mardi 18 décembre 2012

"Le laveur de vitres" de Pina Bausch illumine le Monaco Dance Forum

Cette pièce emblématique, une des plus fameuses de la chorégraphe Pina Bausch datée de 1997 a été présentée ce week-end au Monaco Dance Forum. La fureur et la poésie qui en émanent sont de toute beauté et le regard se perd devant tant de propositions dansées qui fusent et diffusent comme un parfum de vie intense et fulgurant.
Les interprètes que l'on retrouve toujours avec bonheur, fidèles à l'esprit de celle qui a forgé pour eux tant de rôles, trouvé en eux tant de potentiel inouï, sont entiers et galvanisé par la grâce.
Tout démarre par la vision dantesque d'un dôme de pétales de roses rouges évoquant Hong Kong tiraillé entre modernité et tradition.Cette montagne accouche de mystères, d'une danseuse égarée, longtemps dissimulée dans cette antre énigmatique. Dôme qui joue sur sa présence magique et enrôle plus d'un personnage qui tente de le gravir, de le détruire ou de l'effeuiller.Toute l'humaine condition s'y retrouve et gravite autour de ce totem symbole de l'absurde.
On s'y plait à y sourire de plaisir, à trembler en empathie intime avec les acteurs-danseurs virtuoses de leur propre langage façonné de main de maître par Pina.
Le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch restitue l'esprit et l'âme de la chorégraphe avec fougue et passion, respect et dignité.L'impact visuel de la scénographie est trois heures durant fascinant, envoutant et la danse, hypnotique.
On y retrouve "les robes de Pina" portées par ses fidèles femmes danseuses, femmes qui dansent de toute leur peau, de toute leur robe. Car ce n'est pas de l'apparat ni de la frivolité, ces robes de bal, de baptême, de soirée.Ce sont ces "secondes peaux" qui magnifient leur corps, dénudent leur sensualité et ravissent les cœurs des hommes qui s'y frottent.
Quand le laveur de vitre apparait dans ce vaste champ de bataille et d'actions multiples, c'est pour mieux rappeler le labeur quotidien, la vie de tous les jours qui sillonne le spectacle de début à la fin.
C'est parfois très drôle aussi quand un des danseurs interroge le premier rang des spectateurs
et lui propose de réaliser ses souhaits; recevoir un café, du chocolat, du champagne. Tel un magicien banalisé, il exhausse les rêves et fait naitre la magie de l'instant partagé.
Accueillir cette troupe, c'est recevoir une compagnie radieuse, vivante, animée par la grâce autant que par le souvenir de celle qui les fait vibrer devant nous. En résonance, on ne peut résister à fondre en communion avec ce petit monde animé des meilleures intentions du "monde"!

Avant chaque spectacle dans le "puits de lumière " du Grimaldi forum, deux belles prestations animaient ce lieu ouvert au public avant l'heure.
Ces "inattendus" désormais très attendus et prisés proposaient "Contigo" de la compagnie portugaise de cirque O Ultimo Momento. Un moment à haut risque puisque l'interprète Joao Paulo Dos Santos, spécialiste du mât chinois y exécute des figures à vous couper le souffle tant la virtuosité, le suspens y sont de rigueur.Très bien adaptée au lieu, en plongée ou contre plongée, la visibilité de ce cette performance y gagnait en espace, en tension et intensité. Seul avec sa chaise, son mât, l'artiste déroute, fascine, envoute et sooulève la peur et l'émotion.

La seconde prestation "Variations pour les colonnes" fut celle de Gaetan Morlotti, artiste du Ballet de Monte Carlo, de l'ensemble "Small Bang" en compagnie d'un comédien et d'un contrebassiste. Une interrogation ludique sur la proximité de l'artiste dans et devant le public, en interaction et interactivité.En sympathie.aussi car sa marque de fabrique, ces "actes" ou "actions" est synonyme de conversation concertante et enjouée. Du bel ouvrage dense et risqué où l'artiste s'expose à son corps défendant.

Les Ballets de Monte Carlo: l' " Atelier" du bonheur

Le métier de danseur est roi au Ballet de Monte Carlo, dirigé par Jean Christophe Maillot depuis 19 ans à présent. Sur la colline, un peu retiré de effervescence urbaine, l ' "Atelier" est le lieu de travail de la compagnie et des corps de métier qui se rattachent à l'exercice et à la vie d'une compagnie.Alors qu 'une partie des danseurs prennent le cours du matin, tous niveaux confondus, les couturières s'affairent à l'étage de ce magnifique loft réhabilité, à la confection des costumes de la prochaine création "Lac": costumes de Guillotel.
Les décors, eux, ceux de Ernest Pignon Ernest seront fabriqués ailleurs dans des ateliers lyonnais.
L'heure du déjeuner, échelonné selon les besoins du personnel permanent et des danseurs est flexible, souple comme le déroulement d'une journée. Le cuisinier confectionne et mitone des petits plats inventifs et légers, servis en self et dégustés dans une cafétéria de rêve, décor indien, ambiance feutrée.
L'atelier du bonheur? Oui si l'on compare cette structure aux centres chorégraphiques français, si souvent semblables à des lieux délaissés ou négligés, ne prenant pas en compte le respect de la vie du danseur. Un métier avant tout à exercer avec la connaissance des besoins de chacun.
L'architecture du lieu est puissante avec puits de lumière, nef, espace dédié aussi à l'histoire du ballet: on y trouve photos, costumes, maquettes de décor et toutes sortes de signes de vie, de "cygnes" des temps, d'"étangs" qui attestent d'une forte présence et des artistes et du directeur-chorégraphe.
La fusion avec l'école de danse "Académie Princesse Grace", le festival "Monaco Dance Forum" et la compagnie de ballet opère un métissage des pratiques, une prolongation intelligente d'une discipline à l'autre.
Cette mutualisation opère et séduit , fonctionne pour le meilleur et cette visite en préambule au festival lui-même ancre dans un contexte vivant l'art chorégraphique dans son entier.

mardi 16 octobre 2012

Marc Ferrante: "jeux de mains": silence, radios....


Marc Ferrante radiographie le corps, le laisse se faire pénétrer de traces de crayons X.
Mais pour en restituer une magie de la transparence, de l'aparence.
Dans sa dernière exposition salle 27 au Palais Universitaire de Strasbourg, des boites lumineuses laissent transparaitre autant de chorégraphies de mains qui s'enchevêtrent, se caressent, s'ignorent dans une grâce, une volupté qui pourtant irait à l'encontre de cette imagerie médicale, transformée, détournée.Mains gantées de dentelles, ossature de phalanges dévoilées, de poignets qui révèlent les plus douces articulations du bras. Arabesques, figures quasi enluminées de mouvements fixés pour l'éternité par l'image, l'icone translucide, transparente de la chair devenue lumineuse.
Le procédé de fabrication restera un mystère, une interrogation suspendue au temps, à la maitrise de cet effet d'encre opaque, traces que laissent les os qui ne se laissent pas dévoiler ni pénétrer par la "radiographie". La peau et les os, comme dans la danse y deviennent les signes kinésiologiques  du mouvement, du chemin que prend l'énergie quand on observe et analyse le mouvement.
Voir le corps autrement en métaphore du tissu, de la matière vivante, comme les planches d'anatomie dans un musée , une salle d'évolution au jardin des sciences.Un pavillon de l'évolution historique de la carcasse humaine.
C'est gracieux, futile, volubile et jubilatoire, empreint de douceur, de belles manières comme de la belle danse baroque précieuse, ondulante, à demi tracée dans une fulgurance apaisée de lumière persistance.Ombres chinoises, théâtres d'objets, boites de Pandore pour cabinet de curiosité ou boudoir baudelairien, l'œuvre de Marc Ferrante titille la camarde, frôle le vertige de la disparition, de la perte et de l'absence.
Danse macabre joyeuse et sereine, danse de mains, jeux de doigts, d'os et d'osselet: qui perd gagne: jeu est un autre et l'on se plait à la contemplation magnétique d'un ossuaire de feu follet, lumineux et malin, diabolique Ravi  par la vie présente et pétillante de cet univers étrange parcouru de mystère et de vsilence.
Le langage des mains se révèle à nos yeux fascinés par la rémanence de la transparence.