vendredi 4 octobre 2024

"Rififi, la comédie musicale" : une revue sacrément "palpitante"!


 Paris dans les années 1930. C’est l’histoire d’un amour contrarié entre Vincent et Rose.
Lui est chorégraphe, apprécié dans les grands music-halls de la capitale. Elle est danseuse dans un petit cabaret louche.
Vincent veut engager Rose dans son prochain spectacle, mais elle est la fiancée de Gus, « l’Elégant », le chef d’une bande de malfrats. Quand Gus, jaloux et possessif, découvre leur amour naissant, il s’arrange pour faire accuser Vincent d’un crime qu’il n’a pas commis. Ce dernier est alors obligé de fuir la France et se réfugie à La Havane. Il se laisse aller au désespoir et devient bientôt une loque traînant de bars en bars. Il y fait la rencontre de Howard Smith, un riche homme d’affaires français ayant fait fortune aux Etats Unis, et grand amateur de music-hall. De leur rencontre va naître un nouveau projet à Broadway, mais aussi un nouvel espoir pour Vincent.
Ce nouveau départ va-t-il lui permettre de revenir à Paris pour prouver son innocence, laver sa réputation et retrouver son amour perdu ?

« Rififi, c’est offrir au public un moment hors du temps pendant lequel il va se sentir envahi d’un sentiment de joie et de plaisir. C’est rire, s’émerveiller, tomber amoureux des personnages, voyager et avoir envie de fredonner les chansons entendues en sortant du spectacle… Et pourquoi pas avoir envie d’esquisser quelques pas de danse ? » Jean-Luc Falbriard


Tout démarre en trombe dans un rythme éffréné qui ne cessera deux heures durant. On y brosse un tableau croustillant, préambule ou prologue aux chapitres suivants: c'est Paris, son coiffeur, son bistrot, son marchand de fleurs et le cabaret "Plum'art. C'est tout Pigalle réuni, son "aquarium" à maquereaux comme place principale. Beau tableau vivant où les personnages, protagonistes de l'histoire, se présentent à toute vitesse. Entrée en matière qui annonce la couleur et le rythme tambour battant mené par l'orchestre "de chambre" derrière son petit rideau noir.Le ton est coquin, malin, endiablé, de mise pour le sujet abordé/ Les "malfrats" de Panam ou Pantruche pour les intimes, trois voyous, braqueurs de charme qui jouent les méchants. Les imbattables habitants de cette plaque tournante désopilante. Trio de choc que celui formé par Francesco Gill, un Gus malin et fourbe, arriviste et jaloux, Seppi l'Alsacien , un Raphael Scheer en grande pompe et Alexandre Sigrist en Teigne au diapason.Des bandits de grand chemin au turbin pour effectuer leurs larcins. Serait-on dans la pègre, le pays des condés, ou le royaume des malins du système D des embrouilles?  Un bel homme charmeur se profile dans les coulisses du cabaret-lupanar de luxe.Dans un solo magnifique inspiré de "Chantons sous la pluie"Jean François Martin se la joue Jene Kelly. Le réverbère faisant le reste.


Solo d'un chorégraphe tombé subitement amoureux de Rose, danseuse et chanteuse, propriété artistique et affectueuse du taulier, Gus. Enjôleur, timide, réservé, le voici embarqué dans une folle aventure où la femme désirée, Rose, une Léa Guérin savoureuse et enchanteresse s'affole à l'idée de trahir son souteneur. Sa frangine de coeur et de scène, "La Toupie", Mathilde Melero comme confidente, conseillère et soutient indéfectible. On serait presque aux Folies Bergères ou au Moulin Rouge. Un rêve que caresse Vincent en compagnie de Rose. Mais les affaires se compliquent et au coeur du dressing multicolore, les secrets, aveux et intriques se délivrent à l'envi. C'est excitant, emballant et haletant. Les saynètes s'enchainent bordée par la musique toujours aux aguets de l'action et de la narration. Signée Romain Schmitt et menée par quatre musiciens aguerris, les mélodies, chants et texte sont bien roulés et étonnent. La verve, le tonus des interprètes faisant le reste! Les profils de chacun se précisent, leurs intentions, bonnes ou mauvaises aussi. Gus aux consoles de ce navire déboussolé, Francisco Gil parfait petit homme de paille qui se croit grand seigneur, voix et diction au top pour incarner ce pantin de pacotille...Du talent à revendre chez chacun sans omette René, un Jean Luc Falbriard qui endosse le r^le de l'arrangeur complice ainsi que le futur Fratelloni du second acte. Habile, agile et souple personnage qui hante le plateau qu'il met en scène avec le brio qu'on lui connait. L'art de faire se déplacer les foules, de focaliser l'intrigue sur les personnages qu'il façonne à l'envi de sa patte de directeur d'acteur sans faille, à l'écoute de chaque personnalité créative: les interprètes alors au mieux de leur forme.Sabrina Rauch, irrésistible femme de compagnie de ce grand bordel, bazar des intrigues et du charme pas discret de cette joyeuse assemblée. Un petit solo à la Liza Minnelli pour enrober les coeurs, faire chavirer ses hommes, gardienne de cette baraque, boutique fantasque des désirs et de la cupidité. Et le Clou, Dominique Grylla d'en remette une bonne couche d'humour, de malice débonnaire, de bonhommie décapante. Le "palpitant" -le coeur en argot titi parisien-vedette de ce show à l'étuvée, de ce panorama burlesque d'une micro-société sympathique malgré ses travers. Le ton monte, le meurtre arrive pour dénoncer et faire leurre pour chasser l'amour des deux pigeons, Vincent et Rose: c'est la vie!Chacun fait de l'autre son affaire et cela se complique énormément en fanfare et tambour battant.

Jusqu'à nous mener à l'exil du héros, à la Havane, on s'offre une nouvelle vie,histoire de disparaitre de ces intrigues.Changement de décor, au "Blue-rose"de lieu et d'action pour pénétrer un univers de fête et de nonchalance. Les personnages sont "masqués" derrière d'autres rôles et une jolie confusion s'installe. On y retrouve Vincent exilé, toujours amoureux, esseulé aux prises avec un bandit richissime Howard Smith. Les rêves semblent se réaliser: celui d'un cabaret "Le Paradis(latin)? Belle occasion pour la chorégraphe Pippa Simmons de s'atteler à des morceaux de bravoures, danses de cabaret bien relevées, unisson de gambettes proches du Cancan d'une "Goulue" ou "Grille d’Égout". Les quatre danseuses et deux danseurs au top dans des costumes tout rose, seyants signés de Florence Bohnert: un panel de brillant, de couleurs, et d'inspiration music-hall de toute beauté et inventivité. Les escaliers, rampes et autres supports pour mieux magnifier les corps chatoyants en mouvement. Les plumes au final, les ronds de lumière très Crazy Horse pour fignoler les aspect musi-hall de plumes et de paons.. Menottes au poing pour quatre taulards resplendissants, micmac et aventures en ressort!C'est drôle et réjouissant: mener la revue et corrigée de toutes pièces pour ce gala tonitruant, mis en scène sans faille. La trahison, l’amitié au chapitre des émotions et du récit qui passe comme une lettre à la poste. Rififi, c'est aussi une mélodie du bonheur, une comédie  musicale qui fera du bruit et des remous dans l'univers de ce registre pas si simple à mettre debout. Une réussite pour Jean Luc Falbriard toujours au poste, livret en main, clef de voute, fédérateur d'énergie et de complicité. Un bain de jouvence à recommander sans modération

Avec : Jean-Luc Falbriard, Francisco Gil, Dominique Grylla, Léa Guérin, Jean-François Martin, Mathilde Melero, Sarah Puydoyeux, Sabrina Rauch, Raphaël Scheer, Alexandre Sigrist (ou Sébastien Dubourg)

L’ensemble chorégraphique : Joris Conquet, Mickey De Marco, Lilou Larre, Hilla Levy Aslan, Manon Lorre, Daphné Schlosser (ou Charlotte Duez)

Les musiciens : Raymond Halbeisen, clarinette, saxophone ténor / Laurent Wolf, flûte, saxophones / Serge Haessler, trompette, cor d’harmonie / Sylvain Troesch, guitare, banjo / Jérôme Wolf, contrebasse / Michel Ott, piano, claviers / Romain Schmitt, batterie, percussions et direction d’orchestre

Assistante au metteur en scène : Christine Denis
Scénographie : Mathilde Melero
Costumes : Florence Bohnert, Magali Rauch et Julie Desmidt
Habilleuse : Emmanuelle Maribas
Maquilleuse : Hélène Durli
Régisseur lumières : Xavier Martayan
Régisseur son : Mathieu Pelletier (ou Mailys Trucat)

 A l'espace K jusqu'au 31 Octobre

jeudi 3 octobre 2024

"Sonic Temple vol. 6 La récupération"

 


PoulainJar

Inventif et artisanal, poétique et décapant, libre et indiscipliné, PoulainJar est un duo sonore qui expérimente des chansons de gestes pour la scène.

 


I N S T I T U T R I C E

La musique d’ I N S T I T U T R I C E évoque par moments les gongs horizontaux appelés kong vong thom de l’orchestre cambodgien, ou les fulgurances d’un ensemble de gongs kolintang de Mindanao, au sud des Philippines. On est ici dans le monde flottant d’un folklore imaginaire dont les sonorités évoquent ces musiques traditionnelles asiatiques, mais étrangement propulsé par un drive puissant, une mise en place au cordeau et troublé de sons électroniques discrets.

percussions, sons environnementaux, traitement sonore | Éric Bentz & Jean-Baptiste Geoffroy



Petr Válek, Jára Tarnovski, Ondřej Merta : Metal

Ce premier projet collaboratif entre Petr Válek, Ondřej Merta et Jara Tarnovski, est l’occasion de nous confronter à l’élasticité sonore du métal, utilisé de différentes manières sur de multiples supports, pour créer des titres à l’agitation incessante.
Les objets utilisés glissent, se frottent, se cognent à des surfaces toutes plus différentes les unes que les autres, cuir, plastique, métal, bois… donnant naissance à un espace en émulation, entonnoir rythmique d’une nature invisible amplifiée.



ladr ache

Avec un instrumentarium composite où percussions, objets du quotidien, cordophones et oscillateurs électroniques tissent un tapis sonore où poser leurs voix, les six musiciennes de ladr ache créent un improbable pont entre polyphonies aux échos baroques et signal en dents de scie saturé. Textes, musiques et chansons de récup glanés dans toutes les traditions du futur… Elles font puissamment scintiller le présent et invitent le public à encercler le cercle qu’elles forment sur scène ou dans la salle. Des cérémonies à vivre ensemble où le collectif l’emporte à chaque fois.

A l'église ST Paul le 3 Octobre dans le cadre du festival MUSICA

"White dog" : du chien, de la rage, du mordant et de l'empathie!


 

Adapté de Chien blanc, récit autobiographique de Romain Gary (Éditions Gallimard, 1970), cette pièce prend la forme d’un thriller social en pleine Amérique ségrégationniste. Le romancier, installé avec son épouse Jean Seberg à Hollywood, recueille un berger allemand abandonné. Découvrant qu’il attaque systématiquement les afro-américain·es, il met en parallèle la monstruosité humaine et la sauvagerie qui fait rage dans le pays, en pleine lutte pour les Droits civiques. Au rythme d’une batterie jazz, deux marionnettistes blanc et noir se partagent tous les rôles de cette histoire d’une manipulation très politique. Humaniste forcené, l’écrivain d’ascendance juive et polonaise, qui fut aussi deux fois lauréat du prix Goncourt, interroge la fabrique de la haine et la possibilité de la désapprendre. Le chien, pantin de papier manipulé par les hommes, suscite l’empathie du public qui voit sa part sombre naître grâce au théâtre d’ombre. Au milieu de grandes feuilles vierges dont les métamorphoses en direct viennent donner vie aux chapitres du livre, les pages se noircissent de mots, d’images d’archives et de pop-up révélant, pas-à-pas, les trous et les non-dits de l’histoire.

 


Une petite estrade, un sol carrelé, des ombres chinoises en prologue tracées sur des pendrillons blancs. Cela a déjà du "mordant" dans la diction, les paroles et gestes du comédien qui se profile. Percussions et traduction en langage des signes comme accompagnement fidèle tout le long de ce spectacle-manifeste poétique et politiquement très correct. Belle relecture de l'oeuvre et du destin de Romain Garry auprès de l'actrice Jean Seberg, personnages incarnés par deux marionnettes de taille humaines, manipulées et enfilées par les comédiens.C'est tout à fait réussi et probant, mobile, agile et les mouvements des personnages sont parfaitement adaptés à cette singulière motricité. Le chien , personnage principal de cette histoire revisitée est exceptionnel de véracité et authenticité Marionnette, enfilée, long corps animal souple, flexible. Le tout bordé d'une scénographie savante et sophistiquée. De la blancheur pour cette scène tournante qui devient manège peuplé de polis petits chiens politiciens. Les crocs attaquent, le chien est menaçant métaphoriquement: croc blanc qui dévore les noirs. Dressé pour et pourtant très attachant. Ses attitudes, posture pleines d'attention et d'observation sur les us et coutumes d' un canin! 

C'est le milieu du cinéma qui est interrogé: un cascadeur désacralise le métier dans son carré 4/3 de poste de télévision. Reconverti en dresseur de chien, il est chargé de déconstruire l'éducation du chien d'attaque, chasseur de noirs.Ce sont aussi les médias et les images d'archive qui interrogent l'actualité des USA durant les émeutes raciales de 1968. Une belle leçon d'histoire que ce "white dog" mené bon train dans un rythme palpitant au son des percussions omniprésentes. Le chien dans son enclos de bois, comme prisonnier de ses maitres. La scène tournante est de bon aloi, de petits pas de danse jazzy pour l'ambiance country font le reste de la mise en scène. Ce décor de papier blanc, de la race blanche qui est puissante, devient symbole d'occupation de territoire. On rêve d'une nation noire, sur fond blanc... Désapprendre le dressage, qu'il soit du chien ou de la propagande raciste serait le leitmotiv: tous au final portent ce masque canin. Bas les masques...



 

Formée à l’art de la marionnette à Glasgow, Camille Trouvé co-fonde la Compagnie Les Chiffonnières. Jusqu’en 2006, elle mène avec ces plasticiennes et musiciennes une recherche sur le rapport entre image et musique. Elle se forme auprès de grand·es metteur·euses en scène et auteur·rices de théâtre tels que Wajdi Mouawad, François Cervantes et Catherine Germain, avant de suivre la formation continue de l’École nationale supérieure des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières. Constructrice, bricoleuse d’objets articulés et insolites, marionnettiste et comédienne, elle poursuit ses expérimentations, traçant au fil des créations un univers visuel, original et décalé. Circassien de formation, Brice Berthoud a débuté comme fil-de-fériste et jongleur dans la compagnie Le Colimaçon, créant des spectacles mêlant les arts du cirque et la comédie. En 1994, il intègre la compagnie strasbourgeoise Flash Marionnettes. Sa technique de manipulation emprunte d’une certaine manière au jonglage par la dextérité et la virtuosité avec laquelle il change de marionnettes. En 2000, Camille Trouvé et Brice Berthoud co-fondent Les Anges au Plafond, projet pluridisciplinaire à la croisée des arts : théâtre, arts plastiques, art du mouvement, magie nouvelle et musique dans le domaine théâtral. En octobre 2021, le duo devient co-directeur·ices du Centre Dramatique National de Normandie Rouen. Iels ont présenté au TJP Le Bal marionnettique.

 
  Au TJP Grande scène jusqu'au 5 octobre

"Birds"  Ensemble Maja : ouvrez la cage aux oiseaux...C'est comme l'oiseau !

 


THÉÂTRE MUSICAL

De drôles d’oiseaux de l’avant-garde du XXe siècle sont réunis sur une même scène par un jeune ensemble prometteur sous la direction de Bianca Chillemi.

Les Aventures et Nouvelles Aventures de György Ligeti ouvrent le bal dans une interprétation à la lettre, mais néanmoins déjantée, auxquelles succède un autre périple, tout aussi délirant, celui des Eight Songs for a Mad King de Maxwell Davies illustrant le monarque du Royaume-Uni George III gagné par la folie. Une nouvelle génération d’interprètes reprend à son compte la fougue créative des années 1960 et écrase le champignon de la musique contemporaine — avec brio, avec humour, sans complexe.


György Ligeti
, Aventures et Nouvelles aventures (1962/65)
Ligeti  dans tous ses états:il fallait oser, ils l'ont fait. Magnifique et drôle interprétation de cette oeuvre par des musiciens-chanteurs-comédiens de haut vol.  Maquillés à la Frankenstein, un peu gore et habillés comme des gentleman ou officiers les "hommes" ont fière ou piètre allure. Les trois cantatrices, quand à elles sont pailletés, longues robes-cloches bouffantes de gala et autres prestation guinée et bourgeoise.Le jeu du maitre de cérémonie, chanteur démoniaque et joueur excellent de rôles divers est sublime Entre mime et danse, élucubration vocales, verbales et sonore, il excelle dans le bluff et la drôlerie. Jamais une composition du maitre Ligeti n'avait revêtue pareilles formes.Extravagante mise en espace entre les instruments, leur fonction détournée, décalée en siège, accoudoirs ou autre support corporel de jeu.  Ça caquette dans cette volière fébrile, animée, décapante à souhait. Surjouées, les rôles s'enchainent piqués d'humour et de détachement: scènes de jalousie, d'hésitation, de rixe et frappes entre les protagonistes qui se disputent les meilleures places. Concurrence déloyale avec les musiciens qui donnent aussi le là, au diapason de cette fresque burlesque et très relevée, pimentée. Survoltées, les trois femmes pépient, crient, hurlent ou chante le belcanto. Électriques, moqueuses, ou très maniérées. Caricatures fabuleuses d'une narration invraisemblable. Peu importe, on pouffe de rires quand le grand dégingandé volubile arpente la scène sur la pointe des pieds: histoire de disparaitre ou de se dissimuler au regard. Le chef d'orchestre improvisé au pied levé avec son chasse-mouche d'époque fait le reste. Coquettes et caquetantes les femmes n'ont point de réserve et c'est tant mieux. Un ballet de gestes au ralenti ponctue ces pérégrinations cocasses avec bonheur: un peu de répi dans cette course folle, ce film muet un peu gore en contrepoint. Panique au mégaphone, zizanie et grand bazar au regard du très sérieux Ligeti. Touché, coulé! C'est gagné!

Peter Maxwell Davies, Eight Songs for a Mad King (1969) 
On passe à bien autre chose, lentement dans un temps de repos, de détente, , interlude et pause salutaire, accalmie rythmique après la tempête. Une gigantesque couronne, "couronne" le tout, suspendue aux cimaises. Apparition du Roi, grande silhouette dégingandée qui arpente le plateau, vociférant. Ubu en personne tout au long de sa prestation grand-guignolesque qui va suivre. Les instruments sont détournés et son mime exaspéré, vociférant est de bon aloi pour créer de toute pièce un anti roitelet de pacotille.Des bruits, des imitations de sons du quotidien pour auréoler ce jeu disgracieux et tonitruant. Lez roi chante, hurle,aux loups s'exprime et s'expose, fou, foutraque, désespérant. La couronne devient cage à oiseaux ou fleurs, emprisonnant notre héros derrière les barreaux. Aux oubliette, en tôle et sous les verrous de la musique et des actions de ses vassaux. Un discours flamboyant, harangue pour ne pas se faire oublier ni détrôner trop rapidement. L'acteur chanteur au top de l'incarnation de cet être fantoche.Épinette et chant baroque en contrepoint de cette prestation décapante mais quelque pezu rallongée par des répétitions et redondances de propos musicaux et verbaux. Un bon délire tout de même assumé par l'ensemble Maja de toute pièce.

I - The Sentry (King Prussia’s Minuet)
II - The country walk (La Promenade)
III - The Lady-in-waiting (Miss Murgraves Fancy)
IV - To be sung on the water (Waterman)
V - The Phantom Queen (He’s Ay A-kissing Me)
VI - The Counterfeit
VII - Country Dance (Scotch Bonnet)
VIII - The Review (A spanish March)


piano et direction artistique | Bianca Chillemi
scénographie | Cécilia Galli
lumière | Daniel Lévy
costumes | Ninon Lechevallier

soprano | Anne-Laure Hulin
mezzo-soprano | Romie Estèves
baryton | Pierre Barret-Mémy et Vincent Bouchot

flûte | Samuel Bricault
clarinette | Joséphine Besançon
cor | Mathilde Fevre
violon | Apolline Kirklar
violoncelle | Clotilde Lacroix
contrebasse | Rémi Demangeon
clavecin | Grégoire Laugraud
percussions | Valentin Dubois

A la Cité de la Musique et de la Danse le 2 Octobre dans le cadre du festival MUSICA


mercredi 2 octobre 2024

"Singing Youth" Judit Böröcz | Bence György Pálinkás | Máté Szigeti: corps en alerte! Les voix de leurs maitres.

 


THÉÂTRE MUSICAL
 Leurs regards et leurs corps musclés rayonnent de gaîté et de confiance. Les figures de la Jeunesse chantante respirent le bonheur. » En 1953 fut bâti le Népstadion (Stade du peuple) à Budapest, symbole du premier plan quinquennal hongrois.

Celui-ci a été remplacé en 2019 par la Puskás Aréna, construite à partir du béton concassé de l’ancien stade à la demande de Viktor Orbán. À ses abords trône toujours la statue Jeunesse chantante, figure du réalisme socialiste, témoin de l’histoire politique tortueuse de la Hongrie et point de départ du spectacle. Sur scène, un chœur entonne les chants du passé comme les discours politiques contemporains et leurs injonctions à faire peuple ou nation. 

Des images d'architectures, un contexte monumental va raconter l'histoire géopolitique de la Hongrie. Quand parlent les sculptures...que racontent les voix, porte paroles et mégaphones des pouvoirs politiques en place.Inspirés de chants de lutte populaires, de slogans politiques, les motifs vocaux sont riches d'enseignement sur le fonctionnement affectif, émotionnel d'une chorale, groupe communautaire au service des pouvoirs... Petite chorale de sportifs, en baskets, soquette, short et maillots blancs, uniformisés, voici nos anti-héros de pacotille virtuoses des mélodies rapportées, transformées en exercice de style très musical, sophistiqué. En canon, soliste ou en groupe compact, cet ensemble vocal se mouvant à l'envi dans l'espace est de toute rigueur et de grande beauté acoustique.L'histoire des statues, des stades qui se démolissent et resurgissent de leurs gravas-cendres récupérées, est édifiante. Un pouvoir en chasse un autre mais les vecteurs de la propagande et de la démagogie ne changent pas. Les voix de leurs maitres résonnent quoi qu'il en soit! Corps en érection, verticaux, sans faille extérieure.Chiens fidèles obéissants, polis-petits-chiens de garde à vous. Au poste. L'éducation physique,la ré-éducation en cheval de combat, arme du pouvoir, chant de la terre promise. Pour la jeunesse embrigadée. Tout de briques et de broc que ce stade, où les dieux sont l'effigie de la jeunesse malléable et manipulée. Pas cadencés, cadenassés, militaires, poses d'un statuaire déboulonné mais pas déboussolé où les repères-travail, union, patrie- font loi. Comme une sorte de fresque, abécédaire de codes de bonne conduite irréprochable. Frise, enluminure politique à déchiffrer et décrypter sur les bandes défilantes de textes de discours et autres préceptes recommandés à suivre. La dictature passe par le verbe, le chant qui galvanise et fait office de bourrage de crâne salutaire... Dénonciateur du pouvoir sur des airs pourtant légers, agréables, réjouissants, entrainants. Carmina Burana païennes, en canon, hymnes nationaux et patriotes au poing. Arène nationale dans une ère bouleversée et compromettante. En ordre de grandeur croissante, nos six chanteurs-performeurs se jouent d'une certaine ambiguïté des propos et situations. La musique va-t-elle nous tromper, nous induire en erreur? Travail, combat, des valeurs communautaires dont la "famille" semble exclue, niche trop étroite et individualise. Restons groupés! Exercices corporels gymniques en rond, cercle solidaire, expression corporelle et rythmique du XIX siècle Dalcrozien.On est bien dans l'éducation saine et mentale, physique de corporation soudée. Pas un pas de travers ni digression possibles. Le chant est arme de combat retentissante. Quelques pas de bourrée pour illustrer discipline et savoir-faire à l'encontre de la liberté et créativité. Un sculpteur grec exilé devient porte parole de l'intégration minutieuse de l'étranger dans la Hongrie chaotique. Les chants, doux, réservés et fort à propos nous bercent aussi dans cette joyeuse démagogie ambiante. Les statues chantent aussi au bord des stades, lieux de torture et de labeur, endroit où la forme olympique est de rigueur. Pour l'image d'un pouvoir fort et incarné par ses ouilles. Des berceuses nostalgiques pour émouvoir et attendrir, où l'on y voit cependant "rouge". La solidarité est de mise dans ce groupe homogène à souhait, voix enveloppantes et charmeuses, au service de la domination des corps et esprits. Eloge du peuple docile, mené par le bout de la langue de bois des pouvoirs en place. Frappements de mains pour fédérer et partager l'énergie constituante. Cris de foule revendicative au final: va-t-il y avoir soulèvement? Le chant déstabilise l'ennemi. Notre corps est "arc tendu" pour mieux viser l'autre en faute. Les chanteurs comme "chars d'assaut", debout, fidèles au poste de surveillance accrue. Pour la "survie" de la Hongrie... Jamais seul, pour ce chant de cérémonie, messe païenne, de foi et de croyances.

Au Maillon le 1 Octobre dans le cadre du festival MUSICA

"The Rise"  Eva Reiter | Michiel Vandevelde  | Ensemble Ictus & Disagree : derrière les miroirs...Des faunes a-phones...

 


Dans The Rise de la compositrice autrichienne Eva Reiter et du chorégraphe belge Michiel Vandevelde, les corps qui jouent, les corps qui dansent et les corps qui chantent font émerger sur scène un nouveau monde à partir du cycle de poèmes Averno de Louise Glück.

Le maître de cérémonie est Ruben Grandits, un acteur sourd, magicien de la traduction, qui fait circuler le sens entre la langue, le signe et le son. Il guide les dix interprètes à travers la bouche du volcan du lac Averne, lieu de passage entre le monde des vivants et celui des morts. S’inventent alors sous nos yeux : des instruments extraordinaires, de nouvelles harmonies, une autre grammaire, une politique de l’art.

 

Il est devant nous, très proche et s'exprime uniquement avec des gestes, amples, précis, fluides: conteur d'une histoire qui se lit en surtitre, cet acteur "muet" est de toute franchise et beauté. Dans un costume pastel, bigarré, ample, il se meut très à l'aise, visage et regard ouverts, à l'écoute. En fond, une toile argentée, froissée l'enveloppe, le protège. Ce prologue, préambule entre danse, langage des signes et gestuelle corporelle singulière touche et ouvre vers un spectacle inattendu. Bruits d'effondrement, de cataclysme, de tempête pour ornement. Deux personnages en bord de scène, mimes, faiseurs de corporéité unique en son genre. Puis c'est l'apparition de quatre autres interprètes, alignés, accroupis frottant, grattant le sol en des gestes circulaires, souples: on y simule l'écriture, l'effacement, la perte ou la disparition. En s'essoufflant et émettant des signes de vie et de respiration.Gestes vifs et fébriles qui augurent du rythme de l'opus en train de naitre. La danse y tient la part belle, reptation et autres circonvolutions en toges blanches comme une frise apollinienne, blanche, profilée comme des Isadorables ou danseurs grecs. De tubes de diverses formes surgissent vents et souffles; ceux de la danse et de son énergie motrice. Huit interprètes tiennent le plateau et entourent notre conteur-narrateur "sans le son". Mais avec toutes les suggestions de lectures possibles engendrées par la langue des signes, revue et corrigée au profit de la chorégraphie. Des faunes, a-phones en diable, des nymphes comme chez Nijinsky et Debussy. Discours dans le vent. Danse de bras à l'unisson en segments, passages fulgurants et acrobatiques, capoeira et hip-hop comme fondamentaux. Mudras indiens quasi tétaniques comme ornement et musicalité très codée. Danse de bâtons alors que la toile de fond s'est effondrée, fait place à une autre, sorte de photographie géantes sépia noir et blanc, floutée. L'univers est cosmique et onirique. Au sol, le blanc poudré évoque sable ou neige dans laquelle foule un danseur acrobate se défiant des embuches. Le relief des éclairages au sol en fond une aire de déplacements dangereuse. Ce cortège de nymphettes se double par l'exercice de bruits sortant d'instruments à vent confectionnés de toute pièce. Soufflet géant qu'active une danseuse grâce au poids de son corps, immense cor, sorte de vent étiré de toute beauté. Les artistes s'y adonnent avec bonheur à la percussion, au souffle à la tempête. Comme un chemin de croix, ils portent un dispositif fait de branches et bâtons, assez singulier. Les toges de couleur flottent comme pour des vestales ou autres gardiens d'un temple ténébreux, mystique et mystérieux. Une scie musicale et corporelle s'y ajoute dans ce chaos corporel, foisonnant et très "musical". Notre narrateur toujours au poste de garde. Des jeux de loupe viennent faire de nos acteurs des monstres détirées, malmenés, grotesques et comiques. Quasi burlesque interprétation corporelle de la différence. En trompe l'oeil comme un leurre scénographique corporel. Un cornet à quatre pavillon fait fureur, géant et très esthétique, longue forme énigmatique dans ce cabinet de curiosité, cette danse en chambre pour octuor diabolique. Tremblements, oscillations, parcours spatiaux des danseurs comme occupation du territoire évanescent.et de l'étrangeté. Une voix s'élève, angélique, pure, aiguë pleine de charme divins.Brouillard et fumigènes à l'appui. Des tourbillons de danse, des volutes fluides et éphémères arrêtent le temps. Des reptations épileptiques, hystériques en contraste. Au final une sorte de chant choram médiéviste, religieux font office d'épilogue pour cette épopée singulière, odysée du langage entre silence et expression des corps dans tout leur état musical et sonore. Corps vecteurs de souffle, de vie, d'énergie, de tous et de dynamique. On rêve dans un univers archaïque, léger plein de matière transparentes; des toges à la toile-rideau de fond, la transparence est de mise.

 

sA la salle gruber dans le cadre du festival MUSICA