lundi 30 janvier 2023

"L'oiseau rare" : tous en bretz'selle, au boulot! A la Case à Preuschdorf le dimanche 5 FEVRIER 16H Performance de la Charivarieuse

 


"L'oiseau rare" une  performance inédite in situ à l'occasion de l'exposition"Wanderfejjl" de Maeva Bochin et Miriam Schwamm à "La Case"à Preuschdorf

Case départ:

Canard sur canapé sous canopée.

Ça caille, perdrix, alors vient poupoule! Bretz'selle:des bretzels Ancel, tous en selle pour un bon régime sans sel...De moineau! En cage, libérez les oiseaux de pluie, de lune et serre moi fort, rapace qui passe et repasse! Un banc public comme perchoir pour mieux échouer....Jouer l'entre deux mères nourricières: Miriam et Maeva au talent tueur. Crête de paon et aigle noir, pigeon vole comme mon amant Icare qui vole et brûle ses aisselles. En cage ou dans le puits, l'oiseau de feu en paon-talons hauts et courts!

Attention, il va sortir! Souriez, "cheese"disait le corbeau au renard !A plumes, à poils, oiseau de nuit, de proie en proie aux volages effets d'ailes, oiseau de paradis terrestre.Et ça va de mâle en pie voleuse.

De sa couveuse, oisillon il va voler : ouvrez la cage aux oiseaux! Les cigognes en castagnettes, craquettent, les échassiers partent en goguette pour aller se faire plumer comme des pigeons!Ça roucoule les palombes..Coucouroucoucou!

Un coq au vin, un poulet au riesling ou en cocotte de boulevard. Des yeux de perdrix aux pieds...Un ramage et plumage pour un corps beau et un fromage.Un père hoquet, cacatoès, une pie voleuse, et un flamand ose! Sans oublier le col du cygne du lac, l'oiseau de feu et autre vilain petit canard boiteux!

Pattes d'oie pour rides et becs et ongles


"Wanderfèjjl" (Oiseaux migrateurs en français) est une petite exposition concentrée sur la grande stub de la salle d'expo, avec la restitution de la résidence de Maeva Bochin autour de son projet de création, la petite stub devient l'espace scénique pour les 2 performances de Geneviève Charras, l'atelier de la Case vous accueillera pour découvrir les diverses techniques de gravure et d'autres oeuvres et épreuves. Et sous le hangar, vous pourrez découvrir une autre aventure de création nomade de Maeva, qui a eu lieu au Quebec ! 

 (chants: il vole/ chouette hibou/ le colibri/ un petit oiseau gréco /daphénéo/ la paloma/ la donna mobile/ coucou hibou /:le bois de st amand barbara /la ronde de l'omelette )

Et on va se caser ailleurs!

 

dimanche 29 janvier 2023

"Hellzapoppin": Yvonne Rainer: le retour! "What about the bees": un extracteur de rayons de mouvements en inventaires, des cadres cinématographiques et du pollen en récolte!

 


Ouvrant son programme 2023, Kunsthalle Baden-Baden accueille Yvonne Rainer pour la première européenne de HELLZAPOPPIN` : "what about the bees": "A propos des abeilles ?"
 

On débute la soirée avec un film d'Yvonne Rainer de 2002 "After many a summer dies the swan: hybrid"qui nous nourrit de sa philosophie de l'histoire de l'art aux prises avec la bourgeoisie austro-hongroise. Art de confort, décoratif à l'encontre d'un art subversif et iconoclaste.On y déguste les images de danse dans un cadre allongé, rétréci où les danseurs semblent se glisser pour mieux ramper au sol, s'y lover. Image, cadre qui les emprisonnent et tronquent les mouvements. Le montage, entre texte écrit,parlé et icônes fonctionne sur des identités de territoire et l'on plonge dans la pensée d'Yvonne Rainer en précipité intellectuel efficace. Une réalisatrice-cinéaste confirmée.

Puis deux groupes de danseurs prennent la scène de la Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden transformée à l'occasion en plate forme, plateau de danse-performance.
Trois femmes d'un côté et quatre autres( trois femmes, un homme) de l'autre. Côté cour c'est "Hellzapoppin" avec des clins d'oeil aux figures de cake-walk ou lindy-hop du film, côté jardin des figures et attitudes, des postures mythiques de la gestuelle d'Yvonne Rainer: portés, glissades, tâches à exécuter avec soin et précision. Les danseurs y sont à l'aise, désinvoltes, souriants, complices.On est avec eux en empathie de par la proximité sur les gradins, près des projecteurs. Le style est décontracté, sans nostalgie des premiers pas et expériences chorégraphiques minimalistes. Mémoire, patrimoine ou répertoire de la danse d'aujourd'hui ou de la modern dance, on choisira de considérer cette pièce comme  un "conservatoire", bocal joyeux de la danse vivante.Toujours en baskets et trainings colorés, vêtements libres et confortables. Terpsichore en baskets comme à l'époque!
 
Une chorégraphe, une reine "marquée" par ses ouvrières à la "tâche". Kleck ! Aufgabe?

La ruche bourdonne, s'affaire: le miel se fera grâce à tout le personnel vibrant d'une ruche en état de siège. Les "taches" sont nombreuses, de la ventileuse à la nettoyeuse.,
Dans cette pièce, la pertinence philosophique, physique et historique de TRIO A est réajustée en fixant une partie de la danse en une réhabilitation. Sa forme, son vocabulaire et sa posture performante remet en question les méthodes chorégraphiques traditionnelles et les styles de présentation. Près de cinquante ans après sa première performance, l'impact des idées révolutionnaires et du travail de Rainer et de ses coéquipiers Judson se fait encore sentir dans la scène chorégraphique actuelle.
 

Avec Pat Catterson entre autre qui a collaboré avec Yvonne Rainer pour la première fois en 1969 et a dansé "TRIO A". Elle a assisté et dansé pour elle depuis son retour à la chorégraphie en 1999.

27, 28 et 29 janvier 2023 à la Staatliche Kunsthalle à Baden Baden
 
lire: "un ennui radical, Yvonne Rainer danse et cinéma de Johanna Renard 
 
Projet novateur accompagné de nombreuses photographies, ce livre retrace de manière claire et précise les performances chorégraphiques et les films d'Yvonne Rainer, figure majeure de la danse et de l'avant-garde new-yorkaise, au prisme de la question de l'émotion. Une en particulier est évoquée, celle de de l'ennui. Ce sentiment relève d'une recherche de l'impersonnel, voire du détachement froid (le cool, ou le zen), revêtant une dimension politique dans l'art new yorkais des années 1960. Il apparaît renouveler la perception : les oeuvres déconcertantes ou teintées d'ennui n'éloignent pas d'une forme d'émotion ou d'affect. Bien loin de caractériser une inflexion terne et abrutissante, l'ennui peut s'avérer révélateur, et déplier des impressions inédites. Pour ce premier ouvrage sur la danse et le cinéma d'Yvonne Rainer, très documenté, l'auteur se focalise sur les théories queer et féministes, prend appui sur un riche corpus d'écrits philosophiques méconnus en France, sur la philosophie de l'émotion. On découvrira avec ce livre la notion de stuplime, soit l'accent porté sur cet état particulier où l'ennui confine au sublime, forgé par la théoricienne Sianne Ngaï. Variant avec les périodes historiques, culturelles et sociales, l'émotion contribue à définir des communautés artistiques et historiques.

 

 

"Un ennui radical": Yvonne Rainer, danse et cinéma de Johanna Renard


 Projet novateur accompagné de nombreuses photographies, ce livre retrace de manière claire et précise les performances chorégraphiques et les films d'Yvonne Rainer, figure majeure de la danse et de l'avant-garde new-yorkaise, au prisme de la question de l'émotion. Une en particulier est évoquée, celle de de l'ennui. Ce sentiment relève d'une recherche de l'impersonnel, voire du détachement froid (le cool, ou le zen), revêtant une dimension politique dans l'art new yorkais des années 1960. Il apparaît renouveler la perception : les oeuvres déconcertantes ou teintées d'ennui n'éloignent pas d'une forme d'émotion ou d'affect. Bien loin de caractériser une inflexion terne et abrutissante, l'ennui peut s'avérer révélateur, et déplier des impressions inédites. Pour ce premier ouvrage sur la danse et le cinéma d'Yvonne Rainer, très documenté, l'auteur se focalise sur les théories queer et féministes, prend appui sur un riche corpus d'écrits philosophiques méconnus en France, sur la philosophie de l'émotion. On découvrira avec ce livre la notion de stuplime, soit l'accent porté sur cet état particulier où l'ennui confine au sublime, forgé par la théoricienne Sianne Ngaï. Variant avec les périodes historiques, culturelles et sociales, l'émotion contribue à définir des communautés artistiques et historiques.

 

vendredi 27 janvier 2023

"Guérillères" de Marta Izquierdo Munoz: Amazones ou Valkyries olympiques, hippiques, épiques, épicuriennes.

 


Marta Izquierdo Muñoz

[Lodudo] producción France Espagne3 danseurs création 2021

Guérillères


Du côté des femmes

Figures féminines, êtres hybrides à mi-chemin entre mythes et réalités, ce sont les « guérillères ». Sur les voies de l’étrange, Marta Izquierdo Muñoz chorégraphie avec humour un monde entre les marges et la culture de masse. Ses combattantes utopiques ont le goût du jeu et des métamorphoses. Avec la complicité de ses interprètes, l’artiste espagnole crée une autre forme de récit qui se conjugue à la troisième personne du féminin pluriel. Une ambiance pop, étrangement ludique, voire ironique, envahit le plateau et dessine un paysage de fiction. Nourrie de références, ponctuées d’accents drôles ou dramatiques et d’éclats poétiques, cette pièce revisite les codes de la danse en jouant sur la transformation des corps avec une écriture organique et des images fortes en sensations.

Petits tutus de tarlatane en genouillère en costume étrange comme des personnages de bande dessinée, trois escogriffes prennent le plateau, petite géographie graphique comme un sol  strié de fleuve, de courbes de niveaux.Tirailleurs-euses à mitraillettes virtuelles, les voilà grimaçant en diane chasseresse, lance ou hallebarde au poing. Triolet joyeux et très sonore, musical en diable c'est à une chevauchée burlesque que l'on assiste. A dada, à hue et à dia en poésie sonore qui s'ignore. Flânerie sauvage dans une jungle évoquée par une bande son magistrale, de bruits, d'ambiances et autres univers changeants.On vise dans le mille, en cavalcade de combat, fléché, sagittal, mimodrame contemporain et ethnique en diable.

eric martin
Minerve ou Athéna à la Jean Cocteau
Quelques pas de danse baroque esquissés, relevés pour voyager dans les temps plus civilisés.Désinvolture primesautière, pimentée de bon aloi. Caricature de jeu de massacre, monstres à désigner comme quasimodo de foire, chimères, les icônes vont bon train, trubliones et nées sous de très beaux éclairages. On y boxe sur un ring de pacotille, uppercut au poing en bons enfants terribles. Des "nénés" brodés sur la poitrine, en cible de choix. Ces rescapés du désastre en petit groupe compact s'amusent et nous divertissent joyeusement, à la Decouflé ou Chopinot des débuts...Solidaires complices qui forment un pilier de cathédrale sous les salves d'une guerre fantomatique. En un combat douteux. C'est très "télévisuel" à la Jean Christophe  Averty , ça roule des mécaniques, c'est oulipo ou écriture automatique à souhait. Telle une odyssée de l'espèce dans une mythologie détournée, illustrée, incarnée en poses mythiques de soldat, de guerrier grec.Hippique aussi avec ses têtes de chevaux, jouet ou objets tronqués qui s'affolent en manège enchanté. Un texte en off nous délivre quelques vérités bien pensées sur "le genre": "Guérillères" de Magalie Mougel ou de Monique Wittig, on choisira les références lors d'un grand débat! Les petits chevaux hennissent comme des révolvers braqués sur nous et l'on a même pas peur dans cette mascarade bouffonne réjouissante. Satyre sur du Satie-rique,  sur des percussions réverbérantes au sol , musique ethnique typique, épopée ritualisée par des masques sur fond de fumeroles, tout y passe à loisir. Marta Izquierdo Munoz, pince sans rire et pleine de détonateur pour une guérilla incisive et féroce sur "le genre" humain...

A Pole Sud les 26 27 Janvier dans le cadre du festival "L'année commence avec elles" 

A lire:

"Guerillères" de Monique Wittig.   Depuis qu'il y a des hommes et qu'ils pensent, ils ont chacun écrit l'histoire dans leur langage : au masculin. « Si les mots qualifiés sont de genres différents, l'adjectif se met au masculin pluriel » (Grévisse). Les Guérillères s'écrivent comme sujet collectif à la troisième personne du féminin pluriel. Dans les lacunes des textes magistraux qu'on nous a donnés à lire jusqu'ici, les bribes d'un autre texte apparaissent, le négatif ou plutôt l'envers des premiers, dévoilant soudain une force et une violence que de longs siècles d'oppression ont rendu explosives.
Les Guérillères est paru en 1969.

 "Guérillères ordinaires" de Magalie Mougel  est un recueil de poèmes dramatiques qui rassemble trois monologues
féminins. Ces trois femmes sont liées par une oppression quotidienne, une invisibilité de leurs
souffrances. Elles sont toutes les trois victimes de violences patriarcales et cherchent
comment s’en sortir. La fatigue de ses femmes usées et abusées dont la vie est tellement
douloureuse, qu’elles cherchent à « dormir dans le bonheur de la mort. » T rois destins
funèbres.
 

"Rain" de Meytal Blanaru : mémoire de l'intime, blessure et suture au poing.

 


Meytal Blanaru Belgique Israël solo création 2020

rain

Entre violence et vulnérabilité


"Souvenir et mémoire d’enfance traversent la danse délicate et sensible de Meytal Blanaru. Dans rain, la chorégraphe revient sur un événement traumatisant, déchirement de l’intime que les détails du mouvement révèlent peu à peu à travers le corps et ses transformations. Elle fait de cette pièce un face à face public, droit dans les yeux, jambes campées dans le sol mais dont le tempo peu à peu se dérègle. De l’acte prédateur subi à ses effets sur le corps, c’est alors une autre facette qui se révèle. Vibrant témoignage, qui s’énonce à partir du silence et de la fragilité exposée. Parce que dit-elle : « Les souvenirs laissent des traces, parfois physiques, parfois dans nos esprits. Ces traces sont ce qui me donne envie de danser, le moyen le plus simple et le plus direct de communiquer. “
 
Épaule dénudée, elle frôle son corps, le touche, l'ausculte délicatement, se mesure avec doigté, se caresse doucement. Simple, collant noir et chemise légère verte: son regard scrute le public, regard d'acier, lumineux, clair, volontaire. Puis rampe au sol , désirable, langoureuse, sensuelle, vulnérable et fragile.En poses statuaires, le corps déhanché, asymétrique, décalé, elle évolue dans un espace restreint. Puis peu à peu elle se métamorphose: effrayée, inquiète, menacée, agressée Elle rejette le mal, lance ses gestes, et soumise, souffrante offre une image maculée, pliée, ramassée. La musique mécanique scande le tout comme menace et exécution implacable, irrévocable. Seule au sol, abandonnée, délaissée, sacrifiée, épuisée. Honteuse, écœurée, défaite dans le silence, échevelée, bouleversée et bouleversante de vérité. Éplorée, elle semble extraire le mal, la blessure, rejeter le malin, évacuer l'indicible... Chasser de son corps les traces, empreintes d'une agression subie et ici offerte en témoignage poignant et sobre, empreint de discrétion, de sobriété très pertinente. Meytal Blanaru en impose sans fioriture ni discours bavard sur un sujet brûlant.

 

A Pole Sud les 24 25 Janvier dans le cadre du festival "L'année commence avec elles" 

jeudi 26 janvier 2023

"counting stars with you": Maud Le Pladec cultive une cérémonie paienne en chorale fébrile.

 


Maud Le Pladec

CCN d’Orléans France 6 danseuses et chanteuses création 2021

counting stars with you (musiques femmes)

Femmes artistes


« Quelle place est accordée aux femmes dans l’histoire de la musique ancienne et contemporaine ? » s’est demandé Maud Le Pladec avant de créer counting stars with you (musiques femmes), une pièce qui réunit six interprètes au plateau. En collaboration avec l’ensemble Ictus, elle a choisi de travailler à l’élaboration d’une playlist, centrée sur des compositrices. Il en ressort un répertoire musical féminin inédit. La chorégraphe, accompagnée de DJ Chloé reprend le fil essentiel de sa démarche, les relations musiques et danses, qu’elle fait vivre sur scène dans un travail entrelaçant, souffle, voix, chant et mouvement. Une pièce où Maud Le Pladec témoigne de son engagement envers la cause des femmes en convoquant : « l’actualité des corps puisant dans l’énergie du dance-floor, du combat, et de l’affirmation de soi. »

Matrimoine musical ecclésiastique, matrice originelle du monde. Patrie monacale.

La musique traverse les préoccupations chorégraphiques de l'artiste depuis longtemps: il est ici question d'aller plus loin en faisant émettre, chanter, psalmodier les danseurs eux-mêmes Souffles, voix, émissions a cappella, les vecteurs du son corporel sont multiples, le chorus est berceau de la tragédie.Six danseurs s'inspirent du chant médiéval polyphonique, en solo, en choeur, ancrés au sol ou lors de divagations dansées. Le chant  maitrisé par un beau travail vocal, alors que la pièce va bon train sans encombre. En costumes de cuit noir très ajustés, manches bouffantes, ou en robe rouge vermeil, les cheveux des quatre femmes tissées de nattes virevoltantes. Des torsions de corps, des touts virtuoses habitent les voix qui sourdent des corps dansants. Performance qui donne à la danse une lecture délicate on l'on est tenté d'isoler le chant de la danse. C'est dans l'immobilité que cette réception se fait plus limpide, plus lucide à nos yeux.De petites courses éparses sur le plateau, rapides, fugaces et des solos magnifiant chacun dans son altérité. Danse "chorale" qui soude le groupe, la horde, cette tribu iconoclaste reliée par la voix autant que le geste. De beaux ralentis égrainent des gestes félins, des portés en élévation christique, mystique et valeur sacrée à l'envi. Cérémonie païenne, cet opus délivre en cercle, reculées savantes et osées, la griffe de Maud Le Pladec, implacable chorégraphe de l’exigence, de la rudesse parfois, de l'intransigeance. Signature chorégraphique dans des lumières stroboscopiques ou rougeoyantes, matrice et instigatrice de rythmes foudroyants. Comme une tétanie satanique s'emparant des corps galvanisés par un exercice drastique et performant. Ballet de sorcières, sabbat, rock païen débridé à l'appui. Le rouge et le noir s'affrontent, l'interdit et le sombre se frittent en cadence dans cet univers singulier: une haie de danse serpentine comme zénith pour cette horde furibonde, hystérique, héroïque performance épileptique. En baskets Puma rouge et noir comme le tigre bondissant d'Orlowski....

Au final, c'est un show parodique, micro en main, qui met du piment dans cette démonstration de l'impact de la voix dans l'art chorégraphique.Ça sonne clair et les notes s'emballent au profit d'un étrange exercice très ambitieux. Questionner la musique, les corps résonnants c'est faire œuvre d'expérimentation du souffle, de la vie, de la musicalité des corps dansants. Oeuvre monacale et spirituelle où le risque est omniprésent..

 

A Pole Sud les 24 25 Janvier dans le cadre du festival "L'année commence avec elles"   


"Ballad" de Lenio Kaklea: corps contrainte, corps désir. Haltères-égo.

 


Lenio Kaklea France Grèce solo création 2019

Ballad

Ce que disent les corps


Ballad
est issu d’un projet au long cours, L’Encyclopédie pratique. Une enquête aux confins du documentaire et de l’évocation poétique des pratiques locales populaires. Lenio Kaklea y a consacré quatre années de recherches menées à travers six villes, villages et banlieues européennes qui ont donné lieu à la publication de livres et à la création de plusieurs pièces chorégraphiques dont Ballad. L’artiste grecque y a trouvé là une façon de déplacer les limites de la chorégraphie. Dans cet opus créé en 2019, elle œuvre en solo et puise dans ses propres expériences pour poser la question de l’écriture sous un angle différent : comment sommes-nous chorégraphiés par la société, ses institutions, nos croyances, nos fantasmes, nos amours ? L’occasion pour la chorégraphe de convoquer aussi des danses historiques du début du XXè siècle et d’interroger la puissance transformatrice des utopies.
 
Telle une athlète au corps massif coupé au couteau elle se présente, esquisse comme une mécanique disgracieuse, puis relevée sur demie-pointes se fait altière et jazzy. Arabesque, boxe bondissante élastique, comme soulevant des haltères, elle campe mouvements et poses sans équivoque: sport et corps canonique.En noir et blanc, sportive, elle désigne le public de ses deux doigts, le prend à témoin de ce geste olympique, poings serrés : elle va reprendre en boucle une phrase chorégraphiée en ajoutant quelques petits détails et remet les gestes sur l'établi. On se prend à apprendre cette suite, accumulation régulière qui nous devient familière.Sur une musique tapageuse la reprise, la répétition se fait naturelle et attendue. Second chapitre après ce prologue démonstratif d'un savoir faire détourné des gestes sportifs. Elle se raconte, sobre et discrète et pose les fondements de son apprentissage de bonne élève au cours de danse  chargé de la technique Dalcroze et autres fondamentaux de la danse libre. C'est en Grèce qu'elle nous emmène avec intérêt et  curiosité. Le corps comme instrument d'une éducation politique évidente, stratégie d'éducation "saine" et spirituelle. La musique classique rentre en scène dans cet univers teinté de son bel accent grec dans une diction légère et accessible.Dans un justaucorps bleu elle propose quelques esquisses à la Martha Graham, osant en contourner les difficultés: poses de prêtresse, grands écarts: scolaire, raide, figée, verticale, sa danse se fait sagittale et un tantinet caricaturale. Gymnase implorante dans une emphase musicale grotesque. Elle se raconte à nouveau, pose la cité, l'architecture et l'environnement comme autant de facteurs de développement éducatif sociaux, politiques. Et le corps de recevoir, emmagasiner le tout pour se faire conciliant, soumis, déterminé L'histoire du "geste social" en somme. C'est nue qu'elle évoque la danse d'Isadora Duncan, libre et libertine, gracieuse et enchanteuse nymphe, idole séduisante, naive et radieuse. Lenio Kaklea y excelle, sautille en isadorable, vague et tours;, à la Malkovsky et son "petit berger". Des poses à la grecque en fronton, en frise murale  : touchante, inspirée, naturelle, émouvante figure Son entrainement balisé évacué de ce processus assujettissement sportif du corps pensant. Libre. Un magnifique jeu de miroir filmé en direct pour nous projeter dans un monde futuriste ou surréaliste succède : expressions muettes du visage effrayé, torturé, apeuré: sidération comme les évolutions expérimentales d'une Maya Deren dont elle s'approche visiblement: ses traits rappellent ceux de cette femme pionnière, envoutante "maia" spectrale et virtuelle à l'image noir et blanc.
 

Encore quelques évocations de son parcours d'interprète libérée des contraintes de son "éducation" corporelle stricte: danser dans du Richard Serra au Grand Palais avec les pionniers de la danse d'aujourd'hui  et Daniel Larrieu, (en dialogue avec l’œuvre de Richard Serra, Daniel Larrieu invite les spectateurs à une action chorégraphique à l’échelle de la nef. Jouant avec des déplacements, des attitudes et diverses « actions », la chorégraphie prend au mot le titre de l’œuvre – Promenade – pour s’y glisser comme dans un paysage) ceci à l'encontre du fitness intégré malgré elle dans son corps sculpté pour l'occasion en athlète performeuse. Sur des rythmes binaires indigents, réducteurs. Cette "caricature" est fort intelligente, reliant influences et indépendance du langage du corps contraint. Le consumérisme est à l'origine de cette aseptisation des corps: elle y exécute une danse appauvrie, bâclée, banalisée issue d'un vestiaire négligé, prétexte trivial à un chaos dénué de tout intérêt. Et de disparaitre en icône, iconoclaste et bienfaisante trublione de l'espace, du temps et du corps.

A Pole Sud les 24 25 Janvier dans le cadre du festival "L'année commence avec elles"   


mardi 24 janvier 2023

"limit.s" : "not limit" et sans modération, un opus qui lie et relie les indisciplines !

 


Le mardi 24 janvier à 20h a eu lieu une présentation publique du projet limit•s à la cité de la musique et de la danse de Strasbourg ✨
"Ce projet est pour piano, gestes et électronique et on va parler des limites ! Vaste sujet, hein?
On vous montrera les directions que ce spectacle est en train de prendre !"
 
Alors on plonge dans le"work in progress", hantier d'un concert augmenté pour piano, gestes et électronique.
Avec
Nina Maghsoodloo en conception et performance
Sabine Blanc en travail de geste et dramaturgie.
 
Elle apparait en compagnie de personnages anonymes dont l'une va s'ingénier à la ficeler à son piano, assise, toute en noir, pieds nus. Attachée, liée, reliée à son instrument alors que l'araignée dévide son fil rouge d'Ariane. Les sept statues pétrifiées regardent la scène. Comme un réseau, un chemin de fils trace au sol des lignes géométriques, lignes ou courbes de niveau du son, du relief musical qui se joue en électronique. Le piano fluide ou trépignant, liquide ou tonique, désinvolte,futile ou grave et pondéré.
De belles résonances, vibrations sombres dans l'espace se dessinent. Echo en différé comme un spectre arrangé, déformé. La chaleur de l'instrument contraste avec la distance de la bande son. Puis la pianiste tire les fils de sa prison enchevêtrée, ligotée, pince les cordes des entrailles de son piano à queue, comme un haleur tire et pousse sa charge.Très "physique" l'engagement du corps de l'interprète s'impose, se regarde. Debout, active, "qui va piano va sano". Cousue de fil rouge l'énigme, la dramaturgie opère et c'est la danse, le geste qui vont naitre une fois ce cordon ombilical sectionné. Délivrée, elle parcourt le plateau, se déplace, prend l'espace. Puis retourne au piano, aimantée, attirée par le labeur, sur l'établi de cette partition corporelle. Rage, colère sous les doigts parcourant le clavier. Sons brefs, concis alors qu'une voix off surgit. Ambiance concentrée, compacte, resserrée. Les réverbérations faisant le reste. Elle repousse son siège, se glisse sous le piano, chat qui prend ses appuis au sol, sur un pied de l'instrument. Comme sur une balançoire, sur des agrès, elle ploie, se plie, se love ou s' arc boute à l'envi. En apesanteur, piano repoussoir ou aimant attirant, attractif. L'ambiance est étrange et cet animal suspendu, chauve-souris de grotte ou caverne, attirée par la lumière fait mouche. L' électroacoustique, goulue et savoureuse se dissout alors que notre chat digital, léger prend ses marques hors cadre. Agile et souple, félin.
 
photo robert becker

C'est assise sur une simple chaise que Nina Magsoodloo interprète la danse de l'Aphasie. Alors qu'un texte très éclairant sur cet état de corps et d'esprit défile sur l'écran de fond, elle exécute de petits gestes 
précis , concis très définis dans les lignes, hauteurs. Des borborygmes comme support rythmique et linguistiques. Ses mouvements carrés, droits, angulaires sont comme une tétanie jamais robotique mais très organique.Mécanique futuriste en diable ou à la Kurt Schwitters. Ou Bernard Heidsieck (Vaduz). Cette "poésie sonore" du corps est splendide et loquasse, poésie gestuelle du compositeur Mark Appelbaum. Ballet mécanique pour pianiste inspirée. La mise en corps signée globalement par Sabine Blanc est sobre et précise, ancrée et vivante. Langage des signes détourné, rehaussé par l'énergie des flux de la danse. A corps parfait, accord parfait entre son et gestes. Cette "aphasie" est bien vécue, assumée vers un autre territoire de communication. De ses bras seuls, de ses doigts agités de petite secousses, elle transpose et traduit, prolonge les sons de bouche, de langues, de cris, d'appels. Alors que ça déraille, patine, avance et recule sur la bande son. Beugle et mugit en contrepoint dans des toux et raclements de gorge.
 
photo robert becker

Des comptes, des nombres, des chiffres en toute langue, très rythmés s'imposent à l'écoute. Méli-mélo vocal, conglomérat de sons, hauteurs redondant.
C'est plongée sur son piano, pétrin d'artisan boulanger qu'elle frappe sur les cordes avec d'autres cordes embobinées. En première de cordée pour cet exercice périlleux d'accorder son corps à la musique. Lavandière, travailleuse que l'on regarde œuvrer dans sa fausse intimité à ciel ouvert. Puis, c'est couchée au sol qu'elle joue sur le clavier, gisante dans la lumière dans l’accalmie de ce moment magique. Vision surréaliste qui demeure comme final, épilogue des tribulations d'une pianiste avec son mobilier national de prédilection Une pièce qui sied comme un gant à Nina qui affronte avec délectation et quiétude, le glissement progressif du plaisir et de la maitrise de jouer, au risque de danser.

photo robert becker

Sébastien Béranger en composition et électronique
Guido Pedicone en technique
 Nina Maghsoodloo en conception et performance
Sabine Blanc en travail de geste et dramaturgie.

extraits de "Shur" de Alireza Mashayekhi et "Aphasia" de Mark Appelbaum.

samedi 21 janvier 2023

"Nulle part est un endroit": Terpsichore en baskets.Nach en palabre, lec-dem.


 "Nulle part est un endroit" de et par Nach:  Terpsichore en baskets !

Danse et prise de parole

"Durant une dizaine d’années, Nach s’immerge intensément dans le mouvement Krump et ses battles sans pour autant s’y enfermer. Son insatiable esprit de rencontre et découverte, ses goûts comme ses convictions la portent aussi vers d’autres horizons artistiques tant du côté de la danse que du théâtre, de l’écriture ou des arts visuels. Par la suite, forte de toutes ces expériences, elle s’engage dans la création et développe une façon bien à elle de faire récit avec le corps. Dans Nulle part est un endroit, la danseuse choisit la forme d’une conférence dansée pour inviter le public à découvrir le mouvement Krump, son histoire, son langage et sa philosophie. Enjeux sociaux et culturels, séquences dansées et récit de vie structurent cette présentation vivante et dynamique où s’esquisse peu à peu un autre paysage, plus personnel et poétique."


Solide, valide, tonique, son caractère se révèle d'emblée: Nach est un phénomène plus qu'attachant. Féline, maline, au regard et mimiques saisissante, elle tient le plateau pour une "conférence dansée", solo incarné de sa personnalité abrupte. C'est à travers son récit que se découvrent toutes les variations du krump, par le filtre de son corps que l'on "apprend" à repérer les postures, attitudes de ce street art singulier.Pied, talons en force, traces de danse baroque, influences diverses. Dans sa stature massive, par le truchement de sa voix pleine et joviale on pénètre avec empathie dans son univers: voix off et vidéos à l'appui pour sceller sa parole en direct.Une présence rare, engagée, séduisante et dérangeante tant elle bouscule les idées reçues, fait basculer poids et appuis pour une lec-dem unique en son genre. Bienvenue dans sa sphère idéale et partageuse.

A la   Pokop le 23 JANVIER dans le cadre du festival "L'année commence avec elles" de Pole Sud

vendredi 20 janvier 2023

"IDA dont' cry me love": Lara Barsacq visite une icone sulfureuse en diable.

 


"IDA don't cry me love" de Lara Barsacq :femmes icônes

La danse entre mémoire et fiction

La vie personnelle et artistique d’Ida Rubinstein, interprète sulfureuse de Salomé, qui fut également la muse de Diaghilev, fascine Lara Barsacq depuis l’enfance. D’autant plus que cette figure phare de la danse des débuts du XXè siècle fait aussi partie de sa propre histoire familiale. Sa précédente création, Lost in Ballets Russes, déjà questionnait l’artiste scandaleuse à l’avant-garde de son époque. Avec IDA don’t cry me love, Lara Barsacq poursuit l’ouvrage. Prenant appui sur des documents d’archive, elle crée un trio entremêlant témoignages, images et souvenirs à l’acte de création, son imaginaire et ses légendes. Sorte d’hommage à la fois poétique et absurde envers cette figure tutélaire de la danse, ses forces et ses fragilités.

Déjà évoquée dans "Lost in Ballets russes" voici le personnage légendaire de Ida Rubinstein, exhumé pour façonner un récit très personnel . D'une icône de la révolution féminine naissance au XX ème siècle, la chorégraphe puise dans ses souvenirs: une affiche signée Bakst où l'égérie du féminisme naissant apparait en Shéhérazade incontournable, luxuriante, marginale.A partir d'objets, d'accessoires, de vidéo, se dessine une figure accompagnée de sa panthère mythique en fond de rideau de scène, renouant avec la tradition des ballets russes. Un trio intime de femmes se constitue, charmeur et provocant au charisme naturel et sobre. Tout en finesse et suggestions, cet hommage est une pièce rare et intelligente, mêlant respect et inspiration débordante pour nous entrainer dans une période faste en ruptures et révolution de palais.La scène est terrain de jeu où Salomé et toutes les autres resurgissent pour manifester l'importance de la place revendiquée en ces temps: femmes fatales, convoitées mais décisionnaires; les muses s'amusent et les trois interprètent se donnent libre jeu pour se mêler d'un destin atypique: performeuse, frondeuse ressuscitée de façon très légitime par le talent de mise en scène de Lara Barsacq.Une pièce attachante qui rejoint d'autres évocations de femmes chorégraphes iconoclastes(Valeska Gert etc....)

A Pole Sud les 19 et 20 Janvier dans le cadre du festival"L'Année commence avec elles" 

"Lost in Ballets russes" de et par Lara Barsacq: mémoire vive

Elle est en filiation avec Léon Bakst, décorateur et costumier des ballets russes et raconte son histoire, ce qu'elle fantasme de cette époque, thème que l'on retrouvera dans sa pièce en hommage à Ida Rubinstein. Simple et accueillante proposition de la suivre dans son périple, à la recherche du temps, de ce qui l'a marqué dans les strates de son corps dansant. Elle nous guide et nous emmènent joyeusement sans nostalgie sur la piste d'une époque, d'une esthétique qui lui ressemble et qui nous rassemble. Pas d'égo, ni d'exclusion dans cette résurrection d'impressions, de sensations liées à son passé-présent très convaincant. Ne rien oublier de ce qui nous construit!Que ce petit rituel public soit perçu comme une boutique fantasque aux portes ouvertes sur la connaissance collective!

"Groove": Soa Ratsifandrihana creuse les sillons, sème la danse et la récolte est bonne...

 


Soa Ratsifandrihana  Belgique solo création 2021

"groove"

Désirs de danse

« Si je danse, c’est grâce à la musique » raconte Soa Ratsifandrihana. Aussi a-t-elle créé son premier solo à partir d’une envie irrépressible : « pouvoir m’écrire une danse, avec des mouvements que j’aime ». Nourrie par son histoire personnelle autant que par son expérience professionnelle d’interprète, la jeune artiste s’intéresse au groove qui est pour elle le dénominateur commun des désirs et plaisirs à danser. Dans un espace quadri-frontal où le public est à proximité des gestes, elle évolue au fil d’un parcours spécialement conçu pour abriter deux univers musicaux successifs. Le groove – terme argot de la musique jazz, apparu à la fin des années 30 qui signifie littéralement, dans le sillon du disque ou dans le coup – en est la quête. Sa question : « Comment une pièce chorégraphique peut-elle mettre en scène le groove ? »

Dans l'obscurité du studio se dessine un corps au sol, dans le silence et l’opacité. Peu à peu se révèlent les gestes ralentis, lents et infimes de l'interprète, la peau noire, le corps massif, la chevelure bouffante, volumineuse. Encore à peine discernable son corps se love, ses bras se tendent, elle s'arc-boute, caresse le sol de ses doigts frêles. Les épaules renforcées par un costume noir, des excroissances comme une armure ou une extension de son envergure. La lumière se fait plus vive et elle danse, ses gestes lents savourent l'espace. De son corps puissant elle trace des arabesques solides et bien ancrées, plantée au sol. La bande son déraille, patine comme un disque qui gratte sur la platine. Le diamant empêché dans ses sillons rebondit. Elle prend l'espace encore agenouillée et s'épanouit peu à peu, danse fluide et déliée. La rapidité s'empare d'elle, vélocité à volonté. Ses membres se diffractent, segments rythmiques simulés. En short noir, masse de cheveux ondulante, elle semble marquer son territoire comme un filage avec précision, retenue, habitée, lointaine. Elle ôte sa veste, décontractée, naturelle et prend l'espace à bras le corps, déployée, envergure détendue. En suspension élégante.Se fait sa musique dans le silence, joue ses tempi, abreuve les sillons de ses gestes en contrepoint et cadence. Notes chorégraphiques qui résonnent comme une musique intérieure, une partition corporelle jouée sur les cordes de son être. Fait un semblant de madison, prend ses marques, esquisse ses pas en démonstration. Un métronome au loin pour la guider. Puis elle se laisse envahir, submerger par l'inspiration, radieuse, jouisseuse, sensuelle. Délicate. Et la musique de sourdre alors ou enfin: elle frappe alors de ses talons en rythme ce sol si précieux: gestes mesurés, multidirectionnels, débridés ou à l'inverse très calculés, en parade militaire. Bondit, court, sautille, balayant l'éther, toujours aussi charmeuse et légère. Les lumière rougeoyantes lui font un dance-floor chaleureux. Elle disparait, nous quitte discrète comme elle est entrée en scène: en toute sobriété et rêveuse. Le public qui l'entourait comme dans une arène lui ,rend hommage en applaudissements généreux. Soa Ratsifandrihana réussit sa mise en scène musicale en tout point.

A Pole Sud les 20 et 21 JANVIER dans le cadre du festival "L'année commence avec elles"

"L'odeur du gel" : fragrances sur la banquise: cap sur le grand nord: effets d'hiver!

 


L’ODEUR DU GEL
CIE BRÛLANTE
"Pour sa première création, Emily Evans nous emmène dans un voyage onirique déformé par le désir, aussi immobile qu’étrangement glacé. Son rêve du Grand Nord prend les atours d’un poème visuel et sonore peuplé de créatures imaginaires où se mêlent fourrures et corps, animaux, marionnettes et dramaturgie du songe. Tels des mirages de la taïga dont le cœur bat sous la neige, ces apparitions disparaissent aussi vite qu’elles surgissent. Le papier blanc nappe la scène comme un manteau qui serait tombé dans la nuit, en silence. Bestialité des corps humains et personnification des bêtes le crèveront, le caresseront, y laisseront leurs empreintes feutrées dans un tourbillon. Présences habitées pour pays fantasmé."

Dans un cadre lumineux surgit un corps sculptural.En costume de survie se love un personnage étrange qui manipule plus tard une marionnette à doigts, escaladant les pentes virtuelles et les murs du décor.Guimbarde et musique de fond en continu pour créer l'ambiance, venteuse, glaciale. Du blanc partout, immaculée conception du paysage du grand nord.Quatre femmes très "designées" dans des costumes noir et blanc taillés sur mesure apparaissent et vont incarner des êtres fantastiques.Des passe-murailles font surface, brisant la glace, un masque ethnique chamarré, bariolé se meut en pantin téléguidé par des esprits frappeurs.Un défilé de costumes à la JP Gaultier ou JP Goude manipule les corps très "plastiques" et esthétisants.Des bestioles animées de bonnes intentions produisent des bruitages issus d'onomatopées, de râles, de vociférations diverses Un dévoreur de petits sapins factices arrachés au paysage se fait écureuil rongeur tout à fait charmant...On y ajoute un ours mal léché, des bestioles à poils bleus ou gris, en manteau animés de formes bizarres. Et une sorte de créature qui broute et découvre l'écho d'un micro.Un autre phénomène à longue queue se rajoute à ce bestiaire fantastique, épine dorsale en ombre chinoise.Des poissons hors du trou de la glace de la banquise font surface. Un phoque alangui mugissant se dresse, pourchassé par une Diane chasseresse très sexy. Le mammifère accouche de détritus, déchets nocifs dus à la pollution et sa dépouille git sur le plateau comme trophée perdu, abandonné. Fable écologique autant que conte d'effets d'hiver, la pièce avance et nous fait suivre les péripéties de quatre personnages en quête d'aventures. Au final, une acrobate en suspension pour incarner le carnage, prise au piège en apesanteur, volante, trapéziste du désastre.Les quatre protagonistes ficelées pour clore cette légende du grand nord qui donne des frissons!

A u TJP jusqu'au 20 Janvier

"Giselle" de Martin Chaix: Une femme libre dans un monde sans pitié. Pas de "conte de fée" à rendre....


 "Peut-on danser à en mourir ? Giselle, elle, ne le croit pas et passe ses journées à danser. Elle danse quand elle est heureuse. Elle danse quand elle est triste. Elle danse pour célébrer l'amour qu'elle porte au jeune et beau Loys. Mais lorsqu'elle découvre que celui-ci s'appelle en réalité Albrecht et qu'il est déjà lié à une autre femme, elle sombre dans la folie avant de rendre son dernier souffle. La nuit suivante, son esprit est rappelé d'entre les morts par Myrtha, à la tête de la bande des Wilis. Trahies par leurs amants et décédées avant d'avoir vécu leur vie de femme, ces ombres inquiétantes se vengent en entraînant les hommes qu'elles rencontrent dans une danse mortelle..."



"Créée à Paris en 1841 d'après un livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges et Théophile Gautier, Giselle est devenue au fil des décennies un classique incontournable du répertoire romantique chorégraphié par des maîtres de légende. Martin Chaix en propose pour le Ballet de l'Opéra national du Rhin une relecture résolument contemporaine, en prise avec des problématiques actuelles. Exit tutus, robes de mariée et chaumières en carton-pâte : les personnages de cette Giselle féministe dansent en perfecto et smoking dans un univers urbain, mais toujours avec la même passion sur des musiques d'Adolphe Adam et de sa contemporaine Louise Farrenc."

 

Loin de celle que l'on a fréquentée dans le "ballet classique"cette "Giselle" est une épure, une lecture innovante et désacralisée de ce "mythe" de la danse dite classique. Le décor l'annonce d'emblée: une salle sombre, aux murs agencés de briques noires, un "underground" ou "subway" affirmant une ambiance glauque et les "habitants" de cet espace maudit, en sont des convives d'un lieu mal famé. Un bar de nuit, une planque de bande de voyous "de luxe" un repaire, refuge de malfrats? Des affiches éloquentes (style Hains ou Villéglé) en l'honneur du vin "le vin rend fort: buvez du vint"rappelleraient le contexte d'origine des vendangeurs! Quand survient un "ange" vêtu de blanc, innocente créature parmi les rapaces, les vautours qui bientôt s'avèreront ses ennemis. Créature de rêve, dans un costume de dentelles ouvragées,enjouée, qui danse, danse, fluide et voluptueuse gestuelle enrobée qui se déroule et tourne à l'envi.Ana Henriquez en soliste remarquable, inspirée, appliquée pour ce personnage encore discret, secret, en retenue. Survient le groupe, la tribu ou la horde qui peuple l'endroit suspect. Beaux mouvements de groupe à l'unisson, tournoiements, virevoltes au répertoire grammatical de Martin Chaix, clins d’œils complices à Mats Ek pour les pieds en dedans, cassés, au carré. Les portés de six couples "rock n'roll" dans des figures inspirées de danse de salon, sont de toute fluidité, périlleux, virtuoses. L'intrigue se dessine; un amant joueur et volage se partage les femmes du clan, et danse cette supériorité de charme de Don Juan avec allégresse et détermination. C'est à Avery Reiners d'endosser le rôle d'Albrecht: technique irréprochable au service d'une interprétation habitée, engagée dans ce rôle "détestable" de Don Juan irrésistible. Ses sauts, bonds et rebonds seraient dignes d'un Noureev ou d'un Nijinski contemporain. Alors on se régale de la performance de ses envolées spatiales et quasi acrobatiques, de ses tours sans fin qui fascinent et créent l'empathie: celle du risque de faillir à cette "tâche" chère à la danse classique. Virtuosité sans dérapage d'une exécution drastique, fruit d'un travail physique et une musicalité rarissime.La musique,d'ailleurs  entraine tout ce petit microcosme dans des valses et autres déambulations fluides et à la perfection géométrique. Athlète et interprète hors pair que ce jeune charmeur de choc qui brise les cœurs des femmes et s'en fait un catalogue mozartien plutôt "antipathique". Giselle se fond dans cet univers et souffre de la concurrence féminine et se bat, combat l'injustice incarnée par cet être fat et épris de fierté, de manipulation amoureuse. Contre elle, sa rivale Bathilde, une Dongting Xing, forte, jalouse et déterminée à conserver sa proie masculine Car ici, les femmes sont déterminées, engagées et les victimes d'autrefois, ne le sont plus. Devant l'infidélité, on se rebelle, on frappe le coupable et la complice Belle leçon d’indépendance et de liberté de plaire, d'aimer. La chorégraphie excelle dans les mouvements et déplacements de groupe, concis ou éparpillés savamment sur le plateau. On se repousse, s'étreint, s'attire dans de beaux et justes appuis efficaces.

Dans la seconde partie, c'est un paysage de nuit, deux lampadaires éclairant les abords d'une forêt en lisière. Pas de Willis en blanc virginal, mais des femmes en proie à la crise de nerf ou la revanche. Giselle est bien là mais ni diaphane, ni sacrifiée sur le tombeau de sa chair et de son esprit meurtri par le sort inéluctable. En noir, cuir et blousons de rigueur. Réglements de compte et disputes à la clef, tous évoluent vers une danse tourbillonnante à l'excès, vocabulaire redondant de cette pièce magnétique, hypnotique à l'envi. La chorégraphie s'inscrit dans une tradition plutôt académique, revisitée pour l'occasion en palette exhaustive de pauses, figures et autres exercices de styles grammaticaux. La syntaxe bousculée par l'interprétation engagée de tous, plongés dans cet univers à la musique légère autant que savante. Galvanisés par cette partition live due à la présence de l'orchestre symphonique de Mulhouse, les danseurs jubilent et vibrent sous nos yeux: on est  fasciné par tant de dépense, d'énergie au service de la danse. Giselle perdue et rattrapée par l'universalité du propos: jalousie, désir, amour fou et solidarité féminine qui en ces temps de harcèlement et de violences faites aux femmes, dégenre le ballet en un opus contemporain fort édifiant. Rêve et utopie au placard, radicalité et vérité au poing.

En contrepoint la "Giselle" de François Gremaud, histoire et conférence dansée sur le "personnage" décortiqué de la Giselle de référence du livret original.

 A l'Opéra du Rhin jusqu'au 20 Janvier

GISELLE Chorégraphie : Martin Chaix Musique : Adolphe Adam, Louise Farrenc Direction musicale : Sora Elisabeth Lee Dramaturgie : Martin Chaix, Ulrike Wörner von Faßmann Dramaturgie musicale : Martin Chaix Décors : Thomas Mika Costumes : Catherine Voeffray Lumières : Tom Klefstad


jeudi 19 janvier 2023

"Submission Submission" de Bryana Fritz : saintes, n'y touche ! Béates attitudes.

 


Bryana Fritz Belgique Etats-Unis solo création 2021

Submission Submission

Étranges portraits

"S’immerger en eaux troubles, avec humour, dans la biographie de quatre saintes martyres, tel est le projet de Bryana Fritz avec Submission Submission. Non sans provocation, l’artiste américaine basée à Bruxelles endosse le rôle d’ « hagiographe amatrice » et se comporte comme une débutante et une amoureuse. Durant cette performance féministe, digitale et mouvementée, elle s’intéresse aux vies de Hildegarde de Bingen, Christina l’Admirable, Catherine de Sienne ou encore Christine de Bolsena. Sans craindre les associations les plus hasardeuses, elle réalise un audacieux collage performatif basé sur la vie subvertie de ces saintes moyenâgeuses ainsi que sur leurs morts et leurs passions. À partir de tressages narratifs et d’images déployés sur fond d’écran d’ordinateur, elle jette son corps dans la bataille ouvrant un autre espace de dialogue autour des phénomènes de sociétés."


On sera avec elle au départ qui nous expose son "processus de création" en toute simplicité: en hagiographe, amoureuse de codex et de compilations sur le sujet, la voici nous livrant quatre de ses versions catéchismes, celles  d'une danseuse en proie aux visions divines. Mais, les saintes ne dansent pas..Alors cette stratégie corporelle d'afficher ces figures mythiques et mystiques sera publique, subversive où Dieu parle avec elle, à travers son corps, passeur et vecteur de divinisation."Donner corps aux saintes", deus ex machina, ressusciter et mourir à la fois dans l'espoir d'être sanctifié: un programme alléchant que l'interprète-conteuse, tout en blanc virginal et désincarné va nous délivrer.La "chaire publique", celle qui échoue et faute, celle qui pêche non par omission mais obligation! Coquine et maline figure anticléricale et audacieuse. En prologue, sur fond d'écran déversant des calculs informatiques calligraphiés, elle exécute une danse frontale, verticale, d'aplomb et révèle ses stigmates dans la simulation de douleur, de souffrance.Dans un érotisme brûlant, le sexe barré de deux doigts en croix: no sexe, implorante à genoux, en prière devant les mots défilants des cinq sens.Lips, tongue, eyes, tout ce qui nuit à la raison vers la trahison de l'amour de dieu.Gainée de noir sous l'effet des projecteurs, elle se transforme en silhouette noire, diabolique.Voluptueuse icône fléchie, courbée, soumise.

 


Viennent les évocations des saintes. On démarre avec Hildegarde von Binden, à force de légendes défilants sur l'écran, tout de bleu, couleur de la vierge sage. Les paroles murmurées en même temps qu'un climat étrange s'installe. Une danse minimale, axée, droite illustre les visions d'une possédée du ciel, "ombre de la lumière vivante", "inéduquée", en proie à ses fantasmes et illuminations. Agitée, perturbée, désordonnée dans ses gestes inspirés de la démence, de la folie, de l'emprise de dieu sur son corps complice. Lumières et rythme stroboscopique de la musique en contrepoint. Dans un anglais répétitif, en continu, le son martèle l'ambiance.Au tour de Catherine de Sienne de passer à la moulinette de cette iconoclaste et trublione hagiographe.Toujours avec fond de calligraphie infographiste, en soutien-gorge et coiffée d'un tee shirt comme un voile de nonne, elle "peste" et fait vœu de ne jamais se marier.Ce sera Jésus, l'heureux élu, personnage choisi parmi le public, devenu secrétaire de ses actions à graver à jamais sur les frontispices des églises.Elle chante pour le Christ, bras ouvert en croix, voilée de blanc en nonette docile et obéissante. Habitée, malicieuse et profondément inspirée.Sur fond d'orgue électronique, musique mystique Je susse, Jésus, les mots se confondent sans ambiguïté avec son bel accent...


Christina l'Admirable fait ensuite office de langue interdite, bannie du corpus vivendi, une vraie pâte issue de sa bouche. Langue interdite, mots bannis, parole frustrée. La langue bien pendue cependant qu'elle étire et arrache de son palais buccal. Langue au chat,délicieuse gâterie d'un sens gouteux, coupée par le père de la sainte.C'est la "maison de la crotte" qui fait office de décor linguistique pour une danse sexy, simulant cris et outrages, bouche grande ouverte, béance et érotisme de l'ouverture, origine du monde.Elle brandit l'objet du péché et balance cette langue baveuse sur le mur des lamentations. Hirsute, dégingandée, secouée de spasmes incorrects, perverse sur des rythmes endiablés. Pleins décibels pour transe en danse. Au sol interdit de séjour pour chute et omission de confession. Après des sons de tympans de cloche rituels, nous voici en compagnie de Christine l’Étonnante de Bolséna. C'est Nick Cave qui est convoqué pour faute grave et pour omission dans son hymne à la sainte, plein de "fautes" et d’erreurs hagiographiques. Elle se plait à corriger en direct ces infamies à la religion. Puis un "Agnus Déi" grégorien pour support de danse, l'émeut à propos de "la puanteur du péché humain"qu’elle fustige nous accusant aussi de "puer" ou "schlinguer"! En extase, elle tremble, tétanique figure divine, épileptique en diable, possédée."Croix-moi", crucifiée par la peur et la terreur qu'elle va bien sur combattre, surmonter et vaincre. En bonne sainte au dessous de tout soupçon. Péchés capiteux que ceux ci, capitaux par la honte et le remord engendrés. Danse votive, sacrée, digne et drôle dans une béatitude innocente et pleine de charme. Bryana Fritz avec intelligence et audace brosse ici des anti-portraits de saintes nitouches, prudes où qui s'y frotte, s'y pique."Saintes n'y touche" de toute beauté et originalité.

 A Pole Sud les 17 et 18 Janvier dans le cadre du festival "l'année commence avec elles"

mercredi 18 janvier 2023

"Mascarades" de Betty Tchomanga: extensions du domaine de la transe.

 


Betty Tchomanga France solo création 2020

Dans les sauts de la sirène

Entre voix et sons, rythmique répétitive pour la pulsation et musique électro, Betty Tchomanga revisite le mythe de Mami Wata, divinité africaine mi-femme mi-poisson, puissante et redoutée, qui est aussi une figure des bas-fonds. Dans Mascarades, telle une sirène échouée, l’interprète fait face aux gens qui la regardent et saute. Un saut ordinaire, vertical, et dont le mouvement persistant fait émerger de surprenantes transformations. Dans ce solo – comme si son corps devenu surface de projection s’offrait au flux continuel d’images – Betty Tchomanga joue les transformations en déclinant les différents enjeux du saut sur le mode du désir : sauter encore pour exister, résister, devenir ou mourir. Ainsi Mascarades convie de multiples présences fantomatiques au sein d’une écriture concise aux débordements inattendus.

Jump ! Dans le vide....l'or dure...Bas les masques.

La voilà cette sorcière qui chante, enjôleuse, enrouleuse. Comme à la Mary Wigman, recroquevillée, grimaçante, les yeux révulsés sur une estrade magnifiée. En tunique gris-blanc comme une odalisque adulée, attirante, absente, évadée dans un autre monde, à part, convoitée par nos regards 


intrigués.Tiraillée par un désir de déplaire, de repousser et d'attirer en même temps. Les pieds en éventail, orteils mobiles écartelés. Des éclairages verdâtres pour l'isoler au mieux sur le plateau nu. Habitée de tremblements, la tête désaxée par un effet perturbant de noircissement du cou qui isole son couvre-chef capital.Un chignon haut, tressé, des doigts en griffes et serres d'oiseaux.Tel un animal égaré, possédé, cette femme-girafe intrigue et questionne l'identité. Elle se dévêtit, en short jean, le corps à demi noirci, la peau entre noir et blanc de peau...Des rythmes musicaux hallucinés l'accompagnent dans cette danse rituelle déjantée, désaxée. Sauts et rebonds nus pieds la transforment en sauvage indomptable, pantin mécanique obéissant à des dictats venus d'ailleurs. Elle repousse les démons, le regard hagard, les jambes en dedans, en dehors comme la sacrifiée, l'élue du Sacre du Printemps. Danse votive ou rogations, mimiques du visage qui se plisse, se rétracte en autant de signes, de replis. Des onomatopées sur le bout des lèvres comme une mélodie de Gainsbourg ,"Comic strip"...


Des nattes en falbala se délivrent, extensions au vent, tournoyantes. Parure de parade, d'oiseau rare à poils, à plumes. Qui crie, se rebelle, se rebiffe et s'envole dans de belles envergures. Chasse-mouche et balais o'cedar aux poings comme des plumeaux de majorette extra-ordinaire créature hybride d'un autre continent. Rasta aussi à la Marley insurgée et indomptable.Tel un animal, mi homme, mi femme,elle, il renifle, haletant, râlant. Corbeau, corneille, oiseau de bon ou mauvaise augure. En slam, en rap, voilà l'étrange animal sauvage qui se transfigure, se métamorphose en proie à l'emprise des dieux, des esprits malins, oiseau de proie ou bestiole au sexe poilu recouvert  de ses nattes qui circulent et font que son corps mute lors de cette danse rituelle. Les cheveux masquent son corps,en font une barbe qui désarçonne les genres masculin- féminin avec bonheur et ironie .Épouvantail qui fait la bête, qui fait l'ange,androgyne à souhait, ensorceleuse de quartier en colère, pelage de poils en habit de danseuse. Déhanchée, torsion du bassin, danse serpentine ondulante sans équivoque sexuelle. C'est en bord de scène que cette créature transfigurée tente de communiquer en vain, apeurée, tandis que le bûcher fume pour mieux l'immoler.


Des plaintes et murmures en adresse au public, dans le calme ou des hurlements hoquetant.  Elle émet aussi comme un chant mélodique séducteur de sa voix de gorge, puissante. Cela vaut de l'or, ce saut dans le vide, cette interprétation hors norme d'une artiste qui se donne, habite son corps comme un vecteur de sons, de gestes sidérants. Betty Tchomanga joue, danse de toute sa peau noircie par excès pour mieux mettre en valeur les différences de tons, de perception de nos regards sur l'apparence de l'autre, de l'étrange.

A Pole Sud les 17 ET 18 JANVIER dans le cadre du festival "L'année commence avec elles"