Attaché aux phénomènes du langage, Simon Feltz développe sa démarche artistique entre corps et parole. Dans Écho, un quatuor d’interprètes se déploie en volutes colorées dans la blancheur de l’espace. Un tourbillon de gestes, de mises en relation et d’échanges, s’empare du plateau.
Que se passe-t-il
entre les corps et les mots au cours d’une conversation, en présence ou à
travers les écrans ? Convaincu que « le langage, cette aptitude qui
nous permet de communiquer les uns avec les autres, est essentiel à
notre ancrage social et physique dans le tissu du monde », Simon Feltz
est entré en recherche. Ses précédentes pièces, Entre deux rives et Abymes, se consacraient déjà à ce vaste et délicat sujet sous d’autres aspects. Écho creuse à même ce sillon.
Matière première de cette nouvelle création, un corpus vidéo comprenant
extraits de films, débats, discours politique, télé-réalité etc… De cet
objet d’étude, chorégraphe, interprètes et autres collaborateurs
artistiques ont fait spectacle. Entrelaçant interactions et
synchronisation, la composition musicale et la chorégraphie se répondent
en écho. Il émane de ce surprenant quatuor, des danses singulières aux
accents parfois drôles, aux tonalités variées comme nimbées de bains de
couleurs différentes. Propulsées par un mouvement continu, elles sont
minutieusement serties par l’environnement sonore et lumineux. Parti de
la gestualité de la relation, Simon Feltz engage son travail dans une
poétique de l’échange qui retient l’attention.
Quatre bien charpentés, bâtis, solides interprètes sur le plateau nu, blanc albâtre, shorts et legging, pieds nus. Frugalité et sobriété dans les mouvements légers de tête, de regard sur une musique sourde qui gronde... Des voix off métissées pour ornement. Comme pour un disque rayé où le diamant saute et revient en arrière, leurs gestes vont et viennent dans un flux et reflux dynamique. En ricochet qui déraille, en rebond qui achoppe, tranché, abrupte.Quelques belles unissons rythmiques dans ce tissus débridé plein d’accrocs et de rapiècements.Comme une danse rituelle chamanique, poésie sonore gestuelle, les corps s'animent, se répondent, s'épousent. Secouée, empêchée, entravée,la danse est mouvements disséqués faite de multiples propositions, formations qui s'activent. La musique entêtante fuse omniprésente comme osmose et symbiose parfaite.Multidirectionnels, amples, les gestes façonnent l'espace en creux, imperturbable côté lisse des fluctuations d'énergie. Les mains frôlent et dessinent l'espace, des bribes de conversations émergent, et dans une quasi unisson frontale, les quatre interprètes se retrouvent. Danse heurtée, saccadée aux gestes veloutés, onctueux, gracieuses évolutions en spirales dénouées. Un métronome, des chuchotements pour glissades rythmiques et déboussole constante. La lumière se fait verte et découpe au sol des ombres portées. Un adage, duo ou pas de deux illumine la scène de saveurs délicieuses au regard.Ils creusent l'espace, s'y lovent à l'envi et l'empathie gagne celui qui regarde en phase contagieuse de ravissement. Les corps arcboutés, compactés, figures et attitudes de frises architecturales. Le groupe comme une sculpture de Rodin en mouvement. Ou écriture calligraphique élaborée d'arabesques dans un espace de failles et interstices de moucharabieh.
Dans des lumières rougeoyantes, la ballade continue sur des battements de coeur ou d'horloge. Aube mythologique où Chronos bat la mesure. Petite mythologie animée et vivante où Echo tient les feux de la rampe où le fil d'Ariane se fait et se défait sans cesse sur le métier à tisser la danse.Trame et chaine mécanique qui métisse le tout L'ambiance, l'univers sonore cavernicole ou très organique pour un bruitage originel fait de cassures, ruptures tectoniques quasi géologiques. Un air de studio de photo pour portrait de groupe comme clin d'oeil au cadre et hors champs. Les visages simulent le fou rire contagieux et leur métamorphose ou transfiguration est sidérante. Dans de beaux ralentis ou fondus enchainés où l'on respire en chorale avec les danseurs très habités. Carrure et présence forte, corps solides, gabarits rassurants, sympathiques , ces créatures dansantes nous entrainent au final dans un long ravissement, état d'enivrement collectif très imprégnant. Et Echo de disparaitre, de s'effacer, désincarnée, absente, perdue dans l'espace résonnant encore de son passage...Simon Feltz comme maitre d'oeuvre d'un moment rare de danse partagée de part et d'autre du plateau .
Chorégraphie : Simon Feltz
Interprètes : Pauline Colemard, Adrien Martins, Anthony Roques et Chloé Zamboni
Création musicale : Arthur Vonfelt
Lumière : Thibaut Fack
A Pole Sud jusqu'au 29 MARS
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