jeudi 16 février 2012

"Let's dance": quand la Perfide Albion se déchaîne avec le Ballet du Rhin

Judicieuse idée de la part de Bertrand d'At directeur du Ballet du Rhin à Mulhouse,que d'imaginer un programme "british" pour honorer l'année de la présidence britannique du Conseil de l'Europe, à Strasbourg.
Un triptyque qui rassemble une œuvre de référence "Le Jardin aux Lilas" d'Antony Tudor et deux créations.Pour cette pièce, pas une ride depuis 1936, date de sa création pour le Ballet Rambert. Beaucoup de grâce, de nostalgie dans une danse qui en découd avec l'académisme et retrouve fraîcheur, innocence et fluidité d'un lexique néoclassique, sobre, enjoué, léger et quasi romantique.La pleine lune, la forêt en sont de la partie, pour plonger les couples, solistes ou pas de trois ou quatre dans une atmosphère  sereine emplie de la jouissance du beau. Les interprètes s'y plaisent assurément et la musique de Chausson contribue à rehausser ce plaisir délectable d'un classique bienvenu en ces temps d'évanescence du chorégraphiquement correct.


Avec "Many" en seconde partie de la soirée, c'est à Thomas Noone qu'est confié le soin de diriger la compagnie sur les pas de la création. Il signe décors et costumes pour évoquer la foule, l'anonymat, et ceci avec un don inné de l'unisson, légèrement décalée. Une danse "chorale" qui parfois rompt avec l'unité pour isoler l'un ou l'autre de ces personnages interchangeables, vêtus à la citadine, sobrement "quotidiens" dans leurs évolutions, déplacements et agencement de foule. Deux pans de murs laissent par un interstice passer les corps, à reculons, à rebrousse poil. La danse y gagne en fluidité, les portés se font électriques, les gestes tétaniques et architectoniques. La musique de Philp Sheppard est un bijou d'orfèvrerie musicale, la composition pour cette mouvance,en adéquation avec le dynamisme, le suspens engendré par les groupes .
Après un entracte, le rythme de la soirée s'amplifie avec "Tea for six (or ten)", une chorégraphie "maison" signée Mathieu Guilhaumon. Pour un coup d'essai, voici un coup de maitre!
Hymne aux objets emblématiques de la vieille Angleterre, à savoir: la couronne, le parapluie, la tasse de thé, les roses et l'horloge de Big Ben, les gardes et la relève du Royaume, cette pièce est riche, pleine de surprises agréables, de clins d'œils humoristiques aux us et coutumes des insulaires!
Du bel ouvrage sur du Purcell avec des costumes superbes et innovants, à la coupe très "design" qui magnifie un style tonique où l'espace est judicieusement partagé par les danseurs qui semblent se fondre dans cet univers légèrement déjanté et malgré tout "pas sage" pour autant.Un nuage au dessus de tout cela fait la pluie et le beau temps de la chorégraphie changeante comme la météo capricieuse. On y convoite la couronne, on y manie le parapluie, on y partage une tasse de thé géante, surdimentionnée à l'envie!
Voici une pièce inattendue, réjouissante et pleine d'allant pour le juste bonheur d'un "tea for two" pris en compagnie d'interprètes radieux et pleins d'un discret talent porté ici au zénith en "interne".
So british, so design aussi que cette soirée astucieuse, à l'image de son directeur qui se plait à décaler, surprendre et oser parcourir avec bravoure les sentiers de la création autant que du répertoire. Pour nous rappeler que la danse vient bien de quelque part et non pas de nulle part.

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