samedi 21 avril 2018

"Plus loin l'Europe: Israel": signes noirs , signes blancs, chocs et lumières!


  • "La danse contemporaine connaît un développement planétaire extraordinaire. Dans des dialogues fructueux et multiples avec les esthétiques classiques ou modernes occidentales, de nouveaux créateurs expriment leurs différences et leurs propres langages pour ouvrir des chemins nouveaux. C’est ce que la série « Plus loin l’Europe » veut valoriser à partir de cette saison. t Gil Carlos Harush un jeune et brillant exemple de la vitalité de la danse israélienne où sont associées exigence formelle et énergie physique. À la création pour le Ballet de l’Opéra national du Rhin, Ohad Naharin, la figure centrale et charismatique de la Batsheva Dance Company, ajoute deux entrées au répertoire avec ses superbes Black Milk et George & Zalman."

  • La voix lactée
  • Sur la planète danse, dans la cosmogonie, deux étoiles, l'une naissante l'autre "star" de la danse contemporaine israélienne: Monsieur Gaga dont on est friand fan et addict !

  •  En début de programme, concocté par Bruno Bouché, consacré à cette "identité" israélienne, "The Heart of my Heart" de Gil Carlos Harush, brosse le portrait d'une petite société animée par le désir d'amour, de félicité, de sentimentalité. C'est sur une image de couple qui s'étreint, longue robe blanche pour elle, de noir et de blanc moulé pour lui,seyant. Image qui se font dans la lumière vive et s'émousse pour une apparition irréelle du groupe, frangé de lumière délicate, à peine perceptible: ils devront d'ores et déjà coexister: amour exclusif et partage, amour en partage nécessaire en ces temps de guerre, de remous. Un dispositif, comme une balançoire ou un couperet fait son apparition: quels secrets renferme cette étrange agrès....? Pour ces quatorze danseurs, six femmes, huit hommes débute une ode à l'amour, très tectonique dans sa gestuelle fragmentée, incisive: des portés en chandelle, des écarts à la Béjart, images fixées, retenues dans le temps: arrêt cinématographique dans le rythme de la pièce, enjouée, jubilatoire qui transporte rapidement, danseurs et public dans une riche et féconde empathie. Celle du don, de l'abandon. Histoire en filigrane d'hommes et de femmes rêvés,ou référés, publics, politiques. Mais peu importe "la note d'intention" quelque peu ambitieuse sur des propos peu probants. La danse , elle, a du sens, et la narration des corps suffit à évoquer un monde perturbé, sauvé par l'amour rédempteur. De très beaux unissons, au diapason, en résonance incrustent la danse dans des ensembles très précis.On joue aux échecs ou aux dames sur le plateau, on trace la diagonale du fou, on tricote les enchaînements entrelacs de corps, en canon, qui tressent des figures architecturales édifiantes. Édifices de corps en arrêt, constructions savantes, charpentes et fondations pour mieux tenir ensemble les bases du groupe, de la communauté. Pas d'amour exclusif, mais des passages, des glissements progressifs de corps à corps qui se délivrent, s’enchaînent, se multiplient à l'envi. Des postures classiques, ouvertes, des fragments de corps déstructurés, des attitudes déconstruites: l 'écriture de Harush est référée et salue ses racines ou écoles gestuelles. On ne vient pas de nulle part ! Mais on va toujours plus loin dans le phrasé et la syntaxe chorégraphique ! Le temps, horloge omniprésente, balancier de cette périlleuse sculpture envahissante, agrès ou guillotine centrale est une constante narrative. Mouvements mécaniques des danseurs s'y confondent comme un jeu de lego, de mikado qui se dresse puis s’effondre ou se délivre lentement dans de beaux équilibres ou portés. On se passe les corps, on transmet: tandis que des solos ponctuent cette effervescence sur le plateau, savamment "occupé". Solo d'une femme en robe blanche, magnifique prestation, ensemble débridé des hommes, fous à liés qui se tordent, éclaboussent l'espace, étincellent l'atmosphère tendue de ces confrontations hommes-femmes sempiternelles questions de possession, de pouvoir, d'attirance.Le cœur y bat, frappe fort, la musique invasive, scande le tout et euphorise, enthousiasmante.  La géométrie des figures corporelles tracée dans l'espace forme des tableaux abstraits à la Mondrian, des tectonique musicales à la Kupka et la peinture veille dans cette musicalité picturale énigmatique qui sourd des corps dansants.Au final, un cercle chamanique réunit le groupe et célèbre la cohésion, en compagnie, "cum panis", partage du pain que l'on rompt en cérémonie votive§
  • Galvanisés par la musique de Chemi Ben David, les danseurs se donnent , offrant au public, l'occasion d'ovations bien justifiées: le noir et le blanc leur vont si bien et si "ça balance" parfois dans le redondant et la confusion narrative, cette pièce, généreuse et toute "jeune" se prendra bien au jeu de la maturité !

  • Place à "Geoges et Zalmann" de Naharin: un quintet de femmes, tuniques noires, épaules dénudées qui sauront être les ambassadrices d'une signature chorégraphique complexe et virtuose: celle de Naharin, décelable dès les premier regards sur les corps, construits, découpés, morcelés dans une symphonie d'entrelacs.
  • Une voix s'impose, contant en boucle des propos étranges, référencés musique, alors que la musique de Arvo Part égrène des notes tactiles, touches de noir et de blanc d'un piano suspendu dans l'éther, voguant dans les airs, ténu, à demie teinte. Les femmes distillent des gestes construits, décalés, en poses subtiles qui laissent le temps de les savourer, tout en suspendant le temps de la méditation. Poses torsadées à la Egon Schiele, sculpture à la Rodin, en autant d' "abattis" rompus, agencés pour édifier des formes inédites: "mouvements de danse" en inventaire rappelant les vitrines improbables des corps modelés de plâtre ou de terre qui flottent ou s'agrippent sur des socles prothèses: danses du génie de la sculpture.Elles dansent, en solo aussi, étirant l'espace, rompant et défiant les possibilités d'écriture, de calligraphie, de géométrie.Danses de sorcières aussi à la Wygman, au sol, recroquevillée, vrillée, torsadée....Un damier sans frontière où se transgressent les règles du jeu de dames !

  • Place aux hommes dans "Black Milk", voix lacté ou la constellation du Cygne trace et dessine des rémanences de blanc:le cygne noir, ces femmes qui se sont éclipsées, cède le territoire à ces créatures, torse et pieds nus, de longues jupes blanches plissées pour seuls costumes. Ils défient l'espace, en grands jetés style capoeira, forment un groupe soudé qui s'éclate, puis se fragmente à l'envi pour mieux se ressouder. La danse est reine, loyale, fulgurante, déstructurée; d'un sceau ils se maculent de peinture noire, signes des temps ou cygnes d'étangs. Des envolées somptueuses parcourent le plateau: la musique de xylophones de Paul Smadbeck (proche d'un Steve Reich) émeut, pétrifie, ensorcelle et hypnotise !Les danseurs déferlent, bondissent, chutent, tressaillent, dans l'urgence, vibrent. 
  • Un régal jouissif pour celui qui regarde évoluer, divaguer ces hommes fulgurants, médusants: des créatures singulières, ode à la beauté. Pièces d'un jeu à construire, à inventer sans cesse: Naharin, une fois de plus surprend, étonne et fait de cette soirée un hommage au noir et blanc, à la sobriété, grave, contemplative autant qu'éruptive: il se "soulève" à la Didi Huberman dans des instants de grâce inoubliables! "Il n"a vu qu'énergie magnétique" !
  • Un plateau de jeu d'échecs sans toit ni loi où les divagations savantes ébouriffent les consignes !

  • Et "entendre la salle applaudir, 
  • juste une envie :  revenir"!

  • Oui, et l'on lira avec internet dans le livret le panorama de la danse israélienne signé Sonia Schoonejans !
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  • du 19/04/2018 au 21/04/2018, le 23/04/2018 à 20h00
  • le 22/04/2018 à 15h00
  • Opéra national du Rhin : Voir les autres événements
19 place Broglie
Strasbourg

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