vendredi 7 octobre 2011

"L'Accroche Note" au Festival Musica 2011: "poésie et écriture sonore"

Pas un festival "Musica" sans une étroite collaboration avec le groupe de recherche musicale "L'Accroche Note"!
Cette année ne dérogeait pas à ce très édifiant rituel qui convoquait l'ensemble strasbourgeois crée par Françoise Kubler, soprano, et Armand Angster, clarinettiste à  élargir son vaste répertoire dédié à la création grâce au cycle de Stefano Gervasoni et à la toute nouvelle partition de Philippe Manoury.


"Poesie francesi" de Gervasoni fut donné en cycle complet: les poèmes de Ghérasim Luca, poète roumain né en 1923 qui passa sa vie en France et qui séduisit Deleuze, qui le considéra comme "le plus grand poète français" , sont donc mis en musique afin de développer en eux le sens musical par la sanction, le phrasé vocal. Françoise Kubler assure la rude tache de l'interprétation de ces textes, psalmodiant , triturant les mots et les sons, toujours surprenante par son apparente facilité à rendre, à se fondre dans de nouvelles œuvres.Textes à l'appui la voici qui s'empare d'une langue multiple aux accents polyphoniques, accompagnée par des sons produits par des objets hétéroclites qu'elle manipule en alternance. Tout se termine d'ailleurs par quelques coups de ciseaux, coupures toniques , final de la partition et des textes chantés.Accompagnée par l'ensemble, voici une prestation forte et décapante, digne de cette formation toujours à l'affut de la création. L'œuvre suivante de Manoury "Hypothèse du sextuor"ne dérogeait pas à cette foi dans un engagement envers l'audace de l'investigation créative contemporaine dans la musique d'aujourd'hui.Création pour le Festival, co-commande avec l'Accroche Note, voici une œuvre mêlant cordes, vents et claviers avec bonheur, avec "hauteur"!"Ecrire de la musique de chambre revient à imaginer des conversations qui vont et viennent" confie Philippe Manoury dont le répertoire est pétri  d'idées nouvelles. Convergences, rencontres fortuites ou savamment "pensées", la musique de Manoury est de la dynamique, du mouvement. Inspiré par la neige qui tombe comme autant de notes et de sons, ce morceau est limpide, scintillant et ces"pas dans la neige" résonnent comme des traces de déambulations sonores, de parcours géographique dont le tracé, le phrasé serait invisible, seulement audible dans la plus grande des correspondances baudelairiennes: couleurs, sons, matières et fragrances se mêlent, s'emmêlent, se chevauchent.

Le concert suivant interprété par l'Orchestre Philarmonique de Strasbourg, laissait également la part belle au compositeur qui désormais nous est familier. Par sa présence constante déjà sur le Festival, par sa façon dynamique, convaincante et très "pédagogique" de présenter ses œuvres en début d'exécution. Simplicité, amour du partage, don et talent d'orateur efficace pour laisser l'auditeur librement pénétrer son œuvre
Avec "Sound and Fury" (1998), voici un pan de sa musique, relié à l'évocation de Faulkner, puissant, révélateur de sa passion pour toute forme d'écriture.
La juxtaposition avec "Okhtor" de Christophe Bertrand magnifiait les deux auteurs: force de l'écriture, du propos, envoutement de l'écoute collective de cette musique qui ne cesse de nous révéler atmosphère, ambiance sonores inouïes, digne de ces compositeurs si proches: ceux que Musica nous donne à fréquenter à l'aube de leur existence dans le temps donné du concert.Une chance à mesurer!

"L'Europe des Esprits" au MAMCS à Strasbourg: "Stupéfiante exposition"!

En quoi la superbe exposition "L'Europe des Esprits", qui se tient à Strasbourg jusqu'au 12 Février 2012 au MAMCS concerne-t-elle la danse?
Et bien, il "suffit" déjà de déguster l'impressionnante et foisonnante quantité d'œuvres exposées sur le thème "La fascination de l'Occulte" (1750-1950) pour se rendre à l'évidence que le corps humain est fortement investi dans cette évocation du fantastique, de l'invisible, du spiritisme, de l'étrange. D'abord de par son extrême présence dans la peinture et sculpture pour symboliser à la foi l'inquiétude qui habite les esprits durant ces deux siècles balayés, et le tracas, voire la fascination pour la métamorphose ou l'absence de corps. Par ce pan consacré spécialement à la danse en ce début de XXème siècle où naissent les courants de la danse libre, du Delsartisme et toute l'école de Rodolf von Laban. Hommage légitime rendu à la Loie Fuller, qui inventa en son temps l'image expérimentale, l'art visuel durant ses performances de danseuse plasticienne, sculptant la lumière et inventant des formes fugaces telle la "danse du lys" et le cinéma expérimental colorisé image par image. La notion d'apparition et de disparition du corps au profit de l'émergence de spectres inédits, de formes lumineuses en couleur confère à ses évolutions le statut de "révolution picturale et gestuelle" trop souvent négligé dans l'histoire de l'art et de la performance.Évocation bien sur de la compagne de Hans Arp, Sophie Taeuber, danseuse de formation pour avoir suivi les pérégrinations de Laban au "Monte Vérita" à Ascona, durant la période où ce dernier, pionnier de la pensée chorégraphique et cinétique y développa sa danse d'expression et toute sa théorie sur la choréeutique. Référez-vous à l'article signé par Joelle Pijaudier-Cabot "En tout homme vit un danseur" dans le fabuleux catalogue de l'exposition (pages214/223) pour l'histoire de tous ces courants de la danse qui se frottent à la spiritualité, à l'ésothérisme, au divin)
Le plus remarquable sont les dessins de Rudolf Steiner, "Eurythmie d'après des esquisses de Rudolf Steiner". Exposés pour leur attrait esthétique sur la forme anthropomorphique des voyelles, histoire d'enseigner une anatomie fantaisiste mais très mouvante du corps humain, habité par une danse très tectonique, structurée, morcelée. Structures musicales et quasi notation chorégraphique y font bon "accord" sans désaccord ni fausse note. La partition gestuelle est née par souci de représentation pédagogique et il nous est donné à voir quelques pièces rares et inédites!Mary Wigman, Isadora Duncan sont également évoquées et regardez la "Danse du Temple" de Fidus, où le corps glorieux et canonique de la danseuse nue se fond dans une apesanteur onirique et hallucinante, légèrement supportée par une végétation, elle aussi en lévitation. De la légèreté, du spirituel, de l'évanescence dans toutes ces évocations corporelles de la divination, de la croyance en d'autres corps, d'autres matières et tout compte fait pour échapper à l'humaine condition: autant de "petites morts" dans le vaste univers.

Y échappent les femmes dansantes de Hodler, massives, puissantes, terriennes mais cependant "en extase"!!La dimension de transe, de passage d'un monde à l'autre par le truchement du mouvement n'a pas échappé dans la représentation, aux peintres et sculpteurs évoqués dans cette remarquable exposition sur l'occultisme.De la "Danseuse" de Arp toute en volute et très voluptueuse, au corps tendu, extatique de Fidus avec son "Invocation à la lumière", en passant par l'image quasi abstraite mais très lyrique de Van Duisbourg "Mouvement héroïque", la symphonie du corps mouvant est au zénith.
On ressort de l'exposition dans un "état second", édifié sur l'importance de la dimension onirique dans l'art, en lévitation, mais bien conscient que la représentation du monde est riche de fantasme et de phénomènes occultes, échappatoires salutaires à l'humaine condition!

dimanche 2 octobre 2011

LE BILLET DE CATHY GANGLOFF

On m'a raconté un jour que lorsque les abeilles rentrent dans leur ruche, il y a celle qu'on appelle l'éclaireuse, et qu'elle exécute une "danse"
Ainsi elle transmet aux autres abeilles des informations tout à fait précises , parait il, sur le type de source alimentaire qu'elle a pu découvrir et sur son emplacement. 
Cette danseuse partageuse .... m'a fait penser à  toi !!!

Cathy Gangloff, plasticienne