Paysage, corps féminins, rythmes et méditation. Lisbeth Gruwez relâche la tension émanant de ses précédentes créations. Au tempérament éruptif de sa danse, elle propose un autre chemin. Tout aussi vive et intense, cette nouvelle pièce chorale et magnétique invite à relier chaque geste en un mouvement libérateur. Après trois pièces consacrées au corps extatique, Lisbeth Gruwez change de cap et s’absente du plateau. Son nouveau défi : chorégraphier pour un groupe d’interprètes féminines. Selon l’artiste flamande – déjà accueillie à POLE-SUD avec plusieurs créations : It’s going to get worse and worse and worse, my friend, Lisbeth Gruwez danse Dylan, We’re pretty fuckin’ far from okay – The Sea Within est un nouveau rituel conduit par une communauté de femmes, « aussi sensuelles et fortes que la fleur de lotus qui symbolise l’union ». Ainsi la danse opère un retour vers les dimensions multiples de la nature avec ses cycles, ses éléments, ses mondes organiques et leurs mouvements. Synthétiseurs minimalistes et jeu musical pimenté contribuent à la création de cet univers qui touche les sens et fascine. Souffle, méditation, peut-on aussi danser l’instant ? C’est ce que proposent Lisbeth Gruwez et ses complices, invitant le public à flotter avec eux, entre puissance et vulnérabilité, au gré de nouvelles émotions.
Danses carnivores
Sur le plateau nu, sol moquetté rosé, chacune apparaît animée de mouvement reptilien, éloge de la lenteur rivée aux corps Sur fond sonore de musique "sylvestre" remplie d'oiseaux, les corps offerts, ouverts, tee shirt de couleur pastel et slip boxer noir....Une langueur mélancolique, nostalgique, une sensualité sourdent de leurs gestes répétés,
De solides et plantureuses créatures, androgynes ou faisant basculer le genre, côté féminin, côté masculin, selon les humeurs. Terrestres, architecturées comme des êtres nés au monde, jambes écartées, colonne vertébrale déroulée. Sculpturales, animales, avec des en dedans simulant folie, enfermement, replis, cheveux défaits, muscles saillants d'athlète Ce gynécée de fortune, communauté femelle respire, ondoie, groupe frontal respirant sur fond de musique évoquant démons et marées, en vagues contagieuses. A la Laban, ou évoquant les danses solitaires de Isadora Duncan.
Elles semblent souffrir ou accoucher, chacune matrice, utérine au son du vent, bourrasque qui se lève, les fait osciller dans une communion étrange
La meute est solidaire, celle qui s’effondre est retenue, rattrapée par ses sœurs de chair: comme des zombies solitaires aussi qui errent dans l'espace et se retrouvent pour mieux agir, dévorer.
La propagation des mouvement s'installe ou fuit en jets d'énergie contagieuse. Des petits groupes se font et se défont à l'envie, mêlée, mélange, maelstrom de corps charnus, érotisés dans la tempête ambiante. Cataclysme où tout s'accélère, battements de coeur au poing
Bourrasques et murmures aux lèvres dans une disgrâce, introversion schizophrénie feinte et mimétisée pas toujours de bon aloi
Ca dérange, déstabilise, agace parfois tant on est proche de la vulgarité, de la "laideur" ou de la pornographie.
Qui sont-elles ces femmes possédées dans le désordre de la folie ...?
Une splendide diagonale de "fou" se profile, alignée comme une "cène" à la David Lachapelle
Danse matriarcale, utérus et matrice comme caverne et secret de cabinet de curiosité humaine.
Reine des termites qui grouillent, bavent, déversent une mollesse certaine, fluide , l'une surgit en figure de proue sur le radeau de la Méduse en perdition: qui gagnera sa place hors de ce magma compact qui bruisse et d'où sortent des créatures à la Jérôme Bosch..? Mollusques épris de ralentis , d'ennui ....
Des confrontations en ligne de combat, panique architecturée, danse de folles, allumées, sorcières possédées, portées par une musique poussée à fond, terrifiante, en proie à la peur..
Spasmes, cris démence pour une cérémonie expiatoire, libératrice.
Danses de pin-gouines, Lesbos veille au grain, Vénus se protège, menacée...Apollon exclu, définitivement de ce gynécée étrange
Épidémie de danse en transe vaudou, film fantastique ou d'épouvante, d'horreur tant les mimiques, les langues pendantes ou les corps écartelés sont sur joués en plaintes et gémissements sourds.
Indécence et provocation au corps, les femmes se tâtent le corps en simulant la douleur, cruelles, se disputant la place au soleil ou plutôt à l'ombre de leurs visions démoniaques .
Vers une rédemption incertaine, un cercle mouvant se forme, animé par ces corps consentants, épris de lenteur, de mouvements langoureux qui collent et adhèrent au sol en ronde, amas mouvant qui se tord, se love.
Comme des sauvages elles jaillissent du groupe compacté, les regards halluciné, hagards
La plastique des corps dansants, brute, non canonique, muscles saillants, fesses rebondies, slip baillant sur les peaux dénudées.
Elles errent en perdition, les mains et doigts crochus, comme des plantes carnivores gavées de suc, mouvements désordonnés de personnes déséquilibrées, entravées, "empêchées", introverties, autistes...
Cour des miracles, , butoh esquissé, détourné danse ravagée, déjantée, ironie et sarcasmes non dits.
Impudique chair triste , vaudou marabouté, en chorale christique, on ne sait où aller sinon dans la fosse aux lionnes..
Mais le sacrifice en vaut-il la chandelle.
A Pôle Sud les 2 et 3 Octobre
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