mardi 5 novembre 2019

"Le Misanthrope": ça tourne en rond dans le cercle des salons ressuscités !


Dans Le Misanthrope de Molière, Alceste s’évertue à dire tout ce qu’il pense dans un monde où la fausseté semble être la règle. Quelles seront les conséquences de ses paroles en amitié, en amour, socialement ? Le metteur en scène Alain Françon explore la tension dangereuse de cette caste prisonnière du paraître dans l’antichambre du roi. Une société où les mots sont les seules armes pour s’allier ou se combattre, où la fortune comme la faillite peuvent dépendre d’une phrase. Toute vérité est-elle bonne à dire quand il est question de vie ou de mort sociale ? Dans un monde d’alliances déterminées par l’intérêt personnel, comment trouver le chemin de l’honnêteté ?

Une pièce mythique où il fait bon planter ses références pour se défendre et afficher un "savoir" sur Molière...Et bien, nenni, vous serez surpris de rencontrer enfin Alceste, d'emblée campé par un acteur hors pair,, Gilles Privat, odieux et tendre personnage, avec lequel on est en empathie subite tant ses paroles pourtant "galvaudées" nous semblent fondées sur la justesse et la pertinence de l'observation de la gente humaine...
On se plait à le voir bouger, nerveux, précis, gracile homme de bonne ou mauvaise foi, en proie à la révolte et la diffamation, constatant que l'humaine condition est haïssable et mondaine, avec ses conversations de salon vaines et pitoyables.Le vers est complexe et chantant, rythmé, langage raffiné, précieux.Le cercle du roi est ici présent dans ce salon, vide, au carrelage noir et blanc, au fond de scène givré de branches d'arbres enneigées. Comme si tout était figé, refroidi, plaqué sur des us et coutumes ancrés.Les vérités que l'on s'y balance sont cruelles, vaines et sans lendemain...Les vers d'Oronte sont "mauvais" et Alceste s'y prend royalement pour démolir leur style prétentieux, vide et ronflant. Chacun ici, de tous ses personnages que l'on croit cerner, va de son mieux combattre les préjugés ou les renforcer, subtilement selon son rang, son positionnement social et "physique" à la cour de Louis XIV...Et si le roi dansant est absent il est bien ici omniprésent dans l'étiquette, les postures et attitudes, la chorégraphie des déplacements. Et les costumes, stylés plutôt contemporains sont de toute beauté, seyante pour les femmes, plus rigides et noir anthracite pour les hommes; les coiffures servant de postiches hallucinants aux conventions vestimentaires: perruques d'aujourd'hui, coupes hirsutes et architecturées comme les fondamentaux de cette population agitée de sentiments et réflexions tournant en rond dans un monde pétrifié et stagnant...La mise en scène pertinente de ses corps enfermés dans ses cercles et salons de bienséance est sobre et efficace, balayant tous les falbalas et autres accoutumances à Molière que l'on découvre ici, politicien, farceur et caricaturiste malin et audacieux..."Voulez vous que je vous parle net" ? en serait le condensé royal !
Très actuel en ces temps qui courent !

Au TNS jusqu'au  9 Novemlbre

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