"En équilibre instable entre la chanson, la musique improvisée et le domaine contemporain, la chanteuse Leïla Martial et le violoncelliste Valentin Ceccaldi proposent une musique de funambules dont la spécificité et l’irrésistible charme résident en ce qu’elle se joue constamment sur le fil… Se projetant sans filet dans l’inconnu de cette formule minimaliste à haut risque où nul faux pas n’est permis, le duo dévide la pelote de ses références (un standard de Mal Waldron, un air de Purcell, un lied de Fauré, une chanson de Berio…), pour mieux s’aventurer, au gré d’improbables détournements formels et de délicates métamorphoses sonores, aux confins du théâtre bruitiste. A la fois radicalement expérimentale et intensément lyrique, cette musique de l’instant à venir fascine par son audace et sa poésie."
"Au fil de l'eau" de Gabriel Fauré: une surprise que celle d'entendre après des murmures de violoncelle, les paroles suaves de mélodie française, revues et corrigées comme une balade de miaulements, iodlés, très stylisées jazz comme des prolongements, interprétations ou prolongations de sonorités ingénieuses...Triturer la matière sonore, adapter avec subtilité et délicatesse un genre, le dégenrer, le déplacer pour en faire une ode à l’inouï! Avec des capacités et facilités vocales invraisemblables, Leila Martial se joue des embuches pour créer une atmosphère, un ton inventif avec son instrument au service de l'impossible...Irréalisable performance charmeuse, sans filet, sur le fil ou la corde de son partenaire...Comme une mue, une métamorphose de l'opus de Fauré en mutation sonore: voix chrysalide cristalline, mutante, enjôleuse et rayonnante! Puis c'est au "petit bois de Saint Amand"de Barbara de passer à la moulinette du free jazz vocal pour une version toute en volière joyeuse: voix et bruitages au diapason, en bossa nova avec moultes appeaux, ce petit instrument à vent ou à friction avec lequel on imite le cri des oiseaux et des mammifères pour les attirer.Becs et ongles de volatiles enjoués, sans peur et sans gêne interprétation, libre, au fil de l'imagination fertile de la chanteuse....Mimétisme animal bienvenu, subtil et de bon aloi! Un instrumentarium de régal pour une petite cuisine déstructurée d'un gout gouteux!
A Purcell à présent d'être savamment manipulé pour une ode aux glaciales vocalises saccadées d'une femme en émoi:ambiance étrange à souhait pour ces sursauts vocaux, souffles de l'air froid, voix de haute contre féminine dégenrée de toute beauté!Succède au "Jardin des délices" clin d'oeil à Jérôme Bosch pour cette création in situ durant leur résidence strasbourgeoise.Des échos lointains magnifient la voix que l'on savoure, déguste sans modération aux côtés des grincements, déraillements du violoncelle de Valentin Ceccaldi, frottements des cordes: la pomme d'Adam frémit, vibre et sursaute pour cette confession païenne, messe-basse en chuchotements. Un univers monstrueux, voluptueux pour mieux pécher en sourdine, en cachette dans ce confessionnal provocateur, jouissif.Une lente marche ascensionnelle aérienne, sonore pour illustrer cette montée aux enfers ou descente au purgatoire du jazz.Désir, tu nous tiens! Suit un hommage à un ami trop tôt disparu, Pascal ....Tel un oiseau pris au piège, Leila chante sa douleur qui n'a rien de triste et partage dans une intimité poreuse, les sentiments d'amour, de tendresse: une pièce toute fraiche écrite pour cette chanteuse émouvante, malicieuse, mutine: nos deux baladins, ménestrels du free jazz très contemporain, chanson jazz française au poing, ménestrels ou troubadours de la poésie musicale, sonore.Inclassables trublions de la composition, de la partition inspirée de leurs émotions à vif.Comme un piaf chantant sa fratrie au petit jour, ses "coucou" comme des échos joyeux à la perte, disparition prématurée d'un être cher...On compatit, cum-patio naturelle à ce chagrin partagé pudiquement.A Manuel De Falla de passer au tamis de l'imagination musicale de ces deux escogriffes et en rappel une chanson, où ils se révèlent complices tendres et attentionnés, hommage à ce "pin vert" évoqué dans le texte espagnol, très amplifié dans une chambre close d'écho. Vous reprendrez bien encore un petit Beatles et une bonne dose de diction parfaite d'anglais avant la fin du concert annoncée.
Nichée au coeur de la Roberstau, la salle d'Apollonia vibre et frémit, s'enchante et se rit des cordes qui ne pleuvent pas sur ce duo, véritable petit laboratoire sonore, atelier prolixe et fertile, fil prodigue et prodige du jazz libre! La voie est libre pour cette formation inédite: à deux c'est toujours mieux...
A L'espace Apollonia le 11 Novembre dans le cadre du festival JAZZDOR
Valentin Ceccaldi violoncelle
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