mardi 20 septembre 2022

"Bestiarium musicale" :Noriko Baba, Ensemble Cairn :Fatras et autres trouvailles...

 


En préambule d'écoute (extrait du programme Musica, Stéphane Roth)

Noriko Baba transfigure la banalité du détail. La moindre inflexion, le moindre souffle sont finement élaborés, et parfois marqués par une certaine  nostalgie lorsqu’on trouve dissimulés entre les notes des évocations musicales du passé, mais aussi par la familiarité des sons de notre environnement. Ses pièces font souvent référence à sa culture japonaise d’origine, autant à l’intimité d’un clair-obscur éclairé à la lanterne de papier (Bonbori) qu’au tumulte du tsunami de 2012 (Shiosai). Bestiarium musicale, œuvre donnée en création, est quant à elle l’ode aux sonorités animales d’une artiste qui ne veut pas distinguer les espèces sonores — la musique et les bruits. Le concert est complété par Talea de Gérard Grisey et Pêle-mêle de son ancien élève Thierry Blondeau.

Libre interprétation rédactionnelle du concert par ordre d'écoute.

L'ensemble Cairn à l'oeuvre pour s'emparer de ce répertoire original et encore peu connu.
Thierry Blondeau Pêle-mêle (1998) pour clarinette, clavier, guitare, violon, alto, violoncelle.

Comme un prélude à ce concert, cordes, piano et guitares se concertent pour donner le ton: décapant, visuel, humoristique et savant! Pour se faire, trois guitares deviennent pendules d'horloges manipulées par les trois interprètes, très détachés de leur acte, distanciation oblige et provoquent ainsi un glissement entre sons et images assez réussi.Balanciers de circonstance qui rythment le temps et le matérialisent, sons de carillons d'église pour un joyeux tintamarre dominical alors que les cordes grincent, stridentes....La clarinette en sus dans des harmoniques curieuses, des dissonances osées.Le temps s'écoule, en mesures, tic-tac aux piqués savants, sorte de danse scandée: relevés, sautillés bordés de sons électroniques du quotidien.Jouer le silence aussi, en apnée musicale, sans le son, en suspension dans l'espace.

Noriko Baba
Bonbori (2008) pour flûte, clarinette, guitare, alto et violoncelle: un univers peuplé d'oiseaux, de sifflets joyeux de volatiles éparpillés...Détournements de sons de leur origine instrumentale, à voir absolument pour mieux saisir les sources d'inspiration du compositeur: voir et regarder la musique serait-il son crédo, sa signature et marque de fabrique? Une addition de sonorités singulière en découle, déroutante reproduction de petits modules pour mieux suggérer un panel de musique reconnaissable, identifiable.En ricochet, en canon ou tuilage, selon.
Shiosai, tumulte des flots (2012) pour piano, violon et violoncelle:ici, c'est le piano qui est titillé, frappé, effleuré au profit d'une atmosphère toujours singulière et inattendue.Les cordes glissent en contrepoint, le temps semble compté, le piano en référence de métronome insolite...
Bestiarium musicale (2022) pour clarinette, clavier, guitare, violon, alto, violoncelle - création mondiale :voici le pilier du concert, une création atypique , innovante, boutique fantasque telle un magasin de jouets animés de fantaisie et autres fioritures, ornements ludiques.Vitrine animée pour instruments fabriqués, alignés sur un petit établi à peine dissimulé parmi les "nobles" instruments de l'ensemble. C'est drôle et insolite et source de sons incongrus, inédits.De petits leitmotivs d'extraits de morceaux de musique connus, à peine esquissés pour le plaisir nostalgique de la référence apaisante au savoir acquis. Des grincements de "marche funèbre", des flutiaux, appeaux joyeux pour couronner le tout dans ce joli fatras de volière ou Papageno se retrouve à l'envi !Des bruits nocturnes où l'on fend, tranche l'air à coup de baguettes s'y ajoutent, sirènes et froissements de tôle, tuyaux en collier autour du cou des interprètes qui se livrent à ces exercices avec bonhomie et consentement !Tumulte et accélérations virulentes pour clore cette pièce fort séduisante au regard de la création contemporaine.

Et pour clore cette matinée musicale,Gérard Grisey avec son Talea (1987) pour flûte, clarinette, piano, violon et violoncelle nous projette dans ses univers complexes et déroutants.


Ensemble Cairn
direction artistique | Jérôme Combier
direction musicale | Guillaume Bourgogne

flûte | Cédric Jullion
clarinette | Ayumi Mori
violon | Constance Ronzatti
alto | Cécile Brossard
violoncelle | Alexa Ciciretti
guitare | Christelle Séry
piano | Caroline Cren
percussions | Hsiao-Yun Tseng

Au TJP le dimanche 18 Septembre dans le cadre du festival MUSICA

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