vendredi 7 octobre 2011

"L'Europe des Esprits" au MAMCS à Strasbourg: "Stupéfiante exposition"!

En quoi la superbe exposition "L'Europe des Esprits", qui se tient à Strasbourg jusqu'au 12 Février 2012 au MAMCS concerne-t-elle la danse?
Et bien, il "suffit" déjà de déguster l'impressionnante et foisonnante quantité d'œuvres exposées sur le thème "La fascination de l'Occulte" (1750-1950) pour se rendre à l'évidence que le corps humain est fortement investi dans cette évocation du fantastique, de l'invisible, du spiritisme, de l'étrange. D'abord de par son extrême présence dans la peinture et sculpture pour symboliser à la foi l'inquiétude qui habite les esprits durant ces deux siècles balayés, et le tracas, voire la fascination pour la métamorphose ou l'absence de corps. Par ce pan consacré spécialement à la danse en ce début de XXème siècle où naissent les courants de la danse libre, du Delsartisme et toute l'école de Rodolf von Laban. Hommage légitime rendu à la Loie Fuller, qui inventa en son temps l'image expérimentale, l'art visuel durant ses performances de danseuse plasticienne, sculptant la lumière et inventant des formes fugaces telle la "danse du lys" et le cinéma expérimental colorisé image par image. La notion d'apparition et de disparition du corps au profit de l'émergence de spectres inédits, de formes lumineuses en couleur confère à ses évolutions le statut de "révolution picturale et gestuelle" trop souvent négligé dans l'histoire de l'art et de la performance.Évocation bien sur de la compagne de Hans Arp, Sophie Taeuber, danseuse de formation pour avoir suivi les pérégrinations de Laban au "Monte Vérita" à Ascona, durant la période où ce dernier, pionnier de la pensée chorégraphique et cinétique y développa sa danse d'expression et toute sa théorie sur la choréeutique. Référez-vous à l'article signé par Joelle Pijaudier-Cabot "En tout homme vit un danseur" dans le fabuleux catalogue de l'exposition (pages214/223) pour l'histoire de tous ces courants de la danse qui se frottent à la spiritualité, à l'ésothérisme, au divin)
Le plus remarquable sont les dessins de Rudolf Steiner, "Eurythmie d'après des esquisses de Rudolf Steiner". Exposés pour leur attrait esthétique sur la forme anthropomorphique des voyelles, histoire d'enseigner une anatomie fantaisiste mais très mouvante du corps humain, habité par une danse très tectonique, structurée, morcelée. Structures musicales et quasi notation chorégraphique y font bon "accord" sans désaccord ni fausse note. La partition gestuelle est née par souci de représentation pédagogique et il nous est donné à voir quelques pièces rares et inédites!Mary Wigman, Isadora Duncan sont également évoquées et regardez la "Danse du Temple" de Fidus, où le corps glorieux et canonique de la danseuse nue se fond dans une apesanteur onirique et hallucinante, légèrement supportée par une végétation, elle aussi en lévitation. De la légèreté, du spirituel, de l'évanescence dans toutes ces évocations corporelles de la divination, de la croyance en d'autres corps, d'autres matières et tout compte fait pour échapper à l'humaine condition: autant de "petites morts" dans le vaste univers.

Y échappent les femmes dansantes de Hodler, massives, puissantes, terriennes mais cependant "en extase"!!La dimension de transe, de passage d'un monde à l'autre par le truchement du mouvement n'a pas échappé dans la représentation, aux peintres et sculpteurs évoqués dans cette remarquable exposition sur l'occultisme.De la "Danseuse" de Arp toute en volute et très voluptueuse, au corps tendu, extatique de Fidus avec son "Invocation à la lumière", en passant par l'image quasi abstraite mais très lyrique de Van Duisbourg "Mouvement héroïque", la symphonie du corps mouvant est au zénith.
On ressort de l'exposition dans un "état second", édifié sur l'importance de la dimension onirique dans l'art, en lévitation, mais bien conscient que la représentation du monde est riche de fantasme et de phénomènes occultes, échappatoires salutaires à l'humaine condition!

dimanche 2 octobre 2011

LE BILLET DE CATHY GANGLOFF

On m'a raconté un jour que lorsque les abeilles rentrent dans leur ruche, il y a celle qu'on appelle l'éclaireuse, et qu'elle exécute une "danse"
Ainsi elle transmet aux autres abeilles des informations tout à fait précises , parait il, sur le type de source alimentaire qu'elle a pu découvrir et sur son emplacement. 
Cette danseuse partageuse .... m'a fait penser à  toi !!!

Cathy Gangloff, plasticienne

vendredi 30 septembre 2011

Charles Chaplin à Musica: "ChaplinOpera": contrepoints, contredanse!

Chassé-croisé, musique-image survoltées.
Ou le cinéma, art du mouvement et du rythme!
La "kiné" de Chaplin, sublimée!
On avait déjà fait connaissance avec Benedict Mason et l'Ensemble Modern avec deux pièces courtes truculentes: "Two Picolo Trumpets for Sava Stoianov" et "TwoCornetti for Valentin Garvie". Un régal de sons inédits, soufflés et joués avec l'humour et le détachement de deux musiciens, pitres en diable!Gestes et mise en scène à l'appui, burlesques et fanfarons personnages, faits de tout petits riens.

Nul doute que se confronter à l'oeuvre de Chaplin, les films muets de son début de carrière-1917- allait de soi!
Mais comment oser rallier musique, son, voix et "cinéma muet" quand on sait que dans l'image muette en noir et blanc tout concourt au sens par le geste et le mouvement, justement pour pallier à l'absence de son, donc de paroles, de mots, de musique. Seuls les pianistes étaient jusqu'alors habilités à accompagner ce genre d'œuvre avec plus ou moins de bonheur...
1917: trois œuvres signées du réalisateur Charlie Chaplin font l'objet de l'expérience "semi-operatic Filmspiel" de Benedict Mason en 1988.
"Easy Street" nous rappelle qui était Charlot: un mime, un acteur né dans la banlieue de Londres en 1889 où il passe son enfance livré à lui même de père et mère chanteur et danseuse sombrée dans la folie.A dix ans il s'essaie au music-hall comme boy puis danse les "gigues" dans la compagnie des Lancashire Lads avant d'intégrer la célèbre troupe de"pantomime Karno" à Londres.Il y apprend le mime, l'acrobatie, le rire funèbre,la danse, la mélancolie désopilante, la jonglerie.C'est Mack Sennett qui lui propose alors de faire du cinéma! Sa carrière démarre et il conçoit son personnage dans "Charlot et le chronomètre": c'est dire si l'allure et le tempo de Charlot vont demeurer immortels!
C'est dans le rythme infernal de la farce anglaise que l'on plonge avec "Easy Street": il y compose son personnage dans un véritable tourbillon synthétique multipliant, les courses, les poursuites, les coups, les esquives. Il y intègre la misère, la crudité sociale, les habits de dandy vagabond, empruntant à son maitre les gros godillots, le pantalon trop large. Il élague, dépouille, remanie, stylise. Ildevient un personnage rythmique, peuplé de forces déliées, qui change les lois de la gravitation et le monde autour de lui.
Tout est dit dans le geste, le cadrage souvent en plan fixe de scènes désoppilantes, au comique de répétition. Charlot se rue dans le danger et en sort toujours vivant!
Ici, le théâtre, c'est la rue, la chorégraphie, ce sont les entrées et sorties des groupes de vagabonds, ce sont les pirouettes de Charlot, ses grands écarts, ses voltes faces, ses glissades.Dans "The Immigrant" et "The Adventurer", il en va de même et la musique magnifie les manipulations, les clowneries, les gags, la poésie de l'amour aussi, omniprésente dans ce combat "kiné- matographique"
La musique allait-elle trouver sa place dans tant de propositions, d'informations sur l'intrigue et le sens même du cinéma de Chaplin?
Et bien oui! La masse sonore, les couleurs, les tonalités, les audaces multiples renforcées par un instrumentarium et des voix, font mouche!Elle épouse l'architectonique du montage et du mouvement, souligne le fameux dandinement du derrière, le haussement et le relaché rapide des épaules, la course dans un virage, où une jambe freine tandis que l'autre se rend à angle droit. La démarche en dehors, légèrement claudicante, une façon de se recroqueviller dans des moments d'émotion offrent des gestes bornes, des gestes limites, comme autant de ritournelles Cadrant un corps peuplé de petites forces fluiudes qui entretiennent entre elles des relations acrobatiques intimes.Car la danse, la mise en scène de Chaplin sont déjà tempo, rythme et musique.
Là, Mason renforce, souligne, déborde et donne une interprétation, une autre dimension onirique aux trois films.
Une réalité aussi s'en empare rendant encore plus présents, les corps "muets" à l'écran. Ils ont encore tant de chose à nous dire, à nous conter!Avec ou sans musique!