Une table à soi (danse de mains) est un projet transversal, une installation performative, une création scénique. Cette histoire s’ancre dans un imaginaire féminin fortement affirmé où se croisent, tels les personnages d’un dialogue rêvé, plusieurs figures de femmes inspirantes (Virginia Woolf, Isadora Duncan) aux côtés de présences plus quotidiennes : mère, sœur, amie… Olga Mesa propose de construire un paysage en mouvement, qui représente les lieux d’une sensibilité à la fois personnelle et collective : ces lieux sont ceux de notre fragilité, de notre présence aux choses du monde qui viennent, puis disparaissent. Elle nous offre ici un récit chorégraphique, une cartographie de présences qui va nous transporter vers des horizons de résistances intimes. Une table à soi, est plus qu’une pièce, c’est une constellation de rêves et de visions en commun.
Olga Mesa fait la fille de l'air, ventile à tord et à raison dans un espace multiforme comme elle a le secret de fabrication. Sur le plateau cette fois ci, sur le socle du spectacle vivant, la voici effigie de tous ses caprices d'antan et d'aujourd'hui. Figure de proue des nouvelles technologies au service d'une imagination singulière et débordante, elle se libère ici d'un attirail encombrant pour trouver sa "chambre à soi". Véritable manifeste de son identité trouvée, de son altérité de corps et d'esprit, la voici créatrice d'espaces multiples à partir d'un dispositif ultra sophistiqué dont il ne transparait rien d'artefact tant l'aisance et la décontraction l'habitent et la façonnent. La lumière la fascine, voyante à la boule de cristal qui irradie des rayons de lampe disco. L'air, le vent, la respiration pulsent son propos et rythment la pièce dans un flux, des sonorités de ventilateur de fond, bruissant à l'envi. Tout la propulse à se
mouvoir, caméra discrète en main comme une paluche d'antan pour mieux capter, capturer, fouiller l'espace et nous le restituer plus tard en l'absence de son corps. La perte au coeur de son propos, autant que la présence forte et fragile à la fois de son corps. Corps costumé, collant écossais insolite ou semi nudité du buste, désireux, sculptural, tendre et forme féminine non canonique. La beauté en poupe, la complicité au poing, la voici animée par toutes les métamorphoses scénographiques dont elle a le secret. Des gélatines accrochées au mur qui se soulèvent dans le vent, des courants d'air salvateurs sur le plateau pour déplacer le propos. Et sa voix, timide, feutrée - ce soir là aphone mais peu importe tant la présence de ce son transformé nous laisse sans voix. C'est l'écriture improbable projetée sur l'écran, née de son clavier d'ordinateur qui nous délivrera ses intensions, hésitations, son empêchement ce soir là s'exprimer haut et fort. Qu'à cela ne tienne, les "petites mains" d'Olga s'agitent comme pour une prière, un salut, un clin d'oeil à l'écoute de la voix de sa mère qu'elle convoque au téléphone. Souvenirs, tendresse, oubli, perte d'espace dans ce navire qui vogue, chavire, se redresse à l'infini pour une navigation sans cap. A bâbord une femme qui danse et tournoie, dans la grâce des plis des voiles de sa jupe, à tribord une capitaine au long cours qui devine et fait jaillir son altérité: face à nous, devant nous, témoins de cette métamorphose, ce passage de chrysalide à papillon. Lumières et musique pour révéler chaque facette rémanente de la mémoire, du présent très charnel de cette artiste atypique en diable. Sa voix plane et se fond dans ces espaces créés de toute pièce sans décor ni trompette. Olga Mesa cherche, trouve sa voie sans chape ni couvercle. Une révélation polymorphe, polissonne de son talent émergeant une fois de plus: décapant et salvateur qui respire, souffle, impulse et projette nos esprits, ailleurs, ici et maintenant. Les aurores boréales, reines du roi des vents, Borée, rayonnent de lumières et éclairent notre lanterne, "servante" du théâtre au repos. A vous couper le souffle! Alors la petite table se fait dinette et modèle réduit, modeste icône de sa résurrection.
A Pole Sud les 11 et 12 Janvier dans le cadre du festival: "L'année commence avec elles"
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