lundi 18 novembre 2013

"Ghost Exercise":Yasmeen Godder et Itzik Giuli, spectres de la rose!

Yasmeen Godder, une des personnalités de la danse israélienne, propose avec cette pièce au titre intriguant, une vision de ses propres fantasmes à travers l'évocation de l’indicible, du fantomatique, du spectral.
Elle s'inspire des espaces cinématographiques avec un oeil très "focal" qui ne cesse de zoomer sur les corps, les personnages:un oeil caméra avec reflets!

Ses points de vue rejoigent ceux du 7ème art dans la mesure où ils délocalisent les sujets, l'action et en font aussi de la matière virtuelle, onirique, impalpable.Hantée par les possibilités de décaler, de dépasser le réel, la voici donc dans l'investigation du royaume de matière fantomatique, qu'elle creuse comme un bon terreau.
Le "revenant" questionne la part intime de la danse, celle de l'interprète; la chorégraphie se réfléchit, se reconstruit entre fiction et abstraction.
Un projet qui s'inscrit dans le cadre de "dance trip", échange culturel porté par le Rhin supérieur, porté par Pôle Sud, le Maillon, le Theater Freiburg et la Kaserne Basel
A Pôle Sud les 21/ 21/ 22 Novembre à 20H30
La scène est nue, occupée par une chaise de plastique blanc: deux personnages surgissent, deux femmes vraisemblablement, dont les visages sont dissimulés par un châle noué, comme un masque, occultant les expressions du visage.
Un duo démarre, duel, confrontation de ces deux entités magnifiquement costumés d'étoffes chamarrées et chatoyantes, talons hauts, très Leigh Bovery au féminin. Deux espèces d'êtres vivant, fantômes de fantasmes, ectoplasmes de pacotille, spectres de nos désirs, de nos frustrations aussi
L'autre est semblable et différent. Les gestes s'amplifient au fur et à mesure, la tension augmente au son des effets musicaux qui hantent l'espace. La chaise devient partenaire, ennemi, source et objet de menace....Un manteau gabardine va servir à brouiller les pistes, masquer le corps de l'une pour mieux "avancer masquée" et se confondre avec des formes évoquant le fantôme Puis elles disparaissent pour ne plus faire place qu'à l'une d'elle: elle est nue, de dos et va revêtir la même étoffe que le rideau de scène, brillant, lisse, réfléchissant la lumière quadrillée.La danseuse se love dans le tissu, ses mouvements basculent, ondoient et l'on se retrouve face à un spectre.Un vrai?
Travail très plastique, recherche sur le tissu, la matière: on est proche du travail de sculpture de Daniel Firman, ses personnages de taille réelle, vêtu et dont le visage est toujours cagoulé ou dissimulé.
Une performance unique que cette pièce "ghost exercise" qui parle de l'étoffe des fantômes autant que de l'altérité de chacun.
Franziska Jacobsen séduit par la beauté et la plasticité des costumes, les interprètes par leur présence sur le plateau durant toute leur prestation.
Un "dance trip" très onirique!

Bientôt Noel: danses sous le sapin qui penche!

Un peu de mouvement avant de prendre les rennes!!!!
Pour danser autour du sapin de Strasbourg, qui "penche" énormément!
Comme à Pise, l'axe se décale et on aura donc un "penchant" pour cet arbre "pensant"!!!
Honni soit qui mal y penche!!!

dimanche 17 novembre 2013

La danse à Cannes fait aussi son cinéma:city zen cannes!On ne s'y "croisette" pas les bras!

Affiche du festival
"Traces et reflets": une ligne éditoriale bien singulière pour cette édition qui démarre le 19 Novembre dans la cité du mouvement "cinématographique", mais aussi cinétique et kinésiologique à cette occasion!
On connait la connivence qui lie le travail de Frédéric Flamand, son directeur artistique avec l'art vidéo, les nouvelles technologies, l'image...Traces de danse, signes, mémoire vivante, autant de pistes de recherche pour lui, prétexte à nous fournir une programmation éclectique, mais non moins savante et érudite, tout en restant "grand public" et accessible: ceci est de la danse contemporaine aux multiples facettes, kaléidoscope merveilleux d'une discipline qui "bouge", réfléchit ses propres pratiques et nous livre du rêve autant que de la réalité!Au programme donc, et sans être exhaustif, Jonah Bokaer et les vidéos de Irit Batsry, Shen Wei Dance Arts compagny, avec "Rite of spring", Victor Hugo Pontes à découvrir, Marie Chouinard, l'iconoclaste chorégraphe canadienne, irrévérencieuse à souhait...
Michel Kéléménis, le Ballet de Marseille avec "Titanic", Système Castafiore, Virgilio Siéni, Sharon Fridman et Anne Teresa De Keersmaeker pour "Rosas et Ictus" et pour terminer en feu d'artifice "Robot" de La furieuse Blanca Li!
 WWW;festivaldedanse-cannes.com
Robot de Blanca Li


Pour mémoire:
Créé en 1984 par la Ville de Cannes, le Festival de Danse compte incontestablement parmi les plus grands festivals internationaux.
La création de ce Festival s’inscrit dans une relation historique de la Ville de Cannes avec le monde de la Danse grâce notamment à la dynamique suscitée par l’ouverture du Centre de Danse International Rosella Hightower en 1961.
Depuis 1993, au rythme d’une biennale, la manifestation a su trouver son identité, s’appuyant sur de nombreuses créations, résolument axée sur la danse contemporaine et présentant non seulement les nouveaux talents de la scène chorégraphique que le travail de grandes compagnies internationales.
Depuis 2011, la direction artistique du Festival de Danse est confiée à Frédéric Flamand, chorégraphe et directeur du Ballet National de Marseille.  Sur la thématique des « Nouvelles Mythologies » en 2011 puis « Traces et Reflets » en 2013, celui-ci façonne un programme qui rend compte des multiples sensibilités créatives et témoigne de l’évolution stylistique et technique de la scène chorégraphique internationale  contemporaine.
Robot de Blanca Li

« Sur le corps, on trouve le stigmate des événements passés, tout comme de lui naissent les désirs, les défaillances, et les erreurs ; en lui aussi ils se nouent et soudain s’expriment, mais en lui aussi ils se dénouent, entrent en lutte, s’effacent les uns les autres et poursuivent leur insurmontable conflit.  Le corps : surface d’inscription des événements… » - Michel Foucault « Dits et écrits » Gallimard 1994
TRACES / REFLETS
En 2011, j’ai proposé pour le Festival de Danse de Cannes une thématique : les nouvelles mythologies – ou comment les mythes anciens traversent notre monde contemporain avec l'émergence des nouvelles technologies et la prédominance de l’image.  C’était aussi l’occasion de réfléchir, à partir d’écritures chorégraphiques très diversifiées, à ce qui est spécifiquement humain, à la danse en tant que réappropriation du corps à un moment où les repères identitaires suivent la mutation de l’organisation de l’espace.
En prolongation de cette thématique, et pour affiner le propos, j’ai souhaité pour cette édition 2013 explorer la notion de Traces et Reflets.
Des correspondances dans diverses démarches chorégraphiques mettent en avant la notion de traces : traces d’un corps mémoire toujours présent mais aussi traces d’un corps en mouvement qui crée une calligraphie sensible, intérieure, une cartographie nouvelle, au-delà des notions d’archivage ou de notation de la danse, pour déceler comment chaque trace intime, par le biais de l’exploration des pulsions du corps, peut rencontrer l’écoute et l’entendement de l’autre.

Cette recherche est mise en avant dans plusieurs spectacles du festival : Shen Wei crée un labyrinthe de lignes de fuites tracées au sol - Marie Chouinard rejoint Henri Michaux pour une danse très écrite en écho aux dessins du grand artiste dans un cosmos fiévreux - Anne Teresa de Keersmaeker nous propose une partition éblouissante avec des tracés au sol qui entraînent les danseurs dans un vertige tout en spirale - Victor Hugo Pontes propose à partir d’un ancrage au sol unique, celui d’un tapis volant figé, une chorégraphie de dissonances, d’apparitions et disparitions – Virgilio Sieni s’inspire du De Anima d’Aristote et fait resurgir entre humour et mélancolie toute une mémoire transfigurée des personnages de Tiepolo ou des arlequins de Picasso.
Nous vivons aujourd’hui dans un grand théâtre des apparences où le corps est souvent confronté à son « reflet » ; comme le dit le philosophe Michel Bernard, : « la réalité du corps est façonnée par nos fantasmes inconscients qui sont eux-mêmes le reflet des mythes forgés par notre société ».
D’autres types de reflets interpellent notre regard et notre sensibilité : reflets d’autres disciplines qui entrent en interaction avec la danse chez de nombreux créateurs :
Jonah Bokaer dont la chorégraphie s’intègre au multimédia, réalisé par Irit Batsry et interroge de manière inattendue le Mépris de Godard – Système Castafiore nous entraîne dans une fiction fantasmagorique où images vidéo et mouvements imposent une nouvelle mythologie – En ce qui me concerne, je remonte aux origines de mon travail sur les rapports danse/architecture dans une interrogation sur le mythe du progrès - Blanca Li nous offre un spectacle décalé avec 8 robots avec la complicité d’un collectif d’artistes japonais et se penche sur les rapports Homme / Machine plus que jamais présents dans notre société – Michel Kelemenis nous parle d’un dialogue entre l’homme et l’éternité avec en filigrane un film envoûtant sur l’oasis de Siwa en Egypte – Martin Harriague nous offre une création pour le festival, une odyssée explosive et sensuelle – enfin, Sharon Fridman nous entraîne dans une danse fulgurante dans des « espèces d’espaces » à la Perec, en continuelle métamorphose, où le corps reste l’élément dominant.
A partir de l’expérience du mouvement et de sa composition, les danseurs et chorégraphes de cette édition 2013 ne manqueront certainement pas de relancer les questionnements sur les rapports corps / mémoire dans le monde contemporain.
En conclusion, une très belle citation de Dotremont : « …C’est le corps qui se lance à sa propre poursuite pour se reprendre, cueillir à toute allure et comme il peut ses forces qui se répandent, qui s’émiettent, les ressaisir fuite après fuite, bribe après bribe, refaire son unité perdue, se reconstituer à mesure qu’il s’écoule, se perd, rattraper son éparpillement, et de la sorte mettant au monde l’espace ».
Frédéric Flamand,
Directeur Artistique