samedi 8 octobre 2011

Georges Aperghis et son "Luna Park": attractif!!!

Georges Aperghis est plus qu'un habitué du festival Musica. Pour les aficionados, on se souviendra de la merveilleuse interprétation par Martine Viard des "Récitations" en 1983.
Depuis, il fit une résidence très remarquée à Strasbourg au conservatoire de Musique, qui familiarisa au plus juste les jeunes musiciens au théâtre musical, à l'humour des notes, à la composition, à l'interprétation.
Du beau travail de fond, oeuvre de fourmi qui porta ses fruits.
Aujourd'hui, il nous revient avec "Luna Park" un spectacle indéfinissable, ovni en son genre!
D'emblée, en ouverture, le ton est donné: tambour battant tout démarre de façon fulgurante. Sur un dispositif scénique très audacieux, les quatre interprètes musiciens, acteurs sont intégrés à une sorte d'échafaudage où le corps est mis en situation périlleuse, en danger.Sons, notes, paroles, musique en jaillissent comme autant de sources de tension-et détente- qui se maintiendront tout au long du spectacle.
Des images vidéo, soit pré-enregistrées, soit tournées en direct et remixées en régie simultanée font écho à ce travail musical, comme contre point, comme miroir du son. Des bouches en surgissent en série, ordonnant ainsi comme des "amuse-bouche" un apéritif tonitruant. Les lèvres en gros plan articulent, ânonnent, décomposent le mot. C'est drôle et désopilant, humoristique et nous tient ainsi à distance du trop sérieux!Pas de convention ni de savoir se conduire ici: c'est plutôt l'indisciplinaire, l'élève qui fait l'école buissonnière et se joue des formalités. Les quatre interprètes, une heure durant vont se frotter à ce jeu, physiquement éprouvant, cette performance d'athlètes, d'aérobie constante. Sur un fil tendu, la tension monte, puis le calme revient, pause salutaire dans le tempo de cette œuvre échevelée, décoiffant e.On y est désorienté, déphasé, décontenancé devant la virtuosité, l'audace de la pièce. L'échafaudage tient bon, comme une pyramide solide, bien plantée, une architecture qui double la texture de la musique, du son, du rythme.
Un spectacle total, multimédia qui interroge aussi sur la notion de communication, de solitude face à la technologie. L'ivresse qui en ressort incombe à cette juxtaposition de médium: vidéo, corps dansant, musique, images virtuelles et magie de la régie directe pilotée de main de maitre dans une vitesse fulgurante.Ecrans, caméras, micros, autant d'outils qui éloignent les artistes les uns des autres et qui portant font chorus, font front et face sagittale aux spectateur médusés, entrainés dans cette folle course contre la montre!
Le référent d'Aperghis, en l'occurrence Thomas Bernard et son chef-d'œuvre "Marcher" nous font ouvrir l'œil sur la notion de surveillance, d'auto-analyse. L'équilibre de cette vaste construction demeure fragile et le monde peut chavirer, tournoyer dans ce "Luna Park" bien artificiel où le corps est balloté, secoué, ébranlé, malmené: comme pris dans une machinerie infernale. Que reste-t-il de l'humain dans tout cela?
Beaucoup de poésie et de recul malgré tout pour laisser derrière soi un parfum d'inédit, de tremblement, de secousse salutaires!

vendredi 7 octobre 2011

Wim Vandekeybus et son "Oedipus/Bêt Noir": mythologie chorégraphique instinctive

Wim Vandekeybus, chorégraphe flamand bien connu de la scène strasbourgeoise pour y être en compagnonnage et complicité avec Le Maillon depuis ses pièces accueillies, telles"Blush", "Puur", "Spiegel",ou "nieuwZart", nous revient avec sa libre adaptation du mythe d'œdipe. En bonne compagnie toujours, celle de l'écrivain-poète Jan Decorte.De Sophocle, on gardera bien sûr, l'aspect dramatique, mais la langue si tonique et acerbe de l'écrivain flamand transfert à la danse son caractère abrupt, franc, direct et puissant. Les deux langages s'unissent pour tisser la trame d'une histoire de corps, de mœurs aux antipodes d'une anecdote ou d'une esquisse historissisante. Avec danseurs, comédiens et gens de théâtre, tout ici se conjugue au présent du drame psychologique.Vandekeybus mettant au service du texte sa danse tectonique, puissante et virulente. Mais aussi tout le traitement très sensuel autant de ses courses, ses arrêts, ses sauts pour pénétrer dans l'âme de "la bête noire" à combattre. Son instinct très animal le conduit dans les affres de cette légende avec grâce et brutalité.

Toujours en restant violemment lui-même.Chasse aux sensations extrêmes, élan implacable des corps.Une danse viscérale hantée par la chute et le jaillissement maintient un taux élevé d'adrénaline en affermissant ses lignes de force souterraines. "Je suis un fils de vétérinaire doté d'une imagination catastrophiste" sans omettre d'être" un boulanger qui fait son pain avec plaisir!". Son travail c'est celui d'un conteur avec de la danse à l'intérieur et cette fascination pour les histoires qu'il tente d'incarner à travers le médium multiple qu'est la danse.Les zones d'ombre, la noirceur du psychisme rendent son œuvre alchimique et occulte à souhait.
Il sera sur scène et l'on retrouvera avec bonheur celui qui a démarrer sa carrière auprès de Jan Fabre avant de créer sa propre compagnie "Ultima Vez" en 1987.
"Oedipus/ Bêt Noir" au Mallon Wacken du 20 au 23 Octobre à 20H 30.
www.le-maillon.com

"Pina Jackson in Mercemoriam" de Foofwa d'Imobilité:danse à la diable!

"Diable!l'interprète et son propre muse se met en position funambulartistique....."
Ce serait de l'oulipo ou du lettrisme de la danse! C'est tout simplement de la prose à Foofwa.
"Foof, il faut que tu penses avec ton corps puis que tu danses avec ta tête pendant que tu t'amuses avec ton corps et que ce corps s'amuse avec sa tête et?je pose et je me repose? Je pause ou me pose"
Il danse comme il écrit, ce danseur Suisse qui n'a pas froid aux yeux et nous à déjà fait participer à des marathons, des courses folles dans la cité strasbourgeoise, seul ou avec d'autres. On se souvient de ses numéros désopilants de cabaret déjanté avec Thomas Lebrun, se jouant de l'androgénie, du burlesque, du travestissement.Le corps serait le siège de bien des coups d'état...de danse!
Avec cette pièce fameuse, dressée comme un mémorial fantoche en hommage aux grosses pointures de la danse disparues la même année sans faire s'écrouler l'édifice de la danse contemporaine, le voici qui s'attèle au pastiche de la mémoire, du répertoire, de la transmission, les tartes à la crème du jour!


Provocateur mais toujours constructif et allant de l'avant, Foofwa est comme un chien fou, lâché dans l'arène. Sa danse résiste à toute catégorie, ni complètement conceptuelle, ni exclusivement physique, elle joue du verbe autant que de l'entrechat. Si son disque dur c'est la technique Cunningham, il s'aventure aussi du côté du Tanz Theater allemand¨, du côté aussi de la star du show business, Mickael Jackson, le roi de la danse!
Il attache si peu d'importance aux conventions qu'il ne se soucie même pas de les bousculer: il le fait sans s'en apercevoir!S'affranchir de tout automatisme, houspiller les habitudes sans faire table rase ni oublier sa technique.Des acquis trop précieux pour les envoyer au rancart. Il bricole son langage avec ses outils et à la croisée d'une réflexion sur l'histoire du mouvement et sur notre époque, il nous brosse un panorama de la mondialisation, des nouvelles technologies avec humour, dérision. Tel un engagement politique très incorrect mais sérieux et brillant, toujours très exigeant.
Un spectacle de la vie du corps et du "corps de métier", du "corps de ballet" du danseur à l'atelier, au studio, partout où se niche la danse et surtout là où l'on ne l'attend pas!

A Pôle Sud à Strasbourg le 18 Octobre 20H30.
www.pole-sud.fr