lundi 21 février 2011

article sur l'histoire de la danse

PANORAMA de l'histoire de la danse: le corps en jeu

Brosser l'histoire de la danse, c'est faire état à la fois de l'esthétique, du social et du politique qui traverse l'histoire du corps vivant en état de danse. C'est écrire et parler d'un art ancestral dont on retrouve les premiers signes sous formes de peintures rupestres illustrant les rituels de chasseurs. C'est se promener dans l'univers des danses sacrées ou profanes, sociales ou spectaculaires. C'est faire vivre autant des images, que de la mémoire, du vécu comme de la transmission. Car danser…c'est danser; ce n'est ni se taire , ni être muet, ce n'est pas un palliatif à l'absence du verbe, c'est un autre langage avec ses codes, sa grammaire, sa syntaxe, son écriture à travers les siècles. Mais de quand daterait la première chorégraphie?
Terpsichore, déesse de la danse
A vrai dire, on tâtonne pour savoir si au "début était le geste", un geste quotidien qui devint rapidement une figure, un code à reproduire pour faire du sens. Les origines de la danse ne sont pas très précises…"Bouge le petit doigt et tu verras bien ce qui arrive". En Grèce, la "danse cuirassée", des pas nobles et militaires , évoquent la guerre et la confrontation des corps en lutte….Profane ou sacrée, la danse intervient dans toutes les civilisations; de la spontanéité initiale, celle-ci passe bientôt à l'organisation plus ou moins subtile de l'espace. A l'improvisation incontrôlée succède un certain ordre, un choix une préférence. Comme la Grèce, l'Egypte, l'Orient  et l'Afrique possèdent leurs propres systèmes. Plus de trois siècles de recherche ont permis l'épanouissement d'une esthétique fondée sur les principes de "l'en dehors", de l'"aplomb", de l'"élévation". Sans jamais connaître de régressions, d'hésitations durables celle-ci a progressé et découvert les secrets de cette combinaison abstraite de pas et de lignes en mouvements, comme ceux de la métamorphose émotionnelle. Les origines du ballet appelé par la suite classique ou académique remontent à la fin du Moyen Age; dès lors mômeries bourguignonnes, entremets et chansons à baller attestent la permanence en France, d'un goût pour la  danse qui s'épanouit en Italie, berceau de la Renaissance humaniste; on y découvre les prémices d'une organisation théâtrale du mouvement.
Danse et politique: l'ambassadrice du pouvoir
 C'est le Ballet de Cour qui rayonnera grâce à la création d'une académie de danse par Louis XIV, le Roi Danseur par excellence. Le Ballet d'Action succède à cet épisode très politique de la danse pour, grâce à Noverre, trouver ses lettres de noblesse en 1760.Rameau, Lully, de grands musiciens collaborent à l'évolution du ballet; Molière invente la "Comédie ballet", forme théâtrale qui implique la danse dans l'intrigue et la narration, au même titre que le verbe. Révolution de palais ou de ballet? Menuets, gavotte, pavane, autant de figures à reproduire savamment et professionnellement. La danse monte sur scène, danse baroque flamboyante, véhicule du pouvoir absolu du roi et de sa cour.
Le romantisme féminin
Puis, les "pointes" arrivent dans le paysage romantique avec la célèbre Ballerine Marie Taglioni, pour laquelle son père règle le légendaire ballet "La Sylphide". C'est le règne de la danseuse, de blanc vêtue, en tarlatane et tutu romantique. Le Ballet possède un livret, un argument, une histoire écrite par Théophile Gaultier; la Russie adopte mi XIX ème siècle Jules Perrot et Marius Petipa qui écriront les plus belles pièces "La Belle aux bois dormants", "Le Lac des Cygnes" et feront rayonner le "style français". Mais rapidement cette écriture s'essouffle au profit d'un mouvement révolutionnaire: celui de l'époque des Ballets Russes de Serge de Diaghilev qui tenteront autour de l'expérience chorégraphique de Nijinsky, Massine, Fokine puis Balanchine et Lifar de refondre la danse avec les arts plastiques, la création musicale et la scénographie. Picasso y devient quasi chorégraphe et Stavinsky prétend imposer une nouvelle rythmique. De grands théoriciens vont accompagner cette évolution: André Del Sartre, Dalcroze inoculent à la pratique des notions de kinésiologie, de soins et de réflexions sur l'espace et la créativité personnelle du danseur, gymnaste, naturiste.
Libérer les corps
La "danse libre" est née et sera suivie par bon nombre d'expériences focalisées simultanément en Allemagne avec Rudolph von Laban, Mary Wigmann et en Amérique avec Isadora Duncan, Ruth Saint Denis qui chacun à leur façon libèrent les gestes des contraintes des codes de la danse académique Les corps sont libres, inspirés par la danse sacrée ou la gymnastique. Pionniers et chefs de file d'une modern'dance, ils révolutionnent la scène et portent la danse là où on ne l'attendait pas: dans la nature, les parcs, sans décor ni costumes. Ils font école et donnent naissance aux Etats Unis et en Europe à des lignées de danseurs, issus de ces deux courants. Le corps devient l'enjeu de la danse; celui du danseur est réhabilité et cesse d'être "le porteur de la danseuse classique"; autant Serge Lifar en France que les générations qui succèdent tendent vers l'abstraction, reniant histoire, ballet d'actions et autres falbalas pour aller à l'essentiel de la danse: l'expression de soi et de ses émotions; la psychanalyse accompagnera ce mouvement, de Martha Graham à d'autres créateurs avides de sentiments et de libération. Fini le chausson et le tutu, tabula rasa intégrale avec les successeurs de la Modern Dance: Trisha Brown, Merce Cunningham et les autres associent dans les années 1960 d'autres artistes, musiciens ,plasticiens, performeurs à leur processus de création chorégraphique. On parle d'aléatoire, d'improvisation, de performance…Le spectateur est bousculé, impliqué jusqu'à participer à l'élaboration du spectaculaire. Alwin Nikolaïs transforment les danseurs en autant d'électrons libres lumineux dont la trace est la simple chorégraphie kaléidoscopique. Le sujet s'efface , la danse abstraite est née. Maurice Béjart, lui dans les années 1950 entreprend son vaste projet de porter la danse, comme une cérémonie partagée, une "messe pour le temps présent" et inaugure les festivités dans des stades et autres lieux grand-public, avec une série de ballets aux langages métissés, de l'Inde à la théâtralité, de vastes sujets( sida, guerre…)à des duos plus intimes. Son rayonnement n'a de cesse aujourd'hui de par l'universalité de son langage néo-classique.
La danse aujourd'hui
Bien d'autres expériences vont fonder dès 1980 à partir de la France, la nouvelle danse contemporaine, multiple, aux facettes foisonnantes de l'imagination de chorégraphes comme Gallotta, Marin, Saporta, Nadj, et bien d'autres trublions comme Découflé ou Larrieu. C'est la danse belge qui aujourd'hui rayonne au niveau international avec les petits frères et sœurs de cette génération: Anna Térésa De Kaersmeker, Jan Fabre, Wim Vandekeybus, les flamands inondent la scène de l'inventivité de leurs créations très personnelles. La grande Bretagne n'est pas de reste avec Loi Newson et ses émules. La danse commence a être enfin reconnue par les institutions et financée comme art à part entière et le statu d'auteur est rendu au chorégraphe. Parallèlement, la danse investit les champs de la mode, du design, de la musique et s'empare des jeux olympiques en 1992 où c'est à un chorégraphe que l'on confie la mise en scène de l'ouverture des Jeux. Reconnaissance qui entraînent certains artistes aujourd'hui à renier "le père" en créant le courant de la "non-danse", l'absence de langage dansé de façon accepté, qui entraîne jusqu'à la disparition du corps sur scène: le travail de la génération des Bel, Rizzo, Buffard et autres trublions assume pleinement l'étude du corps au détriment de la danse, affirmant que seul compte le mouvement quotidien, la performance: ils rejoignent les courants de création des arts plastiques et proposent réflexions et performances multiples. Qu'on se rassure, le Ballet de l'Opéra de Paris et d'autres grandes formations de par le monde assurent la pérennité d'un répertoire, mais constituent aussi des laboratoires vivants d'expériences multiples. On n'a pas encore" asséché Le Lac des Cygnes" au grand regret de Jean Cocteau et ceci pour mieux comprendre d'où vient la danse et où va la danse!
Geneviève Charras

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