"Dans Monjour, Silvia Gribaudi imagine une nouvelle forme de « dessin animé contemporain ». Pour la chorégraphe et performeuse, il s’agit de personnages bien en chair et en os. Aiguillonnés par l’ironie et la fantaisie de l’artiste italienne, ils sont cinq à se partager la scène, multipliant les situations les plus inattendues.
Bien loin de la DAO (dessin assisté par ordinateur), de la palette graphique, voire même des antiques papiers et crayons, Silvia Gribaudi a choisi d’inviter le public dans un nouvel espace : partager en direct la création live d’un dessin animé qui se déroule sur scène. Complices de cette aventure, deux danseurs, deux acrobates et un clown-acteur. Mais dessiner, tout comme expérimenter entre dessins et corps n’est pas si simple qu’il pourrait y paraître. Aussi la mise en scène de Silvia Gribaudi est-elle soutenue par les dessins pop et les personnages surréels d’une autre artiste italienne, Francesca Ghermandi dont les albums, illustrations et projets d’animation ont fait la réputation. En résonance avec un certain courant du théâtre social, cette façon de partager avec les spectateurs les aspects habituellement invisibles à leurs yeux de la création – ses questionnements, ses difficultés, ses situations incertaines et autres inconnues – fait de Monjour une pièce de dérives comiques qui met en avant la fragilité des êtres et l’intérêt de l’inconnu pour inventer ensemble. Les questions de l’émancipation au cœur du geste créatif ou artistique s’y expriment dans toute leur acuité."
Elle est nichée au premier rang du théâtre, coach, dirigeant les danseurs, micro en main. Au préalable, elle a fait s'exercer le public à un training du spectateur, étirements à l'appui pour un confort d'écoute et de disponibilité corporelle meilleurs! C'est Silvia Grimaldi qui mène la danse et les cinq interprètes: ils se présentent quasi nus, le sexe masqué par leurs mains ou un châle-serviette de bain...En socquettes et baskets, le costume est sobre et d'emblée, comique, voir bientôt burlesque.De courtes performances dansées ouvrent le bal, quasi folkloriques ou inspirées de la capoeira. Le fond de scène tel un halo de lumière révélant la silhouette découpée des corps. One, two, three et ça démarre au quart de tour comme un show divertissant show-biz jazzy, sexy "just for you": un tantinet flatteur et provocateur.Parce que vous le valez bien...Illusion, arnaque ou désenchantement, on verra par la suite où est le leurre que cette société du spectacle nous "offre" en illusions perdues...La danse macabre pour un numéro burlesque à cinq où l'on joue à cache cache sexe pour ne pas perdre ni sa main ni sa serviette qui cache ce que l'on ne saurait voir. Exercice pas simple pour ne jamais rien dévoiler des "parties" de son corps.O surprise-partie de la danse sans parti pris sur le sujet!Ils volent, les danseurs dans un beau manège, tourniquet comme ces figures classiques virtuoses exécutées par l'un des danseurs expert. Puis c'est un solo magnétique, danse fluide et acrobatique qui prend le relais, pause très poétique loin du virevoltant, ou du pastiche de danse classique. Alors que sur un écran défilent des images surdimensionnées de bandes dessinées, style Crumb ou Blutsh, proche des BD qui ont inspirées Roy Lichtenstein. Une "figuration nouvelle" pour la danse, voisine de ces croquis très stylés monstres, acrobates, espaces théâtraux aux sièges vides, etc...Images fort belles, colorées qui se confondent avec un corps dressé sur demi-pointes, les pieds frétillant comme chaussés de pointes acérées.Une foret de champignons atomiques dans une cheminée ascendante...Un doigt géant pointé dans notre direction pour mieux nous cibler, nous impliquer dans cette société consumériste.
Le public est convoqué pour faire un petit orchestre sonore accompagnant les artistes sur le plateau en short longs, noirs, torse-nus toujours en baskets.S'agit-il de danse, de cirque, de moderne dance ou de métaphore de la communauté humaine? La question est posée, au micro et la réponse apportée par ce à quoi nous assistons: un spectacle qui aurait pu être grandiose si les moyens rêvés de le construire avaient été trouvés! Demain peut-être...Encore une démo de mime esquissée, de gymnastique rythmique et nos cinq Daltons dans le vent de faire la claque aux cygnes alors que le public ne cesse de les ovationner en applaudissant à chaque entremets. Beethoven en finale héroïque pour ce quintette à corps perdus, fort bien accordés dans des canons esthétiques singuliers: grand dadais ou grassouillet en paillettes... Des pieds de nez de clown en parterre fleuri rouge inondent le plateau...Numéros de cirque, saynètes ou morceaux de choix dérisoires dans cette boutique fantasque, symphonie en nu majeur décrivant la noirceur et la gravité de la condition d'artiste dans une distanciation humoristique à l'anglaise ou a l'italienne, comme il vous plaira. Autodérision gribaudienne au poing!
A Pole Sud jusqu'au 27 Novembre
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