dimanche 3 décembre 2023

Une Exposition – activation d’œuvre- performance : Julia et Juliette s'en vont en bateau...et nous mettent en boite.

 


Pensée en lien étroit avec l’exposition Julia Armutt, Juliette Steiner propose une performance in situ au coeur de La Kunsthalle. Elle prend la forme d’une sélection de scènes du spectacle Une Exposition, choisie et adaptée pour l’occasion.
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Une Exposition
Sept personnes sont réunies dans une galerie d’art contemporain. Elles ont une semaine pour mettre au point la rétrospective du travail de Julia Armutt, plasticienne méconnue, mais femme d’un célèbre sculpteur. Toute sa vie, Julia a souffert de sa place de « femme de » et mourra sans avoir vu son travail reconnu par ses pairs.
Avant sa mort, elle a débuté sa dernière œuvre, qui prendra la forme du montage de son exposition posthume. C’est dans ce cadre que nos personnages sont réunis. Ils vont suivre une série de protocoles laissées par Julia afin de mettre en scène son travail. Au cours du montage de cette exposition, elles et ils nous livreront les différents visages de Julia, échangeront leurs souvenirs et parviendront peut-être à trouver l’apaisement face à sa disparition brutale.


"La femme en boite" c'est le centre d'une narration-scénario digne d'un feuilleton à épisode qui tient en haleine du début à la fin de l'unique et insolite performance de la compagnie Quai n° 7 à la Kuntshalle à Mulhouse ce soir là. Au coeur de l'exposition "Julia Armutt" dans le cadre de Regionale 24, sept comédiens et comédiennes vont jouer le prologue du vernissage et de la mise en place de la rétrospective d'une artiste "fictive", sorte de Lydia Jacob sortie tout droit de l'imagination de Raymond Waydelich...Tour à tour ils seront tous les personnages, basculant dans le leurre total pour le spectateur. Double fiction, dispersion et trouble pour mieux remuer le déni et le mensonge de l'auteur célèbre, peintre sans nom qui s'est servi joyeusement du talent de sa femme pour se mettre en avant en l'écartant durement du monde de l'art. Menée de main de maitre par Ruby Minard, la tribu toute en bleu de travail comme pour mettre la dernière main à l'exposition et son installation nous tient en captivité et nous captive dans des dialogues, vérités et formulations justes, judicieuses et opportunes. 

 

photo robert becker


Belle mise en bouche des textes qui touchent et font mouche, révèlent des caractères, des points de vue sur les critiques d'art, les amants, la fille et la mère de l'artiste absente. Seule témoin de cette agitation autour de cette "femme en boite", une oeuvre insolite qui tient du miracle plastique. Heureuse figure, empreinte d'un corps oublié, renié, écarté de la scène de l'art contemporain. Comptant pour rien, contente pour rien dans cette atmosphère de ligue, de relations suspectes et hypocrites. Du très beau travail d'embrouille, du suspens, du "polard" plein de rebondissements, de répliques fameuses pour dénoncer les rouages du mercantilismes, de la ségrégation masculine auprès des oeuvres de créatrices peintres-plasticiennes femmes. Qui pour beaucoup furent méconnues , repoussées, écartées du monde masculin de la création picturale. Une démarche insolite pour Juliette Steiner, commissaire au près de la directrice artistique de la Kunsthalle et complice avec ses coproducteurs, le TJP, la Filature. De quoi décaler, surprendre, dériver et concevoir en amont tout un processus de création inédit, original. Qui fera de cet opus OVNI un objet théâtral et plastique surprenant au cour de sa vie future: boite noire, white cube et autres lieux de monstration spectaculaire dont on se réjouit de découvrir les "endroits" où être en phase avec la création artistique d'aujourd'hui. Les interprètes au diapason de cette aventure à tiroir, mise en boite de Pandore de secrets de fabrication qui pose bien des questions et remue l'histoire de l'art et de sa divulgation. 

 

photo robert becker

Mise en scène Juliette Steiner
Textes à partir du plateau Olivier Sylvestre
Assistanat à la mise en scène Malu França
Création lumière Ondine Trager
Création son Ludmila Gander
Scénographie Violette Graveline
Costumes Pauline Kieffer 
Sculptures, masques et objets de manipulations
Juliette Steiner, Malu França et Violette Graveline
Stagiaires scénographie Prune Krotoff et Jeanne Berger

Avec Camille Falbriard, Ludmila Gander, Ruby Minard, Logan Person, Yanis Skouta, Naëma Tounsi, Ondine Trager

crédit photo: michel grasso

 A la Kunsthalle Mulhouse samedi 2 Décembre 18H dans le cadre de Regionale 24

vendredi 1 décembre 2023

EXTRA LIFE : Gisèle Vienne : éloge de la lenteur, de la pesanteur du vécu fraternel...Kinéma-tographe de la douleur. Alien aliénant....

 


Dans Crowd (2017), Gisèle Vienne ralentissait à l’extrême le mouvement des danseur·euse·s d’une rave pour mieux exacerber les sentiments et révéler les désirs. Avec L’Étang de Robert Walser (2021), elle dissociait les voix et les corps d’un récit obscur, celui d’un enfant en quête de l’amour de sa mère. Avec EXTRA LIFE, elle combine une nouvelle fois le jeu sur la perception à l’exploration d’une relation intime. Un frère et une sœur se retrouvent au terme d’une nuit de fête, après 20 ans de séparation suite à un drame familial. 

Interprétés par Adèle Haenel, Theo Livesey et Katia Petrowick, accompagnés d’une marionnette, les personnages révèlent au fil du spectacle toutes les strates du moment vécu : le passé y côtoie le futur, le souvenir l’imagination. Lumières, musique, corps : les médiums du théâtre sont ici conjugués pour diffracter notre regard et interrompre les hiérarchisations qui le déterminent. La metteuse en scène et chorégraphe ajoute un nouveau chapitre à son travail inlassable de déconstruction de nos systèmes de pensée. Elle invite à repenser les relations humaines, et affirme le pouvoir émancipateur et créatif de l’émotion.

Unité de temps, de lieu et d'action: retour au théâtre classique où la "comédie ballet " de Molière bat son plein? Pourquoi pas si l'on accepte que la narration des corps et la musique prennent le pas sur le verbe, les mots, les rimes et injonctions de ces deux personnages. Huis-clos à l'intérieur d'une voiture garée sur un parking imaginaire: un duo de choc pour le frère et la soeur qui dans une joyeuse conversation très musicale font resurgir le passé. Et les fantasmes sur ces "Aliens" qui peuplent ce monde comme des fantômes bien vivants pour attiser le monde. Le sommeil leur manque: quelque chose les tarabuste en profondeur et leur ironie devient suspecte.Enfermés, confinés dans ce bocal, cabinet de curiosités linguistiques où la parole va bon train. Lui garde son accent chantant, elle sa franchise verbale, sa brutalité de ton. L'atmosphère est singulière, vide et grand écart de lumières pour donner de l'altitude aux sentiments qui se délivrent doucement. La situation ne semble pas si grave que cela. Quand chacun quitte son habitacle, tiroir à secrets de famille c'est pour esquisser dans la lenteur des poses, attitudes et postures de soumission, d'enfermement.

La danse douce et tranquille prend le relais et les deux corps se déplacement lentement comme dans un ralenti cinématographique. Sur l'écran noir de mes nuits blanches, Gisèle Vienne fait son cinéma et la toile se tend, les fumigènes d'envahir le plateau comme une mer de nuages flottant sur la ligne bleue de la vie. Nuées bleutées traversées par des lasers virulents qui focalisent sur les corps, délimitent les espaces, ferment ou ouvrent l'univers plastique de la pièce. Sils Maria, phénomène climatique pour une ambiance feutrée, ouatée: de toutes les matières c'est la ouate qu'elle préfère. Omniprésence de ce brouillard flottant, indistinct qui brouille les pistes où l'on se perd. Adèle Haenel au sommet de son art; interprète l’indicible, le non dit, joue le déni par une gestuelle, un langage peu châtié, une vélocité affirmée du langage parlé. Son corps libère une énergie plurielle: tendre ou agacée, virulente ou soumisse. Son partenaire, Théo Livesey lui renvoie la balle, longue silhouette malhabile, chancelante, affectée par un mal inconnu. La haine du toucher, le souvenir de harcèlement, de violences faites au corps. Par cette inconnue qui circule à présent entre eux sur le plateau? Vêtue de paillettes et d'un training, cette créature évolue toujours au ralenti comme un moteur usé, une mécanique à bout de souffle dans une dynamique au diapason des deux autres protagonistes. Instants merveilleux quand la lumière traverse la scène, se fait le couloir, le mur qui se resserre sur les anti héros de la pièce. Alors que la musique se fait salves ou parterre sonore distingué sur fond de rumeurs étranges. Une vraie réussite signée Catarina Barbieri et Yves Godin. Effet bluffant de perspective, de trompe l'oeil , de "bruits de couloir" étranglés, rétrécis qui adsorbent le spectre de cette scène éblouissante... En 3D ou ronde bosse sidérant!
 

Ce passe-muraille, Katia Petrowick sème le malaise, fait couler des larmes et des sanglots sonores, disturbe le calme et la sérénité apparente. Comme un ange annonciateur de mauvaise augure....L'effet de ralenti oppresse, fait tension alors qu'il pourrait se délecter dans une douce énergie reposante, réparatrice. Réparer les vivants? Peut-être ou faire saigner les mémoires par ces lasers rouges tranchant à vif l'espace scénographique. Trio, duo ou solo: l'opus tangue, oscille et hésite sur fond de tragédie grecque où les demis dieux se cachent ou surgissent. Une marionnette comme témoin comme à l'accoutumé chez Gisèle Vienne...Le récit des corps et de la danse pour nourrir la pesanteur, le poids des mots, le choc des icônes flottantes dans cette nef des fous ressuscitée. La danse de se donner à coeur et à corps dans d'infimes petits bougés, e-motion de cet opus qui ne laissera pas indifférent. Quand l'inceste n'est jamais prononcé, les corps énoncent et stigmatisent le mal, éructent la souffrance et déversent cris et postures malines, diaboliques. Cela dérange et perturbe la comédi-ballet de Gisèle Vienne pour des entremets dansés dont la saveur est amère et les fragrances indigestes. Et le cinéma de se dérouler comme une fiction réelle d'après des faits vécus... D'après une histoire vraie...
 
 
 
kAu Maillon jusqu'au 1 Décembre

mercredi 29 novembre 2023

"Into the Open" : tout est permis...Lisbeth Gruwez et Maarten Van Cauwenberghe s'affrontent en ondes de choc..

 

Lisbeth Gruwez & Maarten Van Cauwenberghe Voetvolk Belgique 4 danseurs + 3 musiciens création 2022

Into the open

Que la danse et le concert se mêlent, telle est la promesse d’Into the open. Voetvolk est une compagnie belge de danse et de performance, fondée en 2007 par la danseuse et chorégraphe Lisbeth Gruwez et le musicien et compositeur Maarten Van Cauwenberghe. Certains se souviendront de leurs pièces phares déjà présentées à POLE-SUD : It’s going to get worse and worse and worse, my friend, Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan, We’re pretty fuckin’ far from okay, et plus récemment The Sea Within. Leur travail est une conversation permanente entre le mouvement corporel et auditif. Véritables co-auteurs ils organisent au plateau un lien fort et organique entre le mouvement et la musique, le son, les vibrations. Pour cette proposition, ils poussent le curseur encore un peu plus loin avec un véritable concert dansé. Sept interprètes, danseurs et musiciens, incarnent le groove et partagent l’énergie de la musique. Ils vont vibrer au rythme du « krautrock », croisement entre la polyrythmie répétitive de Can et les beats endiablés des Chemical Brothers. Une interaction explosive de DENDERMONDE, le groupe de Maarten Van Cauwenberghe, Elko Blijweert et Fred Heuvinck. Voetvolk vous accueille pour un saut collectif et sauvage dans les limbes. Let’s transe !

Avec Maarten van Cauwenberghe, musicien et Artemis Stavridi, danseuse</span> 

La fée électricité, l'air de rien...Libre électron du groove. du krautrock...

 Hystérie collective à Pole Sud ce soir là: on décentralise la fameuse Laiterie temple du rock à la Meinau et on se régale avec une bande d'artistes pleine de punch, d'énergie et de savoir faire la teuf. La danse en mode concertant, c'est un plus pour la musique rock et sur trois estrades-podium, voilà les sept artistes réunis: musiciens et danseurs sans frontière se passent le relais, se coltinent les uns les autres, se fracassent aux sons des deux guitares et de la batterie qui fulmine. C'est de la rage corporelle et musicale, des t-shirt en extension, prolongement des corps drapés sans territoire précis. Cheveux lâchés tourbillonnants dans la tempête, tatouages vrais et faux sur la poitrine des "mecs" et les nanas en crevettes pailletées comme des Amazones en délire, lâchées comme des femmes canons dans les foires d'autrefois. Sculptures mouvantes sous les néons, verts, rouges suspendus, les corps entremêlent, se diffractent, fonctionnent au ralenti dans cet univers de dynamique dynamitée, vitaminée à fond. Les guitaristes dansent, sursautent et tous dans des spasmes récurrents respirent le tonus et s'en donnent à corps joie. Des transports en commun communicatifs qui invitent le public à monter et danser sur scène au final, en rappel joyeux et tectonique. Les corps s'envolent, se rattrapent, s'agrippent, dialoguent, très sexy et déjantés. Lâchés dans l'espace comme des salves qui rebondissent et font ricochet. L'énergie est sur le plateau et à coup de red bull, les muscles se régénèrent !Soirée qui décoiffe, mêle musique et danse de façon cavalière frondeuse et spectaculaire. Un "concert animé", turbulent et insdisciplinaire pour le bien être de tous. Lisbeth Gruwez s'éclate et fait tomber les murs pour mieux faire la passe-muraille des disciplines.Quand la danse et le concert se mêlent, telle est la promesse tenue d'Into the Open. Sept interprètes incarnent le groove et partagent l'énergie de la musique dans un trip endiablé au rythme du « krautrock ». Une interaction explosive de DENDERMONDE, le groupe de Maarten Van Cauwenberghe, Elko Blijweert et Fred Heuvinck et les danseurs de Lisbeth Gruwez. Let's transe ! A l'air libre, assurément!

 

A Pole Sud les 28 et 29 NOVEMBRE