En quoi la superbe exposition "L'Europe des Esprits", qui se tient à Strasbourg jusqu'au 12 Février 2012 au MAMCS concerne-t-elle la danse?
Et bien, il "suffit" déjà de déguster l'impressionnante et foisonnante quantité d'œuvres exposées sur le thème "La fascination de l'Occulte" (1750-1950) pour se rendre à l'évidence que le corps humain est fortement investi dans cette évocation du fantastique, de l'invisible, du spiritisme, de l'étrange. D'abord de par son extrême présence dans la peinture et sculpture pour symboliser à la foi l'inquiétude qui habite les esprits durant ces deux siècles balayés, et le tracas, voire la fascination pour la métamorphose ou l'absence de corps. Par ce pan consacré spécialement à la danse en ce début de XXème siècle où naissent les courants de la danse libre, du Delsartisme et toute l'école de Rodolf von Laban. Hommage légitime rendu à la Loie Fuller, qui inventa en son temps l'image expérimentale, l'art visuel durant ses performances de danseuse plasticienne, sculptant la lumière et inventant des formes fugaces telle la "danse du lys" et le cinéma expérimental colorisé image par image. La notion d'apparition et de disparition du corps au profit de l'émergence de spectres inédits, de formes lumineuses en couleur confère à ses évolutions le statut de "révolution picturale et gestuelle" trop souvent négligé dans l'histoire de l'art et de la performance.Évocation bien sur de la compagne de Hans Arp, Sophie Taeuber, danseuse de formation pour avoir suivi les pérégrinations de Laban au "Monte Vérita" à Ascona, durant la période où ce dernier, pionnier de la pensée chorégraphique et cinétique y développa sa danse d'expression et toute sa théorie sur la choréeutique. Référez-vous à l'article signé par Joelle Pijaudier-Cabot "En tout homme vit un danseur" dans le fabuleux catalogue de l'exposition (pages214/223) pour l'histoire de tous ces courants de la danse qui se frottent à la spiritualité, à l'ésothérisme, au divin)
Le plus remarquable sont les dessins de Rudolf Steiner, "Eurythmie d'après des esquisses de Rudolf Steiner". Exposés pour leur attrait esthétique sur la forme anthropomorphique des voyelles, histoire d'enseigner une anatomie fantaisiste mais très mouvante du corps humain, habité par une danse très tectonique, structurée, morcelée. Structures musicales et quasi notation chorégraphique y font bon "accord" sans désaccord ni fausse note. La partition gestuelle est née par souci de représentation pédagogique et il nous est donné à voir quelques pièces rares et inédites!Mary Wigman, Isadora Duncan sont également évoquées et regardez la "Danse du Temple" de Fidus, où le corps glorieux et canonique de la danseuse nue se fond dans une apesanteur onirique et hallucinante, légèrement supportée par une végétation, elle aussi en lévitation. De la légèreté, du spirituel, de l'évanescence dans toutes ces évocations corporelles de la divination, de la croyance en d'autres corps, d'autres matières et tout compte fait pour échapper à l'humaine condition: autant de "petites morts" dans le vaste univers.
Y échappent les femmes dansantes de Hodler, massives, puissantes, terriennes mais cependant "en extase"!!La dimension de transe, de passage d'un monde à l'autre par le truchement du mouvement n'a pas échappé dans la représentation, aux peintres et sculpteurs évoqués dans cette remarquable exposition sur l'occultisme.De la "Danseuse" de Arp toute en volute et très voluptueuse, au corps tendu, extatique de Fidus avec son "Invocation à la lumière", en passant par l'image quasi abstraite mais très lyrique de Van Duisbourg "Mouvement héroïque", la symphonie du corps mouvant est au zénith.
On ressort de l'exposition dans un "état second", édifié sur l'importance de la dimension onirique dans l'art, en lévitation, mais bien conscient que la représentation du monde est riche de fantasme et de phénomènes occultes, échappatoires salutaires à l'humaine condition!
vendredi 7 octobre 2011
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