dimanche 19 novembre 2023

Hanatsu Miroir: des rencontres fertiles et prometteuses pour cet "sound up n° 5"

 Tout démarre par un accueil auréolé d'une dégustation de gateaux japonais préparés par Usagiya, Maison Alsacienne de Wagashi: des petits cubes translucides fort esthétiques, moulés à couper au couteau, lignes droites, angles parfaits. Fragrances et gouts inouis, semblables à la musique de Malika Kishino que nous allons déguster. Des oreilles et des yeux, des papilles aussi !


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"Notre style de vie moderne, basé sur une technologie de pointe, nous rend la vie plus pratique, plus facile, plus rapide et notre environnement d’autant plus clinquant et trépidant. Mus par cette effervescence, nous n’accordons plus d’attention au processus. Nous n’avons plus le temps de percevoir les choses de multiples points de vue et de rechercher l’équilibre et l’harmonie.
Inspiré du célèbre essai de Jun’ichirō Tanizaki, Éloge de l’ombre 陰翳礼讃 , Shades, sept états entre l’ombre et la lumière nous montre l’importance de saisir les nuances et de rechercher la beauté dans notre vie quotidienne."

 

"SHADES"


Un spectacle multimédia comme à l'habitude pour Hanatsu Miroir. Les deux protagonistes dans une scénographie originale sont perchés en hauteur et donne le ton le "la"onirique de la soirée. La flute est volubile, acrobate, sur le fil des sons, tissant une matière sonore inédite alors que la percussion épouse ces tonalités pour engendrer une atmosphère sereine et rêveuse. Ayako Okubo sobre et habile, virtuose du souffle dans tous ses états, ses éclats, ses tenues et modulations subtiles qu'exige la partition lumineuse et solaire de Malika Kishino. Olivier Maurel, tel un chat, félin mobile et tactile aux percussions. Félins pour l'autre...L"ambiance est mystérieuse, rehaussée par les gestes et postures à terre d'une danseuse dont on perçoit à peine les contours du corps, couché au sol. Grace et volupté de mouvements ondulatoires, versatiles, ancrés dans la terre mais cependant très aériens au ressenti. Le dos est quasi nu, les plis de sa longue jupe, style plis à la Yssey Myake ou origami font office d'éventail japonais Qui se plie et se déplie au gré des sonorités, du rythme de la composition musicale Cela semble du sur mesure, haute couture pour un corps féminin en reptation et glissements très sensuels. Un partenaire, comme un corps siamois entre en scène et se fond dans sa gestuelle: créature hybride et mystérieuse qui hante le plateau et fait corps avec le duo de musiciens compères et complices de cette fable épique. Fantastique et parfaite représentation de rêves éveillés qui donnent le frisson. Comme un insecte rampant, une mante religieuse casquée de noire, un coléoptère bizarre, inquiétant. Noéllie Poulain et Yon Costes, interprètes idéaux pour un adage poétique et très séduisant. Danse arachnéenne sans nul doute.Yurei ou Yokai de toute beauté!


Les lumières et images vidéo végétales enveloppant le tout pour un état de fébrilité fragile et spectrale: "shades" comme les ombres portées dans la grotte de Platon.
L’allégorie de la caverne est une allégorie exposée par Platon dans La République. Elle expose en termes imagés les conditions d'accession de l'humain à la connaissance du Bien, au sens métaphysique du terme, ainsi que la transmission de cette connaissance. Images en ombres "chinoises" à travers des panneaux tendus, icônes éphémères d'un temps absent, de la pertes de la carnation, de la chair: celle de la muse Echo qui s'efface, disparait peu à peu pour laisser la rémanence de la voix, du son, des percussions.

Spectres, fantômes, ectoplasmes, bienvenus dans le monde de Malika Kishino, ravie ce soir là de voir son oeuvre incarnée et vivante.

Malika Kishino, composition | Noëllie Poulain, chorégraphie et danse | Yon Costes, danse | Ayako Okubo, flûtes | Olivier Maurel, percussions | Raphaël Siefert, lumière et vidéo. 

Puis changement d'espace pour un spectacle inédit, à l'arrache à l'issue de cette création:
Concert hommage à Kaija Saariaho
Duo Haelim Lee et Gayané Movsisyan et Louis Siracursa

[Duo vocale] [electro fusion] [contrebasse] [espace cabaret] tout public

Accueillir le duo vocale Haelim Lee (soprano) et Gayané Movsisyan (mezzo)est un vrai bonheur: une formule inédite à l'occasion de cette soirée où les rencontres sont décidément de mise et de bon aloi!.
Elles proposent From the Grammar of Dreams de Kaija Saariaho.
~D’après le livre de Sylvia Palth. Textes forts et qui traitent de la mort et de la vie…
"S’échapper dans la folie, destruction et combats contre…Le cauchemar finit dans la lumière du jour et de la vie". Il faut les entendre, les sentir dans cette proximité de mise en espace où les deux chanteuses se positionnent parmi le public. Debout, solides interface d'une composition vocale extra-ordinaire. La pureté des voix, leur ampleur et chaleur se déploient à l'envi et résonne comme des phares solaires dans ce lieu, cet endroit, ce milieu où il fait bon écouter et se laisser surprendre. Tout de noir vêtues, les deux chanteuses excellent dans ce répertoire virtuose et sur le fil des tonalités inouïes et troublantes.
Le programme fut complété par Folia, toujours de Kaija Saariaho pour contrebasse et électronique, interprété par Louis Siracusa-Schneider. Puis,le tout dans une rencontre avec le duo Ppaulus & frère qui processe à sa manière, à cet ensemble de pièces.Pour interpréter une pièce de Scelsi. Du jamais entendu que cette doublure architecturale de son live et charnel, alliés aux sonorités et atmosphères de l'électroacoustique. Un assemblage, une alliance, un alliage tectonique et percutant comme pour un bon vin: des cépages qui se marient pour créer une nouvelle formule: voix et électroacoustique qui s'écoutent, modulent ton et volume sonore, cède la place à chacun ou fonctionne en osmose…

Puis au tour de  PPAULUS & FRÈRE, une alliance par les câbles, le signal audio et les pics de tension: un[electro set] tout public réjouissant pour clore le cycle de découvertes de cette soirée exploratoire et conviviale: à l'image du duo protéiforme, Hanatsu Miroir.

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