vendredi 13 novembre 2015

"Live @ Home 5" des Percussions de Strasbourg: que ça saute ! Tirez sur les compositeurs!


S'il est un dénominateur commun à la musique, à la danse , au cinéma, c'est bien le rythme!
Et quel beau pari gagné ce soir là au Théâtre de Hautepierre à Strasbourg, pour l'Ensemble légendaire des Percussions de Strasbourg: un "ciné-concert" inédit avec deux films expérimentaux du siècle dernier et trois pièces musicales modernes et contemporaines. Un programme fort bien dosé et bien ciblé, comme son affiche visuelle: Jean Boerlin, tireur d'élite,  chasseur de sons et d'images dans le court métrage de René Clair: "Entr'acte" !
Surtout ne tirer pas sur les compositeurs!Les salves sont salvatrices!
Démarrage en trombe avec le film "94 13,The Live and Death of a Hollywood Extra" de Robert Florey 1927: une pluie d'images surréalistes en noir et blanc, pleines de tectonique, de plans inclinés, de montage absurde et trompeur, tête en bas, univers architectural renversé dont l'intrigue- un casting pour un acteur de cinéma hollywoodien- renvoie à l'histoire du septième art à peine en train de naître!
La musique "live" interprétée par nos six musiciens percussionnistes est d'une facture fort originale et signée Javier Elipe Gimeno: une commande pour l'ensemble, du sur mesure, de la haute couture pour mieux faire vibrer et résonner tout un arsenal d'objets et instruments de percussions.Un compositeur passionné de cinéma expérimental des années vingt nous donne à découvrir une rythmique visuelle en création mondiale!
Suivent des morceaux choisis de Gérard Grisey "Stèle" de 1995?, tout en nuances , à l'orée du silence, et "Third Construction" de John Cage 1941: oeuvre pour instruments hétéroclites, joyeux, ludiques et incongrus, quasi jeu de hasard, futur yi king et coup de dé.
Une riche performance pour quatre musiciens, magiciens du son étrange et percussif.
C'est au tour de "Silence Must be ! "de Thierry de Mey de prendre le relais avec un solo magnifique, dont seule la gestuelle évoque la musicalité du corps d'un chef d'orchestre de pacotille
Performance de danseur, très précise, évoquant dans l'espace, l'univers sémantique des gestes d'un chef d'orchestre, évoluant, muet et sourd sur la scène.
On songe aux "Musiques de Table" du même Thierry de Mey, réalisateur, musicien et danseur, complice d'Anne Térésa De  Keersmaeker, Michèle Anne de Mey, Wim Vandekeybus....
Belle prestation, magnétique, sensuelle, délicate où les mains, les bras du musicien sont autant d'esquisses, de phrasé musical renforcé par des gestes furtifs, fugaces, en suspension, comme une danse des membres supérieurs, convoqués pour exprimer l’inouï, l'indicible!
Et pour clore, un "Entr'acte" bien mérité, celui du film de René Clair, court métrage dadaiste et pré-surréaliste de 1924, extrait du ballet "Relâche" de Jean Boerlin, à l'époque des Ballets Suédois de Rolf de Maré.

Que ça saute!Les images nous embarque d'emblée dans une course folle à la montre où tout chavire et bascule, tempête dans un grand verre d'eau où les protagonistes, Picabia et Erik Satie s'en donnent à cœur joie!La "bande son" en direct toujours de Javier Elipe Gimeno est en adéquation avec toutes les nouvelles inventions techniques de ce cinéma expérimental sans queue ni tête,  une mêlée de doux dingues court après un corbillard fou, où une danseuse floutée -Inge Fries- tente de se métamorphoser en méduse flottante à la Paul Valéry....Course folle, tambour battant, menée de mains de maître par nos horlogers minutieux des Percussions, joailliers de la précision, de la mécanique de l'aurore, de la fascination pour la métrique, l'incongru, le désarticulé de la partition filmique et sonore!
Programme inspiré et bien dosé pour une soirée percutante où l'on ressort "saties'faction" ou "satie'rik", enjoué et rassasié de découvertes tonituantes et salvatrice comme ces musiques très "jumping", très fun !


0 commentaires:

Enregistrer un commentaire