lundi 4 décembre 2023

Trisha Brown, Noé Soulier "In The Fall", "Working Title"et "For M. G:The Movie" par la Trisha Brown Dance Company : la révélation...United colors off Trisha...

 


La danse américaine a été marquée par la puissance et la créativité révolutionnaire de la danseuse et chorégraphe Trisha Brown. Six ans après le décès de celle-ci, ce programme concrétise une nouvelle étape dans la vie de la compagnie qui désormais invite d’autres chorégraphes à créer pour ses danseur·euses.


En bonne cum-panis...
 
Reflétant l’esprit d’innovation incessant de Trisha Brown, le programme fait dialoguer son style et son héritage à elle, avec une nouvelle génération d’artistes talentueux·ses et généreux·ses. La création est portée par des danseur·euses formé·es à l’école de cette grande dame de la danse : la fluidité extraordinaire et la gestuelle fine des artistes, empreinte de puissance et d’émotions retenues, révèlent une énergie intérieure insoupçonnée. Au dynamisme des circonvolutions répondent l’immobilité ou l’imprévisible asymétrie des compositions. Les forces fondamentales guident les corps et s’harmonisent, avec des transitions inorganiques, des décalages entre intention et geste... Les spectateur·rices sont transporté·es au cœur d’un propos à défendre : celui de l’héritage, des racines et des permanences du langage chorégraphique.

Que la filiation est opérante!Noé Soulier invité à chorégraphier pour la légendaire compagnie: gravité, pressions, force, poids, volume, espace: la patte de Trisha s'y retrouve magnifiquement portée par l'esprit de "compagnie", cum-panis, ce qui se partage, se rompt ensemble pour se l'approprier. Pas de formes ici géométriques ni de courbes ou lignes solides chères au "ballet" moderne. Mais plane le geste qui vient s'ajouter à un autre à la manière d'une sédimentation, comme un palimpseste, une "accumulation" magnétique des corps dans l'espace commun. Des verbes d'action pour genèse de cet ""In the fall": contraction, explosivité, contrainte des mouvements inorganiques contraires à la grande fluidité remarquée des gestes de Trisha Brown: relax, détente, enroulements et feinte nonchalance débridée, relâchée...Surprise donc que cette soirée où domine la couleur et son traitement ainsi que la création musicale appropriée à ces opus singuliers. Déjà ,dans la pièce de Noe Soulier, c'est aux couleurs fondamentales de réfléchir le monde chorégraphique. Palette franche et bigarrée qui se décline en couples, solo et pour octuor qui ne cesse de se détricoter. Couleurs des costumes signés Kay Voyce, de la musique de Florian Hecker toute imprégnée de dialogues, de questionnement sans nuance de célébration univoque d'un langage trop solitaire. Release, mouvement sur mouvement se retrouvent dans la pièce de Noé Soulier comme une invitation à dépasser la technique brownienne sans la renier. Les corps des danseurs pétris de cette approche vivante et unique  laisser la gravité agir sur le poids du corps sans cesse. Avec ses surprises, ses pieds flex, ses jambes qui indiquent instinctivement les changements de direction alors que le buste les précède ou les infirme. C'est de toute beauté et les e-motions surgissent sans abstraction notoire; le corps est présent et raconte sa musicalité pleine de couleurs du temps: une composition très picturale à la manière d'un Kandinsky ravi par le traité des couleurs de Goethe...Et des décompositions de mouvements à la Muybridge dans un halo de fumées à la Marey....Hommage à ce qui pourrait être un héritage d'écriture mais qui au contraire fait fructifier le mouvement de Trisha Brown: des traces, des traits dans l'espace qui se gravent et s'impriment comme ses gestes dessinés."Pour In the Fall, je n’ai pas copié un style propre à Trisha Brown, pas essayé de l’imiter mais plutôt de m’appuyer sur la relation du mouvement que j’essaie de développer et celle qu’elle a construite. J’ai dialogué avec sa grammaire pour la questionner et me questionner." Noé Soulier « L’héritage du travail de Trisha Brown ne se situe pas uniquement dans les pièces qu’elle nous a léguées, mais aussi dans l’intimité des corps des interprètes qui ont contribué à créer cette œuvre au fil des décennies. L’histoire de la danse n’est pas seulement celle des œuvres, mais peut-être avant tout, celle des manières de répéter, de s’échauffer, de se mouvoir : celle de relations uniques à son propre corps qu’inventent ensemble danseur·euses et chorégraphes. »
Noé Soulier

"Worging Title" succède à cette création, chorégraphie de 1985 reconstruite par Carolyn Lucas qui dirige la compagnie.La musique de Peter Zummo éclatante de diversités percussives et sonores tient aux corps des danseurs, tous costumés de couleurs pastels, tuniques et pantalons flottants. Pour mieux épouser une gestuelle angulaire, tectonique peu commune à Trisha que l'on connait mieux avec son velouté dynamique,énergique fluide et fuyant.i Un "Laterll pass" en devenir, architecture dansée à merveille dans un consensus de groupe soudé, interliguéré à souhait. Loin d'une relecture, une restauration, une reconstitution intelligente d'une pièce emblématique, "ancienne" du répertoire de la compagnie. Et quand loin d'un mausolée dressé en mémoire de, l'opus est vivant et en osmose, symbiose avec l'esprit d'aujourd'hui de la compagnie.

Il en va de surprise en surprise avec "For M.G.: The movie", une pièce de 1991: chorégraphie, costumes, lumières et décor de Trisha Brown! Seule la musique lui échappe, celle de Alvin Curran pleine de bruitages, d'évocation de sonorités du quotidien et autres aventures sonres au poing. Un espace musical pluriel qui contraste avec les costumes orangés, justaucorps traditionnels très cunninghamiens qui façonnent et délivrent les corps tels quels. Etrange composition stricte et pleine d'humour à la fois. où les corps composent des variations de déplacements, de directions de segments corporels étonnants, vecteur d'intentions, de décisions surprenantes dans l'espace. Une composition, écriture d'orfèvre de la chorégraphe pour souligner la virtuosité inhérante des interprètes galvanisés par ce vocabulaire pertinent et si efficace de Trisha Brown: chorégraphe "multiple", déroutante dont a su si bien parlé et contenir les paroles Lise Brunel dans son "Trisha Brown"...A relire absolument...à "Bâtons rompus".....

https://mediatheque.cnd.fr/spip.php?page=archives-sonores-de-Lise-Brunel-article&id_article=1277


A la Filature ven 01 décembre 20h00 

commande de la Trisha Brown Dance Company sur une proposition de La Filature, Scène nationale et du CCN · Ballet de l'Opéra national du Rhin

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