samedi 14 avril 2018

Lovemusic passe du bon temps! Chronos/ Kairos, sablier, clepsydre et montres molles !



CONCERT/APÉRO #2 du collectif lovemusic @ l'auditorium de la BNU

Flûtes - Emiliano Gavito
Clarinettes - Adam Starkie
Scénographie - Clément Debras et Mathilde Melero 

"Chronos/Kairos
Pour les grecs anciens il existait deux mots pour décrire le temps: Chronos, qui se réfère au temps numérique, quantitatif, et Kairos, qui se réfère au temps parfait, qualitatif. Chaque pièce de ce programme explore la notion de temps d’une manière différente : le temps qui passe (rythmé), le temps figé (silencieux) et le temps partagé. Ces deux notions de temps ne sont pas forcément opposées, chronos peut être utilisé pour créer des limites, et ces limites peuvent être brisées pour créer. Ainsi chronos et kairos forment une dualité qui se transforme et replie sur elle-même à travers les pièces proposées dont la création d’une nouvelle pièce de la compositrice Annette Schlünz commandé par le collectif."

Tempus fugit ! Donner du temps au temps !

Deux pupitres noirs en forme de demie lune, un grand cône de toile noire tendue en milieu de scène, des lumières chaudes: le plateau est dressé pour le concert: une voix annonce les consignes de bonne conduite comme lors du décollage d'un avion...Humour et fantaisie décalée de rigueur. C'est parti, le "temps" d'une petite heure en vol libre !


photo rober becker
"Ruisseau" de 1993 pour flûte basse et  clarinette basse de Maurizio Pisati débute, dialogue labile, conversation volatile, vindicative entre les deux instruments. Juste le temps de laisser ce tandem décline ce temps qui s'étire, s’interrompt, trésaille, frémit comme de l'eau qui s'égoutte, ramasse le temps, le filtre. Tout va bon train, en route: on chemine dans la durée, course où chacun frêne, dépasse ou double l'autre. Dompteurs de son, nos deux interprètes se livrent, l'un tout de jaune vêtu, barbe bleus très structurée, crâne dénudé, l'autre de violet vêtu, cravate bizarre noire, gilet et pochette rouge, tout comme les chaussures. Beau duo de couleurs et de fantaisie stylée, distinguée.
Un petit entremets, intermède, interlude de Charles Koechlin et nous voilà repartis.

"Divers Gris d'un ciel défait" de 2014  pour flûte et clarinette de Jérôme Combier enchaîne.
Des claquements furtifs dans une ascension sonore, de longs souffles tissés, des vibrations tenaces: chacun passe devant l'autre, s’efface comme dans une danse enchevêtrée. Comme une berceuse, fluide, endormeuse, insouciante, séduisante, agréable et onirique.La grande complicité qui réunit ici les deux interprète est fine et discrète, solide et efficace."Avec le temps" va tout va, et "passe passe le temps" il y en a pour encore longtemps!
On ne s'en lasse!


photo robert becker
"Alpha Wawes" de 2008 pour flûte alto de Malin Bang, prend le relais
Solo de Emiliano Gavito au souffle passager, étouffé, interrompu, tel une machine ou un animal. Il tousse, racle, ronfle, très organique. Expire, inspire, haletant, inquiétant, sussure quasi des mots inaudibles. Un solo étrange, comme une énigme à déchiffrer, un jeu à parcourir, une surprise constance de timbres, modes de respiration ou exécution.Il miaule, comme un cri d'enfant, ou de bulle de BD. Comme un personnage, bête qui pleure, hulule, geint Barbe bleue et crâne lisse, dans des grognements de conte de fée, pas du tout orthodoxes!

Suit un deuxième solo de son compère, attentif à l'autre bout de la scène. réplique savante à ce dernier "To cause bone to be" de 2014 pour clarinette contrebasse de Jesse Broekman, sonne comme un miroir déformant. Des sons mécaniques, hachés, avalés, déglutis sourdent de l'instrument, vecteur du corps de l'artiste.  Médium de sensations curieuses, il s'étouffe, rugit, petite industrie de l'effort comme une usine à sons variables à l'infini des capacités de l'instrument et des tempo du souffle. De graves tenues, des claquements, chocs de vent: ça éclabousse, éclate, se heurte à l'espace en saccades et fragments, en ruptures et petits morceaux  Il avale le tout, effrayant, étonné. C'est subjuguant et très bien fabriqué par Adam Starkie !
Vous reprendrez bien un peu d'entremets Koechlin pour faire se frotter les époques et brouiller les pistes, clins d'oeils amicaux aux époques, si loin, si proches!
Car ils sont futés et malins, nos deux protagonistes de ce malicieux et savant programme !
Préciosité dansante, arabesques et révérences, rondeur au menu !


photo robert becker

"Diade" pour flûte, clarinette et percussion de Doina Rotaru les fait se retrouver, alors ça fuse, gai, envolé, clair, piqué et relevé!.
Comme un chant d'oiseaux qui se répondent et paradent, font la roue, se déploient, pépient, s'amusent Comme sur des cordes pincées, les sons émergent, surgissent, hérissés. Un son de gong et tout bascule; les deux charmeurs étirent le temps, chantent des paysages, des lignes, des superpositions qui s'enchevêtrent en entrelacs. Les timbres divergent, l'ambiance change, recueillie, lamentations ou prières, le gong comme dans un temple, ailleurs.

Une entrave au temps de plus, entourloupette et cabriole classique, inconvenante, intruse et l'on termine avec la pièce en création mondiale,"Echoes et reflections" de 2018 pour flûte et basse de Annette Schlunz.
Duo au pupitre, vive attaque endiablée, fulgurante, haletante! Ca grimpe, en escalade par degré, en marches successives, escaliers et paliers temporels bien agencés. Course, fuite, torsade, feutrée en contrastes de repos et ascensions constantes.Puis vient le repos, les sifflements, filtrés, intimes, fins, infimes comme un envol dans l'éther Ça balance, bascule, tangue, en autant de gouttes de notes, les appuis des interprètes soudés au sol, en rebond corporel. A petit bruit et peu à peu, minutieusement!
Alors apparaissent les traits dans la lumière des musiciens en jaquette seyante, très classe, pochette et cravate burlesque: autant de petits détails vestimentaires, scénographiques que musicaux!
Et même la fiche de salle est tout un travail, clefs, rébus, images, icônes pour mieux rentrer dans leur univers, humoristique, savant, ludique: une belle attention au regard du public, néophyte ou spécialiste!

Un répertoire inédit, des œuvres surprenantes et inouïes pour une prestation innovante!
Une initiative soutenue par la BNU dans son bel écrin, l'auditorium, chaleureux avec sa jauge pleine ce soir là : on attend les autres concerts avec impatience et curiosité ! Vivent les petites formes en grande forme qui grandissent avec le temps!
Le 11 Mai et 8 Juin prochain.

A propos de :

"Envie de nouvelles expériences sonores ? Le collectif lovemusic va vous faire aimer la création contemporaine... Le chic collectif strasbourgeoise lovemusic, crée par Adam Starkie et Emiliano Gavito, présente une saison de six concerts-apéros à Strasbourg tout au long de 2018, afin d’inspirer et surprendre un public curieux et ouvert aux nouvelles expériences sonores ! Prochaine édition ? Samedi à la BNU !
L’idée est de créer des rendez-vous réguliers permettant une action référente de création et de partage artistiques à Strasbourg. Leur démarche est de rendre la création musicale accessible à tout le monde... il faut juste venir avec l'esprit ouvert et une curiosité musicale et ils prennent le reste en main. Le collectif est activement engagé dans la promotion de la culture d'aujourd'hui et chaque concert fait objet d'une commande auprès d'un compositeur ou compositrice. Cette toute nouvelle pièce est ensuite mis dans un programme autour d'un thématique afin de donner un aperçu de ce qui se passe actuellement dans les courants artistiques de la musique classique de notre époque.
Chaque concert propose une formation instrumentale différente et s'accompagne d'une mise en scènede Clément Debras et Mathilde Melero afin de nourrir l'imagination et l'aspect visuel. L'idée est de proposer des notes de programmes ludiques et visuelles (au lieu d'un montagne de texte incompréhensible!).
Si vous avez raté leur premier concert de la saison en mars, réservez sans attendre vos places pour leur prochaine proposition musicale - Chronos/Kairos, qui a lieu ce samedi, le 14 avril à 19h à l'auditorium de la BNU. Chaque pièce de ce programme explore la notion de temps d’une manière différente : le temps qui passe (rythmé), le temps figé (silencieux) et le temps partagé. Pour les grecs anciens il existait deux mots pour décrire le temps : Chronos, qui se réfère au temps numérique, quantitatif, et Kairos, qui se réfère au temps parfait, qualitatif. Ces deux notions de temps ne sont pas forcément opposées, chronos peut être utilisé pour créer des limites, et ces limites peuvent être brisées pour créer. Ainsi chronos et kairos forment une dualité qui se transforme et replie sur elle-même à travers les pièces proposées dont la création d’une nouvelle pièce de la compositrice Annette Schlünz.
Cerise sur le gâteau : les concerts sont suivis d'un apéro - un moment d'échange entre le public, les musiciens, les scénographes et les compositeurs pour parler de leur expérience autour d'un verre... qui est offert !"


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