vendredi 20 janvier 2023

"Groove": Soa Ratsifandrihana creuse les sillons, sème la danse et la récolte est bonne...

 


Soa Ratsifandrihana  Belgique solo création 2021

"groove"

Désirs de danse

« Si je danse, c’est grâce à la musique » raconte Soa Ratsifandrihana. Aussi a-t-elle créé son premier solo à partir d’une envie irrépressible : « pouvoir m’écrire une danse, avec des mouvements que j’aime ». Nourrie par son histoire personnelle autant que par son expérience professionnelle d’interprète, la jeune artiste s’intéresse au groove qui est pour elle le dénominateur commun des désirs et plaisirs à danser. Dans un espace quadri-frontal où le public est à proximité des gestes, elle évolue au fil d’un parcours spécialement conçu pour abriter deux univers musicaux successifs. Le groove – terme argot de la musique jazz, apparu à la fin des années 30 qui signifie littéralement, dans le sillon du disque ou dans le coup – en est la quête. Sa question : « Comment une pièce chorégraphique peut-elle mettre en scène le groove ? »

Dans l'obscurité du studio se dessine un corps au sol, dans le silence et l’opacité. Peu à peu se révèlent les gestes ralentis, lents et infimes de l'interprète, la peau noire, le corps massif, la chevelure bouffante, volumineuse. Encore à peine discernable son corps se love, ses bras se tendent, elle s'arc-boute, caresse le sol de ses doigts frêles. Les épaules renforcées par un costume noir, des excroissances comme une armure ou une extension de son envergure. La lumière se fait plus vive et elle danse, ses gestes lents savourent l'espace. De son corps puissant elle trace des arabesques solides et bien ancrées, plantée au sol. La bande son déraille, patine comme un disque qui gratte sur la platine. Le diamant empêché dans ses sillons rebondit. Elle prend l'espace encore agenouillée et s'épanouit peu à peu, danse fluide et déliée. La rapidité s'empare d'elle, vélocité à volonté. Ses membres se diffractent, segments rythmiques simulés. En short noir, masse de cheveux ondulante, elle semble marquer son territoire comme un filage avec précision, retenue, habitée, lointaine. Elle ôte sa veste, décontractée, naturelle et prend l'espace à bras le corps, déployée, envergure détendue. En suspension élégante.Se fait sa musique dans le silence, joue ses tempi, abreuve les sillons de ses gestes en contrepoint et cadence. Notes chorégraphiques qui résonnent comme une musique intérieure, une partition corporelle jouée sur les cordes de son être. Fait un semblant de madison, prend ses marques, esquisse ses pas en démonstration. Un métronome au loin pour la guider. Puis elle se laisse envahir, submerger par l'inspiration, radieuse, jouisseuse, sensuelle. Délicate. Et la musique de sourdre alors ou enfin: elle frappe alors de ses talons en rythme ce sol si précieux: gestes mesurés, multidirectionnels, débridés ou à l'inverse très calculés, en parade militaire. Bondit, court, sautille, balayant l'éther, toujours aussi charmeuse et légère. Les lumière rougeoyantes lui font un dance-floor chaleureux. Elle disparait, nous quitte discrète comme elle est entrée en scène: en toute sobriété et rêveuse. Le public qui l'entourait comme dans une arène lui ,rend hommage en applaudissements généreux. Soa Ratsifandrihana réussit sa mise en scène musicale en tout point.

A Pole Sud les 20 et 21 JANVIER dans le cadre du festival "L'année commence avec elles"

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