En une même soirée, le prestigieux Ballet national du Portugal présente un double plateau avec des chorégraphes de premier plan : Tânia Carvalho et Marco da Silva Ferreira.
Tânia Carvalho - S comme Sylphides ressuscitées!La "nature morte" dansée, réactivée!
S'il fallait parler de "nature morte" en danse, voici un genre ici développé très contemporain, à la manière de la peinture: utiliser un vocabulaire, une grammaire et un répertoire classique pour créer aujourd'hui du neuf, de l'inédit, du jamais vu! La Sylphide sort du bois, un immense rideau de scène de Riu Vasconcelos, forêt non romantique, dessinée, magnifique ambiance grisonnante de végétal.Magie du lieu où apparaissent trois elfes évanescentes, virginales et diaphanes Sur pointes, virevoltant mais pas cassés, chassés , danse tronquée et métamorphosée par un savant détricotage à la Forsythe, Jan Fabre ou Karole Armitage...Les compagnons de ces sylphes , hommes-princes aux collants moulants, sans coque et chemises romantiques bouffantes, gonflées, enflées par les couronnes et ouvertures du corps, académiques mais déréglées et déconcertantes... C'est d'un effet très réussi, calculé, maitrisé et notre maitre à danser y inclut rapidement des effigies de noir vêtues, collant moulant, justaucorps tendus, fendus aux épaules dénudées, quasi Cunninghamiens.Croisements savants et géométriques d'un corps de ballet déstructuré à l'envi, iconoclaste représentation inspirée d'un classique ballet romantique démantibulé. La danse y perd ses repères, son caractère pour des lignes droites, cassées, angulaires, des pieds flexs et tout un remue ménage de grammaire lexicale à la syntaxe désarticulée. On suit les péripéties du ballet à la narration qui courre à toute jambe au delà des conventions et ravit par son charme, son audace et sa créativité. La Sylphide revue et corrigée, exhumée, réenchantée, pas "morte" du tout, le drame désactivé et les rouages du ballet romantique désamorcés! Totale réussite envoutante..."S" comme sylvestre et animale, hors du temps, bousculant l'Histoire de Terpsichore pour mieux reconnaitre son actualité! Tutus longs et pointes acerbes, piétinements et tremblements sur place des jambes,saccadés à reculons comme un opus commémoratif bien vivant!
Porteuse d’un imaginaire baroque, Tânia Carvalho développe depuis vingt-cinq ans un langage scénique très expressif dans lequel la danse enlace d’autres disciplines artistiques, notamment le théâtre, les arts visuels et la musique. Tout en subtiles sinuosités, sa pièce S agrège plusieurs styles et symboles en un ensemble aussi contrasté qu’harmonieux.
Marco da Silva Ferreira - Corpos de Baile: un maelstrom de l'urgence!
Du tonus, encore du punch et surtout de l'énergie sur le plateau pour les danseurs infatigables athlètes performants du ballet du Portugal! C'est impressionnant et contagieux, cette marée de mouvements, à l'unisson ou isolés, en groupe compacte ou en duos...Une composition stricte et ordonnée pour un grand déballage joyeux de gestes, de tours, de déplacements ou jamais ne se heurtent les tourbillonnants électrons libres lâchés dans l'espace...La percussionniste Valentina Magaletti aux instruments percussifs, accompagnant d'arrache-pied ces zombies du rythme effréné, percussif , ébranlant l'espace et le temps avec virtuosité, acharnement ininterrompu et opiniâtreté! L'effet est hypnotique, exhalant, essouflant pour celui qui regarde tant de dépense et de "perte" d'énergie sur scène. Regarder l'autre "travailler"et jouir de son enthousiasme est un régal avoué et revendiqué par les spectateurs hallucinés par tant de générosité et une si belle technique au service d'un art unique: la danse de rue, autant que le chaos de la cité urbaine évoquée dans ce maelstrom de performance .Breakers en jambe et battles au menu de cette ode à la fougue et à l'enthousiasme, transporteur d'empathie!
Découvert au début des années 2010, Marco da Silva Ferreira explore un univers chorégraphique hybride, à forte tonicité, traversé en particulier par les cultures urbaines. Avec Corpos de Baile, il donne forme à une intense constellation chaotique au sein de laquelle s’affirme, sous les pulsations hypnotiques de la remarquable percussionniste Valentina Magaletti, toute la force de soulèvement du corps humain - et du corps collectif.
Au 104 en partenariat avec le Théâtre de la Ville hors les murs jusqu'au 30 0ctobre.
S / Corpos de Baile
27 > 30.10.2022
avec le Théâtre de la Ville
dans le cadre de la saison France-Portugal
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