Il est à croire que Thomas Lebrun s’est senti pousser des ailes. Selon les propres mots du chorégraphe, ornithologue à ses heures, … de bon augure a été pensé comme : « un divertissement, au sens noble du terme, une proposition qui transporte et apaise, qui allie technicité et rêverie, puissance et fragilité… ». Une poétique célébration de la diversité.
Dans …de bon augure,
pas de politique de l’autruche ni de miroir aux alouettes, encore moins
de corbeau ! Pas d’oiseau de malheur ni de chant du cygne quoi que…
Tournant le dos à tous ces aspects, la pièce de Thomas Lebrun
s’intéresse à un autre état : être gai comme un pinson, c’est chouette !
Le corps vêtu d’imprimés aux motifs colorés, parfois même paré de
quelques plumes, les interprètes mènent les danses de solis en quatuors.
Tour à tour simples et savants, drôles et légers, leurs gestes
s’emparent de la trame musicale et voyageuse imaginée par le
chorégraphe. Montage varié qui va : « Du chant des oiseaux de Janequin au Rappel des oiseaux de Rameau, des notes suspendues des Petites esquisses d’oiseaux de Messiaen au Coucouroucoucou Paloma de Nana Mouskouri, en passant par la légèreté de L’oiseau bleu de Lys Gauty. En tout, quinze morceaux musicaux de différentes époques et styles, du Moyen Âge à nos jours.
Abstraite, l’écriture du chorégraphe a gardé l’empreinte d’un fort
rapport à la musique mêlant sensibilité et rigueur de l’analyse. On la
retrouve ici, dans cette façon particulière de rendre hommage à la
diversité à travers ses deux passions, la danse et les oiseaux, «
ménageant des assemblages inédits dans la composition ciselée ou
instantanée des partitions chorégraphiques ».
A tire d'ailes. Un oiseau de nuit, rare quand l'un des paons danse, le flamand ose...
Une silhouette qui se découpe sur fond de tondo aux couleurs d'automne, l'oscillation d'un corps au lointain....L'ambiance est douce et reposée, calme et voluptueuse. La danse de Thomas Lebrun est épure, distinction, ornement et la thématique des oiseaux lui offre tout un panel de registres qu'il creuse, approfondit à l'envi: envergure des bras qui évoquent l'envol, parure et ramage des costumes bigarrés, veinés de gris, très seyants, justaucorps et tunique large. Balade des mains, des doigts écarquillés, des épaules rehaussées et un style multidirectionnel des nuques, têtes et autres membres voués au mouvement total... Ça picore dans les sillons de la musique, ça pépie en staccato, saccades ou vagues successives très bien orchestrées en canon. La danse est musique, composition et partition des corps, prise de l'espace, tantôt en quatuor, duo ou solo qui s'enchainent, tuilés d'une formation à une autre, les tableaux se succédant dans une harmonie évidente. Thomas Lebrun nous offre sa signature dans un bref solo aux multiples facettes, relâchés et tensions au service d'un velouté touchant à l'épure. La grâce est naturelle et fascinante le temps d'un solo, "mort du cygne" dansée de dos, nu et fascinante. Deux oiseaux dévoreurs d'espace font irruption dans cette cage dorée, échappée belle de gestes vrillés, explorant les niveaux spatiaux de chacun. La sensualité déborde dans une scène pleine de lenteur savoureuse sur une musique de Grieg, apprivoisée. Dompteur, oiseleur ou dresseur de mouvements, le chorégraphe excelle dans l'évocation pudique et discrète de la gente plumée. Des oiseaux dessinés à même les collants et vêtements augurent du chatoiement de la gestuelle: les abattis en mesure, les ailes déployées qui caressent l'air, sur demi-pointes, de profil.... Vol d'oiseaux dans une atmosphère de nuages pastel pour un quatuor de sculptures mouvantes dans le silence. Un martin-pêcheur issu de la mélodie française, bijou de dissonance, de mesures surprenantes et de tonalités imprévisibles succède à un solo destroy en maillot de bain et chaussettes, oiseau de bonheur, fleur bleue à souhait. Et les saynètes de se succéder, très contrastées jusqu'à faire apparaitre le spectre bien incarné de Nana Mouskouri et ses colombes blanches, entourée de deux gigolos à fleurs en bikini. Désuet, désopilant, kitsch sans jamais caricaturer ni offenser son sujet. Encore un très beau solo le long d'un tapis vert, ou pigeon vole et s'envole gracieusement, les gestes étirés... Avant de clore sur le manège d'un quatuor qui dessine ses fresques et frises à la grecque, en marche lente. Bras en couronne, profils singuliers. Tout s'efface dans la pénombre, les silhouettes mouvantes sur fond de stries de lumières très picturales. Françoise Michel aux commandes de cette scénographie-lumières de toute beauté. Et la musique issue d'un répertoire très fouillé, variée, en osmose avec l'écriture ciselée de Thomas Lebrun qui "varie" les genres dans un joli charivari sans appeau ni crécelle avec doigté, mesure et un gout du baroque non dissimulé: perle rare et pli selon pli pour magnifier la musicalité des corps de ses interprètes rompus à sa "griffe" d'aigle affutée.
A Pôle Sud le 16 et le 17 Novembre
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