samedi 26 octobre 2019

"Extinction" : extension du domaine musical ! Pas pompier !


"Extinction : réduction de l’intensité d’un élément lors de son passage dans un milieu, en raison de l’absorption, de la réflexion ou de la diffusion"
Vendredi 25 octobre 2019 - 20h30
Église St. Aurélie
16 rue Martin Bucer
HANATSUmiroir::
Ayako Okubo (flûte), Thomas Monod (clarinette), Olivier Maurel (percussions et électronique)
lovemusic::
Emiliano Gavito (flûte), Adam Starkie (clarinette),Lise Baudouin (piano)
musique de ::
Salvatore Sciarrino, Francesco Filidei, Igor C. Silva, Luigi Nono, Morton Feldman, Malika Kishino
"Ce programme est le résultat d’une collaboration entre le collectif lovemusic et l’ensemble HANATSUmiroir – deux ensembles Strasbourgeois – construit à partir des pièces Raffigurar Narciso al fonte et il motivo degli ogetti di vetro du compositeur Salvatore Sciarrino, au cœur desquelles préside l’idée d’une réflexion sonore. Tandis que Francesco Filidei explore des sons outre-instrumentaux – des sons de souffle ou percussifs – absorbés instantanément par l’environnement, le compositeur portugais Igor C. Silva propose une pièce électroacoustique incluant une vidéo mettant en avant les textures tranchantes de son discours musical. Morton Feldman quant à lui, invente dans King of Denmark une musique de l’effleurement, de la disparition de l’impact au profit du grain, une musique de l’érosion. Enfin, une création commune inspirée par Luigi Nono explorera l’espace que peut développer un spectre sonore."
Photo robert becker

Mettre le feu aux poudres!

Dans l'église Sainte Aurélie, aménagée pour la circonstance en agora de la musique, au coeur de l'édifice pour accueillir les instruments et musiciens, une arène, autour de laquelle un public venu nombreux, se dessine dans l'espace.
Salvatore Sciarrino avec "Il motivo degli oggetti di vetro" pour démarrer avec ses infimes tonalités de son minimaliste des flûtes: une ambiance curieuse, peuplée d'animaux, d'insectes dans la nuit intime: de petits souffles, des cigales à l'affût...Puis le piano intrusif et violent éclate en touches cinglantes....


Malika Kishino avec "Halo" s’immisce : les deux clarinettes basses dialoguent, leurs souffles se répondent, se frottent, s'esquivent, se dérobent: des respirations s'enflamment, se précipitent, excitées, volubiles: du duo-duel, une lutte ou un écho complice... Des pétarades, des tiraillements de sons, en flux et reflux, des vols d'insectes se profilent. Ca s’en tuile, vrombit, tourbillonne dans les graves, comme à travers un tamis qui filtre les paillettes d'or de ses orpailleurs du son!

Les percussions de "Morton Feldman "The King of Denmark" intriguent avec tout ce petit attirail d'accessoires sonores sur l'établi musical d'un alchimiste du genre: Olivier Maurel avec ses gestes félins d'un Merlin l'Enchanteur, prestidigitateur dans une plasticité remarquable des éclairages. Comme un tableau, nature vivante magnifiée: des sons glacés de caverne, une résonance du vide habité: les détails et précisions du jeu du percussionniste sont à voir absolument. Dans cet univers, espace infini, atmosphère étrange, les grondements d'une matrice résonnent au coeur de cet instrument-arum bizarre, batterie de coquilles lumineuses...

Suit "Texture" de Francesco Filidei: une bulle de savon magique se dessine en vidéo sur le fonds de scène. Le piano est effleuré, caressé, griffé en glissades : tout est en fugue, sifflements, gonflements du ballon qui vole et se meut: quelques déchirements, des sursauts, des ratures de flûte et clarinette pour "orner" cet opus singulier.


Brûler les planches"

"Raffigurar Narciso al fonte" de Salvatore Sciarrino, succède naturellement pour deux flûtes, deux clarinettes et piano.
Très belle image de ses rois Mages penchés sur le clavier, veillant aux sons magnétiques: vision à la Georges De Latour, que ces deux flûtes penchées sur le berceau, attentives, bienveillantes...Des sons hyper aigus en surgissent, intimes, discrets comme l'évocation d'un chant de faune sylvestre.
La grâce de bras de la pianiste, virulentes interventions au bout des doigts, pour mettre de la poésie, du lyrisme dans cette pièce rare.



"Smart Aliénation" de Igor C Silva enchaîne, regroupement des six musiciens avec ventilateur, vidéo et électronique!
On chausse ses mitaines rouges pour la pianiste et on s’attelle à créer une cacophonie organisée, vibratoire, illuminée, parade diabolique, animée, joyeuse, virulente, énergique et pleine de tonus!
 Comme une démarche de pantin désarticulé, avec des accélérations fantasques à l'envi !

 Feux d'artifice

"D'après A Pierre. Dell' azzuro silenzio, inquietuml" de Luigi Nono, au final de ce "récital" inouï, réjouit, surprend!
Dans une configuration scénique radieuse, les quatre instrumentistes à vent sur la cursive de l'église, balcon entourant ce patio de rêve, devenu jardin musical pour l'occasion ...Des ombres portées se dessinent au mur.Quatre souffles venus de ses sommets, des hauteurs résonnent en écho, face à face, éloignés dans l'espace sonore. Ca courre, ça résonne, mouvement sonore spatial, sidéral, cosmique, aérien. Du mystère dans l'air, comme une ville engloutie dans un univers inquiétant. Des fumerolles en décor, une éruption volcanique grondante, remous d'images rougeoyantes


La bande son borde le tout, menace d'éboulement, déferlement minéral, avalanche de scories: les vibrations, tremblements de terre tectonique, allument des lumières de feux, rouges qui se répandent: incendie volontaire, embrasement attisé par les vents: coulées de laves en images récurrentes comme un nouveau Pompéi submergé de sons. Les quatre veilleurs en vigile "pompiers de service" pour "extinction" des feux de ce spectacle idéal!


Les feux de la rampe

Une initiative originale à déguster sans modération dans un esprit d'étonnement, de recherches inhérentes aux deux groupes de création de musiques d'aujourd'hui ! Un concert qui embrase , se consume et feux éteints, rejaillit de ses cendres comme un phoenix qui nous hante encore longtemps de ses sonorités éruptives et incandescentes !



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