vendredi 21 juillet 2023

"Les Hivernales" dans le Festival Off d'Avignon 2023: On (y) danse aussi l'été : un bon cru, un voyage inédit au coeur de la création contemporaine, hybride en diable !

 


Aux Hivernales - CDCN d'Avignon
10 ─ 20 juillet (relâche le 15)


10 h : "Clashes Licking" de Catol Teixeira (à partir du 11)

Habité par les fantômes de sa mémoire, du Brésil ou d’une histoire de la danse, autant que par la figure du Faune de Nijinski, Catol Teixeira propose une danse chargée comme une caisse de résonance de souvenirs aussi doux que traumatiques. Avec toute son étrangeté, Catol Teixeira cherche un chemin vers le terrain mystérieux qu’est la mémoire portée par le corps, objet et sujet, tout en se confrontant aux corps des autres, prêt à accueillir leur regard et à le dépasser. Catol envoie valser les normes de beauté, d’identité et de contrôle pour laisser place à la Danse.

Voltige comme dans la chanson de Bashung "Madame rêve" pour une apparition discrète et sobre de Catol qui vibre instantanément à chaque geste et fait sourdre utopie, érotisme et charge émotionnelle d'emblée. Cette courte performance est onirique, appartient au monde de l'air et de l'éther. Nous plongeant dans des abimes de sensualité, l'oeil complice, le regard tendre tel celui de de Edi Dubien sur la jeunesse androgyne des êtres humains.Une proposition qui ravit, rapte,captive et emporte, capturant les sens dessous-dessus avec grâce et volupté.


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11 h 40 : Infinité d'Yvann Alexandre

Yvann Alexandre fête trente années de création par-delà les scènes nationales et internationales. Le duo Infinité nous invite à un voyage en abstraction. Un duo certes, mais 4 interprètes (6 combinaisons possibles et chaque jour différentes) qui jouent avec une multitude d’espaces, les envahissent, débordent du cadre et donnent à vivre une infinité de mondes nouveaux. Des mondes poétiques qui s’ouvrent à chaque pas, et qui dessinent des lignes et des paysages d’êtres et de corps. L’écriture forte et incisive d’Yvann Alexandre révèle une danse élégante et très précise qui s’organise comme une calligraphie de l’intime.

Duo aux multiples entrées et sorties de lectures, charnelles, jouissives et tendres La danse fluide transparait, se fait infinie démonstration de gestes longilignes, imperceptibles sensations de peau, de glissement, de sobriété. Quatre danseurs se fondent et se confondent en miroir, en écho pour une traversée sans faille dans un monde poétique. Une infinité de propositions se succèdent dans un rythme où le souffle et la respiration invitent à la concentration, la méditation.Intime, extime lieu et endroit d'une atmosphère recueillie et sensible. 



13 h 15 : ‘Asmanti [Midi-Minuit] de Marina Gomes | Hylel

À la frontière de la danse hip-hop et du théâtre, cette jeune compagnie nous entraîne dans une immersion aux accents de vécu. 'Asmanti, qui signifie « mon ciment » en arabe, interroge le rapport aux quartiers populaires. Originaire du Grand Mirail à Toulouse et implantée dans les quartiers nord de Marseille, Marina Gomes partage, dans ce premier projet, sa vision de la cité, toute en ambivalence, entre attachement et empêchement. Dans une fresque esthétique, pensée à la manière d’un plan séquence de midi à minuit, la chorégraphe porte un regard singulier sur la banlieue, à la fois prison de bitume, terrain de jeu et d’expérimentation, moment de joie et foyer social.

Ils sont animés d'un punch, d'une verve effrontée et salvatrice qui va droit au coeur et bouleverse les apriori sur la danse hip-hop. Alors on leur rend grâce et ce courage, ce culot joyeusement affiché donne la niaque et l'espoir de s'en sortir de cette morosité ambiante, de cette vision pessimiste du monde englouti. Ils surgissent, jaillissent à l'envi, dansent sans s'épargner ni économiser le moindre geste communicant. Bel exemple de soulèvement, de résistance et d'éclaboussure de danse plein les semelles des souliers, plein les poches et plein l'esprit de citadin ancré dans son macadam. Danse cité, densité et revendication d'identité au poing.

 

 



15 h 10 : Royaume de Hamid Ben Mahi | Compagnie Hors Série

Dans cette pièce hip-hop, croisant danses et témoignages, six femmes prennent la parole pour dénoncer notre système patriarcal et dansent la sororité. Une chorégraphie dans laquelle les éclats de voix intimes et sincères des danseuses, d'âges et de parcours variés, disent l’universel pendant que leurs gestes invitent à la poésie. Elles font état d'un vécu tout en montrant la part de force et de vulnérabilité qui les constitue et qui les fait avancer. Plus de 20 ans de création pour Hamid Ben Mahi qui, dans ce nouvel opus, propose que ce Royaume soit une démocratie où la parole est reine.

Les femmes au ban de la société, les femmes plus belles les unes que les autres dansent leurs charges mentales, leurs douleurs, leurs questionnements et se racontent une par une ou toutes ensemble, au coeur d'un gynécée drôle ou cercle de tragédie. Dans cette Agora, la répro-cité est ce royaume où les femmes sont reine et les tiennes ces rênes , celle de la paroles, du lien, de la création. Harnachement de combattantes, amazones tendres et victorieuses.Fières, déterminées, timides ou révoltées, les voici comme un paysage bigarré où vibrent toutes sortes humanités, de destins. Belle pièce fouillée et interprétée par les unes, les autres avec véracité et conviction.


17 h 20 : Nice Trip de Mathieu Desseigne-Ravel et Michel Schweizer | Naïf Production et La Coma  de

Dans le précédent épisode, Bâtards, il était question des frontières à travers l’histoire du fil barbelé. Dans Nice trip, à travers le regard d’un adolescent, il est question des limites des territoires plus aptes à contrarier les mobilités des personnes que celles des capitaux. Entre le mot et le geste, entre suggestion et dérision, cette nouvelle création interroge les 40 000 km de murs-frontières, en se demandant avec humour et une pointe de cynisme si nous ne serions pas en train d’en devenir nous-mêmes les gardien·ne·s dévoué·e·s.

Une conférence dansée de plus? Non, un manifeste éclairé aux entrées multiples ou les deux complices protagonistes fouillent le sens des barrières, la matière première du fil barbelé avec intelligence et opportunité. Franchir un enclos ou sublimer la frontière, s'évader, abolir les murs et la bêtise ambiante qui sidère le monde géo-politique. Tout un chapitre à creuser au sortir de ce spectacle où la danse est enfermement du corps ligoté, astreint, soumis, enfermé. La danse de Mathieu étayant les propos de Michel, maitre de cérémonie, menant le jeu, le débat avec préciosité et respect du aux propos fort édifiants. On en redemande.....


 19H 15: SIMPLE de Ayelen Parolin (jusqu'au 19)

À partir d’un vocabulaire chorégraphique volontairement restreint, économe, Ayelen Parolin lance trois interprètes dans un étonnant jeu de rythme et de construction, à la fois répétitif et toujours mouvant, sans cesse redistribué, restructuré, ré-envisagé.Un jeu dont l’inachevé et le recommencement seraient les règles de base. Un jeu-labyrinthe.Un jeu musical… sans musique.Car dans SIMPLE, la chorégraphe s’est privée d’un de ses principaux partenaires de jeu. Et comme la musique n’est pas au rendez-vous, c’est aux corps qu’elle embarque sur scène de l’inventer, de l’imaginer, de la jouer. À la recherche d’une pulsation vitale. À trois, en complicité, en connivence. Avec la puissance et la sincérité profondément humaine de l’idiot, du naïf, de l’enfant – là où tout est (encore) possible, de l’insensé à l’onirique.

Comme un règlement de compte à Merce Cunningham, le trio affiche une danse très technique, pleine d'humour, de mimiques drolatiques, pleine de distanciation. Les couleurs du fond de scène, des justaucorps pourraient être de Rauschenberg, peu importe d'ailleurs, l'humour joue et gagne, les apparitions-disparitions se succèdent haut la main, le rythme est tenu alors que peu de matière est en jeu. C'est la magie des interprètes, excellents danseurs-comédiens dirigés par Ayelen Parolin qui fait le reste. Et c'est un travail d'orfèvre qui se déroule à l'envi sans tambour ni trompette mais dans un ravissement-divertissement plein de musicalité, de percussions corporelles des pieds, entêtantes et redondantes, obsédantes. De quoi bénéficier de tonalités, vibrations et mesures rythmiques, cadence et métronomie infernale.

 



21 h 15 : HEAR EYES MOVE - Dances with Ligeti de Elisabeth Schilling 

Dans cette pièce pour 5 interprètes, la chorégraphe luxembourgeoise Elisabeth Schilling explore la relation de la danse à la musique en s'appuyant sur les Études pour piano du compositeur hongrois György Ligeti. Corps et musique s’entremêlent, s’entrelacent, se rapprochent, s’éloignent, collaborent, se repoussent tout en jouant leurs propres partitions.

Ligeti aux anges comme une musique "à ne pas danser" qui se révèle dans sa complexité à être un trésor de composition chorégraphique originale. Le pari est osé pour celle qui déceler entre les notes et les martellements furieux du piano, les lignes de fuite, les fugues, les échappées possibles et salutaire de ce piano percussif à souhait. On regrette simplement l'absente d'un artiste au piano qui aurait su accompagner les danseurs au plus profond d'une interprétation insitu, "sur mesure" à la démesure de la danse.

Programmation "hors les murs"

> à l'Atelier - La Manutention
10 ─ 20 juillet (relâche le 15)



11 h 05 : DOS de Delgado Fuchs 

DOS, qui aurait pu s'appeler LOVEBIRDS ou LOS DOS FANTASTICOS, explore la nécessité du lien et fait du corps le territoire de la relation. La scène devient un ring d’observation où les deux artistes jouent avec leurs corps dissonants dans un assemblage de combinaisons décalées : il arrive qu’ils se touchent, se caressent dans une candeur fraternelle. Ils ne parlent pas mais fredonnent une langue inarticulée. Les Delgado Fuchs reviennent à Avignon après les succès de Manteau long… (2009, à L’Atelier) et de Nirvana (2019, à La Collection Lambert) dans le cadre de la SCH – Sélection suisse en Avignon et déplacent leur binôme habituel pour un nouveau tandem entre Marco Delgado, danseur, et Valentin Pythoud, porteur acrobate.

Encore un duo d'hommes décapant, singulier et hors norme où les corps sportifs, athlétiques forment des édifices  singuliers, prennent des postures, attitudes en ronde bosse que l'on souhaiterait contempler plus longuement. C'est drôle, grinçant, ludique: les bestioles à deux dos, les êtres hybrides se métamorphosent et se jouent des apparences avec brio.Avec sérénité ces deux pince sans rire s'adonnent à des acrobaties qui frisent le risque, la pudeur et se jouent du qu'en dira-t-on avec bonheur, audace et conviction.



14 h 30 : Polémique (recherche d'une pédagogie du conflit) deNaif Production

C’est une discussion agitée entre deux corps. Visiblement, ils semblent insatisfaits de leur état d’isolement. À les voir se jeter l’un sur l’autre avec une étrange violence raisonnée, on se doute que quelque chose a été perdu. La nostalgie de l’accord peut-être ? L’extrême précision avec laquelle s’expriment leurs désaccords, dont l’absurde raffinement frôle souvent la virtuosité, cache mal une certaine fébrilité. À quoi peut bien mener cette patience infinie, cette lente pédagogie qu’ils déploient dans leur tentative de ne jamais laisser se résoudre le conflit ?

Duo, cette forme si prolixe durant ce festival, est reprise pour une lente ascension dans l'intimité dévoilée de deux êtres qui se découvrent.Le conflit se dessine, se développe au fur et à mesure trahissant une volonté d'affrontement des corps, de violence, de détermination, d'exercice du pouvoir... Les corps entremêlent, créant des architectures tectoniques étranges, des paysages fugaces au service d'une géologie des corps stratèges de leur protocole. Poétique autant que polémique, protéiforme et jouant sur le fil de l’ambiguïté toujours.l

Belle pêche, bonne pioche dans le Festival Off d'Avignon 2023 : la danse toujours et en corps.

 A la Manufacture, trois spectacles au programme entre autres pour un petit panorama de la danse hip-hop et un opus décapant signé Hillel Kogan


"Thisispain" de Hillel Kogan

Après le succès international de We Love Arabs, Hillel Kogan revient à Avignon et se présente avec son nouveau spectacle THISISPAIN, en touriste issu de la danse contemporaine israélienne qui visite l’univers du flamenco. Dans un duo provocateur et humoristique avec Mijal Natan – danseuse de flamenco, ils confrontent leur monde respectif et abordent la danse non seulement comme un langage artistique mais aussi comme un lieu de débat riche en construction de sens sur la société. Un dialogue subtil entre genre, culture et identité qui nous renvoie à cette phrase de la théoricienne de la pensée queer Judith Butler « l’identité n’est pas une essence mais une performance. »

On en sort plus "intelligent", plus à même d'apprécier une fois de plus la verve, le verbe et les propos de Hillel Kogan sur le monde, notre rapport à l'identité, la différence, l'autre dans son altérité. Ils sont deux sur le plateau dans cette "souffrance" ce "pain" gravé en fond de scène qui bientôt deviendra l'Espagne rêvée ou douloureuse, porteuse de légende et de souffrance.Du flamenco bien sur au menu, belle prestation précise de Mijal Natan qui accompagne le chorégraphe-conférencier de ses frappements et autres démesures rythmiques légendaires. Du discours, il y en a : bref, humoristique, décalé et juste. Comme à son habitude Kogan se fait dérisoire caricature et miroir de lui-même et de ses pairs. Sa confession juive, son pays, les frontières à saute mouton et la poésie sonore de l'accent ou de la langue espagnole. Tout est dit dans ce manifeste dansé-parlé avec rudesse sans complaisance, décalé et toujours d'actualité. Performance où les accessoires ont un rôle précis et signifiants: les robes à froufrou et multiples plis et replis se font parures et parodie de costumes folkloriques. Un taureau à la Picasso, des références au maitre du cubisme, tout est joyeux et grave à la fois: Carmen est convoquée bien sur: un opéra espagnol par un français bon tain, Bizet fait office de machine à remonter le temps et le rythme. Du bel ouvrage pour "inter-ligerer" les genres, les époques et tenir un discours corporel édifiant, lucide et plein d'audace.


"Fibram" de la compagnie Chriki'z

fiBraM convoque au plateau 2 danseurs, 1 soprano et 1 joueur de Oud pour un quatuor virtuose, sensible et poignant. Des ampoules suspendues guident leur chemin dans un voyage où les langages se mêlent. Les chants classiques latins viennent rencontrer la langue arabe. Un quatuor qui convoque ceux qui ensemble, pourrait-on penser, dissonent. La complicité des corps, des sonorités arabo-andalouses et d’un chant lyrique qui fusionnent pour un voyage au-delà du tangible.

Du chant, de la danse pour un quatuor virtuose qui tisse des passerelles entre musique vivante et danse vibrante. Les rencontres de corps opèrent , le hip-hop fait sa mutation, chrysalide en gestation qui éclot au fur et à mesure et se libère des codes. Amine Boussa et Jeanne Azoulay en maitre de cérémonie parviennent à construire un monde solide et transversal où chacun se répond, s'observe et émet son et gestes au plus près de l'émotion. Joueur de oud, chanteuse et danseurs dans un quatuor, trèfle à quatre feuilles soudé, libérant un souffle novateur sur le métissage des genres.


"Motion" de Brahim Bouchelaghem

Dans cette pièce chorégraphique hip hop pour 9 bboys et bgirl créée à l’origine pour des danseurs ukrainiens à Kiev au Théâtre d’Opérette, Brahim Bouchelaghem associe l’énergie stupéfiante du breaking (danse hip hop, nouvelle discipline des Jeux Olympiques Paris 2024) et la poésie qui lui est propre. Les nouveaux interprètes franco-belges, tous issus du monde des battles nationaux et internationaux investissent un terrain de jeu restreint, un carré blanc de 7 mètres sur 7 mètres parcouru de projections vidéo réalisées par Monsieur Nuage créant des espaces graphiques en perpétuelle évolution évoquant les écrans numériques contemporains.Ainsi, Brahim Bouchelaghem fait défiler les mouvements, le temps du jeu, sur une musique de R.ROO aka Andrey Rugaroo, compositeur ukrainien. L’espace de plus d’une heure les danseurs vont écrire leur film en mouvements et transmettre leur énergie dans cette aire de jeu.Une métaphore habile et envoûtante de la danse actuelle.

Quelle énergie déployée une heure durant pour ce collectif, meute, horde savamment agencée pour produire le meilleur de l'écriture dynamique de Brahim Bouchelaghem. Des unissons précises, des marches en danse très rythmées, de la dépense, de la perte à foison pour ce groupe soudé où quelques échappées belles donnent à chacun un espace d'expression et de gestuelle propre. Ça tourne à plein gaz, à fond et on en perd pied à perdre haleine tant tout passe en rémanence sous notre regard hypnotisé. L'écriture hip-hop revisitée, précise et pertinente nous entraine dans un univers urbain implacable Les bandes de lumière défilant au sol comme autant de plages, d'endroits glissants, éphémères pour ne jamais se figer au sol. Graphisme ludique, lumineux, passages à niveau, passasges cloutés à traverser sans modération ni limitation de vitesse. Cross road move....movie !



"Phénix" de Mourad Merzouki compagnie Kafig à la Factory théâtre de l'Oulle

" Cette pièce bouscule une nouvelle fois les codes entre musiciens et danseurs.
Phénix est né d’une rencontre inattendue et singulière entre la viole de gambe et la danse, où quatre danseurs dialoguent avec cet instrument à cordes très en vogue au XVIIe siècle. Au plateau, les artistes évoluent également sur des musiques électro additionnelles d’Arandel pour renforcer la puissance de cette association inattendue.Poursuivant ma démarche d’ouverture et de confrontation entre
les esthétiques, j’ai voulu réunir des disciplines que tout oppose, pour créer une forme légère et singulière. Dans une ambiance intimiste, les artistes croisent leurs univers pour présenter une pièce inédite, sublimée par leur alchimie ! " Mourad Merzouki 

Un bel exemple de réussite de métissage culturel, ethnique et chorégraphique que cet opus débridé où le hip hop dérange et côtoie le violoncelle avec autorité, respect et inventivité.Il faut les voir arpenter la scène sans gêner cette petite estrade mobile où se niche la musicienne quelque peu "statique" parmi cette population mouvante. Chaise à porteur ou trône majestueux qui rend la scénographie lisible et performante Le plateau se peuple au fur et à mesure des évolutions des danseurs autour de Garance Boizot.au violoncelle.Association inattendue qui fait mouche et catapulte la chorégraphie dans un cosmos sonore très opérant.


"Ustium" de Hubert Petit Phar à la Chapelle du Verbe Incarné

Ustium est une pièce traitant de la lutte des consciences. Une recherche liée à des questionnements sur la masculinité dans les Antilles, sur la représentation du corps noir, ses stigmatisations et préjugés.Une pièce impulsée par une recherche sur les danses LGBT, dans un clair-obscur, pour nous plonger dans des lieux clandestins, des huis clos étouffants et libérateurs.Fatalisme, déterminisme, humanisme, c’est ce rapport aux autres qu’interroge le chorégraphe.
Cette création d’Hubert Petit-Phar ouvre un nouveau cycle sur sa recherche nourrie par des thèmes forts : la mort, le sens de la vie et la liberté.

Un trio pétri de sensibilité, de vérité et d'intensité pour incarner la force de la vie, les caractères, les différences entre chacun d'entre nous. La danse est limpide, le message clairvoyant.Trois personnages bien vivants, dansant et pertinents de musicalité. L'ambiance n'est pas toujours sereine pour eux aux destins croisés de fortune. Les rencontres sont hasardeuses mais aussi prometteuses d'acceptation de l'autre. Tous semblables, tous différents, alors les regarder c'est aussi apprendre à les connaitre, les reconnaitre et les considérer!


"Le bestiaire de Madame Arthur" au Théâtre du Roi René

Madame Arthur, cabaret mythique parisien, aspire à convertir le monde à son culte travesti. Créé en 1946, des artistes tels que Bambi, Coccinelle ou Serge Gainsbourg ont fait les belles heures de ce cabaret où a toujours existé un vent de liberté artistique. Ce lieu a continué de séduire nombre d’artistes de tous horizons et est devenu aujourd’hui une référence artistique qui crée le trouble entre les genres et libère la création autour de la musique en français. Cinq artistes du cabaret - Androkill, Charly Voodoo, Diamanda Callas, Lola Dragoness Von Flame et Tony Blanquette feront d’Avignon leur terrain de jeu, sous la direction artistique de Clara Brajtman. Préparez vous à un spectacle, créé pour l'occasion, dans lequel ils oscilleront du profane au sacré, du caricatural au sérieux, du commun à l'extraordinaire. 

Des bêtes de scène pour un bestiaire coquin, malin, mené de main de maitre par un dompteur de cérémonie digne de Cabaret de Bob Fosse ! C'est un festival de costumes, de strass et de paillettes très rythmé qui laisse s'épancher les corps, délie les langues et laisse place à des interprétations de chansons mythiques impressionnantes.Magie d'une mise en scène cocasse o^les saynètes et sketchs s'enchainent à foison. Un opus qui décape les conventions et idées reçues tout en gardant une esthétique traditionnelle du cabaret travesti de Madame Arthur de la rue des Martyrs à Montmartre. Car si "martyr" signifie "travail" voici du bel ouvrage de Dames qui se dévore sans modération.Les interprètes, proches du public en délire au top de la grâce et de l'émotion. Du grand art artifice et feu d'artefact pour une salle enthousiaste invité à danser à l'issue de la prestation de charme nostalgique.


"Flow" de Liu I-Ling et LIN TingSyu à la Condition des Soies

FLOW interroge la façon dont, à l’ère de l’accélération de l’information et du melting-pot culturel, aspirés par le tourbillon de l’époque, nous parvenons ou non à formuler des choix conscients. Plongés dans un environnement saturé d’images racoleuses et d’informations sensationnalistes, à la bande-son poussée à plein volume, peut-on encore en tant qu’individus, uniques par définition, préserver nos croyances spirituelles, nos convictions et points de vue personnels, nos propres valeurs ? Le spectacle est formé de deux grands volets : …and, or… et The Subsiding World. Le premier étend à la danse des réflexions sur l’articulation entre le système dans lequel nous vivons et nos choix personnels. Le second se focalise sur le sens de l’existence individuelle dans la société contemporaine : la société étant ce qu’elle est, vaut-il mieux se laisser porter inconsciemment par le courant ou au contraire aiguiser sa conscience pour mieux en suivre le fil. 

Bel exemple de lyrisme chorégraphique que ces deux opus extrêmement bien dansés sur le fil de l'imagination des deux  chorégraphes très inspirés par les interprètes. Portés, sauts, duos de charme, mouvement de groupe sidérants d'exactitude et de technicité. Des jeunes virtuoses au service d' une écriture sobre et passionnée . Les corps épris de musicalité se plient sans céder, épousent les contours musicaux rarissimes mais convaincants. Un panel original de l'écriture chorégraphique à Taiwan


"La Belle Scène Saint Denis" au Festival Off d'Avignon 2023; trois programmes, neuf propositions pour accompagner des artistes protéiformes talentueux....

 


LA BELLE SCÈNE SAINT-DENIS
 du mardi 11 au jeudi 20 juillet 
 à La Parenthèse, 18 rue des études, Avignon 
Une programmation du Théâtre Louis Aragon 
 Scène conventionnée d'intérêt national - Art et création > danse 
en collaboration avec Danse Dense - Pôle d'accompagnement pour l'émergence chorégraphique

PROGRAMME DANSE #1 > DU MARDI 11 AU SAMEDI 15 JUILLET, 10H (durée 1h30)


Aïcha M'Barek & Hafiz Dhaou • "Aristide et Bastien"
Si ce duo porte le prénom de ses interprètes, c’est que la question du « deux », déjà présente précédemment chez les chorégraphes avec Toi & moi et D’eux, trouve ici une nouvelle résolution. Avec ces danseurs hip hop, leur écriture en spirales de bras et en transe obsessionnelle se confronte à une nouvelle énergie. Celle de la rencontre entre ces deux personnalités, fine et poétique, et de leur puissant rapport à la gravité. Dès lors s’installe une belle vibration, dans le double et dans le trouble.

Le duo s'installe peu à peu dans une énergie propre au hip-hop: stable, puissante mais aussi inventive et débridée. On y décèle un désir de transcender ce langage, d'amplifier les nuances, de transformer les codes rabâchés pour en extraire vivacité, virevoltes et contrattaques salutaires. Les deux danseurs face au public prouvent ici que la maturité d'un langage les engagent dans un processus de création salvateur et décapant. Un corps à corps où chacun s'expose, se retrouve et danse au delà des frontières.


> Khoudia Touré • "Óró (extrait)"
Construite entre le Sénégal, la France et le Canada, Óró explore comment la danse peut émerger de ce que l’on a à dire, comment la puissance de la parole bouleverse les corps et crée un récit. Les questionnements de la jeunesse issue de ces trois continents irriguent la recherche de Khoudia Touré, chorégraphe franco-sénégalaise bénéficiant du mentorat de Crystal Pite, qui offre ici un langage commun au hip hop, au krump et à la danse contemporaine.

Paroles, gestes, danse pour ce trio métissé où l'énergie d"bordante se maitrise peu à peu et ordonne aux corps de prendre le relais de l'expression parlée. Trio généreux, construit savamment malgré des apparences de désordre, de croisements, de métissage. L'extrait de cette pièce en devenir augure d'un art méticuleux, dosé et qui laisse à chacun la place d'une expression propre et unique.


> Sylvère Lamotte • "Danser la faille - Conférence dansée (extraits)"
Depuis 2012, Sylvère Lamotte mène en parallèle créations et immersions en milieux hospitaliers et de soins. Jusqu’à Tout ce fracas en 2021, où Magali Saby, danseuse en situation de handicap, rejoint son équipe. Cette conférence dansée les réunit de nouveau, dans le désir de partager ce qui les relie en tant que danseurs et en tant qu’humains. Dans un espace sensible entre ligne de faille et ligne de force, ils nous invitent à revoir notre rapport à la fragilité et à l’écho qu’on lui donne. 

Que voici un opus fort réussi où telle une conférence dansée, Sylvère Lamotte nous confie dans la gaité et l'enthousiasme les secrets d'une expérience humaine sur mesure: celle d'une rencontre dansée entre Magali Saby et lui-même, acteur, auteur de duos comme des endroits de danse où le handicap se franchit, se confronte à une réalité physique incontournable: il y a ici un caractère humain et artistique indéniable où la danse en sort grandie, forte, solide mais aussi très touchante dans sa fragilité de l'éphémère. Ce duo, ponctué de commentaires éclairants sur la pratique thérapeutique de Sylvère est une écriture sobre, danse contact et fleur de peau toujours présents, efficaces et émouvants. Les portés sont de toute beauté digne d'un adage de répertoire classique où la danseuse jouit de toute sa dignité, de tout son rayonnement intérieur. Car de sa position assise, la verticalité s'éprouve accompagnée de l'écoute, de la prise à bras le corps de son partenaire, attentif, sensible. Ce duo"fera date dans la longue histoire, le cheminement, les tâtonnements de la considération d'un corps "empêché" confronté à la plus belle expression vitale artistique: la danse. Et Magali Saby comme un ange parcouru de grâce livre un solo performant de toute beauté. Merci pour leur travail qui se regarde sans concession ni compassion mais dans un sentiment d'empathie et de communion sidérant.



 

PROGRAMME DANSE #2 > DU DIMANCHE 16 AU JEUDI 20 JUILLET, 10H (durée 1h30)

 

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Sylvain Riéjou • "Je badine avec l’amour (car tous les hommes sont si imparfaits et si affreux) (travail en cours)"
Sylvain Riéjou lève le voile sur sa toute prochaine création, un quatuor en forme de plongée dans les références culturelles qui l’ont bercé, adolescent, et qui ont construit son regard. Fan du film "Dirty Dancing" cristallisant sa propre impossibilité d’alors à danser et à aimer, il rejoue ici la rencontre et la parade amoureuse du film en parallèle avec le lien chorégraphe / interprète. Un vrai-faux dialogue en adresse directe qui, sous couvert de légèreté, explore en profondeur les relations humaines.

C'est de l'humour nu et cru, une rencontre fertile et animée entre un homme qui se questionne sur son identité et son rapport au marivaudage. L'amour, toujours avec qui on ne badine pas: celui qui anime les grandes figures et références de la comédie musicale entre autre...Alors le dérisoire de situations mimées, reconstruites et revisitées par la danse d'aujourd'hui est désopilant, comique, burlesque et touchant.Accompagné de ses acolytes de toujours, Sylvain Riéjou enchante dans ce divertissements aux accents détachés, détournés où ses compères s'en donnent à coeur joie pour se raconter. Julien Gallée Férré, Clémence Gaillard et Emilie Cornillot en vieux routiers de la scène, présents au chapitre des trublions aux accents de danse-langage des signes ou virelangue à la Prévert, jeu de mots, de gestes, calembours chorégraphiques au menu de ce festin de la drôlerie et du détachement.

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Olga Dukhovnaya • "Hopak - impromptu"
Cet impromptu chorégraphique et musical annonce le travail et la recherche d’Olga Dukhovnaya autour de « Hopak », sa nouvelle création. Pour ce projet, elle vient chercher dans sa culture ukrainienne le vocabulaire des danses folkloriques, dans un processus de recyclage et de distorsion, qu’elle met en parallèle avec des pratiques d’aujourd’hui. Pour l’heure, c’est accompagnée d’un accordéoniste qu’elle livre les premières matières de « Hopak », en écho à sa démarche entamée avec « Swan Lake Solo ».

Elle se livre toute entière à une danse inspirée de son "folklore": frappements de pieds intensifs et omniprésence d'un rythme sempiternel qui ne la quittera pas. En compagnie d'un talentueux accordéoniste qui semble ignorer ses préoccupations, la danseuse se débat pour arracher de son corps cette charge traditionnelle tout en en gardant l'essentiel: rythme, acharnement, volonté de magnifier une énergie débordante.Au final toute son enveloppe se réconcilie avec cette phase de son travail: l'émergence et la résurgence de toute sa peau, d'une écriture engrangée , revisitée à cette occasion pour nous en livrer l'essentiel. Rage, obstination, scansion, cadence répétitive et musique fantaisiste sur des accents parfois de douceur et de berceuse, histoire d'une pause, d'une accalmie. C'est beau et essoufflant, enivrant et empli d'une tension diabolique particulière!

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Paulo Azevedo • "VerTigem"
Reconnu pour son hip hop engagé au sein du groupe Membros, Paulo Azevedo revient avec sa nouvelle compagnie Gente pour nous étonner encore de sa danse qui soulève la rage et la fureur de vivre. Jamais lisse, davantage abrupte, son écriture fouille ici la question du déséquilibre à travers l’expérience de deux danseurs brésiliens. Deux corps en connexion totale, reliés à leur histoire et à leur environnement, en dialogue avec l’urbain et les situations qu’ils traversent. 

Ils sont incroyables tant l'énergie déborde et se transmet entre eux et le public. Force de frappe, conviction et engagement sans concession dans une danse puissante, violente où le sol est un réceptacle tonique à rebonds. Le duo est un échange, un combat, une lutte fraternelle, un corps à corps virulent qui fait "mâle"et occupe l'espace de façon à livrer une esthétique fulgurante où la rémanence répare les failles d'une vision rapide, féroce et volubile des mouvements fugaces.


PROGRAMME DANSE #3 > DU JEUDI 13 AU LUNDI 17 JUILLET, 17H (durée 1h30)
En collaboration avec Danse Dense - Pôle d'accompagnement pour l'émergence chorégraphique


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Chloé Zamboni • "MAGDALÉNA (extrait)"
Les Variations Goldberg de Bach ont été le point de départ chorégraphique et musical de ce duo, invitant à la divagation, à la suspension… L’œuvre, prise dans sa dimension de dialogue, appelle à rechercher ce qui fait lien à soi et lien aux autres, dans un duo d’états sensibles et d’écoute. Sensations propres, voyages intérieurs et connexions de proximité constituent un voyage où l’altérité devient palpable dans un espace en constante vibration.

Ce serait presque des siamoises, des soeurs jumelles , fusionnelles à la statuaire quasi immobile au départ. Les regards lointains, perdus dans des embrassements et prises de corps sensibles.Elles se meuvent à l'envi, tendres et attentives: ce duo questionne aussi la verticalité qui bientôt anime leur rencontre. Les Variations Goldberg leur permettant de mettre en scène cette ascension physique lente, ponctuée de bivouacs salutaires. Corps musicaux parcourus par les vibrations des accents de Bach, solide armature d'une chorégraphie savante et mesurée. Composition ardue et stricte comme la musique de ce grand maitre à danser.



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Castélie Yalombo • "WATER, L’ATTERRÉE DES EAUX VIVES (extrait)"
Chez Castélie Yalombo, le corps est plus que jamais le lieu d’expériences vécues, espace de frictions et de tensions qui dépassent l’individu. Son solo revisite des histoires, des mémoires, des territoires d’ici et d’ailleurs en questionnement avec son devenir-noire. Entre la fluidité de l’eau, la résonance du son et la minéralité de la céramique, son exploration ouvre des perspectives autant imaginaires que profondément ancrées dans la notion d’identité.

Elle se "mouille" littéralement, s'arrose, joue avec l'eau et ses contenants; des sortes de jarre, de sculptures "maison" de terre. Bel édifice d'un paysage désertique où son corps va et vient, le regard étonné, questionnant le spectateur. Sa présence est singulière, énigmatique et révèle u soucis de partage, de communication évident. Castélie Yalombo est authentique, franche et sans détour pour évoquer ce besoin d'eau, vitale et si précieuse au jour d'aujourd'hui. Pour la peau, lisse et porteuse de sensations multiples, pour la place du corps dans ce monde, à cet endroit précis.

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Chloé Beillevaire & Sabina Scarlat •" BALEC (extrait)"Avec un simple accessoire vestimentaire – ici détourné –, deux danseuses inventent un dialogue corps / objet où le jeu offre des échappées vers un discours plus engagé. Assumant l’absurdité de la situation et la figure de bouffonne qui en émerge, les voilà qui explorent les stéréotypes de corps, de genre, ou dissèquent les comportements et idées reçues. La contrainte offerte par l’objet est à la hauteur de leur liberté de ton et de leur physicalité hybride qui se moque des convenances.

Du fil à retordre pour ces deux diables noirs en collant seyants qui s'ingénient à tisser des liens retords avec ce tissus mythique, le collant, souple, étiré, tordu, malmené qui recouvre leurs corps et les initie à des expériences de matière, inédites.En compagnies de sorte de poupées de chiffons gisant au sol, ces deux créatures monstrueuses s'adonnent au plaisir du lien, de la liaison, de la relation tiré-poussé et de toute une panoplie de positions, postures et attitudes burlesques. Le rythme va bon train, le duo fonctionne au quart de tour malgré quelques longueurs ou répétitions.Les accolades, les prises de corps sont de bon aloi et ce divertissement charmeur opère pour un moment ludique et porteur d'originalité. Le mouvement "empêché" ou exploré pour ses qualités élastiques et changeantes. Du bel ouvrage de bas, de masque du corps, de sculptures éphémères de ronde bosse en éternel déplacement.






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jeudi 20 juillet 2023

La Danse dans le Festival IN d'Avignon : Anne Teresa De Keersmaeker, Martine Pisani, Maud Blandel et un collectif pour "Paysages partagés" : un panel subtil d'écritures singulières.


 "Exit Above" Anne Teresa de Keersmarker : le souffle en mouvement.

Avec EXIT ABOVE, Anne Teresa De Keersmaeker remonte le courant de la pop occidentale. À partir de la figure du bluesman afro-américain Robert Johnson, la chorégraphe, la compositrice-interprète Meskerem Mees, le guitariste et producteur Jean-Marie Aerts, et le danseur et guitariste Carlos Garbin nous offrent les joies et les douleurs des musiques qui nous font nous lever. Un univers inattendu pour l’immense chorégraphe belge, créatrice de la compagnie Rosas et de l’école de danse P.A.R.T.S., invitée de nombreuses fois par le Festival et qui nous propose aussi la reprise d’En Atendant cette année au cloître des Célestins… Un mouvement à partir d’une écriture simple qui conquiert dans une originalité enivrante le temps et l’espace, pour une marche à l’opposé des contraintes et des devoirs. Walking songs ou l’union de « Si tu ne peux pas le dire, chante-le » et « Si tu ne peux pas le chanter, danse-le. »

Une pièce qui sublime l'écriture musicale de la chorégraphe, encore à un tournant de son inspiration. C'est toujours une ligne dans l'espace que trace chacun des interprètes que l'on suit comme une rémanence de lumière portée par un corps dansant. Si même un soupçon de figures hip-hop semble ici émaner du corps d'un des interprète, c'est une intention particulière liée au phénomène de la tempête qui l'anime: tourbillon et tumulte, spirale ascendante pour énergie pulsionnelle. La tempête, celle de ce souffle dans un immense voile futile, transparent qui s'agite et semble comme les premières fumées de E.J.Marey, hanter l'atmosphère inquiétante. "Mouvements de l'air, Etienne-Jules Marey (1830-1904), photographe des fluides" ...Une complicité sans doute ou un hasard. Résonance musicale extrême de la danse qui répond à la présence des musiciens sur scène autant danseurs que porteur de leurs instruments. Une pièce où tout bascule à l'envi, se fond et se dilue dans l'air, se répand en autant d'instants magiques suspendus aussi aux silences. Les costumes changent dans un ravissement qui découvre les corps et l'on se prend à pénétrer cet univers de glissements progressifs du plaisir de voir s'accomplir une danse inouïe,qui renverse les corps, allume l'énergie et la fait ruisseler de l'intérieur: de marche en danse pour arpenteur des territoires spirituels inspirés qui font avancer le monde.

 


"Paysages partagés" : promenons nous dans les bois....

En fin d’après-midi et soirée, le temps d’une fin de journée dans la nature en dehors des villes et villages, spectateurs et spectatrices vont arpenter et explorer plaines et forêts à la découverte de sept propositions artistiques et autant de variations sur le paysage. Stefan Kaegi, du collectif Rimini Protokoll et Caroline Barneaud, curatrice, ont invité neuf artistes européens à partager leurs visions du paysage. Sculptures musicales, créations sonores, audio-tour chorégraphique, pique-nique détourné, pièces philosophiques créent une expérience sensorielle collective et participative intense, inventant de nouveaux chemins au cœur des éléments, pour entrer dans le paysage, s’y perdre puis s’y retrouver. Les artistes composent des paysages hors cadre, mettent les sens en éveil, prennent la mesure de l’espace et du temps, cartographient le sensible et l’invisible in situ. Ils et elles interrogent le rapport de l’humain à son environnement et tentent, l’espace d’un moment collectif, de lier nature et culture autrement pour se fondre dans la polyphonie du vivant. Pujaut sera le paysage partagé de ce projet européen.

7 pièces entre champs et forêts comme une invitation à un long parcours de 7 heures au coeur de la garrigue, en petit groupe curieux d'expérimenter toutes sortes de médium au service l'imagination de chacun des artistes convoqués à imaginer un épisode, un bivouac de cette aventure pédestre, diurne, et quasi nocturne.On navigue entre expérience musicale conduite sous casques, entre envolée sidérale au dessus du plateau par la magie de casques simulant le décollage d'un avion... Entre expérience sensorielle d'un immense groupe formé de deux rondes où l'on communique en union libre. Les étapes se succèdent dans la curiosité et l'adhésion du public "suiveur" et docile. Un pique nique extraordinaire en compagnie de Chiara Bersani et Marco D'Agostin en serait un épisode phare: en compagnie d'un danseur polyhandicapé, le chorégraphe nous invite à la cérémonie du thé partagé; les corps complices tentent la position verticale avec succès et l'audace de cette danse thérapie spectaculaire séduit, convainc que les obstacles s'abattent dans des transports en communs amoureux de mouvement et d'enthousiasme.Après la pause collective, c'est dans les vignes que Emilie Rousset en compagnie de ses interprètes livre ses pensées écologiques, perchée au loin sur des branches d'arbre en compagnie d'un animateur de cérémonie débonnaire. La pensée fuse, dénonce les aberrations des politiques internationales sur la sauvegarde de l'environnement.  Alors que fait irruption un tracteur top modèle pour l'agriculture bio des vignes. Un engin hyper sophistiqué où le viticulteur maison expose ses contradictions et paradoxes Quant au vol des alouette disparues de nos haies, c'est à la spécialiste, thèseuse de la question, érudite et passionnée que revient le clou du spectacle. Au final on donne la parole et les écrits à Dame Nature, réunis sur un grand pré pour un monologue sidérant sur nos attitudes irrespectueuse envers celle qui nous nourrit, nous inspire et que l'on foule négligemment du pied.

Pour clore l'aventure, des musiciens complices, instruments à vent en bouche bouclent la boucle: tant qu'il y a du souffle il y a de la vie...

Avec des pièces de Chiara Bersani et Marco D’Agostin, El Conde de Torrefiel, Sofia Dias et Vítor Roriz, Begüm Erciyas et Daniel Kötter, Stefan Kaegi, Ari Benjamin Meyers, Émilie Rousset 

 


"Loeil nu" de Maud Blandel : constellations rémanentes.

On dit qu’une étoile commence à mourir lorsque, ayant épuisé ses réserves d’hydrogène, elle quitte son état d’équilibre. Débute une longue phase de dégénérescence qui mènera, selon la taille de l’astre, à l’effondrement de son cœur voire à sa violente explosion. Pour cette création, la chorégraphe franco-suisse associe le phénomène astrophysique des pulsars* au souvenir sonore tragique de l’explosion du cœur de son père. En traduisant les principes de rotation, de gravité, de périodicité, L’œil nu met en jeu six danseuses et danseurs et transformera le cloître du cimetière de la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon en véritable terrain d’observation. Face à un corps (stellaire, physique, collectif) qui dégénère, que perçoit-on réellement ? Plus qu’un travail de reconstitution d’un événement autobiographique, Maud Blandel joue des changements d’échelles, déjoue le tragique et met en images les fonctionnements de la mémoire : ses persistances, ses boucles autant que ses trous, ses zones d’ombre et autres inventions. 

*Formé après l’explosion du cœur d’une étoile massive, un pulsar est un objet céleste tournant sur lui-même à très grande vitesse.

 Tout commence dans le cloitre de la Chartreuse de Villeneuve par une simulation de partie de pétanque: attention des danseurs au coeur de l'arène, précision des geste de tir, de revanche, de belle autour d'un cochonnet absent. Les pieds tanqués comme il se doit. Comme autant de constellations, les boules-balles se heurtent, avancent. Métaphore d'un cosmos imaginaire où plus tard ce seront les corps qui seront les étoiles. L'obscurité, la pénombre s'éclaire ou s'épaissit, les traces des déplacements, la marche font suite, le groupe se constitue en petite meute: celle d'étoiles, de météorites, de cristaux cosmiques. La planète s'anime, les pièces du puzzle composent un agencement qui se déconstruit sans cesse.Tumulte ou masse compacte, la danse avance et Maud Blandel propose en ce lieu et à cet endroit un milieu gazeux, futile et poreux à sa guise. La force et l'engagement des interprètes que l'on frôle feront le reste.Un soir où la rencontre des éléments terrestres et humains fusionnent à foison.


"Kono atari no dokota": je me souviens....

Des relations artistiques nouées entre le performeur japonais-autrichien Michikazu Matsune et Martine Pisani, chorégraphe française accompagnée par Theo Kooijman, peintre et interprète néerlandais, est née une question : Que reste-t-il de la danse une fois le spectacle terminé ? Dans Kono atari no dokoka (Quelque part par ici), archives, souvenirs intimes, anecdotes partagées, carnets et dessins seront leurs points d’appui pour reconstituer les premières créations de la carrière de Martine Pisani. Quelque part au Japon, lieu imaginé pour la représentation… Par ici en Europe… Entre poésie à la beauté simple, humour et surtout tendresse, se recompose ce qui reste du passé pour former un présent composé.

Kono atari no dokoka est un lieu à la fois lointain et très proche, aux contours flous et pourtant familiers, un voyage à travers le temps et l’espace. D’une plage de Kobe au port de Marseille, de Paris à Vienne et ailleurs encore, une mémoire collective se tisse en filigrane des histoires personnelles.

Que voici une rencontre touchante et émouvante dans les plis de la mémoire qui se perd, se retrouve ou s'oublie délibérément. Trois complices de toujours évoquent leur vie autour de celle du pilier de la pièce: Martine Pisani en personne qui se rappelle à nous en toute humilité et modestie. Entourée de son "plasticien" compagnon de vie et d'un artiste japonais danseur épris, amoureux de son oeuvre. Il tente de raviver les mémoires qui se délient, les titres des solo ou pièces de Martine dont elle ne se souvient pas du contenu! Et réincarne sa danse à sa façon sans copie conforme ni mimétisme d'une mémoire absente. Des images de Martine qui danse, il n'y en a pas beaucoup et la voici toute jeune à l'écran qui danse comme une Trisha Brown ou Yvonne Rainer. Moment de grâce, instant réactivé d'un patrimoine chorégraphique oublié, négligé, méconnu. La question de l'archive, de la reprise se repose et ceux qui ont vécu cette "époque" n'en sortent ni nostalgiques ni conservateurs. Juste le temps de pointer que cette rencontre scénographiée à merveille sur les pans de murs de la cour de la Fondation Lambert  est un petit chef d'oeuvre d'intelligence, d'humour, de légèreté malgré la gravité du propos. Martine Pisani, assise à une table se souvient, oublie, occulte alors que la gente universitaire et institutionnelle débat avec lucidité et urgence à la protection et restitution d'un patrimoine chorégraphique. La patte, la trace de Martine est singulière, unique et non restaurable. Tout fout le camp et c'est peut-être la force de la danse: éphémère, lucide, inégalable, futile, irremplaçable Et vécue comme nulle autre par des corps dansant, pensant qui se plient mais ne cèdent pas à l'opportunisme.

 Avec Theo Kooijman, Michikazu Matsune, Martine Pisani
Conception Michikazu Matsune en dialogue avec Martine Pisani 
Basé sur les premières œuvres de Martine Pisani   

 


"En Atendant"

D’un même lieu, le cloître des Célestins, aux mêmes heures : du crépuscule à la nuit, plus de dix ans après sa création, En Atendant d’Anne Teresa De Keersmaeker nous revient. En nous proposant de revivre ou vivre pour la première fois son répertoire, la chorégraphe belge unit les musiciens de l’ensemble Cour et Cœur à ses danseurs de toujours et d’aujourd’hui. Le tissage des polyphonies de l’Ars Subtilior, apparues lors de la peste noire au XIVe siècle, à une danse qui « marche ». En Atendant signe une véritable méditation dans un espace à la fois clos et ouvert, propice à sentir et respirer. La reprise de cette pièce du répertoire de cette figure majeure de la danse offre toute son essentialité à l’heure d’une pandémie mondiale et du réchauffement climatique. Sa résonance dans cet espace alliant nature, architecture et histoire, répond par une célébration de la vie à nos inquiétudes contemporaines. Programmer En Atendant et EXIT ABOVE after the tempest lors de cette même édition fait correspondre des œuvres et leur offre la possibilité de se parler. 

Le cloitre des Célestins empli de la lumière du couchant, de la clarté du crépuscule du soir est dévolu à la danse, sans fards, sans trace de technologie, d'amplification: rien sauf de la terre battue pleine d'embuches, de souffle de vent et de cris de corneilles qui s'abattent dans les gigantesques platanes, gardiens du lieu.Une chanteuse apparait bientôt suivie d'une danseuse et le voile est levé. Ce sera un dialogue constant entre musique, danse et silences. Une ode au crépuscule, à la tombée de la nuit enchanteresse qui berce ces apparitions fugaces, ces traces de danse mouvante, spiralée. En marche, en avancées constantes, en bribes de meute, en solo, à reculons. En attendant la nuit, la danse émeut, éveille, rend attentif au monde son et les corps se couchent à terre, se relèvent à l'envi. La poussière s'ébroue, les costumes noirs, sombres se souillent de terre, les pas glissent sur le sol rugueux, obstacle ou compagnon de route. Les destins s'y croisent, la mort frôle chacun et les corneilles qui s'invitent chaque soir pour leurs retrouvailles rituelles ne gâchent rien à l'atmosphère étrange, lente et inquiétante de cette cérémonie, culte à l'obscurité. Les trois musiciens dialoguent et se fondent dans cet univers implacable où la vie est mouvement, soulèvement, résistance et aveu d'humilité.

 

Les indisciplinaires au festival IN d'Avignon 2023: vive le sujet!..... à vif: des tentatives vivantes.... Ah, ça ira, ça ira .....


Vive le sujet! Tentatives SERIE 1avec la SACD
 

"Ce qui restera secret"

Le rêve secret d’Auguste est d’être un jour chanteur dans un groupe – c’est une des raisons qui l’ont poussé vers Alex, la chanteuse du duo punk Siksa. Ensemble ils créent What will remain secret  - Ce qui restera secret : une invocation souterraine réanimant les secrets du fond de la cour de récré, ceux qui se cachent à l’orée des oreilles où ils ont été prononcés, juste sous la peau qu’ils ont fait frissonner ou entre les parcelles de terre dans lesquelles ils ont été enterrés. 

Auguste et Alex ne portent plus les prénoms qui leur ont été donnés à la naissance. Dans What will remain secret - Ce qui restera secret iels invitent leurs enfants, qui ne portent plus leurs noms, à réenchanter ou réenfanter leur corps. Iels chantent pour agiter les souvenirs et dansent pour construire des cabanes où les faire reposer. 

Ce sont deux charmantes créatures androgynes qui s'offrent à notre regard aiguisé par cette gémellité extraordinaire entre ils-elles. Deux figures de la jeune création scénographique qui déjà ont fait leur bonhomme de chemin sur les sentiers de l'âne loin des autoroutes de la scène. Auguste-le clown blanc- et Alex comme deux faunes faunesques, sobres, très malins et plein de désuétude. Deux corps souples, singuliers, filiformes, graciles et gracieux. Pour nous raconter leurs rêves, leurs ambitions avec légèreté: c'est touchant, efficace et plein de poésie , sobre et mesuré: une complicité véritable s'y développe sans gêne ni démonstration.L'empathie avec les deux personnages auteurs d'un très beau texte sur les errances de l'enfance qui accompagne la fiche de salle.Autant de naïveté, d'ingéniosité, de tendresse et de douceur à partager.

Avec Auguste de Boursetty, Alex Freiheit

 



"Ampawa"

L’apocalypse, nous l’avons déjà traversée. Plusieurs fois nous sommes morts, et inlassablement nous sommes revenus à la vie, le corps raturé par une amnésie orchestrée. Dans cet ultime rituel, ici là-même, nous devrons déchirer notre peau pour enfin retrouver le souvenir de qui nous deviendrons.

Dans une écriture reliant oralité, corporalité et musicalité, la performance nous transporte dans un entre-mondes, pour y vivre l’expérience d’une initiation libératoire.

Elle est forte et rebelle cette femme qui dialogue avec son musicien. Elle apparait empanachée, sensuelle érotique et belle dans la fulgurance d'une interprétation très incarnée. On lui doit un moment de pure sensualité, de délice partagé autant par la douleur que par le plaisir: celui de se donner entière à la cause d'une performance mêlant costumes, danse et musique avec radicalité.

Avec Daniely Francisque, Mawongany
Texte et mise en scène Daniely Francisque

 


"Occupation"

"Occupation est pensée comme un manifeste chorégraphique. Une danse qui mêle la tradition gestuelle, dansante, musicale de la culture wayuu avec une vision plus contemporaine. Une danse que documente la situation de violence et tension qui se vit dans le territoire de la Guajira en Colombie, depuis l’implantation des entreprises multinationales. Avec cette pièce nous souhaitons créer un geste témoin, une danse documentaire qui traverse la réalité et la fiction, une danse capable de se manifester, de se révolter contre les establishments d’une domination coloniale imposée au peuple wayuu encore de nos jours.   L’action de manifester nous invite à construire un espace fictionnel qui mêle les récits des habitants de la Guajira (région frontalière entre la Colombie et le Venezuela où est installé le peuple wayuu), la danse de la Yogna (rituel de passage de la jeune fille wayuu à l’adolescence), les archives organisées et compilées autour de la question de l’occupation de leur territoire et les dégâts produits par l’entreprise El Cerrejón avec l’exploitation du charbon et la privatisation de la seule rivière qui permet un accès à l’eau de la région."

Ce sont trois fantômes rouges qui surgissent des portes grandes ouvertes du fond de scène du jardin de la Vierge. Trois créatures mouvantes, sans identité qui s'avancent vers nous, menaçantes, inconnues. Très bel effet de perspective plastique, ondoyante, mystérieuse, intrigante.La culture Wayuu est présente, forte et se met en scène dans cette violente couleur dérangeante. Sanglante qui fait référence à la domination coloniale sans aucun doute. Anonyme crime et bourreaux masqués s'animent puis se dévoilent Tentative réussie d'impressionner, de faire peur et de prendre le pouvoir des images fortes qui portent en elles, sens, gravité et questionnement.
 
Avec Lazaro Benitez, Astergio Pinto, Isabel Villamil
Conception et chorégraphie Lazaro Benitez

 

 



"L'Entente"

« Je vis de tout ce que les autres ne savent pas de moi. » (Peter Handke) Extérieur nuit, à l’Ouest. Un agriculteur confie son histoire à un musicien.
Un traumatisme sonore. Un soir, le premier a perdu l'oreille. L’autre, récemment, la trace de son désir. Pourtant, cette nuit là - alors que des présences sans visage frémissent autour d’eux - les deux inconnus s’entendent avec l’acuité des premières fois.Que peut l’écoute ?
Composé d’un récit dénudé, raconté les yeux dans les yeux, et d’une musique aux fréquences acérées et à la mélancolie latente, L’entente s’offre comme une fable - en mouvements - sur la surdité, l’attention, et ce qui bruisse au fond de nous.

Un homme sauvage ça ne s'invente pas, celui qui nous hante, qui perturbe l'espace et surgit dans l'univers de deux êtres en état de corps dansant, pensant. Celui qui se glisse et tente de vivre, de survivre parmi nous comme un spectre de feuilles, d'arborescence. La pièce marque par sa dimension onirique qui vient perturber le réel et instaurer magie, surprise et empathie.Trouble et peur de l'autre qui tente de se faire apprivoiser, monstre ou chimère.

Avec Clément Gyselinck, Gabriel Legeleux (Superpoze), Blandine Rinkel
Texte et mise en scène Blandine Rinkel
Musique Superpoze
Chorégraphie Clément Gyselinck


"Jeune Mort"

Jeune mort est un récit violent, à vif. 
Le récit d’un embrasement. Le récit d’une jeunesse brisée qui ne retrouve flamme qu’à l’ultra-droite. L’histoire d’un jeune homme, nouvellement employé aux espaces verts d’une ville anciennement industrialisée, qui rencontre Frédo, un collègue avec qui il se lie d’amitié. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que Frédo est un militant politique convaincu de l’ultra-droite française.  Et lorsque, dans la colonie de vacances où travaille sa femme, la création d’un centre pour réfugiés est annoncée, tout s’emballe pour lui.  Avec Jeune mort,
Guillaume Cayet poursuit son travail à la lisière de l’écriture politique et poétique.Ici il se déploie de façon très intimiste, dans un dispositif radiophonique-live, accompagné par le compositeur musical Karam Al Zouhir, et le créateur sonore Antoine Briot ; une façon de faire parvenir la parole et l’imaginaire au plus près.  

Au coeur du récit, casque sur les oreilles le public partage le récit traumatique d'un personnage "victime" de ses convictions cruelles et démoniaques. Hélas membre d'un parti dévastateur, raciste et profondément démuni, désorienté. Pétri de convictions illégitimes au sein d'un collectif de purification, le jeune homme ira jusqu'au bout et inverse les valeurs de l'humain pour devenir auteur de crimes et méfaits. On suit son parcours ascendant dans l'horreur et le prosélytisme, haletant et suspendu au rythme de la diction et de la musique. Un moment intense de malaise autant que de radicalité politique engagée.

Avec Antoine Briot, Guillaume Cayet, Karam Al Zouhir
Texte, création radiophonique, lecture Guillaume Cayet 
Musique Karam Al Zouhir 


"Feu"

FEU est l'expérience brute d'une dépense d'énergie excessive. Un rituel d'agitation pour célébrer les élans. Avec cette proposition, Fanny Alvarez cherche l'allumage. « Il faudrait inventer des formules d’engagement à l’inverse des mises en garde affichées pour protéger les forêts, quelque chose comme : pour la suite de votre monde, pour garantir votre place dans ce monde, privilégier les consignes suivantes : nourrir le feu, alimenter le feu, prendre soin du feu ». (Martine Delvaux) 

Fanny Alvarez et ses trois collaborateurs artistiques se découvrent une curiosité réciproque, un même recul vis-à-vis des cadres et un enthousiasme à partager cet agglomérat improbable. 

Sans doute le moment le plus décalé, le plus foldingue de ces "tentatives" où les trois personnages apparaissent dans un chaos sonore et vestimentaire faisant appel au désordre, à la désobéissance. Dans un rythme endiablé, la scène se recouvre d'objets sonores, de cordes, de ficelles et d'accessoire: tambours battant et folle mécanique ahurissante. Mené par Fanny Alvarez, interprète hors pair, déployant une forme et une force physique étonnante. Un opus circassien où le risque est constant de perdre pied dans un tintamarre joyeux, omniprésent, ludique autant que catastrophique.Voltige, bascule et portés acrobatiques au poing. C'est haletant, jubilatoire, plein de punch et assuré par un rythme soutenu qui maintient en haleine.Pour le jardin de la Vierge, des agrès, des résonances, annonciation de temps troublés prémonitoires.
Avec Fanny Alvarez, Morgane Carnet, Xavier Tabard
Mise en scène Fanny Alvarez