale)
 Toujours soucieux de la création d’aujourd’hui, nous offrons également l’occasion de découvrir le travail du jeune compositeur Maurilio Cacciatore, qui explore et développe les possibilités sonores de la baguette vibrante, outil unique au monde, dans sa pièce Corale.Trois musiciens, assis, démarrent des mugissements ténus, superposition de sons continu et interrompus.Sur les peaux des timbales cuivrées, les baguettes frôlent et caressent pour créer une ambiance curieuse, assourdie.Glissements rêches, rythmes en cadence, comme dans un laboratoire lumineux, gyrophares et sirènes mugissantes en muezzin, cloches intrusives,sons de sous-marins en scaphandre, compression auditives et sons de murène, déterminant une écoute sévère, exigeante, subtile, aux aguets des sonorités inédites. Ce trio laborantin sur sa paillasse, recherche sonore aléatoire, scrute les sons dans son atelier, plein feu sur les secrets de fabrication. Un opus étonnant, unique qui fera date dans l'élaboration d'un parc sonore pour percussions toujours renouvelé!


4 études chorégraphiques
, Maurice Ohana, (1962)

Dans les années 1960, Maurice Ohana ouvre la voie à la composition de pièces pour percussions seules. Initialement, elles étaient pensées pour accompagner des performances dansées. Aujourd’hui affranchies de la danse, elles possèdent une identité et une narration propre, et sont les témoins des premières recherches dans le domaine de la percussion.Dans une grande régularité, comme un rythme de train avec reprises et addition de timbres, la musique s'emballe peu à peu.Percutante, galopante au rythme échevelé dans des scansions abruptes.Franches et martelées.Des silences loquaces, éloquents pour contraster.Du suspens, du mystère en suspension pour des apnées salvatrices.Puis de légers affleurements d'instruments, en écho, tout en finesse, décalent, déplacent les ondes et endroits de sources sonores.Des vibrations persistantes, des rémanences en ricochet illuminent l'espace, ouvrent des perspectives de paysages sonores grandioses. L’émergence de chacun des instrument au bon endroit pour valoriser respiration, espace et marche en contrepoint. L'irruption de timbres métalliques, vifs, cinglants, colorés pour une conversation animée. On s'y coupe la parole dans une discussion enflammée, virulente narration de sons ou chacun ne parvient pourtant pas à prendre le dernier mot, la dernière note. Dans un équilibre concerté où les places de chacun semblent chorégraphiées comme par un maitre de ballet, au compas et à l’œil, à l’ouïe acérée!


Métal
, Philippe Manoury (1995)

De nombreux compositeurs talentueux s’engagent alors sur la voie de la narration  avec la complicité et l’expertise des Percussions de Strasbourg. Trente ans plus tard, naît Métal de Philippe Manoury, qui pense un sextet pour sixxens, ces instruments inventés expressément par Iannis Xenakis pour l’ensemble. Un dispositif en demi cercle accueille les instruments extraordinaires, comme une longue passerelle, des "planches"à fréquenter pour un parcours accidenté, protégé par cette directivité d'espace.Des carillons du Nord en folie s’agitent dans une très belle chorégraphie de gestes précis, amples: cette joyeuse polyphonie polychrome dégage des sons métallique à foison, à l'envi.Des matière sonores riches, compactes provoquent un charivari, chaos tectonique éprouvant.Comme des salves, des hallebardes de sons en pluie, en averse dans un village montagnard Sécheresse abrupte du matériau, envahissant sans répit la forge où les "ouvriers" s'affairent, au travail entre eau et feu, prêts à bondir et rebondir.Les corps des interprètes, engagés, aux aguets, intranquilles.Dans l'arène des sons, ce tintamarre jovial, joyeux, lumineux, ruisselle, contagieux comme une passation sempiternelle, jeu virtuose de réception et renvoi de la balle au bond! Des arrêts sur image dignes d'une cène à six, partage en cum-panis de la cérémonie musicale.Des images comme des icônes vibrantes, ode au geste musical, à la corporéité des sons émis d'un médium à l'autre: la chair et le métal...Les baguettes aimantées au corps dans des envolées de sonneries en échappée belle: pour les tympans agressés à vif, une musique incisive et vif argent sur l'établi de la recherche sonore. Un opus de toute beauté cinglante à souhait.
 

Les Percussions de Strasbourg nous accueillaient au Théâtre de Hautepierre dans le quartier où le groupe est implanté depuis plus de 40 ans. Avec 60 ans de répertoire taillé sur mesure, offert par les plus audacieux compositeurs de chaque époque....Toujours "jeunes" et entreprenants Musiciens-danseurs sur les sentiers non balisés de la découverte sismique, visuelle des sons-émotion-frisson...

Programme :
8 inventions, op.45, Miloslav Kabeláč, (1965)
4 études chorégraphiques, Maurice Ohana, (1962)
Corale, Maurilio Cacciatore (création mondiale)
Métal, Philippe Manoury (1995) 

Les musicien•nes sur scène : Matthieu Benigno, Hyoungkwon Gil, Théo His-Mahier, Léa Koster, Emil Kuyumcuyan Olivia Martin 

08.12.2022 — 105' — Théâtre de Hautepierre, Strasbourg

"Chère Geneviève, 

"Une fois encore votre analyse explore avec justesse et une sensible  pertinence la musique de compositeurs qui ont marqué l'aventure" des Percussions tout en soulignant la qualité  et l 'engagement des interprètes qui aujourd'hui ont su prendre le relais sur un chemin dont le tracé fut amorcé il y a soixante ans par des percussionnistes talentueux et visionnaires.
Merci  de partager ainsi votre  fervente écriture." J Y Bainier le 9 Décembre 2022

jeudi 8 décembre 2022

"Nostalgie 2175": le réchauffement climatique, couveuse d'un "Bébé" porteur d'avenir...

 



"L’écrivaine allemande Anja Hilling situe sa pièce en 2175. Après une catastrophe écologique, les humain·e·s se sont adapté·e·s, dans un monde où il fait 60°, mais les femmes ne peuvent plus être enceintes naturellement. C’est pourtant ce qui arrive à Pagona. Elle sait qu’elle n’a que 2 % de chance de survivre à l’accouchement, mais elle décide de garder l’enfant, une fille, et reconstitue pour elle son histoire et celle des deux hommes qui l’entourent : Taschko, le peintre écorché vif, et Posch, l’entrepreneur esthète. Anne Monfort met en scène cette histoire de transmission et d’amour où se mêlent le désir, la beauté et la force d’évocation de la peinture et du cinéma, la violence et l’extraordinaire énergie vitale des êtres. En 2175, que reste-t-il du vieux monde, celui d’aujourd‘hui ?"

Une foret à l'automne, des futs en érection, à la verticale pour simuler un environnement figé, médusé par la chaleur...Une maisonnette toute colorée, translucide, un sol réverbérant la lumière et trois personnages en proie , pour l'une, à un inventaire des effets cliniques du réchauffement climatique: elle brosse ainsi un panorama du désastre, pas si dramatique que cela, qui désormais dirige et conduit chacun à un comportement hors norme, Toujours à fleur de peau, le texte qui s'avère écriture entre monologue, dialogue et adresse directe au public, se charge de sens et de rythme, de poésie et de douleur, de charme et de réalité incontournable.La femme, Judith Henry, "resplendissante"Pagona, se livre et nous invite en empathie à partager doute et certitude, interrogations et ravissements. C'est face aux deux autres partenaires, un peintre déséquilibré, atteint d'une folie créatrice déviante et un savant technocrate aux valeurs sures, qu'elle brandit sa foi en la vie. Ce "bébé" qu'elle nomme à l'envi comme amant, progéniture ou création individuelle, propre à son être.Les deux hommes l'entourent, Mohand Azzoug en Taschko versatile, Jean Baptiste Verquin en Posch,en réplique froide et calculée.L'amour des uns pour les autres en est le thème central, ce qui glisse sur la peau du monde sans qu'on ne puisse se toucher, effleurer l'autre sous peine de danger, de contamination.Bébé, cette créature fictive, enfant improbable, autant que signe de mort pour la  parturiente, hante les paroles de Pagoda. La musique signée Nuria Gimenez Comas se fait actrice, personnage qui dialogue avec la partition des comédiens, accompagnant le timbre des voix, rythmant la diction, avec des appuis quasi dansant sur la surface du sol magnétique, luisant, réverbérant la lumière changeante. Tantôt chaleur insupportable, tantôt froideur d'un bleu glaçant mais fort esthétisante..Et le texte de Anja Hilling de déborder d'humanité sans frôler la science fiction trop porteuse de rêve ou d'utopie. Ici la réalité est de mise, on s'y colle et confronte avec courage, espoir, parfois joie et jouissance: pas de fatalité: on s'adapte, le monde change à notre insu mais l'intelligence est ici de mise pour réagir, aimer, tenter l'impossible: se rejoindre malgré tout, se toucher peut-être à nouveau sur cette superficie du corps si érogène: la peau, tissu de désir, de douceur, de lumière, interface entre dedans et dehors. L'argent aussi, moteur du présent détermine les attitudes voraces et cupides de Posch, face à la rêverie angoissée de Taschko: les deux pères en opposition face à la future mère-morte en couche que sera Pagona.Et si 2175 était une date butoire pas si lointaine?Que ferions nous, aussi de cet avenir qui semble pas si affirmé: "je ne sais pas" murmure Pagoda, emportée dans une barque fluorescente, bordée de mousse verdoyante dans des lumières fantastiques...Le voyage se termine sur la rive où se joue une suite inconnue: pas de final ni de morale à cette narration incongrue, musicale, miroitante et pleine de verve, de facétie, de recul aussi Une robe de plumes pour Pagona, un rêve réalisé qui lui sied à merveille mais qui ne lui permettra pas pour aussi d'esquisser une échappée belle!La mise en scène signée Anne Monfort épouse avec finesse intrusive les mots, la musicalité du texte et des corps en mouvement, animé par le son omniprésent de la composition originale musicale. Scénographie et costumes de Clémence Kazémi alliant couleurs, luminosité d'un univers jamais sombre malgré la gravité du propos.f

Anne Monfort dirige la compagnie day-for-night depuis 2000 et a créé les textes de nombreux·ses auteur·rice·s vivant·e·s comme Falk Richter − dont elle est la traductrice en français −, Thibault Fayner, Mathieu Riboulet, Lydie Salvayre… Son théâtre interroge ce qu’est le « point de vue », intime et historique, sa dimension politique. Elle met ici en scène l’écriture d’Anja Hilling, écrivaine allemande née en 1975, connue internationalement depuis son texte Tristesse animal noir, écrit en 2007.

Au TNS jusqu'au 15 Décembre

mercredi 7 décembre 2022

"Man's Madness": folie des hommes...Marino Vanna divague et navigue à flot...sans perdre pieds!


Marino Vanna France 4 danseurs création 2022

Man’s Madness

"De la folie des hommes, Man’s Madness, et du désordre des corps, Marino Vanna fait écriture. Un quatuor à la fois délicat et puissant où géométrie des formes et musicalité, alternent entre tension et abandon. Avec pour ligne d’horizon, une physicalité ouverte au mixage des styles tant musicaux que dansés.

 

Dans No-Mad(e), sa première création présentée à POLE-SUD en 2019, Marino Vanna invitait le public à suivre le récit abstrait et sensible de son propre parcours artistique. Un solo initiatique à la découverte de son propre langage irrigué par une passion pour la danse cultivée depuis son plus jeune âge.
Second volet de cette recherche, Man’s Madness. Dans cette récente pièce, le jeune chorégraphe se retrouve au plateau en compagnie de trois autres danseurs : Sandy den Hartog, Lory Laurac et Joël Brown. Élargissant son champ de recherche sur le mouvement, il chorégraphie un quatuor qui fait la part belle à chaque interprète. Ainsi la danse fourmille de motifs qui se déploient dans l’espace ou bien se joue du déséquilibre, oscillant parfois entre scansion et répétition ou encore entre unissons et orages gestuels. Complice de ce mouvement, la création sonore d’Alexandre Dai Castaing dont le parcours artistique, tout comme celui du chorégraphe, est porté par de multiples influences et styles. Une autre façon pour Marino Vanna d’explorer différents états de présence et qualités de corps, créant sans cesse de nouveaux paysages, de nouveaux territoires à défricher sur le chemin de cette singulière quête chorégraphique."

Quatre danseurs en prologue évoluent dans le silence, lentement, assurément.La bande son diffuse des sons de chocs de pierre, un brouhaha minéral qui génère des mouvements hachés, tranchés de Joel Brown, soliste de profil .Trois autres personnages en rebonds sur les temps binaires se glissent dans un rouage infernal de répétition, mécanique réglée à l'identique, usine où tous pareils ils sont soumis au règlement, à l'unisson consentie.A la chaine tayloriste de robots formatés dans des lumières rasantes, crues, sculptant les corps pour un ralliement à l'ordre.De lentes vrilles en spirales après une pause "photo" immobile et c'est le flux et reflux qui fait surface.Un beau ralenti, spacieux, voluptueux inonde l'espace, le détend, le prolonge


.Quand survient la musique de Steve Reich, tours, suspension, enroulement et frôlements du sol apparaissent dans l'écriture chorégraphique qui se multiplie, se diversifie au fur et à mesure. Ondulations, balancements, moulinets, balayages et tours de bras pour créer des vagues, des avancées du buste arrondi, happé par un aimant aspirant.On caresse, on embrasse l'air avec voracité, détermination et engagement, la musique galvanisant les corps amoureux d'un rythme sempiternel ascendant. Le tempo est roi, directif, autoritaire en osmose avec le style répétitif captivant, entêtant et communicatif! L'un se détache du groupe, s'enroule, joli mouvement fin et raffiné au corps. En contraste avec les musiques toniques, saccadées, très rythmées, de beaux et puissants ralentis modulent l'énergie; un solo d'envergure, bras et buste, épaules offerts en petites secousses sismiques qui ébranlent la vision d'un corps dansant...Un couple rescapé ré-anime deux corps au sol vers la rectitude, l'érection savante. Un enchevêtrement s'ensuit, maillage tendre et sensuel pour sculpter l'espace, à la Shiva, Dieu aux mille bras. Corps en arc, courbé, renversé, arcbouté pour un très beau solo de Sandy den Hartog, impromptu spatial magnifique. 


Retour au prologue pour une marche frontale commune, agitée, possédée puis qui s'éparpille, se disjoint toujours en rythme scandé binaire, obsessionnel: la machine va se dérégler, se coincer, se gripper, enrayée, emballée pour ces prisonniers ravis, téléguidés par une force extérieure innommable.Guidés par la musique, traqués par la lumière possessive, le renoncement, l'abdication  font surface et l'on capitule sous le joug de la folie ambiante qui règne, maitresse et invasive... Une belle et nette composition chorégraphique, servie par de beaux interprètes inspirés, discrets objets manipulables d'une ligne directrice aboutie et lumineuse...

 

A Pole Sud les 6 et 7 Décembre

jeudi 1 décembre 2022

"New Creation": Bruno Beltrao, figure du déplacement, du décallage explosif d'un microcosme, piège de lumière, cour des miracles....

 

©Jose Caldeira / ©Karla Kalife  ©Wonge Bergmann

"Croiser le hip-hop avec un énième dialecte de mouvement n'a jamais été l'intérêt de Bruno Beltrão. Pour cela, il est trop critique à l'égard d’un hip-hop absorbé par l’industrie culturelle, et s’oppose à l’idée qu’une seule langue puisse permettre de développer des idées complexes. "

 ©Jose Caldeira / ©Karla Kalife / ©Wonge Bergmann......

"Dans ses chorégraphies, Beltrão aborde les contradictions sociales violentes d’une société sous l’emprise de l’extrême-droite. Comment rester en mouvement, alors que la situation politique et sociale dans un pays comme le Brésil semble tout paralyser ? Le fait que nous, les humains, soyons trop enclins à poursuivre nos habitudes et schémas de pensée est l'une des préoccupations du chorégraphe dans sa déconstruction ludique des danses hip-hop, de leur machisme et du culte de la virtuosité. Sans perdre le lien avec l’expérience de la rue qui a marqué ses débuts, il transpose la danse urbaine sur la scène, entrelaçant les styles et les figures du hip-hop avec les principes de la danse contemporaine. Dans cette nouvelle création, tant contemplative que chargée d’une impressionnante énergie des corps sur scène, la compagnie Grupo de Rua interroge les tensions explosives du quotidien, mais aussi les solidarités."

Bruits de rue, bande son à la Cage pour observations des sons d'un quotidien intempestif et des petits personnages qui surgissent, pantins manipulés par leur propre désir et énergie..Doigts, mains agiles, véloces ornent les corps vêtus de longues tuniques quasi religieuses, en noir, blanc ou rouge...Trois couleurs déclinées en nombre de suite de Fibonacci: 1 ...2...3...5... etc...Un lent déplacement d'un petit groupe d'individus, loquaces à souhait dans leur gestuelle chaotique, désordonnée en apparence . C'est tout simplement visuellement magnétique, tectonique, au millimètre près, comme dans une facture de maitre à danser, compas dans l'oeil du chorégraphe minimaliste. Un élément s'échappe de cette petite grappe compacte, ricoche, va et vient, revient, sempiternel aimant absorbé par une attirance démoniaque . Des "tritons" musicaux, diaboliques éléments interdits, prohibés par la gente monastique. Il y a du sacré et du païen dans ces danses  captivantes, irrésistibles tentations de corps voués à des directives et consignes d'écriture chorégraphique drastiques. Pas d'abandon ni de laisser aller, excepté un court instant de triolet à la Childs, danse contact éphémère, clin d’œil à une autre discipline: la danse libre, improvisée qui n'est pas de ce monde sur le plateau.Sur des fondus enchainés de lumière, dans des découpes précises des halos sur les corps mouvants, l’inouï, l'imprévisible  apparait, disparait. Les trajectoires des danseurs comme des lignes tracées frontales où la vélocité des gestes, des parcours fulgurants, médusent, tétanisent les regards. 

C'est hallucinant , jamais vu ni ressenti et très chaotique. Tels des pions sur un échiquier, tous gravitent, se mesurent, se toisent à l'envi dans un joyeux délire digne d'un centre psychiatrique: gestes désordonnés, déséquilibres rapides, reculades vertigineuses dans cette cour des miracles.Corps rétrécis, empêchés, réduits à leur plus simple anatomie, genoux fléchis, niveau de gravitation limité...Ca fourmille intensément sur le plateau nu où l'on courbe l'échine pour être mieux aérodynamique.Ponctuation, courtes pauses et un petit miracle opéré par les projecteurs rasants: comme des figures de petits cygnes repliés qui font office de jouets perdus sur scène. Sur des percussions quelques combats singuliers fulgurants, toujours genoux pliés recroquevillés, encore un "triolet" , des piétinements hyper rapides comme des figurines de jeu vidéo commandées par un esprit étranger à ces corps manipulés.Glissés savants et fugaces, petits nains aux micro-mouvements calculés. C'est de la  haute couture, de la haute voltige au ras du sol pour créer un "microcosmos" fabriqué d'insectes pris au piège de la lumière. Petit monde sorcier, énigmatique, diabolique, sonore à l'envi. Bruno Beltrao comme magicien , Merlin l'enchanteur d'un monde en mutation, métamorphose kafkaïenne de l'univers.

musique de Lucas Marcier/ARPX .........

 présenté par le Maillon avec POLE-SUD, CDCN au Maillon Wacken jusqu'au 2 Décembre 

A la Filature Mulhouse le 14 Décembre

dimanche 27 novembre 2022

"Monjour" :" just for you! Take your time, please"! et tout ira mieux...Silvia Gribaudi dénonce par la bande à part, le dessein de la société consumériste.

 


Monjour

"Dans Monjour, Silvia Gribaudi imagine une nouvelle forme de « dessin animé contemporain ». Pour la chorégraphe et performeuse, il s’agit de personnages bien en chair et en os. Aiguillonnés par l’ironie et la fantaisie de l’artiste italienne, ils sont cinq à se partager la scène, multipliant les situations les plus inattendues.

 

Bien loin de la DAO (dessin assisté par ordinateur), de la palette graphique, voire même des antiques papiers et crayons, Silvia Gribaudi a choisi d’inviter le public dans un nouvel espace : partager en direct la création live d’un dessin animé qui se déroule sur scène. Complices de cette aventure, deux danseurs, deux acrobates et un clown-acteur. Mais dessiner, tout comme expérimenter entre dessins et corps n’est pas si simple qu’il pourrait y paraître. Aussi la mise en scène de Silvia Gribaudi est-elle soutenue par les dessins pop et les personnages surréels d’une autre artiste italienne, Francesca Ghermandi dont les albums, illustrations et projets d’animation ont fait la réputation. En résonance avec un certain courant du théâtre social, cette façon de partager avec les spectateurs les aspects habituellement invisibles à leurs yeux de la création – ses questionnements, ses difficultés, ses situations incertaines et autres inconnues – fait de Monjour une pièce de dérives comiques qui met en avant la fragilité des êtres et l’intérêt de l’inconnu pour inventer ensemble. Les questions de l’émancipation au cœur du geste créatif ou artistique s’y expriment dans toute leur acuité."

Elle est nichée au premier rang du théâtre, coach, dirigeant les danseurs, micro en main. Au préalable, elle a fait  s'exercer le public à un training du spectateur, étirements à l'appui pour un confort d'écoute et de disponibilité corporelle meilleurs! C'est Silvia Grimaldi qui mène la danse et les cinq interprètes: ils se présentent quasi nus, le sexe masqué par leurs mains ou un châle-serviette de bain...En socquettes et baskets, le costume est sobre et d'emblée, comique, voir bientôt burlesque.De courtes performances dansées ouvrent le bal, quasi folkloriques ou inspirées de la capoeira. Le fond de scène tel un halo de lumière révélant la silhouette découpée des corps. One, two, three et ça démarre au quart de tour comme un show divertissant show-biz jazzy, sexy "just for you": un tantinet flatteur et provocateur.Parce que vous le valez bien...Illusion, arnaque ou désenchantement, on verra par la suite où est le leurre que cette société du spectacle nous "offre" en illusions perdues...La danse macabre pour un numéro burlesque à cinq où l'on joue à cache cache sexe pour ne pas perdre ni sa main ni sa serviette qui cache ce que l'on ne saurait voir. Exercice pas simple pour ne jamais rien dévoiler des "parties" de son corps.O surprise-partie de la danse sans parti pris sur le sujet!Ils volent, les danseurs dans un beau manège, tourniquet comme ces figures classiques virtuoses exécutées par l'un des danseurs expert. Puis c'est un solo magnétique, danse fluide et acrobatique qui prend le relais, pause très poétique loin du virevoltant, ou du pastiche de danse classique. Alors que sur un écran défilent des images surdimensionnées de bandes dessinées, style Crumb ou Blutsh, proche des BD qui ont inspirées Roy Lichtenstein. Une "figuration nouvelle" pour la danse, voisine de ces croquis très stylés monstres, acrobates, espaces théâtraux aux sièges vides, etc...Images fort belles, colorées qui se confondent avec un corps dressé sur demi-pointes, les pieds frétillant comme chaussés de pointes acérées.Une foret de champignons atomiques dans une cheminée ascendante...Un doigt géant pointé dans notre direction pour mieux nous cibler, nous impliquer dans cette société consumériste.

Le public est convoqué pour faire un petit orchestre sonore accompagnant les artistes sur le plateau en short longs, noirs, torse-nus toujours en baskets.S'agit-il de danse, de cirque, de moderne dance ou de métaphore de la communauté humaine? La question est posée, au micro et la réponse apportée par ce à quoi nous assistons: un spectacle qui aurait pu être grandiose si les moyens rêvés de le construire avaient été trouvés! Demain peut-être...Encore une démo de mime esquissée, de gymnastique rythmique et nos cinq Daltons dans le vent de faire la claque aux cygnes alors que le public ne cesse de les ovationner en applaudissant à chaque entremets. Beethoven en finale héroïque pour ce quintette à corps perdus, fort bien accordés dans des canons esthétiques singuliers: grand dadais ou grassouillet en paillettes... Des pieds de nez de clown en parterre fleuri rouge inondent le plateau...Numéros de cirque, saynètes ou morceaux de choix dérisoires dans cette boutique fantasque, symphonie en nu majeur décrivant la noirceur et la gravité de la condition d'artiste dans une distanciation  humoristique à l'anglaise ou a l'italienne, comme il vous plaira. Autodérision gribaudienne au poing!

 A Pole Sud jusqu'au 27 Novembre


"Bachelard quartet": tête en l'air, pieds sur terre..."Imagine"...Si le métal m'était conté, hurlant d'images de BD....

 


Bachelard Quartet
rêverie sur les éléments à partir de l’œuvre de Gaston Bachelard


PRÉSENTÉ AVEC LE TJP

"Marguerite Bordat et Pierre Meunier proposent une immersion dans la pensée et le langage du philosophe-poète Gaston Bachelard (1884-1962), son enthousiasme et son émerveillement à l’égard des quatre éléments qui constituent la vie : terre, feu, air, eau. Dans un dispositif tri-frontal enceint de panneaux boisés, les spectateur·rice·s sont invité·e·s à se réunir comme autour d’un foyer, accueilli·e·s par l’acteur Pierre Meunier, la pianiste Jeanne Bleuse et le violoncelliste Matthew Sharp. Ensemble, se saisissant du pouvoir d’évocation du langage du philosophe et de la musique, elles·ils invitent à partager une « rêverie active », à retrouver une relation intime et vivante avec les éléments, propice au déploiement de l’imagination."

Les trois comédiens sont là, nous "toisent", mesurent les distances et les franchissent entre eux et le public, disposé en cercle autour d'eux, centrés dans l'arène du jeu: ambiance conviviale et chaleureuse autour d'un piano et d'un violoncelle, installés sur deux estrades cuivrées..Et oui, "abandonnez-vous", le temps de la représentation, murmure Pierre Meunier à l'oreille d'un spectateur docile...Le violoncelle démarre, sourit de plaisir sous les doigts de Matthew Sharp qui semble aux anges.Son visage s'étonne, s'émerveille et ponctue d'expressions et de mimiques peu à peu le texte de Pierre Meunier qui s'égrène. L' "imagination" au pouvoir, leitmotiv de cette opus singulier fabriqué à partir des textes de Bachelard sur les quatre éléments fondamentaux de la vie et de la philosophie de ce penseur prolixe.Un petit manège de bris de verre pour lanterne, lampe magique, dance-floor pour  plafond étoilé.Tout sera passé au crible, au tamis ou à la moulinette : réflexion sur le dur, le mou, le "buvard de l'enfant" qui éponge et boit les taches, le métal et l'enclume qui résonne, sublime et sensuel substantif évocateur de bruits singuliers.La musique se fond avec les mots: au piano Jeanne Bleuse, inspirée par toute une ambiance de morceaux choisis du côté de la musique du XXème siècle, riche en harmonies, en ambiance et univers sonores.Les mots du poète-philosophe sont mêlés aux airs de Bartók, Meredith Monk, Messiaen ou Mendelssohn, réinterprétés par la pianiste Jeanne Bleuse et le violoncelliste Matthew Sharp.La musique convoque la matière des mots, la transcende et notre imagination circule, se balade au gré de toutes ces évocations sensibles, sensitives, sensuelles.La brutalité de la pierre et du marteau  la blesse de sa propre chair lapidaire, lithogravure du son.Le marteau, sans maitre joue avec cloche, voix, frappes de pieds et tambourin comme dans un orchestre tonitruant et intime bien chambré; l'onirisme du travail surgit dans ces fumerolles volcaniques, comme les couloirs des égouts que voudrait habiter le violoncelliste...Dans un jeu complexe et malin, les comédiens jouent duo et trio très inspirés, portés par la musique omniprésente.Meunier joue avec des fils suspendus et portant des pendules lourds et sonnant sous la pression de ses doigts.Rémouleur en rémoulade, Devos des sons et des mots, le voici habité, imprégné du texte de Bachelard que l'on redécouvre, riche, évocateur, humoristique, inventif et abordable!Un enfant "hors sol" tout propre et sans contact avec la terre,éduqué sans ce fatras de poésie serait bien indigent.Les sen,s en éveil, le spectacle va bon train, émeut, dérange et déplace, décale, décadre à l'envi les poncifs et apriori de l'existence formatée Joyeux délire, relativement sage portant.Le marteau, l'enclume sans la faucille ni le maitre à danser, compas dans l'oeil oblige.Des déclics et des claques à l'académisme de la pensée.Mounier fait feu de tout bois en caressant les mots, frottant les matières pour en faire surgir la flamme ou l'éther, l'eau ou la terre nourricière.Le corps d'un ivrogne imprégné d'alcool s'y embrasse, s'enflamme bordé d'une musique volcanique éruptive et salvatrice.Les mots monosyllabiques pour évoquer l'efficacité des langues étrangères: un "jetz"sublime les sens et l'eau dormante à la vie très agitée inonde les tonalités d'un volatile dans un "cortile" italien de basse-cour fort évocateur. Tout est imagine, imaginaire et l'imago dans ce riche bercail, cette ménagerie de verres qui sonnent dans un coup de tremblement de terre tellurique des plus résonant!Et quand "La mort du cygne" de Saint Sens fait irruption sonore, c'est à l'eau du lac des signes que l'on songe, rendez-vous de l'imaginaire collectif qui fait surface et nous submerge.La scène tournante pour une plaque tournante, ère secondaire de chemin de  halage, aire de jeu qui n'en à pas l'air.L'âme du poète Bachelard erre et prend l'air dans cette évocation très fouillée, recherchée, fruit d'un travail de complice, de connivence et de résonance musicale. Jamais Pierre Mounier et Marguerite Bordat ne se sont tant pliés à la musicalité d'un texte, d'univers bigarrés jamais monochromes, déjantés sans excès: le "hors-sol"si ré les a mi la.....Et la rivière de couler des jours heureux....
On termine le spectacle en partageant le verre de la convivialité, un cocktail percutant de rhum comme brasier dans ce foyer cendré, encore fumant des scories de la lave: va- t-on nous aussi nous embraser chaleureusement pour un échange fraternel, matière à rire et à pleurer de toute l'eau de nos corps immergés sur cette terre..? Ce trèfle à trois feuilles


Depuis 2012, Marguerite Bordat et Pierre Meunier dirigent ensemble La Belle Meunière (compagnie fondée en 1992 par Pierre Meunier). Les spectateur·rice·s strasbourgeois·e·s ont pu voir, au TNS, Au milieu du désordre en 2009, Sexamor en 2010, Du fond des gorges en 2012, et, au TJP, Forbidden di sporgersi en 2015, La Vase en 2018 et Securilif© en 2019. La Belle Meunière s’associe ici à la Cie Frotter / Frapper, dirigée par la violoncelliste Noémi Boutin qui signe, avec la pianiste Jeanne Bleuse, la direction musicale du spectacle.


samedi 26 novembre 2022

"La Neuvième Symphonie", Symphonie N°9 en ré majeur" de Gustav Mahler: un chiffre mythique qui porte Malher.

 


La Neuvième est l’œuvre des malentendus : c’est la dernière symphonie achevée par Mahler, certes, mais elle a été écrite au moment où le compositeur commençait à surmonter ses démons pour entamer une nouvelle vie. On oublie souvent la moitié de ce qu’en disait Alban Berg : « Le premier mouvement est ce que Mahler a fait de plus extraordinaire », mais aussi : « J’y vois l’expression d’un amour exceptionnel pour cette terre, le désir d’y vivre en paix, d’y jouir pleinement des ressources de la nature. » À l’heure où Schoenberg affirme la mort de la grande forme, Mahler croit plus que jamais aux pouvoirs de la symphonie et livre, avec la Neuvième, une partition où se conjuguent folie et sérénité.

 "La neuvième symphonie" ou l'orchestre éclaté" confie en prologue Mathieu Schneider:une Neuvième symphonie n’est jamais anodine. Après Beethoven, Schubert et Bruckner, Mahler n’échappe pas à la règle. De nombreux éléments y rappellent les symphonies précédentes, mais éclatés. Comme vus à travers le prisme du temps, ou d’une ironie mordante. Ce discours est-il celui d’une nouvelle modernité ? Ou le signe d’un monde en décadence ?

Et c'est l'événement tant attendu de cette saison!L'orchestre au grand complet pour cet opus de légende peuplé de la complexité de nos émotions et de nos états d'âme. Mahler y décrit l'être humain avec ses bassesses et sa grandeur, ses doutes et sa foi..Le temps de quatre mouvements. Il faut ici souligner l'extrême rigueur du chef, Vassili Sinaiski qui sait révéler chaque instrument, discrètement introduit dans la globalité de la musique orchestrale, donnant à chacun sa place, son timbre souvent détourné, méconnaissable. C'est un don, une qualité de geste de direction non égalée: pour faire des interprètes des anti-solistes, loin de la performance et si près de l'émotion issue de cette façon de mettre au grand jour les talents de chacun. Il en va des flutes dont un piccolo comme des deux harpes, des hautbois dont le cor anglais, des clarinettes dont une basse, des bassons dont un contrebasson....Beaucoup de diversité dans cette homogénéité, parsemée de troubles sonores qui intriguent, éveillent la curiosité des résonances, stimule l'écoute permanente de toutes ces variations: riches, lumineuses, attractives sonorités inédites.Souffrance physique du compositeur évoquée, proche de la mort, souffrance morale et spirituelle Deux mouvements lents jouissant d'une expression de l'amour de cette terre, deux autres pour l'expression de la mort qui a hanté toute l'existence du compositeur. La preuve par le chiffre 9 qui le poursuit que la prémonition, le destin, la prédestination ne lui font pas baisser les bras, ni l'imagination si prolixe et fertile Les silences ici prennent une ampleur disproportionnée à l'écoute qui calme la donne, respirent l'inspiration et le souffle de la création. L'écoute s'y maintient, vigilante et active, pleine de suspens et de suspension en apnée.Chaos et accalmie s'y succèdent dans une fougue, un volume ou une amplitude calculée pour rehausser la dramaturgie.Omniprésente musicalité qui vacille, hésite ou s'affirme selon le volume donné.Berceuse égarée dans un maelstrom sonore ou soupir, chant d'oiseau qui s’immiscent dans la partition...Cataclysme annoncé par le rythme cardiaque, tonique ou s'affaiblissant."Comme un lourd cortège funèbre"écrit pour célébrer la mort de l'ère tonale.Schönberg, Berg, Webern, pour contempler plus tard,cette écriture qui étire le temps à loisir.Les danses du second mouvement pour vivifier ces emprunts  rythmiques puisés dans les folklores d'Europe Centrale, polyphonies du monde sonore,bruits de l'environnement...L'exploration harmonique dépasse les frontières de la tonalité, la richesse de cette furie musicale, émeut, déplace, dérange.Le final, tout en douceur et lenteur bouleverse les codes et la spiritualité s'en trouve grandie, magnifiée. Une véritable plongée dans l’univers musical du compositeur, qui a toujours eu à cœur de traduire la complexité des émotions humaines. Et pour cause, ayant vécu plusieurs drames successifs, Mahler la compose à un tournant de sa vie.

L'Orchestre Philharmonique en grande forme pour restituer sous la baguette d'un chef remarquable, l'authenticité d'une oeuvre qui fait songer à un univers inexploré à redécouvrir à chaque écoute, chaque vibration des instruments si richement magnifiés sans exagérer leur place dans l'orchestre.


Vassili SINAÏSKI direction 

Au PMC le 25 Novembre par l'orchestre philharmonique de Strasbourg

vendredi 25 novembre 2022

"Les cueilleuses de rosée": suivez votre lumière! L'inauguration des festivités de Noel de Sélestat, illuminée par la Danse.

 


Spectacle nocturne féerique, conté, dansé, chanté
 
A l'occasion de l'inauguration du "Marché de Noel" de Sélestat, une belle et généreuse initiative que d'avoir inviter ce spectacle de la Compagnie Lilou, basée à Montluçon!Cet opus festif et grand public, soutenu par un univers musical, alterne entre chorégraphies, conte, chants lyriques, effets de lumière et pyrotechnies. 
 


A travers une histoire inspirée par l’alchimie du monde, une échassière conteuse, et deux jolies petites fées danseuses suscitent la curiosité et l’émerveillement. Dans un mélange hypnotique de courbes et d’ondes opalines, ces gardiennes de lucioles, apportent poésie, féminité et féerie.
 
 Et l'on déguste dans le froid, en plein air, la magie d'une énorme bulle translucide habitée par d'étranges personnages, alors qu'une femme montée sur échasses,vêtue d'atours fantastiques de conte de fée alterne conte et chant, narration à suspens et voix profonde, au timbre assuré et chaleureux. De belles vocalises enivrantes pour ouvrir les portes d'un univers fantastique, mystérieux, intriguant. Font apparition dans de merveilleux costumes rêvés, longs tutus romantiques parsemés de lucioles fluorescentes, deux danseuses, malines et mutines fées, souriantes, partageuses. Les regards complices, les yeux écarquillés de sympathie envers les jeunes enfants en bord de piste de jeu...Un bel échange...Une scène phare: les deux personnages déplient un long tissus blanc, issu d'un bac, comme celui d'une lessiveuse ou bassine magique.Les gestes de la chorégraphie, classiques, gracieux, virevoltant en course folle autour de la conteuse. Quelques arabesques, puis une apparition magnifique; de grandes ailes dorées, voiles à la Loie Fuller, longues perches prolongeant leurs bras comme des ailes, parures dorées, battant au vent! Piège de lumières pour papillons magnétiques.Diadèmes, couronnes de lumières sur le front. Les silhouettes se découpent en ombres portées, font comme une suite de séquences de théâtre d'ombres.. C'est beau et simple, sobre et expressif, "bon-enfant", partageux. Quand des feux d’artifice viennent comme des salves, illuminer la scène qui se pare alors de feux follets, de gerbes tectoniques de lumières pulsées...Beau et bon spectacle, opéra d'hiver, légende et récit pour conter la nécessité d'éclairer nos esprits comme au "Siècle des Lumières"...Sélestat, vivante et lumineuse citée, ce soir là, magnifiée sur la place du square Ehm par la danse, le chant et les éclairages festifs. Charlotte Dambach, rayonnante danseuse-interprète, pleine de grâce, de légèreté, le regard captif et vif, tendresse et douceur esquissées en direction du public, très proche et réceptif. Et la rosée du crépuscule du soir de se poser sur nos rêves....
 
A Sélestat le vendredi 25 Novembre.
 

La Compagnie de Lilou

La Compagnie de Lilou est née en octobre 2005 à Montluçon. Elle a pour but la création, la production et la diffusion de spectacles de rue et de grands intérieurs, scénarisé et mis en musique.
Marie Vanhonnacker-Damet, Directrice artistique, et Alain Damet, régisseur, sont les deux principaux salariés de la Compagnie.
Tous deux se sont installés à Saint-Angel il y a quelques années. C’est la qu’ils se ressourcent, qu’ils créent et font un travail de production. “Notre plaisir d’artiste est celui du jeu et de la transmission. Nous souhaitons être des passeurs de rêves, d’imaginaire qui nous grandissent et nous préservent”.


jeudi 24 novembre 2022

"Drôle d'oiseau" à la Case à Preuschdorf samedi 28 Janvier 16H et "L'oiseau rare" dimanchhe 5 Février 16H ...On en fait tout un fromage....

 


"L'oiseau rare" et "Drôle d'oiseau": deux performances inédites in situ à l'occasion de l'exposition"Wanderfejjl" de Maeva Bochin et Miriam Schwamm à "La Case é à Preuschdorf

 "En cage ou dans le puits, l'oiseau de feu en paon-talons hauts et courts!

A plumes, à poils, oiseau de nuit, de proie en proie aux volages effets d'ailes, oiseau de paradis terrestre.

De sa couveuse, oisillon il va voler : ouvrez la cage aux oiseaux! Les cigognes en castagnettes, craquettent, les échassiers partent en goguette pour aller se faire plumer comme des pigeons!Ça roucoule les palombes..Coucouroucoucou!


 

Un coq au vin, un poulet au riesling ou en cocotte de boulevard. Des yeux de perdrix aux pieds...

Un ramage et plumage pour un corps beau et un fromage.Un père hoquet, cacatoès, une pie voleuse, et un flamand ose! Sans oublier le col du cygne du lac, l'oiseau de feu et autre vilain petit canard boiteux!

Pattes d'oie pour rides et becs et ongles


"Wanderfèjjl" (Oiseaux migrateurs en français) est une petite exposition concentrée sur la grande stub de la salle d'expo, avec la restitution de la résidence de Maeva Bochin autour de son projet de création, la petite stub devient l'espace scénique pour les 2 performances de Geneviève Charras, l'atelier de la Case vous accueillera pour découvrir les diverses techniques de gravure et d'autres oeuvres et épreuves. Et sous le hangar, vous pourrez découvrir une autre aventure de création nomade de Maeva, qui a eu lieu au Quebec !

(chants: il vole/ chouette hibou/ le colibri/ un petit oiseau gréco /daphénéo/ la paloma/ la donna mobile/ coucou hibou /:le bois de st amand barbara /la ronde de l'omelette )

mercredi 16 novembre 2022

"De bon augure" : la conférence des oiseaux, le congrès des volatiles..."Drôle d'oiseau"....ce ThomasLebrun!

 


Thomas Lebrun
CCN de Tours France 5 danseurs création 2020

… de bon augure

Il est à croire que Thomas Lebrun s’est senti pousser des ailes. Selon les propres mots du chorégraphe, ornithologue à ses heures, … de bon augure a été pensé comme : « un divertissement, au sens noble du terme, une proposition qui transporte et apaise, qui allie technicité et rêverie, puissance et fragilité… ». Une poétique célébration de la diversité.

Dans …de bon augure, pas de politique de l’autruche ni de miroir aux alouettes, encore moins de corbeau ! Pas d’oiseau de malheur ni de chant du cygne quoi que… Tournant le dos à tous ces aspects, la pièce de Thomas Lebrun s’intéresse à un autre état : être gai comme un pinson, c’est chouette !
Le corps vêtu d’imprimés aux motifs colorés, parfois même paré de quelques plumes, les interprètes mènent les danses de solis en quatuors. Tour à tour simples et savants, drôles et légers, leurs gestes s’emparent de la trame musicale et voyageuse imaginée par le chorégraphe. Montage varié qui va : « Du chant des oiseaux de Janequin au Rappel des oiseaux de Rameau, des notes suspendues des Petites esquisses d’oiseaux de Messiaen au Coucouroucoucou Paloma de Nana Mouskouri, en passant par la légèreté de L’oiseau bleu de Lys Gauty. En tout, quinze morceaux musicaux de différentes époques et styles, du Moyen Âge à nos jours.
Abstraite, l’écriture du chorégraphe a gardé l’empreinte d’un fort rapport à la musique mêlant sensibilité et rigueur de l’analyse. On la retrouve ici, dans cette façon particulière de rendre hommage à la diversité à travers ses deux passions, la danse et les oiseaux, « ménageant des assemblages inédits dans la composition ciselée ou instantanée des partitions chorégraphiques ».

 A tire d'ailes. Un oiseau de nuit, rare quand l'un des paons danse, le flamand ose...

 Une silhouette qui se découpe sur fond de tondo aux couleurs d'automne, l'oscillation d'un corps au lointain....L'ambiance est douce et reposée, calme et voluptueuse. La danse de Thomas Lebrun est épure, distinction, ornement et la thématique des oiseaux lui offre tout un panel de registres qu'il creuse, approfondit à l'envi: envergure des bras qui évoquent l'envol, parure et ramage des costumes bigarrés, veinés de gris, très seyants, justaucorps et tunique large. Balade des mains, des doigts écarquillés, des épaules rehaussées et un style multidirectionnel des nuques, têtes et autres membres voués au mouvement total... Ça picore dans les sillons de la musique, ça pépie en staccato, saccades ou vagues successives très bien orchestrées en canon. La danse est musique, composition et partition des corps, prise de l'espace, tantôt en quatuor, duo ou solo qui s'enchainent, tuilés d'une formation à une autre, les tableaux se succédant dans une harmonie évidente. Thomas Lebrun nous offre sa signature dans un bref solo aux multiples facettes, relâchés et tensions au service d'un velouté touchant à l'épure. La grâce est naturelle et fascinante le temps d'un solo, "mort du cygne" dansée de dos, nu et fascinante. Deux oiseaux dévoreurs d'espace font irruption dans cette cage dorée, échappée belle de gestes vrillés, explorant les niveaux spatiaux de chacun. La sensualité déborde dans une scène pleine de lenteur savoureuse sur une musique de Grieg, apprivoisée. Dompteur, oiseleur ou dresseur de mouvements, le chorégraphe excelle dans l'évocation pudique et discrète de la gente plumée. Des oiseaux dessinés à même les collants et vêtements augurent du chatoiement de la gestuelle: les abattis en mesure, les ailes déployées qui caressent l'air, sur demi-pointes, de profil.... Vol d'oiseaux dans une atmosphère de nuages pastel pour un quatuor de sculptures mouvantes dans le silence. Un martin-pêcheur issu de la mélodie française, bijou de dissonance, de mesures surprenantes et de tonalités imprévisibles succède à un solo destroy en maillot de bain et chaussettes, oiseau de bonheur, fleur bleue à souhait. Et les saynètes de se succéder, très contrastées jusqu'à faire apparaitre le spectre bien incarné de Nana Mouskouri et ses colombes blanches, entourée de deux gigolos à fleurs en bikini. Désuet, désopilant, kitsch sans jamais caricaturer ni offenser son sujet. Encore un très beau solo le long d'un tapis vert, ou pigeon vole et s'envole gracieusement, les gestes étirés... Avant de clore sur le manège d'un quatuor qui dessine ses fresques et frises à la grecque, en marche lente. Bras en couronne, profils singuliers. Tout s'efface dans la pénombre, les silhouettes mouvantes sur fond de stries de lumières très picturales. Françoise Michel aux commandes de cette scénographie-lumières de toute beauté. Et la musique issue d'un répertoire très fouillé, variée, en osmose avec l'écriture ciselée de Thomas Lebrun qui "varie" les genres dans un joli charivari sans appeau ni crécelle avec doigté, mesure et un gout du baroque non dissimulé: perle rare et pli selon pli pour magnifier la musicalité des corps de ses interprètes rompus à sa "griffe" d'aigle affutée.

A Pôle Sud le 16 et le 17 Novembre

"La Septième": l'age d'or-aison! Tristan Garcia, Marie-Christine Soma, Pierre François Garel: un triangle d'or....

 


"Dans La Septième, issu du roman 7, le philosophe et écrivain Tristan Garcia donne la parole à un narrateur à l’aube de sa septième vie. Il se souvient de tout : sa première existence où, à l’âge de sept ans, Fran lui a annoncé qu’il était immortel, sa rencontre avec Hardy, qui sera toujours la femme de ses différentes vies. Ce narrateur, qui renaît toujours dans le même lieu et le même temps, raconte comment il a été prix Nobel de science, chef de combat, guide spirituel, criminel… Marie-Christine Soma met en scène l’acteur Pierre-François Garel dans une épopée où le héros explore, à chaque renaissance, une nouvelle existence, tout en se souvenant des précédentes. Si l’on pouvait revivre, que voudrait-on changer ? Quels potentiels chaque être recèle-t-il ?"


Rarement une "pièce" de Théâtre tient en haleine, fascine et d'emblée invite à l'empathie avec ce personnage qui dès l'aube de sa vie apprend d'un "médecin" charlatan, la caractéristique d' immortelle de son existence. Malgré une maladie inconnue, un saignement de nez continu, inexpliqué, source d'interrogation, de recherche, puis de constatation fataliste, il vit,ce garçonnet que l'on rencontre sur fond d'écran cinéma, dans des coloris vifs et tranchés. Alors que notre "anti-héros" se débat avec son inhumaine condition qui rapidement va se révéler  difficilement gérable.En sept chapitres bien distincts, le "narrateur" qui n'a pas de prénom, traverse sept phases de sa vie, loin des reprises et répétitions des faits.On bascule d'une section à une autre, le destin, le chemin du narrateur conduisant aux expériences, rencontres et connections les plus audacieuses.Tandis qu'il modifie les contours du décor du plateau qui opère sa mutation au fur et à mesure. C'est une métamorphose lente qui passe de la douceur de l'existence à la révolte, le ton, la tessiture de la voix de Pierre François Garel oscillant sans cesse d'un registre à l'autre dans une partition littéraire de toute beauté. Le texte adapté et mis en scène de Tristan Garcia,comme une composition sonore et musicale, rythmée par une mise en scène sobre et efficace signée Marie-Christine Soma.Les images du film retracent les épisodes manquants, duos du médecin et de l'enfant, du narrateur et de Hardy, la Femme qui accompagne ses 7 vies de son empreinte irrévocable. Fran, le médecin complice hante la narration de cette "septième" histoire issue du roman global.On reste fasciné par la subtilité du jeu de "l'acteur-comédien" narrateur et conteur à la fois, par la performance de cette présence qui se bat, ne se défile jamais de ce destin étrange qui ne semble pourtant pas pré-destiné à des réincarnations banales, sacrées, spirituelles. Le sang comme vecteur des situations, ce qui coule de source, sourd de son corps, de sa peau, circulation pulsée par les rebondissements opérés dans les sept chapitres annoncés sur écran de télévision. Un parterre de bâche comme neige ou filtre du temps, un fauteuil de bureau qui roule et passe d'un lieu, d'un endroit à un autre, bravant le passé, des cartons emplis de K7, des journaux, tout un fatras d'accessoires indispensables pour franchir le miroir, le mur du son de cet homme qui "parle", conte et raconte son épopée. C'est émouvant, pétrifiant, médusant et l'on file durant plus de deux heures en plus que "sympathie", cum-patio avec cet homme aux prises avec un trajet insolite, une destination inconnue sur fond de trajet de train évoquant son enfance fascinée par les  territoires inconnus..."Mornay" comme jeu de mot valise d'une vie transfigurée.


Marie-Christine Soma est créatrice lumière et metteure en scène. Le public du TNS a pu voir Feux d’August Stramm, en 2008, et Ciseaux, papier, caillou de Daniel Keene, en 2011, spectacles co-mis en scène avec Daniel Jeanneteau. En 2010, elle a adapté et créé le roman Les Vagues de Virginia Woolf. En 2018, elle a présenté au TNS La Pomme dans le noir, d’après Le Bâtisseur de ruines de Clarice Lispector.