samedi 17 octobre 2020

"Episode NUIT": noir, c'est noir, sur l'écran blanc de mes nuits noires...Il y a tant d'espoir !

 


"À situation inattendue, nouvelles propositions. Pour faire face à l’imprévu, avec ses contraintes, mais surtout pour renouer avec la danse et la relation au public en toute convivialité, POLE-SUD a proposé à quatorze artistes, proches compagnons d’aventure, d’imaginer la rentrée de cette saison 2020-2021.
Tous nous ont fait la joie de relever le défi. Intervenir rapidement pour construire ensemble, imaginer d’autres formes de travail et rendez-vous artistiques autour de créations à venir ou de solos déjà créés. Les propositions de ces artistes seront à découvrir en septembre et octobre.
Ces parcours, visites et rendez-vous artistiques qui jalonnent le temps et les espaces de POLE-SUD ont été spécialement conçus pour tous les publics. Une autre façon de vous inviter à découvrir et partager, au fil d’une trame plus intimiste, les multiples aspects de la création."
 
A pole sud vendredi 16 OCTOBRE 19H 1H 30....

C'est le jour...de la nuit !
C'est parti pour l'épisode Nuit succédant à celui du "jour", feuilleton palpitant dont le suspens  et la formule excitent la curiosité: roman "noir" pour nuit "blanche, c'est ce qu'on va voir, regroupés en trois rassemblements pour un programme commun dans l'ordre imparti par succession et durée des pièces, dans un timing et tempo digne d'un marathon...tranquille et sans concurrence !
"Programme commun", poétique et politique comme il s'entend ici dans l'engagement de Pole Sud auprès des artistes, émergents ou pointures affirmés.
 
C'est le cas de Olga Mesa qui inaugure le bal avec "Une table à soi"dans le grand studio qui lui sera dévolu toute la soirée, tant le dispositif scénique est foisonnant comme à l'accoutumée: table, chaise, ventilateurs soulevant des rideaux de plastique fin, câbles et autres "ficelles" et surtout la présence chaleureuse et "intime" de l'artiste à corps ouvert, offerte devant nous à toute expérience Entre charnel et virtuel, corps vivant, présent et images enregistrées ou filmées en direct par sa petite caméra "paluche" Objet "transitionnel" de l'artiste qui avoue ne pas "savoir" quitter cette distanciation toute brechtienne, née bien avant le confinement, oscillant entre présentiel et "télé travail" artistique! Embarqués par sa verve verbale, ses histoire personnelles qu'elle nous confie d'emblée, en communication directe avec sa mère, alitée en Espagne dans son village natal. Mesures de "distances" physiques et géographiques qu'elles transcendent toutes deux par le médium du spectacle, de la mémoire, de la filiation. A la manière de Olga, danseuse aux prises avec son espace sonore, vidéographique Telle Mélies devant sa lune, silhouette découpée de théâtre d'ombres, entre virtualité, miroir ou objets "mécaniques" bien visibles, la voici en proie à l'expérience partagée, dangereuse, audacieuse, sur le fil. Jean de la Lune de Tomi Ungerer, micro en main, chat-animal malicieux, elle écoute, répond à la bande enregistrée: "il n'y a pas d'orchestre" pas de " ..." Mais bien un récit q-i se tisse, en corps, en danse: danse des mains sur du Bach, transmises et dansées par sa mère, à distance, lecture de Kazan ou d'Isadora Duncan, lettres de noblesse de la liberté; comme un long plan séquence, Olga évolue, à l'aise, guidant notre attention sur des petits riens essentiels. Elle danse dans ses deux cercles de lumière, petite boite noire, boite de nuit, avec la "javanaise" en filigrane: danses tracées et immortalisées par la caméra: ici tout "réfléchit" dans le miroir ou le convexe d'un objet métallique réfléchissant. "Mesa": la "table" autour de laquelle on s'assoit pour converser, dialoguer: pas de "tabula rasa" mais un palimpseste de propositions à retenir pour trouver "sa chambre à soi", comme Virginia Woolf ! Une histoire de femme qui pense , de danseuse qui danse sans cesse en quête d'incarnation.
 
On change d'espaces et ce sont les trois groupes qui se retrouvent dans la grande salle de spectacle: beaucoup de monde en tout !
Au tour de Marino Vanna d'interpréter un solo, "No -mad(e)", dans la semi- obscurité d'abord, découpant sa silhouette comme une sculpture corporelle révélée par la lumière diffuse: gestuelle lente et fluide, voluptueuse, pleine d'une grâce métissée entre différentes écritures: indienne, art martial et quasi pastel ou aquarelle des danses indonésiennes, cambodgiennes, croquis de Rodin, esquisses dans l'espace de traces graciles et évanescentes: c'est de toute beauté: quelques séquences tétaniques, des mouvements vers l'arrière pour rembobiner le temps. Torse nu, la sueur magnifiant les contours de son buste mouvant, labeur où la performance, la dépense subjuguent: des tournoiements sans fin, derviches païens, s'enchainent, à l'envi.Sur une bande son d'abord caverneuse et aux râles et toussotements irrespirables, il évolue, libre, plutôt enroulé sur place puis échappant aux contraintes de l'espace "empêché". Un danseur soliste qui sur le plateau inspire respect et admiration, à "distance" comme la catharsis sait opérer pour les moments de félicité que la danse sait offrir!Comme la grue du Qi Qong qui avance, touche l'air, caresse l'espace et le font vivre , doigts tendus, agiles, le corps lisse, laqué de sueur.
 
Après ces émotions, place à la proximité dans la dansothèque en compagnie de Akiko Hasagawa, danseuse d'origine japonaise qui nous offre un solo-duo en compagnie d'un violoniste: c'est "Les va-et-vient", un défilé magnétique d'une femme vêtue d'une chemise jaune ample, pieds nus pour des évolutions directionnelles, entravées par l'espace longiligne de la configuration spatiale: comme un couloir, une estrade vue des deux côtés. Balade ludique et légère, interrogation et complicité avec la musicienne, avec une compilation d'extraits musicaux venus d'un choix de son entourage... C'est inspiré et ça opère encore mieux dans la seconde pièce "Haré Dance" où comme un défilé solitaire, elle s'inspire des traditions japonaises pour offrir des personnages multiples, vêtue d'un body noir et surtout d'une coiffe "rituelle", rouge, sorte de manège, de cirque de tête, de chapeau de magicien qui se transforme presque en coiffe Forêt Noire", rouge et noire, pompons floraux et pétales, piques dans la coiffe et autres objets singuliers propres à sa culture.Généreuse prestation!Un beau visage à l'écoute, des mains papillon, une natte qui fait colonne vertébrale mobile, des poses à la Degas pour un parcours qui s'étire dans l'espace étroit, dans une galerie de peintres impressionnistes aux "danseuses jaunes" !Une danse happée vers le haut, où les sauts sont de mise pour avancer dans la quête d'une complicité avec les cordes pincées du violon, ou sa carcasse frappée de percussions tactiles.Un petit autel rituel, ambulant posé sur la tête, un masque intégral, casque ou chapeau de rizière....

On passe à la pause "restauration": on est dans les temps: on se fait plaisir en échangeant.
 
Reprise pour notre groupe avec Vidal Blini et Caroline Allaire pour leur duo "Narr-exploration"n° 1
Prologue et préambule littéraire à partir des textes écrits sur la fièvre , épidémie de danse de 1518 à Strasbourg: phénomène déjà abordé avec l'exposition qui fut consacrée à l'événement au musée de l'oeuvre et à la performance signée Tompkins/ Poirier" en 2018.Ici on danse à deux, longues jupes plissées grises, dans des mouvements circulaires hypnotiques, des danses inspirées de la tradition, du folklore, danses collectives structurées, ordonnées, apprises et transmises de génération en génération: à l'encontre des mouvements débridés des premiers "acteurs" de ces danses de folie enregistrées au XVI ème siècle. Puis tout semble basculer lentement dans des déséquilibres, des reprises non conformes, des fantaisies spatiales et toniques qui versent lentement vers un ailleurs.Collages, assemblages, tissage savant de matières premières dansantes, face aux descriptions des textes lus en prologue.La "nef des fous" de Sébastien Brant  est édifiante à ce sujet !Sur fond de chant médiéval, la danse se tricote, régulière, altière, digne, au port de tête noble, codé, savant. Attitude, postures et allures brandies comme de petites victoires sur la "maitrise"! Puis ce qui se transforme peu à peu, opère un tournant, léger, infime dérèglement d'une mécanique d'horloge, de l'aurore des temps. Ca se bestialise, sensualité et érotisme au poing.Emportés par des trajectoires divergentes, ça tourne sans cesse, "timbrés" affranchis par cette quête de l'absolu: ça cloche: on y fait "feu" de toute danse, de saint guy ou autre forfait hallucinogène né d'une potion magique: on ergote en manifestations bizarres...Affaire à suivre !
 
Au tour, dans le petit studio, de Androa Mindre Kolo pour un trio "Voilà le temps: aujourd'hui, le passé, l'avenir": une pièce plus sobre qui conte l'histoire d'un homme exilé, porté par le destin à être nomade, transplanté, déraciné. Sous son abri de fortune, en branches d'arbres de survie, accompagné d'un guitariste et d'un partenaire aux consoles, il danse, fragile, à l'esthétique corporelle digne d'un Jean Paul Goude ou d'une Joséphine Baker: atypique et troublant, touchant et émouvant dans sa quête pour communiquer et partager l'inconscient et le vrai de sa vie sur le ring, gants de boxe aux poiungs.
Micro au corps ausculté, respiration entravée au souffle court, jeu de serpent à pneus: un retour au pays en images clôt cette évocation toute personnelle et modeste, humble d'une vie désœuvrée.

Encore quelques images-micro trottoir glanées par Etienne Rochefort à la Dansothèque : "carte blanche aux images" comme une feuille de papier blanc qui se remplit de témoignages croustillants sur "qu'est-ce que la danse pour vous".
Et la soirée opère, diversifiée, riche des écritures et expériences, livrées en "work in progress" entre confidentialité et partage collectif.
 Joel Brown, Yvonette Hoareau et Sébastien Vela Lopez au final....
 
"Ce que le covid a fait à la danse" "ce que la danse à fait au covid": on aurait envie de dire: des rencontres, des rapprochements, des "créations" loin du concept de se "réinventer" et de faire de "l'occupationnel ou de présentiel" !


Avec:
Étienne Rochefort – Artiste associé
Chorégraphe issu des danses urbaines, Étienne Rochefort est aussi passionné par l’image et le cinéma. Ses pièces sont au croisement de ces langages, mêlant fiction et abstraction aux musiques actuelles.

Vidal Bini
Chorégraphe, Vidal Bini développe son travail entre création et pratiques de l’improvisation. À travers gestes, mémoire et transmission, sa démarche s’intéresse aux enjeux collectifs du corps et à ses utopies.

Akiko Hasegawa
Interprète et pédagogue au riche parcours, Akiko Hasegawa a initié ses propres recherches de création au sein de l’association KOKO. Elle y développe un travail axé sur les relations entre musique et danse.

Olga Mesa & Francisco Ruiz de Infante
Le tandem formé par la chorégraphe et artiste visuelle Olga Mesa et le plasticien Francisco Ruiz de Infante privilégie l’expérimentation. Ensemble, ils créent des dispositifs où se croisent corps, mots et images.

Androa Mindre Kolo
Plasticien et performer, Androa Mindre Kolo développe son travail entre création, matériaux poétiques et enjeux sociaux. Chez lui, le corps est vecteur de questions qui traversent le monde comme sa propre histoire.

Marino Vanna
Hip-hop, danse classique, contemporaine ou traditionnelles (Cambodge, Afrique), Marino Vanna a développé un riche parcours d’interprète. Dans ses créations, tous ces styles traversés fondent son rapport au corps et au mouvement.




jeudi 15 octobre 2020

Lejaby danse !

 



mercredi 14 octobre 2020

"Allée der Kosmonauten" : a-pesanteur et décollage du tarmac !


"Un immeuble préfabriqué dans Allee der Kosmonauten, dans une cité de Berlin. Trois générations vivent sous le même toit, autour du canapé qui rythme le quotidien de la famille. Pas de coin à soi, on vit les uns sur les autres, pour le meilleur et pour le pire.
En 1996, trois ans après avoir fondé sa compagnie, Sasha Waltz, chorégraphe aujourd’hui célèbre dans le monde entier, crée Allee der Kosmonauten à partir d’entretiens menés avec les habitants de ces grands ensembles. Ce n’est pas une pièce documentaire qui en est ressortie, mais bien le portrait aussi tendre qu’impitoyable d’une famille : soulignées par la vitesse et la virtuosité du mouvement, les conditions de vie précaires sont poussées jusqu’à l’absurde, avec l’humour d’un Buster Keaton. Par cette chorégraphie pleine de traits d’esprit, portée par un ensemble multiculturel de très haut niveau, ce renouvellement esthétique du théâtre-dansé a déclenché l’enthousiasme. La pièce est une étape essentielle dans le parcours de Sasha Waltz : une raison parmi tant d’autres de jeter un regard nouveau sur les débuts d’une carrière exceptionnelle. "

Les parents, ou les enfants "terribles" ?
 Délogés, mal logés, relogés, délocalisés par une agence "mobilière" singulière, voici six personnages en proie à la course à l'existence, à la reconnaissance...Un jeu de famille dans laquelle on tire d'abord le gendre, perché sur une colonne à la Balkenhol, animé de mouvements tétaniques, précis et rythmés par une bande son , disque rayé, hachuré, raturé...Sorte de chimère, oiseau perché sur son poteau, apeuré, esseulé. Tapisserie désuète et lampe de chevet en images vidéo signées Elliot Caplan sur trois panneaux d'écran, et pour piste de ce cirque animé, un canapé trois pièces-cuisine-bain! Trois places que vont se disputer les "membres" de cette famille, de ce grand corps un peu malade de l’exiguïté de la surface habitable qui leur est allouée. Canapé baignoire, canapé lit, canapé en plongée dans des perspectives cinématographiques qui dérangent l'espace et le perturbe à l'envi ! Œil caméra de la chorégraphe qui se focalise, zoom arrière ou avant, plein cadre ou focus...Une sorte de mise en boite de Pandore de la vie quotidienne, "ramassée" dans un court laps de temps où tout se joue très serré. En tenue de "bof", entouré d'objets vernaculaires, on rame dans la Galère familiale, solidaires, soudés, malgré quelques empoignades, disputes en portés-contact magnifiques...Volupté des corps en apesanteur, en vol plané...Un aspirateur vampire capture les gestes de sa conductrice, happée par son aspiration à la fuite en avant, une table bouge, se soulève, à quatre ou huit pieds...Un Christ en croix placardé, des gags, sketches ou saynètes pour ponctuer et rythmer la vie de ce microcosme, huis-clos dégingandé, déstructurée.On se chamaille, on s'attrape, on se cherche comme des gamins qui jouent à cache-cache.
Une touche de folklore à l'accordéon, poumon salvateur de ce grand corps familial. Le travail est rude pour planchistes ou ébénistes de pacotille, dirigés par un fuhrer autoritaire et malveillant. Le père, la mère en figure de proue, orchestrant ce petit monde bigarré à la baguette.

Cadence mécanique des gestes du labeur, organisés. Puis c'est le bal musette qui reprend et fédère les énergies dispersées: bal de guignette en goguette: on y guiche allégrement et sans modération.Les corps s'y font "plastiques", enluminures graphiques dans l'espace. Et toujours ce mur frontal sur lequel on se heurte, se plaque, s'offre en partage. L'art du duo dominant dans la chorégraphie avec grâce et sensualité.Encore quelques architectures, étagères en construction constantes pour cet "immobilier" mobile, versatile, mouvant comme les corps des habitants. Un appartement cependant presque trop grand au regard du sujet sur l'enfermement, le confinement, l'emprisonnement. Entravés, empêchés dans leurs mouvements les danseurs se dispersent et le rendu faiblit, s'essouffle en reprises 

On se souvient de la version vidéo, (avec Elliot Caplan) resserrée, tonique, hallucinante d'audaces concernant la gravité, l'espace: qu'on ne retrouve pas sur ce grand plateau frontal. Quelques pauses photos de famille, sans retouche, une grande lessive en machine à laver le linge en famille et se clôt le chapitre.Le père en Woody Allen remportant le plébiscite de l'incongru, du burlesque, du déjanté.


Au Maillon Wacken du 14 au 17 Octobre


Elliot Caplan
 

 


Elliot Caplan est producteur, réalisateur de films et de vidéos ainsi que designer pour le théâtre. Il a occupé le poste de cinéaste de la Merce Cunningham Dance Company de 1983 à janvier 1998, collaborant avec Merce Cunningham et John Cage à la production de films et de vidéos. Leur travail a été diffusé par PBS, Bravo, Arts & Entertainment et dans 35 pays. Beach Birds For Camera, film en 35 mm a été montré pour la première fois à L’Opéra Garnier à Paris. Cage/Cunningham, un documentaire sur la collaboration entre Merce Cunningham et John Cage a été présenté par October Films et traduit en six langues et distribué en vidéo. Points in Space, commandé par la BBC Television a été distribué dans plus de 400 bibliothèques aux USA grâce au soutien de la MacArthur Foundation. Changing Steps, filmé au Sundance Institute avec une introduction de Robert Redford a été produit en association avec La Sept et distribué par les Editions à Voir.
Caplan a également participé à la conception de décor, notamment avec Bill Irwin. En 1998, Elliot Caplan fonde Picture Start Films pour produire des documentaires sur l’art, et la performance notamment.
Les œuvres d’Elliot Caplan en tant que producteur, réalisateur de films et de vidéos ainsi que designer pour le théâtre sont reconnues à l’échelle internationale et font parties des collections du MOMA, de la Cinémathèque Française et de musées à Taiwan, en Allemagne, en Israël et au Brésil. Ses créations vidéo avec des artistes comme Naim June Paik, Merce Cunningham, John Cage et Bruce Baillie ont été récompensées par plus d’une douzaine de récompenses prestigieuses aux Etats-Unis et en Europe.