Etat de siège pour assises européennes: où le théâtre documentaire est né !
D'emblée, le plateau recouvert d'un tapis vert, quelques écrans vidéo perchés sur de longues tiges comme du mobilier-sculpture design, s'anime et surgissent des aveux de huit jeunes gens, des slogans et définitions déferlantes du genre "Europe". Poésie, rage, vociférations s’additionnent pour donner le ton: on va se soulever ici, se déplacer, ébranler les structures et fondements convenus, les murs porteurs des édifices politiquement corrects. Et ce à grand recours de logique banalisée, de termes porteurs de messages survoltés ou à l'encontre de la bienséance.
Ils sont quatre femmes, quatre hommes, jeunes aux provenances et destinées variées, contrastées , venus de tous les horizons d'une Europe fabriquée au long des années et de l'histoire politique. De la jeune "beurrette" survoltée qui brandit son altérité arabe, c'est Charline Ben Larbi musulmane de la cité,fière et reine du quartier par son père patriarche respecté, au musulman converti au catholicisme, du portugais Gabriel Da Costa, au même belge métamorphosé ,homosexuel, rêvant de s'unir et de former un couple à trois adoptant un enfant !
Utopie, désir foudroyant que celui de cette jeunesse ardente qui nous regarde, nous questionne sans cesse et panse ses blessures d'exilés, de déplacés. La fougue qui les anime est contagieuse et rapidement une empathie s'installe entre eux et le public. On y danse, y chante avec engagement, solide solidarité malgré les différences et les différents que l'on suppose. Là il est question d'altérité, de singularité dans ce bocal fertile qu'est le territoire européen, vaste plate forme politique et ethnique.
La Yougoslavie n'existe plus pour la nostalgique et grande Tatjana Pessoa, Douglas Grovel , lui navigue à vue , le corps dansant très engagé dans cette bataille quotidienne contre l'indifférence ou le mépris.
On y construit sans cesse une maison à l'aide de gros cubes encombrants, balises sur le chemin, mur enfermant les corps: accessoires fondamentaux d'une mise en scène vive et "constructive", pas à pas vers l'érection d'autres édifices dédiés à la conversation, la rencontre, l'échange et les paroles. Pas de langue de bois ici, mais un verbe affûté en toutes langues, riche des différences.de la diversité.
Slam, rap, danse très proche du souffle de chacun, élaborée, inspirée du travail du chorégraphe Nils de Volff, revendiquant liberté et union, altérité et chorus au sein de cette communauté hybride, haletante, en alerte. De beaux combats, duos et corps à corps, des solos parfois vertigineux, pour étayer le propos verbal; Tout est dit dans ces mouvements ancrés au sol, acrobatiques, performants où chacun joue et donne, se donne sans concession. Les comédiens, auteurs de leurs rôles, habités par la sincérité, touchent et bouleversent les "assis" que nous sommes dans un état de siège permanent: barricades, soulèvement mais aussi tendresse et poésie, désarroi et égarements..
Une tirade sur l'argent, la monnaie, nerf de la guerre est saisissante et instructive. Authentiques passeurs et vecteurs d'un état de corps en permanente révolution incorrecte, indignation légitime face aux réalités économiques: celles des frontières et déplacements de population au sein de l'Europe, déesse maltraité et violée par ses pairs!
Danse en enfilade, comique, colorée, joyeuse aussi, porteuse d'émotion, signatures corporelles de chacun, étendards argentés brandis, bal en robe chamarrées: on virevolte d'un univers à l'autre, voire même dans le vaudeville ou le french cancan rutilant, enjoué à l'opérette style Offenbach revisité par les jeunes générations! United Colors of Europe, credo leitmotiv de ce thème-version jamais studieux à propos de la Grande Dame siégeant aux parlements. La Belgique aux flamands, inventive si le roi le voulait bien, dressant des lois inédites sur les comportements civiques nouveaux prônant les différences de genre: on rêve ici , on échafaude des chateaux en "Espagne" en Europe avec une naïveté pleine d'espoir et de détermination. Je suis l'Europe, et vous ?
La "désintégration" sujet omniprésent de ces "histoires" dont nous sommes faits est bien la surface de réparation de ce match sans arbitre où l'on voudrait bien nous faire croire que l'intégration est possible et bienvenue: de quoi sommes-nous fait, sinon de facettes et de pièces de puzzle interchangeables ! Bella Ciao en hymne respectueux, toujours inspirant les générations !
Au TNS jusqu'au 24 Janvier
Falk Richter, né à Hambourg en 1969, est auteur, traducteur, metteur en scène de théâtre et d’opéra. Il est auteur associé au TNS depuis 2015. Son travail est présenté sur de nombreuses et prestigieuses scènes internationales. Le public du TNS a pu voir Small Town Boy en janvier 2016, Je suis Fassbinder, créé en 2016 et repris en 2017, et quatre versions de sa pièce Trust, créées par les élèves de l'École du TNS en 2015 dans le cadre de L'autre saison.
Texte et mise en scène Falk Richter
Traduction française Anne Monfort
Avec Lana Baric, Charline Ben Larbi, Gabriel Da Costa, Mehdi Djaadi, Khadija El Kharraz Alami, Douglas Grauwels, Piersten Leirom, Tatjana Pessoa
Chorégraphie Nir de Volff
Dramaturgie Nils Haarmann
Scénographie Katrin Hoffmann
Musique Matthias Grübel
Vidéo Aliocha Van der Avoort
Lumière Philippe Berthomé
Assistanat à la mise en scène Christèle Ortu
Assistanat à la scénographie et aux costumes Émilie Cognard
Traduction française Anne Monfort
Avec Lana Baric, Charline Ben Larbi, Gabriel Da Costa, Mehdi Djaadi, Khadija El Kharraz Alami, Douglas Grauwels, Piersten Leirom, Tatjana Pessoa
Chorégraphie Nir de Volff
Dramaturgie Nils Haarmann
Scénographie Katrin Hoffmann
Musique Matthias Grübel
Vidéo Aliocha Van der Avoort
Lumière Philippe Berthomé
Assistanat à la mise en scène Christèle Ortu
Assistanat à la scénographie et aux costumes Émilie Cognard
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire